Découvrir un photographe suédois grâce au supplément dominical d’El País… « Bienvenidos al Café Lehmitz por Anders Petersen » : ce titre introduisait une dizaine de photos en noir et blanc, prises entre 1967 et 1970, dans ce café d’Hambourg.
Né à Stockholm en 1944, Anders Peterson, à l’âge de 17 ans, part à Hambourg, en principe pour perfectionner son allemand. Il y découvrira surtout une vie nocturne où il croise prostituées de tout âge, alcooliques, toxicos, marlous…
Qu’a-t-il fait jusqu’en 1966, année où il rencontre le photographe Christer Strömholm dont il devient l’élève, la biographie sur son propre site ne le dit pas.
Café Lehmitz est une œuvre généreuse d’humanité partagée.
Mais de 1967 à 1970, il va se consacrer à ce fameux Café LEHMITZ. Il y aurait oublié son appareil photo et, revenant le chercher, aurait découvert des clients se prenant en photo les uns les autres ; il leur aurait donc demandé de pouvoir les photographier. Le décor – juke-box, flipper, grand bar, alignement de tables, boxes vers le fond – montre un immense établissement. On y danse parfois, des bagarres s’esquissent, une prostituée un peu pompette sans doute s’y exhibe, une autre se fait trousser par un client ; on prend la pose ou on oublie le photographe. Alberto Garcia-Felix y voit un « voyage au bout de la nuit », mais sans le pessimisme de Céline.
« Pour bien photographier, il faut avoir un pied dedans et un pied dehors. Mon problème, c’est que je finis toujours avec les deux pieds dedans ! », confiait-il. Mais c’est ce qui fait la force de son travail, puisqu’il prend le temps de s’imprégner de l’ambiance et de s’intéresser aux cabossés de la vie qui peuplent le Café Lehmitz.
« J’aime regarder. Je voudrais avoir le regard innocent d’un enfant et voir le monde pour la première fois. J’ai remarqué que je ressens de plus en plus le désir d’être primitif, semblable à un chien. Quelqu’un qui photographierait ses expériences et ses souvenirs à la lisière de l’identité, avant qu’ils ne se compliquent. Il faut comprendre qu’on trouve plus de vitamines créatives en fouillant dans la terre qu’en côtoyant les anges dans le ciel. D’habitude je ne prends pas de photographies à la recherche de la réalité. La réalité est surévaluée et signifie tant de choses merveilleuses et contradictoires. Mais à l’évidence, j’aime cette confusion. C’est une sorte de plate-forme qui permet de se sentir bien à l’intérieur et j’ai remarqué que ça aide, un peu, d’être petit et timide. La photographie ne traite jamais de la photographie, mais parfois elle effleure votre réalité. Je crois en ce que je ressens, et en l’illuminant à travers soi, cela peut parfois être un moyen de fixer la vie avec autant de proximité qu’un autoportrait. Jamais sans risque, absolument stimulant. Pour moi, il y a des rencontres qui ont de l’importance, les images en ont moins. Il suffit de trouver son propre équilibre, sans être sentimental et sans disparaître lors de ces rencontres et ces aventures amoureuses. Il faut avoir un pied dans la situation, mais garder l’autre au-dehors. Alors je continue à poser les mêmes questions, sans manières en sachant qu’il y a plus de caché que de visible. Toujours étonné par l’imprévisible. »
Anders Petersen – source : Les rencontres d'Arles