Jusqu’à maintenant, sauf un « chapô » ou un commentaire final, j’ai publié les contributions de Gilbert comme elles me parvenaient.
Mais là, non ! Les divergences – pour employer un euphémisme – ne peuvent justifier, à mon sens bien sûr, des attaques personnelles outrancières et des mensonges délibérés. J’ai donc ajouté, au fil du texte quelques remarques et précisions. Le social-traître que je suis, mou comme il se doit, ne pousse cependant pas la complaisance jusqu’au masochisme.
I have a dream… Je crois être le seul participant au DeblogNotes à ne pas considérer Jean-Luc Mélenchon comme un velléitaire prétentieux, à côté de tant de nobles prétendants à l’Élysée. Pas haut peut-être, mais tout seul, je m’y recolle, après les « rodomontades de Méluche » signées Jean-François Launay. Ce vieil ami social-démocrate a contracté très jeune un strabisme convergent, qui a ôté de son champ de vision tout ce qui s’écarte du rocardisme primitif. Il faut aider les handicapés, même légers, et notre mot d’ordre est « solidarité ». [« strabisme », « handicapé », bien sûr, ça doit être de l’humour Front de gauche.]
Mélenchon n’est pas plus l’avatar de Georges Marchais que François Hollande n’est celui de Guy Mollet. Et Jérôme Cahuzac, avec sa modestie de Ministre des Finances du Lot-et-Garonne, n’est pas davantage l’épigone du génial DSK, que ses amis socialistes, si nombreux en avril 2011, encensaient avant de se barrer comme des rats quittant le Sofitel. S’il fallait un palmarès des Rodomont* de gauche (à droite, c’est fait !), on hésiterait entre le timide Manuel Valls, la douce Ségolène Royal ou la tendre Martine Aubry [un peu d’amalgame, vieille ficelle]. Mais, bon, il faut respecter ses amis de gauche, des fois qu’il y aurait des alliances entre les deux tours…
Qui est candidat ?
Traiter ses concurrents de fiers-à-bras ou de Matamores** (ignorons le sens propre du mot !) n’est pas la meilleure façon de se concilier des gens dont on pourrait avoir besoin. Au-dessus de 10 %, snober le titulaire devient de l’idiotie politique. Même à 5 %, on peut discuter… Et le camarade Hollande pourrait bien avoir besoin du Parti de Gauche, présidentielles et législatives incluses. Sinon, il devra se contenter du superbe accord avec EELV, et des scores fleuves de sa copine Éva.
Puisque le camarade Launay veut parler fric, allons-y ! Mais pas avant d’avoir rappelé que le secrétaire général du PCF, Pierre Laurent, n’est pas le candidat du Front de Gauche, alias Jean-Luc Rodomont. « Au-dessus de 30 000 €, je prends tout ! ». Qui a dit ça ? Personne ! [Sur le propre blog de J.L. Mélenchon est mis en ligne une vidéo d’un entretien dudit avec Aphatie où il dit « Il est prévu que tout ce qui sera au-dessus de 30 000 euros sera pris » et la vidéo ci-dessous dit la même chose] La référence au Georges Marchais des années 70, Rodomont authentique, et son « Au-dessus de 40 000 francs, j’prends tout ! », est donc fausse.
Deuxième observation préalable, je confirme que Pierre Laurent « n’est pas un orateur ». Quant à son père, méchamment cité (Qui est responsable de ses parents ?) et que j’ai personnellement connu, il avait en effet une « lente diction », mais un discours précis. [« méchamment cité » on frise le puéril, mais de fait pour le discours « précis » le fils a des progrès à faire]
Aphasique ou apathique ?
