De profundis circonflexus ?
Ô Muse prête ta lyre à Pascal Praud et consorts, lancés dans un des combats des plus fameux qui se déroule sous nos cieux : la disparition de l’accent circonflexe !
En effet, ce grand journaliste sportif, se lance dans un sport de combat très pratiqué dans l’hexagone : la lutte contre toute retouche, fût-elle minime, de l’orthographe !
Kôlôssâle finesse que ce chomage qui ne baisserait pas plus s’il avait perdu son accent inutile ! D'autant plus Kôlôssâle que le o n'est pas concerné !
Aussitôt le chœur des rétropenseurs se déchaine !
Et à lire les réactions on constate que la microcéphalie a fait des ravages bien avant le virus Zika.
Un appel martial à la mobilisation générale est lancé par un grand défenseur de la langue française qui a choisi un pseudo anglo-saxon et qui s’emmêle dans ses majuscules (marseillais, Chti).
Madame Parisot donne dans une sobriété très Sully-Prudhommesque : « Le vase où meurt cette verveine/D'un coup d'éventail fut fêlé » ; pour elle c’est sa douce âme qui est fêlée ; âme qui, cependant, gardera son accent !
Passons sur le brave garçon qui n’ayant rien lu a peur que l’on confonde sur et sûr !
Dans le même style de stupidité on a la touitteuse qui redoute que l’on confonde dû et du sauf que comme sûr l’accent est maintenu.
Ne passons pas, en revanche, sur ce gâs de la marine qui révèle ses tendances pédophiles ! Et comme le prédécesseur il n’a pas lu le texte qu’il attaque sottement.
Subtilement un autre réussit à rapprocher l’accent prétendument exclu avec des migrants reconduits à la frontière (humour de droite ?), sauf qu’il met en cause le pôv Finkie qui n’y est, du coup, strictement pour rien !
Outre que le texte académique – au sens propre – ne prévoit pas la suppression de ce vénérable accent pondre un # en anglais de bazar pour le défendre est cocasse.
Là on va atteindre le sublime ! le Môsieu, dont la réflexion sur la langue doit tendre asymptotiquement vers le zéro, nous annonce le commencement de la fin : l’anarchie nous menace, comme les chars soviétiques en 1981!
Ce semi-lettré qui n’a pas dû lire une ligne du paragraphe sur ce fameux accent, donne dans la même veine catastrophiste. Un seul accent vous manque et la langue est ravagée !
Là, avec nos deux ripoublicains, on atteint le sommet de l’abjection qu’on frôlait avec la comparaison avec les migrants : « Je suis Charlie », détourné par ces deux gaillards qui récitent visiblement des éléments de langage*, c’est assez indigne.
On peut noter au passage que notre grand journaliste sportif n’hésite pas à relayer de grands défenseurs non seulement de l’accent prétendument menacé, mais aussi de la nation qui ne l’est pas moins ! Qu'il reçoive leurs messages, soit, mais qu'il les reprenne à son compte montre que les préventions à l'encontre du FN ont disparu, en tout cas les siennes, s'il en a jamais eu !
Le mur du çon cher au Canard est pulvérisé par ce personnage (qui a quand même oublié de fustiger la fossoyeuse du latin, du grec et du français, la remplaçante de Madame Taubira comme tête de turc de la droite et de l’extrême-droite, Madame Najat Valaud-Belkacem, mais c’est implicite).
L’immortel auteur des Rois maudits, l’ex Ministre de la Culture de Pompidou qui fustigeaient les directeurs de théâtres qui venaient avec la sébile dans une main et le cocktail molotov dans l’autre, doit se tordre de rire dans son tombeau de passer pour un fourrier de l’anarchie ! Car c’est lui, Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie française, qui avait officiellement présenté le rapport sur les rectifications de l’orthographe, le 19 juin 1990 devant de Conseil supérieur de la langue française.
Ce texte publié au Journal Officiel de la République Française le 6/12/90 était en fait déjà applicable en principe depuis cette date.
Extraits du rapport concernant l'accent circonflexe.
Si M. Praud et ses émules s’étaient donné la peine d’aller LIRE le texte de l’Académie française, ils auraient pu, dans la partie concernant le fameux accent circonflexe, constater que la réforme est des plus timides. On conserve donc cet accent sur la a, e et o ! L’âme de Mâme Parisot (comme dirait Sarko) doit être rassurée. On ne le supprime que pour i et u, sauf dans les mots pris pour faux exemples par les supporters de Praud : jeûne, sûr, dû, etc. (et bien sûr dans les conjugaisons).
