Ou « Les dernières nouvelles de demain » et même d’après-demain
Ou comment gâcher une idée qu’elle est bonne par amarrogance
L’idée donc, et qui faisait partie du programme du candidat élu, est d’unifier les régimes de retraites. La mettre en œuvre, deux ans après, après aussi avoir snobé tous les corps intermédiaires – syndicats bien sûr, mouvement associatif, élus locaux, etc. – après avoir subi le mouvement des gilets jaunes et avoir capitulé devant lui sans en tirer un quelconque avantage, le mettre en œuvre donc ce n’était pas de la tarte.
Mais promis, juré, les leçons ont été retenues, on va consulter, ne plus passer en force. Pour preuve, pour piloter l’affaire, on choisit un homme qui, pour avoir présidé le Conseil économique et social, ne peut avoir que le sens du social. Mais on a tenu la bride courte à Delevoye qui n’a jamais fait autre chose que consulter, pas véritablement négocier.
D’autant que pour négocier, il faut au moins être deux. Or, loin de s’appuyer sur la première organisation syndicale de France, la CFDT, convaincue pourtant de cette nécessaire unification, le pouvoir l’a négligée, méprisée. Ne parlons pas de dialoguer sérieusement avec l’UNSA et encore moins de tenter de remettre FO – mal assis sur ses deux fesses, celle de la négo à la Bergeron, celle de l’anarcho-trotskysme à la Hébert - dans le jeu, en lui donnant du « grain à moudre ».
Enfermé dans son amarrogance, le pouvoir n’a toujours pas compris que seules les concessions faites à l’issue de compromis négociés sont payantes.
Une négociation aboutie est un jeu gagnant-gagnant : le pouvoir y montre sa capacité de faire avancer une question et les syndicats celui de capitaliser – si ce terme ne choque pas – des avancées. Et les deux de proposer des solutions. Au lieu de ça, des milliards octroyés, des garanties accordées, des aménagements concédés ne sont vus que comme des signes de reculs.
Ce n’est plus du grain à moudre mais du carburant dans le moteur des syndicats jusqu’auboutistes.
Les réactions au topo de Philippe – je n’ai vu que celles sur France-télé-info – étaient d’une totale prévisibilité. Une cégétiste droite dans ses bottines n’a rien trouvé de bon : « Mais il a garanti la valeur du point » tente un journaliste « Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut la défaire ! » répond-elle, imperturbable. Là-dessus on a droit à Coquerel (FI) qui évidemment n’a rien trouvé de bon non plus, avant de passer à un syndicaliste policier, en pleine rue qui, bien que Philippe ait enfoncé un gros coin dans l’unification avec des aménagements au doux parfum de régimes spéciaux notamment pour les policiers, rejette tout. Là, j’ai abandonné pour vaquer à d’autres occupations que l’écoute de réactions si stéréotypées qu’elles en sont caricaturales.
Le scénario est lui aussi écrit d’avance.
La CGT et sa mouche du coche SUD vont continuer à se battre jusqu’à ce que le gouvernement, lui, batte en retraite par capitulation.
* Titre emprunté à l’excellent Philippe Watrelot.
Un insoumis et surtout un syndicat CGT (TUI France est un regroupement d'agences de voyages comme Nouvelles Frontières, Look, Marmara qui dépend d'un groupe allemand) ont retouitté l'annonce de l'article : il n'est pas sûr qu'ils l'ait lu
Un édito politique de Thomas Legrand qui tombe à pic
Réformateur, passer en force, ou réformiste, réformer avec.
Alors que la campagne présidentielle était de facture plutôt mendeso-rocardienne (réformiste), avec promesse de réforme des retraites d’inspiration CFDT, ce qui sera finalement proposée a changé de nature. En y ajoutant une mesure d’âge, Emmanuel Macron acte sa rupture politique avec la CFDT. Pourtant, le corps électoral, dans son ensemble avait fait preuve d’une certaine cohérence… même par défaut. Il avait élu un président réformiste, et placé un syndicat réformiste en tête. Logiquement ces deux-là devaient s’entendre pour enfin de réformer sans heurts. La mesure d’âge casse la logique de la réforme.
Mendès (réformiste) et de Gaulle (réformateur) ne se sont jamais entendu, sur le plan économique, sur les institutions ou la façon de gouverner. On ne peut donc pas se revendiquer des deux à la fois. Le choix (avec la bénédiction du président) de rompre avec le 1er syndicat de France, qui avait inspiré le projet pour les retraites, contredit l’idée selon laquelle la 2nde partie du quinquennat serait horizontale. Ce moment de vérité montre aussi les limites du ‘enmêmetemptisme’. Le Macronisme Mendès-de Gaulle de Macron ou de Gaulle-Mendès de Philippe risque de mécontenter les nostalgiques des deux. On ne peut pas prendre le meilleur des deux pour en faire un tout cohérent. Mais Emmanuel Macron, visiblement veut son brevet de réformateur à la française, c’est-à-dire, ayant triomphé de la rue.
Extraits (édito du 12/12/2019)
Pour compléter, un schéma des différents régimes de retraites et caisses complémentaires : à noter que l'AGIRC-ARCCO, gérée paritairement par le patronat et les syndicats, est une retraite à points !
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