Donc, sur une mesure fiscale, Pierre Laurent se serait « emmêlé les pinceaux » à la radio. C’est vrai. Et alors ? En pleine émission « Mots Croisés » sur France 2, le vaniteux Jérôme Cahuzac se fait prendre en flag d’ignorance crasse quand Yves Calvi lui annonce la tranche au-dessus du million d’euros imposable à 75 %, que François Hollande vient de sortir de son sac sans prévenir ses copains. L’ami Launay l’a-t-il déblognoté [question stupide : lémédias, comme dit Schneidermann, ont suffisamment relevé le couac, ce qui n’est pas le cas pour Laurent] ? Tu me fais les archives, coco, et tu me sors un mémo…
Sur les taux d’imposition et la réforme fiscale, le programme du Front de Gauche indique des principes, pas des chiffres. La discussion sur les 360 000 euros annuels, par revenus individuels ou par foyer fiscal, est donc hors de propos. [c’est beau comme de l’antique : réécouter l’entretien de Laurent sur RTL permet de l’entendre – certes il n’est pas candidat, mais quand même secrétaire général du principal parti du FdG – parler des 360 000 euros, comme Mélenchon d’’ailleurs, voir plus haut, mais nier l’évidence est un vieux truc] Quant au spécialiste fiscaliste Jean-Michel Aphatie, dont la science financière s’arrête au casino de Biarritz, ses questions sont à son image : Rodomont avec les invités inexpérimentés, Sancho Pança avec ses employeurs. [aucune sympathie particulière pour Aphatie, mais ni le casino de Biarritz (?) ni ses employeurs n’ont grand-chose à voir avec une question tout-à-fait basique : part ou foyer]
Politiquement et juridiquement, cette querelle est byzantine. Une imposition à 100 % est un taux confiscatoire, et Jean-Luc Mélenchon ne l’a jamais proposé. Le lui attribuer relève donc de l’ignorance ou de la mauvaise foi. Pourquoi pas les deux ? [le mensonge délibéré poussé à ce point devient du grand art : « nous proposons de prendre tout au-dessus de 360 000 euros annuels » dit Laurent, Mélenchon promet à Ferrari de lui prendre 760 000 euros et il n’aurait jamais proposé un taux d’imposition à 100 % ?]
Enfin, je dois confesser que je n’ai rien à foutre des affres de spoliation de gens qui gagnent 30 000 euros par mois. S’ils ont tellement la trouille, qu’ils lancent une pétition ! Jean-François Launay demandera-t-il à François Hollande de la relayer ? [ce genre d’attaque ad hominem, sur un sujet dont on vient de nous expliquer – faussement – qu’il n’a jamais été porté par le candidat est absurde et ce n’était d’ailleurs pas le sujet de mon article]
Bienvenue à Canossa !
Quant aux propos sur le comportement de Mélenchon à l’égard de Cuba et de la Chine, ils sentent le rance. On n’est pas obligé de chanter laudes pour Fidel Castro en regrettant que le peuple cubain soit victime d’un embargo américain, inacceptable en droit international, et cependant ignoré par le PS. Il rejoint par là Benoît XVI, qui dit comme son prédécesseur polonais que Cuba doit s’ouvrir, mais omet de demander la clef à Obama.
Cette détestation constante d’une gauche successivement qualifiée de stalinienne, anti-européenne, nationaliste, protectionniste [où ai-je employé ces termes ? c’est au bateleur et aux bogôs que je m’attaque] et pour tout dire stupidement sectaire, risque de se heurter à la réalité. Celle d’un Front de Gauche crédité d’un score à deux chiffres fin avril, et dont les électeurs deviendraient d’un coup fréquentables, voire précieux. Je dois reconnaître que François Hollande, sauf ses bêtises anticommunistes à Londres, se garde d’invectiver ses concurrents de gauche [si le tribun avait pu s'inspirer de cette attitude, cette polémique n'aurait pas eu lieu]. Certains de ses soutiens médiatiques sont moins prudents. Ils devraient se calmer en regardant une carte d’Italie. Ils y verraient que Solferino n’est pas si loin de Canossa…
Gilbert Dubant
Petit rappel : faire de moi « un soutien médiatique » du candidat des primaires citoyennes me flatte, cependant je ne suis mandaté par personne et j’exprime toute l’antipathie que je ressens pour Mélenchon en dehors de toute considération tactique.
* RODOMONT Personnage du Roland furieux de l'Arioste ; son nom signifie « ronge-montagne ». Ce roi d'Alger, brave mais altier et bruyant, rejoint sur les scènes comiques la famille des capitans italiens, insolents, fanfarons et toujours prêts à se targuer d'exploits imaginaires. De là, l'utilisation du terme de rodomontades pour caractériser le comportement de ces guerroyeurs forts en parole et prompts à prendre peur.
**MATAMORE Personnage comique du théâtre espagnol qui a les caractéristiques du Capitan de la commedia dell'arte : hâbleur, fanfaron mais pleutre devant la moindre menace. Son nom signifie tueur de Maures ; ses origines peuvent remonter au théâtre latin, où on trouve déjà ce personnage sous les traits du miles gloriosus de Plaute. Corneille l'introduisit en France dans L'Illusion comique, et il fut assimilé par les Italiens aux côtés de Rodomont, Fracasse, Fierabras.
Ce vantard peureux est devenu un type, et le nom commun de matamore désigne ceux qui se glorifient d'exploits imaginaires (exemple "Je vais terroriser les agences de notation").