Je laisse la conclusion à M. Luc Cedelle.
* éléments de langage : la preuve en est donnée avec les deux frères (ennemis) de la côte Estrosi et Ciotti, unis dans la sottise crasse !
Le Figaro mérite une mention spéciale dans l'ordre de la çonnerie qui est surpris par une réforme qui date de 1990 !
Les ripoublicains ont donc foncé à l'assaut. On trouve aussi, bien sûr, Brighelli et le SNALC. Et, à l'extrême droite, le groupusculaire syndicat étudiant UNI qui trouve le moyen de faire deux fautes d'ortografe dans son communiqué.
A noter que Mme Valaud-Belkacem, à qui s'en prennent les imbéciles d'UNI, avait 13 ans quand ces rectifications de l'orthographe ont été adoptées, non pas par le Ministère de l'Education nationale qui n'a pas pouvoir en la matière, mais par le Conseil supérieur de la langue française.
Tiré des Décodeurs du Monde
Cerise sur le gâteau, Florian PHILIPPOT, le faraud du FHaine, qui croit subtil de faire une belle phrase avec pas moins de quatre ^ qui, tous les quatre, restent, démontrant, si besoin était, qu'il n'a pas lu une demie ligne du texte qu'il attaque bêtement.
Rassurons Estrosi, Ciotti, Brighelli, Philippot et les autres : le mot ÂNE garde bien son accent circonflexe !
En complément :
A lire Du génie françois et de la querelle du tilde circonflexe
Extrait
"Pour un tilde circumflexe, un trait d’union, et de menus changements, ce sont les troubles de religion que l’on déclenche. Et l’on invoque, contre tout sens commun, l’histoire, les racines, Dieu, Mont-joie et saint Denis. Pour une Pipistrelle devenue chauvesouris et une feuille de lotus, grimée en nénufar, on crie à Valmy, à la Patrie en danger, à la ligne Maginot."
Johan HUFNAGEL
Extrait
"La bataille de l’orthographe est donc relancée, mais de façon particulièrement dérisoire. Quel tintamarre en effet! Toutes les oies de la capitale criaillent, comme si les barbares étaient dans nos murs, qu'ils menaçaient d’égorger les enfants, de violer les femmes, de mettre le feu à notre civilisation. Les vaches sacrées meuglent à fendre l’âme de la France, tel l’académicien Jean d’Ormesson qui dénonce une réforme de l’orthographe, pourtant validée il y a plus de vingt ans par l’Académie française à laquelle il appartenait déjà, ce qui devrait être une sérieuse garantie d’immobilisme. Ça n’empêche pas "Jean d’O" de faire rouler des yeux bleus du tonnerre et des imprécations éclairs : « On ne réforme pas l’orthographe quand il y a des paysans qui se suicident », a-t-il tonné sur RTL. Pardon, Saint Jean Bouche d’OOOOOR, mais qu’est-ce que cette tragédie sociale de la paysannerie a à voir avec l'orthographe ? Rien, cela va de soi. Les agriculteurs en souffrance servent juste à D'Ormesson d'effets de manche - ou de mouchoir - pour régler d’autres comptes, mener d’autres combats!"
Nicolas Domenach
L'Académie française UNANIME
Grave ou circonflexe
Voici une bonne polémique comme la Frrrrâââânce éternelle en a le secret !
L’académie française (repaire de gauchistes comme chacun sait...) a voté il y a 25 ans en 1990 une "orthographe rectifiée". Le bulletin officiel spécial de l’Education nationale n°11 du 26 novembre dernier (celui où sont publiés les nouveaux programmes) rappelle (pages 23, 114 et 236) que “L’enseignement de l’orthographe a pour référence les rectifications orthographiques publiées par le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990.”. TF1 dans un texte sur son site (le 03/02/16) puis un reportage présente comme un scoop le fait que les manuels scolaires vont devoir enfin en tenir compte et porter un macaron portant la mention "Nouvelle orthographe". Il semblerait que des éditeurs de manuels, en mal de publicité et dans des stratégies de concurrence, aient communiqué sur ce fait comme le souligne Marie Estelle Pech dans Le Figaro du Vendredi 5 février : “Comment faire parler de soi à peu de frais lorsqu’on est un éditeur de manuel scolaire en quête de ventes ? Promettre que la « réforme de l’orthographe » sera appliquée dès la prochaine rentrée dans tous les manuels de primaire…”. En fait, c’est en principe déjà le cas depuis 2008 (même si c’était plus discret et que tous les manuels ne le faisaient pas). Notons par ailleurs que le nouveau socle commun et les nouveaux programmes de 2014-2015 ont eux-mêmes été rédigés en respectant ces recommandations orthographiques (et les Cahiers Pédagogiques l’appliquent aussi depuis longtemps !). Donc, si on résume, il n’y a rien de neuf et d’original dans cette information, ce qui est présenté comme une “réforme” (le mot qui fait peur aujourd’hui) est la continuité d’un processus engagé depuis 25 ans ! Mais tout le monde (ou presque) s’est engouffré dans ce pseudo buzz qui combine tous les ingrédients des polémiques actuelles notamment dans l’éducation : immédiateté, non vérification des sources et copiage circulaire, nostalgie, déploration, sentiment d’expertise de tous...
