Après avoir démenti, Jouyet dit avoir bien dit ce que Fillon lui a dit, mais Fillon dit ne pas avoir dit ce que Jouyet dit qu’il a dit ! C’est clair ?
Et que dit Jouyet que Fillon lui a dit ? Que l’Élysée frappe vite et fort dans les affaires que traîne Sarkozy ! Et qu’a fait l’Élysée ? Rien. Une affaire d’état ? Pschitttt… comme aurait dit Chirac.
Reprenons. Les Bob Woodward et Carl Bernstein du Monde, Davet et Lhomme, révélent que Fillon, lors d’un discret déjeuner, en Juin 2014, avec Jean-Pierre Jouyet, aurait demandé au secrétaire général d’activer le Parquet pour accélérer les procédures et bloquer le retour de Sarkozy. Ce faisant, ils réussissent l’exploit de griller leur gorge profonde et de rater complétement le lancement de leur livre « Sarko s’est tuer » !
Trop forts, les duettistes.
Passons sur les faux-culs qui crient à la connivence UMP-PS parce qu’un ex-premier ministre déjeune avec le secrétaire général de la présidence. Mélenchon lui-même a expliqué que l’on peut discuter entre personnes de bords opposés sans être complices (on le voit d’ailleurs dans un documentaire de 2011, où il s’en prend à Le Foll, PS, dans les couloirs du Parlement européen, discuter aimablement avec Dati et même échanger avec la Le Pen).
Les propos que Jouyet prête à Fillon ne sont pas invraisemblables, si j’en crois l’extrait publié par L’OBS (06/11/2014). « Devant un Jean-Pierre Jouyet ébahi, François Fillon n’a pas de mots assez durs pour l’ex-chef d’état. Il se montre particulièrement sévère s’agissant des pénalités remboursées par l’UMP en lieu et place de Nicolas Sarkozy, sanctionné pour avoir dépassé le plafond de ses dépenses de campagne en 2012. “Jean-Pierre, c’est de l’abus de bien social, c’est une faute personnelle, l’UMP n’avait pas à payer.” » Et d’encourager l’Élysée à user de son autorité sur le Parquet pour accélérer les procédures visant son ex-patron !
Or, fidêle en cela aux engagements pris de ne plus instrumentaliser le Parquet, comme du temps où Courroye allait chercher ses ordres au château, la Présidence n’a rien fait. Où est donc l’affaire d’état ?
Mais, en revanche, et avec Fillon, on peut s’interroger sur la passivité du Ministère public dans ce que la Justice a qualifié d’abus de confiance, ce paiement indu de pénalités personnelles par un parti politique qui pouvait relever d’une citation directe immédiate. Car qu’y-a-t-il donc à instruire, si ce n’est à vérifier l’origine du paiement ? Comme le notent Davet et Lhomme, l’interprétation de l’article L52-15 du Code électoral ne souffre pas la moindre contestation : c’est bien le candidat qui est tenu de verser au Trésor public une somme égale au montant du dépassement. Passivité que l’on n’osera qualifier.
Car Sarkozy, l’affaire Bismuth l’a prouvé si besoin était, bénéficie de relais complaisants au sein de l’appareil judiciaire – n’a-t-il pas cyniquement clamé qu’il n’avait pas besoin de s’adresser à Azibert, puisque J.C. Marin lui devait sa nomination comme procureur général auprès de la Cour de Cassation ! – et de l’appareil policier.
Encore une anomalie (voir le lien plus bas)
Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont été obligés d’en convenir eux-mêmes, dans La nouvelle édition : le bouze, fortement activé par les sarkozystes sur cet incident, aboutit à renforcer le discours victimaire de leur champion.
Et leur livre qui met en relief ce mélange singulier de Silvio Berlusconi et de Gaston Lagaffe qu’est Nicolas Sarkozy, devient une torpille anti-Fillon et anti-Jouyet, mais surtout une arme de plus pour le F-Haine.
Et risque donc de rater sa cible.
L. M. Hoarau signe un réquisitoire sévère envers les deux journalistes du Monde qui ont grillé allègrement leur source.
En complément, cet article signé d'un rédacteur en chef du Canard Enchaîné qui dénonce sévèrement le procédé des deux investigateurs consistant à livrer leur source en pâture. Ce faisant, il est probable qu'ils vont tarir les leurs propres ou n'auront plus que des filets de confidences de seconde ou troisième main.
Mais, comme le souligne Hoarau, cette pratique risque aussi de tarir celles de leurs confrères.
Et à quoi peut servir une belle loi - que les sarko-boys se faisaient un devoir de violer - sur la protection des sources des journalistes, si ce sont eux-mêmes qui les trahissent.
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