La courageuse Zineb El Rhazaoui relaie sur touitteur un assez calamiteux article d’un Hadrien Mathoux, dans une Marianne, qui poursuit sa dérive laïcarde, de Dély en Polony. Il utilise les ficelles les plus usées de la polémique pour prétendre que l’Observatoire de la laïcité détricote la … laïcité. Il est vrai que ce Mathoux ne fait que marcher sur les brisées de Valls, à l’époque Premier ministre !
L’Observatoire de la laïcité a été sollicité pour donner un avis juridique sur le futur Service national universel (SNU). Son rapporteur, juriste, Nicolas Cadène, s’appuie donc évidemment sur les grands textes – Loi de 1905, Constitution, Déclaration universelles des Droits de l’Homme… – mais aussi sur toute la jurisprudence. Ainsi rappelle-t-il par exemple, ce qui indigne le polémiste, que « le Conseil d’Etat dans son étude du 19 décembre 2013, précise que « l’emploi par diverses sources et pour des finalités diverses, de la notion de ‘collaborateur’, ‘collaborateur occasionnel’ ou ‘participant’ ne dessine pas une catégorie juridique dont les membres seraient, entre autres, soumis à l’exigence de neutralité religieuse. » Citation reprise donc par M. Mathoux dans Marianne, mais en attribuant ces considérations, non pas au Conseil d’état, mais à l’Observatoire de la laïcité !
Procédé constant. Ainsi, l’étude rappelle une évidence : la loi du 15 mars 2004 dispose que, « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Dès lors, cette loi ne peut s’appliquer qu’aux « élèves des écoles, collèges et lycées publics ». Or le SNU doit, dans un premier temps, concerner tous les jeunes de 14-16 ans dont une partie est scolarisée dans l’enseignement privé – et marginalement scolarisée à domicile - donc non soumise à la loi de 2004. Elle rappelle aussi que les jeunes accueillis (qui viennent d’établissements scolaires publics et privés) dans les établissements fermés relevant de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ne sont pas soumis à un tel encadrement du port de signes religieux et de la manifestation d’opinions religieuses. Il n’écarte pas d’ailleurs la transposition des mesures de la loi de 2004 au SNU, mais précise que le législateur devra faire un nouveau texte pour imposer l’encadrement du port de signes religieux dans le cadre du séjour obligatoire de quinze jours d’internat de la première phase du SNU. Ce qui pour le polémiste est une « concession accordée à la laïcité » ce qui prouve soit sa mauvaise foi, soit son incapacité à suivre un raisonnement juridique, les deux n’étant pas incompatibles.
Nicolas Cadène, rapporteur de l'Observatoire de la laïcité à une journée : «Valeurs de la République et laïcité»
Hadrien Mathoux fait aussi un procès en sorcellerie au texte pour avoir émis cette évidence que le « caractère ostentatoire » ne doit pas être confondu avec la notion d’« ostensible », à propos d’un article R112-15 qui, pour des Journées de défense et de citoyenneté (JDC), exige de « ne pas arborer de signes politiques ou religieux qui, par leur nature, leur caractère ostentatoire, ou les conditions dans lesquelles ils sont portés, constitueraient une manifestation extérieure de provocation, de prosélytisme ou de propagande ».
Là où ça devient risible c’est quand il assène : « S'y ajoute une batterie d'accommodements avec la pratique religieuse* des jeunes de 14 à 16 ans appelés : l'autorisation de la pratique du ramadan ou de la fête juive yom kippour - comme les élèves en ont le droit au collège - , mais aussi la possibilité de demander au chef d'établissement de se rendre dans un lieu de culte, des menu des repas proposés avec et sans viande, ainsi que... l'aménagement d'un espace de prière* si les chambres ne sont pas individuelles. » Il concède que pratique du ramadan et du yom kippour sont de droit, donc pourquoi les qualifie-t-il d’accommodements ? Ignore-t-il que les collèges et surtout lycées (sans parler de l’armée) peuvent avoir une aumônerie. Pense-t-il que, le séjour comportant un week-end, les ardentes familles de la manif (anti mariage) pour tous tolèreraient que leurs rejetons ne puissent aller à la sainte messe** ? Quant à la revendication de repas avec ou sans viande, le rapporteur rappelle que contrairement aux cantines scolaires, la fourniture de repas au sein des futurs internats du SNU constituera un service public obligatoire du fait du caractère contraignant du placement qui ne permet pas aux «appelés» de prendre leurs repas à l’extérieur.
Il est clair que M. Mathoux a fait – volontairement ou pas – une lecture symptomale (et sans doute en diagonale) du texte. Pour faire le procès, cher aux faux laïcs du Printemps républicain, de l’Observatoire de la laïcité, dans une optique liberticide totalement contraire à la Loi de 1905***. Bien qu’assez ardu – il s’agit d’une étude juridique, pas d’un texte polémique - il mériterait d’être lu, car il clarifie la mission de service public, il rappelle que « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé », il rappelle aussi que l’exigence de neutralité ne peut s’imposer à un intervenant ponctuel (ici dans le cadre du SNU, mais ça peut s’appliquer au système scolaire).
Reste à savoir si cette coûteuse usine à gaz que semble devoir être ce SNU verra le jour.
* Préconisation prudente du rapport - « en tenant compte des contraintes inhérentes à l’établissement d’accueil » - et qui obéit à l’article 1 de la Loi de 1905 « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes… »
** Á noter que le rapport sur ce point est relativement restrictif puisqu’il soumet l’autorisation de se rendre dans un lieu de culte au fait que ça ne nuit pas « au bon fonctionnement du SNU ».
*** « Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte interprétation c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. » A. Briand, à propos de la Loi de 1905.
Suite :
MARIANNE démontre sa totale mauvaise foi en affirmant que "Le ministre de l'Education s'est opposé à l'avis non contraignant de l'Observatoire de la laïcité, qui préconisait de modifier la législation pour autoriser le port de signes religieux lors de la phase en internat du futur service national universel. "C'est évidemment une recommandation que je ne suivrai pas", a affirmé Jean-Michel Blanquer."
L'étude juridique - voir l'article - disait exactement l'inverse*, c'est-à-dire que pour étendre l'interdiction qui s'applique aux écoles, collèges et lycées publics au SNU, il fallait un nouveau texte.
Et BLANQUER ment en parlant de "recommandation" et s'attribue un droit de regard totalement stupide puisque l'Observatoire de la laïcité est rattaché au 1er ministre. Ajoutons que l'étude a été faire à la demande de son secrétaire d'état ATTAL.
Pour compléter :
http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/service-national-universel-laicite-que-dit-droit.html
et
Le service national universel à l’épreuve de la loi sur le port des signes religieux
Dans une étude publiée le 2 janvier, l’Observatoire de la laïcité signale que la loi de 2004 sur le port des signes religieux ne s’applique pas aux jeunes « appelés » du SNU.
* " L’organisme présidé par Jean-Louis Bianco signale notamment que la loi du 15 mars 2004, prohibant le port de signes et tenues religieux ostentatoires par les élèves de l’enseignement public, ne pourra pas s’appliquer telle quelle à la première phase du SNU, où les jeunes des classes de 2de (de 14 à 16 ans) seront astreints, pour une quinzaine de jours dont au moins un week-end, à une période d’hébergement collectif. Il n’en fallait pas plus pour échauffer les esprits."
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