Si cette polémique est le résultat d’une stratégie marketing et d’une logique médiatique, elle a aussi un soubassement politique et idéologique. Très vite, on a vu sur les réseaux sociaux des hommes politiques et des syndicats de droite s’indigner contre cette “réforme” (pourtant initiée par Maurice Druon !) et fustiger la “baisse du niveau”, le “nivèlement par le bas” et la politique égalitariste et laxiste de la Ministre (qui devait être elle même à l’école primaire en 1990) parce que l’on rectifie l’orthographe de 2000 mots et qu’on supprime quelques accents circonflexes. On retrouve des ingrédients déjà présents dans la composition de la polémique autour du latin : défense de la “Culture éternelle” forcément menacée, référence à l’élitisme républicain, déploration, attaque contre des experts jugés irresponsables et méconnaissant le terrain. Michel Lussault, président du Conseil Supérieur des Programmes interviewé par Sandrine Chesnel de L’Express y voit clairement une manipulation politique et déclare “Je suis très choqué de voir que des enseignants, des éducateurs, n’hésitent pas à falsifier la réalité en faisant un rapprochement qui n’a pas lieu d’être avec la réforme du collège. Chacun a le droit de critiquer l’action du ministère, mais cette critique ne peut pas reposer sur des mensonges éhontés. ”. Plus largement, cette polémique sert aussi de révélateur à tout un tas de rancœurs exprimées de manière de plus en violente et excessive. Et on a même l’impression que la Ministre semble désormais catalyser sur sa personne les haines qui étaient jusque là concentrées sur Christiane Taubira...
Le cabinet de la Ministre devant l’emballement a aussi été obligé de produire un communiqué. A moins que la manipulation politique et médiatique l’emporte, on peut espérer que le soufflé retombe aussi vite qu’il est monté. Heureusement, à côté des articles et reportages télévisés surfant sur la nostalgie on a vu très vite apparaitre (sans ^) des articles faisant un vrai travail d’investigation et de mise en contexte et dégonflant le buzz et les fausses rumeurs. Ainsi, c’est le cas, d’un article de la rubrique “Les Décodeurs sur le site du Monde ou encore une intervention sur Europe1 ou on parle de “ tempête dans un verre d’eau”. Plus surprenant, le titre de Marianne : “Quand Twitter s’excite pour rien” . Signalons aussi le texte de Louise Tourret sur Slate.fr ainsi qu’un billet du blog Charivari à l’école “J’enseigne en nouvelle orthographe et... tout va bien. ” et pour finir on peut aller lire le texte plein d’humour et d’ironie de Johan Hufnagel dans Libération . Je vous le laisse découvrir, un pur régal.
Pour nous résumer, ce qui se passe depuis trois jours est le produit d’une double logique. D’abord une logique de marketing : certains éditeurs de manuels scolaires ont décidé de communiquer là dessus pour relancer un peu de publicité et surtout reconquérir des parts de marché en mettant en difficulté ceux qui ne voulaient pas appliquer ces recommandations. Ensuite une logique médiatique. TF1 a construit de A à Z le " buzz" autour de cette info en prospérant sur terreau très fertile de la nostalgie et de la déploration (" tout fout le camp, ma bonne dame, même les accents circonflexes !”) et tous les journaux et les réseaux sociaux s’y sont engouffrés.
Débat classique dans l’éducation aux médias : si on peut rétorquer que dès l’instant où c’est en débat dans l’opinion il faut que la presse en parle, on peut aussi considérer que les journalistes ont une responsabilité dans le choix de ce qu’ils mettent à l’agenda ou pas et dans la hiérarchie de l’information…
On aurait pu se dispenser de tomber dans ce double piège et éviter de s’exciter sur le circonflexe pour mettre l’accent sur des difficultés plus aigües et des causes bien plus graves...
P. Watrelot
Revue de presse du CRAP Cahiers pédagogiques