Francisco Nicolás Gómez-Iglesias, el pequeño Nicolás, n’a pas pour copains Alcestes, Clotario ou Rufo, ni Luisita, mais Felipe (VI), José Maria (Aznar), Esperanza (Aguirre) ou Ana (Botella), sans oublier des hommes d’affaires ou des dirigeants syndicaux. Certes, il a un peu gonflé son CV, se faisant passer pour un conseiller de la vice-présidente du gouvernement ou bien encore pour un James Bond junior, membre du Centro Nacional de Inteligencia (CNI). Il n’a cependant usurpé aucune identité. Et s’il est accusé d’escroquerie – il aurait soulagé un agent immobilier de 25 000 € en se présentant comme intermédiaire dans une transaction – la victime n’aurait pas porté plainte.
« Francisco Nicolas Gomez-Iglesias, 20 ans, a dupé les plus grands en Espagne, façon Christophe Rocancourt, dont il est le fils spirituel. » écrit Le Figaro un des seuls en France à se faire l’écho des aventures du petit Nicolas ibérique. Quand il est arrêté et inculpé d’usurpation de fonctions officielles, à la mi-octobre personne ne sait réellement d’où sort ce jeune homme d’aspect quasi enfantin, bien sapé et de verbe agile qui se meut dans les cercles du Parti Popular (PP) madrilène comme un poisson dans l’eau. La presse espagnole découvre donc que cet étudiant d’une prestigieuse et coûteuse école supérieure de commerce, se retrouve sur des photos avec des chefs d’entreprises, des femmes et hommes politiques. Photos dont ils se servaient ensuite pour accréditer son influence supposée. Il serait tombé pour avoir voulu soutirer 25 000 malheureux euros, se faisant passer pour un conseiller de Soraya Sáenz de Santamaría, Vice-présidente du gouvernement et pour membre du CNI, et prétendant pouvoir servir d’intermédiaire pour la vente d’une propriété à Tolède. Il aurait aussi demandé de l’argent à un avocat de Jordi Pujol, ex-homme fort de Catalogne, en délicatesse avec la Justice, en promettant, en tant qu’agent du CNI, d’améliorer sa situation juridique. Petites escroqueries mais qui, si elles sont avérées, sont révélatrices du climat qui règne en Espagne.
Mais jusqu’à cette inculpation, Fran, comme on l’appelait chez les jeunes du PP avait donc bâti son tissu de mensonges assez mégalos. Selon la police, il se déplaçait dans des voitures haut de gamme, parfois avec chauffeur, pour donner plus de crédibilité à ses affabulations. Quand la police a perquisitionné son domicile, elle a trouvé de faux rapports du CNI, de fausses autorisations pour faire entrer des voitures au Palais de la Moncloa, siège du gouvernement, une sirène et un gyrophare de police pour se sortir des embouteillages, et, plus mystérieux, d’authentiques plaques de garde civil et de policier municipal, dont, d’après le juge, leurs propriétaires officiels lui auraient fait cadeau !
Il est cependant difficile de comprendre, avoue la juge, comment un garçon aussi jeune, qui n’a pour lui que d’être beau parleur, a pu se trouver dans des conférences, réunions et lieux dont l’accès est en principe strictement contrôlé. Sa page fessebouqueu, comme dirait la marionnette de Bayrou, est digne d’un fan du PP, puisqu’il s’expose aux côtés de personnalités comme Esperanza Aguirre, José María Aznar ou Ana Botella ; mais on le voit aussi avec des hommes d’affaires comme Juan Miguel Villar Mir. Mais le clou, le chef d’œuvre même est bien sûr sa présence au couronnement de Felipe VI où on le voit toucher la main du nouveau roi et de son épouse ! S’introduire aussi dans le carré VIP du stade Bernabeu – pour les ignorants le stade du Real Madrid – est un exploit quasi aussi difficile.
Francisco Nicolás Gómez Iglesias avec Ana Rosa Quintana (présentatrice TV) et Esperanza Aguirre
De grandes zones d’ombre planent sur ce cas, propices aux meilleures théories du complot. Outre donc des véhicules hauts de gamme, des vrais plaques policières, le jeune étudiant recevait dans une villa luxueuse, appartenant à Kyril de Bulgarie et loué à un constructeur qui l’aurait recruté pour un travail de relations publiques. Lieu rêvé pour y réaliser des opérations avec des hommes d’affaires.
Il semble avoir été capable de décrire avec précision le siège du CNI. Il aurait été escorté, dans un voyage, par deux policiers de la ville de Madrid, en service. Et, dans ce prétendu rôle d’agent du CNI, et de quasi ami du roi, il a tenté de convaincre un représentant de l’association Manos Limpias (mains propres) de retirer la plainte contre l’infante Christine (son époux est impliqué dans une grosse affaire d’escroquerie dont elle prétend tout ignorer). Démarche pour le moins incongrue.
Ici au côté de Miguel Arias Cañete à l'époque Ministre de l'agriculture
Or, il se pourrait bien que notre petit Nicolás soit le petit fils d’un certain Vicente Gómez Iglesias, ex-capitaine de la Guardia Civil et qui fut inculpé et condamné en 1981 pour avoir participé au coup d’état du 23 Février où il faisait la liaison entre le lieutenant colonel Tejero et le CESID (Centro Superior de Información de la Defensa).
D’où l’hypothèse d’une aide extérieure, venant du corps auquel avait appartenu le grand-père ! Car aussi intelligent soit-il et aussi bonne soit sa photocopieuse, pour pouvoir fabriquer de faux laisser-passer, il lui fallait posséder un modèle fiable. Et qui pouvait lui fournir sinon celui ou ceux qui lui avai(en)t donné une plaque authentique de la Guardia civil ? sans oublier le gyrophare, modèle utilisé par les membres du fameux CNI, pour se reconnaître entre eux, en mission.
Pour un commentateur, l’histoire de cet habile Nicolás est un peu la métaphore de l’Espagne actuelle. Simplement en portant beau, et en se la jouant important, un gamin de 20 ans arrive à côtoyer les plus hautes sphères de la société et couronne, si l’on ose dire, cette carrière en participant au couronnement du roi ! Il n’y a que dans un pays de gogos* qu’une telle fable peut se produire. Un gamin s’incruste dans un parti politique, si bien que tous le connaissent sans qu’aucun ne sache qui il est. Et, à partir de là, il peut bâtir un scénario tel que des hommes d’affaires ou des avocats puissent le prendre au sérieux. A 20 ans déjà super champion de la duperie : quel dommage que cette carrière météorique ait été interrompue !
* Mais comme parti de gogos que dire de l'UMP qui va s'offrir au petit Nicolas et compte deux jeunes bluffeurs comme Guillaume Peltier et Geoffroy Didier à peu près aussi crédibles que Francisco Nicolás Gómez-Iglesias.
Le Monde du 17 avril 2015 (re)découvre notre En Espagne, l’énigme du « petit Nicolas », imposteur ou génie de la politique
Les touitteurs s'en sont donnés à coeur joie pour loger el pequeño Nicolás dans tous les grands moments contemporains ou historiques. Ces deux images n'en donnent qu'un aperçu.
Pour les hispanophones, deux vidéos.
La 1ère montre que le petit Nicolás était assez précoce dans l'art de se mettre en scène.
La seconde est tirée d'une émission populaire de la 6 (sexta !) espagnole avec un présentateur comique, surnommé Wyoming, qui doit être payé au mot, vue la vitesse du débit.
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