Ne boudons pas notre plaisir. Entendre les sarkozystes pur sucre – Wauquiez, Woerth, Estrosi et les autres – dire tout le mal qu’il faut de celui que leur idole avait choisi comme maître à penser est assez jouissif. Entendre Sarkozy lui-même se plaindre de la trahison de son gourou oubliant Pasqua ou Chirac qu’il a lui-même joyeusement trahis est jubilatoire. Et lire les propos peu amènes de l’oracle des Sables-d’Olonne sur celui qui l’a engraissé quelques années est un vrai régal.
Faut-il d’abord rappeler aux sarkozystes qui, avec une unanimité troublante, disent tout le mal qu’il faut penser de ce traître et de son livre médiocre, qu’il fut le maître à penser de leur leader de 2005 jusqu’à l’affaire du dictaphone en 2014 et qu’il a plus que contribué à décomplexer son discours ? Alors, si ce judas est aussi minable, que penser de celui qui en a fait son conseiller privilégié ? Quel manque de discernement ! Car, Copé ne se fait pas faute de le rappeler pour s’innocenter de Bygmalion, c’est le trio Buisson-Goudard-Giacometti qui pilotait la campagne présidentielle de 2012 et qui fit appel à Lavrilleux, le maquilleur obligé des comptes de campagne ! Et, devenu Président, Sarkozy a grassement payé ses conseils (1,5 million d’euros rien qu’en 2008).
Il peut chanter maintenant « J’ai réchauffé un serpent dans mon sein, j’ai réchauffé une vipère » et crier à la trahison après les révélations des enregistrements…
A l’inverse, comme le fait justement remarquer Nicolas Domenach, le félon se dévalorise lui-même quand il affirme aujourd’hui qu’il « n’a jamais été dupe du personnage, qui n’était pas son genre ». Et s’il vise juste quand il écrit que « Sarkozy n’a pas la moindre conviction, que son intérêt du moment et comme son intérêt change, il passe son temps à changer d’idées, en y mettant toute la force de ses sincérités successives ». Ou "Il a instrumentalisé le mal être identitaire des catégories populaires pour les replonger 5 ans plus tard dans une détresse plus grande encore", il oublie qu’il a servi cette girouette peu fiable pendant plus de dix ans.
Mais bouderait-on notre plaisir de le voir dénoncer son « narcissisme, son incontinence du moi… » prévoir que « ce ludion aux ray bans d’aviateur, ce trader court-termiste, ce nain politique, ce président selfie, » conduirait la droite à être « une nouvelle fois cocue s’il était réélu » et que « ce chef né pour cheffer est en réalité un fragile séducteur subjugué par ses conquêtes, un faux dur submergé par un état permanent de dépendance affective ».
Sous la plume d’un adversaire, ces propos, aussi justes fussent-ils sur le fond, seraient jugés comme relevant de la rhétorique polémiste. Ici, ce sont ceux de son gourou qui l’a côtoyé de 2005 à 2014.
Tous nuls, tous cons, sauf lui !
Les propos méprisants sur tous et chacun que Buisson met dans la bouche du mari de Carla Bruni sont d’autant plus vraisemblables qu’ils sont attestés par beaucoup. Ainsi Copé déclare que pour lui « On est tous des nuls, tous des cons, lui il sait tout… » (Le Monde 30/09/16)
Un vrai chamboule-tout bien mis en images par l’Huffington-Post :
C'était avant l'affaire du Sofitel et Sarko fait allusion à des affaires lilloises démontrant un espionnage de la vie privée à l'encontre d'un rival annoncé à l'époque.
Le pauvre Larcher a beau feindre de ne pas croire à ces propos, il sait bien qu'ils sont avérés.
Fillon, premier ministre, avait envisagé d'inaugurer une mosquée.
Si l'on en croit Sarko, sous ses apparences patelines, Bertrand serait un faux gentil !
Estrosi, le motodidacte, fidêle entre les fidêles, n'échappe pas aux sarcasmes !
Quant au petit Baroin, qui se rêve "collaborateur" dans un second mandat - autrement dit premier ministre - il a droit aussi au mépris du personnage.
Quant à l'éloge funèbre de Chirac, il est plus que prêt : Sarko a déjà mis la première pelletée sur le futur cercueil.
Ses petites saloperies ne sont quand même pas réservées qu'à ceux de son camp. Mais il est assez cocasse de voir Monsieur talonnettes se moquer des petites jambes de son vainqueur !
Emeutes en 2006
Mais l’accusation la plus grave concerne les émeutes qui ont accompagné les manifestations anti-CPE en 2006. Pour nuire à Villepin, Premier ministre et promoteur de ces CPE (Contrat première embauche), Sarkozy, Ministre de l’intérieur, a accompli une véritable forfaiture, à laquelle s’associe d’ailleurs Buisson : "Nous avions pris la décision de laisser les bandes de black et de beurs agresser les jeunes Blancs aux Invalides, tout en informant les photographes de Paris Match. Il était prévu que, dans un premier temps, les casseurs puissent s'ébrouer sans intervention de la police. L'émotion fut en effet à son comble, après la publication de photos dont l'opinion ne retiendrait qu'une chose: des hordes sauvages étaient entrées dans Paris". "Nous avions tremblé à l'idée qu'il puisse y avoir un blessé grave. Mais, au fond, ça valait la peine d'endurer pendant une demi-journée les sarcasmes des médias". Cynisme total, puisqu’ils envisageaient, sans vergogne, que leur laisser-faire puisse aboutir à des blessés graves.
Valeurs communes avec le FN
Fort habilement, Buisson se dédouane de lui avoir injecté des idées d'extrême-droite, en véritable sous-marin du FN, puisqu'il lui fait dire dès 2005 : « Les valeurs du Front national sont celles de tous les Français ; c’est la manière dont le FN les exprime qui est choquante. Les Français n’aiment pas les plats trop pimentés qui emportent la gueule. ». En 2007, il aurait demandé à un responsable de l'UMP de trouver les 50 signatures qui manquaient à J. M. Le Pen pour se présenter. Entre les deux tours, Sarkozy le charge de contacter Le Pen. Enfin, en 2012, quand Fillon affirmait que les valeurs du FN et de la droite républicaine étaient incompatibles, Sarkozy rétorquait « Qu’est-ce qu’il raconte, Fillon ? Bien sûr que nous avons des valeurs communes avec le FN » !
Buisson, le Maurassien, se méfie toutefois de son ex-poulain, malgré l’attirance pour les idées du FN qu’il lui prête : "Tout le pari de Sarkozy repose sur l’idée que l’électorat français de droite est toujours le plus bête du monde et aspire à le rester. Croire que, élu contre Marine Le Pen, avec comme premier ministre François Baroin, le déconstructeur de crèches*, Nicolas Sarkozy fera une politique de droite relève soit d’une insondable bêtise, soit d’une extrême candeur" (entretien à son ex-hebdo Valeurs actuelles).
Tout antipathique qu’il soit, il n’en reste pas moins que le portrait qu’il dresse de sarko, de sa "vulgarité", sa "prétention", son "inconstance" et son "inconsistance", ses "incohérences", ses "mensonges", son "mépris d’autrui", (cité par N. Domenach) est recoupé par tellement d’autres témoignages qu’il est plus que plausible.
* Baroin, un tant soit peu fidèle à la mémoire de son père ex Grand Maître d’une obédience maçonnique, en tant que Président de l'Association des maires de France, s’est prononcé contre l’érection de crèche de Noël dans les mairies.