Contribution de Yoland SIMON
Retour de ces débats dont nous semblons friands. Après le voile, le burkini, qu’ici et là on se propose d’interdire. Il faudrait peut-être, avant de se prononcer sur le sujet, revenir sur ce mot valise. On peut penser qu’appeler autrement ce costume de bain eût évité bien des polémiques. En effet, la référence à la burka, cette tenue honnie, et rendue célèbre par des Talibans dont on connaît la cruauté fanatique, agit comme un repoussoir. L’associer au bikini, si décrié naguère par les tenants de l’ordre moral, relève d’une sorte d’oxymore, de provocation sémantique si l’on veut. Mais, dans ce cas, on peut se demander lequel des termes est mis à mal par cette étrange association. Car l’un de ces deux paradigmes doit être pris comme une antiphrase ironique. Soit la référence au bikini, rendue si caricaturale pour un maillot de bain qui s’attache à couvrir le corps et qui est aux antipodes de la liberté des corps et de leur solaire exposition. Soit le rappel de la burka qui ne saurait être associée à l’idée de plaisirs balnéaires dont les intégristes musulmans ne se montrent pas de farouches zélateurs. On comprend dès lors que ce mot valise nourrit à lui seul les oppositions et que chacun trouvera des justifications à de péremptoires prises de position. On me dira que j’escamote ainsi de légitimes débats sur les droits de la femme, la laïcité, la République… Sans doute mais on le sait, depuis Roland Barthes, dans le discours politique, le mot choisi ne rend pas seulement compte d’une réalité mais contient un procès déjà instruit par ce choix. Et, en l’occurrence, c’est bien le mot qui alimenta cette polémique, plus que la chose dont, on me pardonnera cette facilité, on ne savait pas grand chose.
Ou tout se complique, c’est lorsque le mot accède à un statut de mythe. Et c’est le cas du bikini et de la burka. Commençons par le premier. Il est commode d’y voir le symbole d’une libération des mœurs érigée en modèle de société. Le corps de la femme ainsi dévoilé devient le mythe de l’érotisme bon enfant d’une époque qui aspire à des plaisirs accessibles à tous et qui transgresse facilement des tabous surtout quand les enjeux commerciaux s’en mêlent. En revanche, inutile pour la Burka de chercher à la situer dans le temps et dans l’espace. Comme souvent l’image mythique, sa représentation est anhistorique (1) et exprime seulement une forme, extrême certes, d’Islamité. Elle l’arbore de façon efficace dans la contradiction entre une invisibilité ostentatoire du corps de la femme et au contraire la parfaite lisibilité de la tenue. On peut en effet trouver quelque ressemblance entre la burka et le costume de théâtre matérialisant une idée ou un emploi, celui par exemple de la tragédie chez les Grecs ou des divers personnages du théâtre No des Orientaux. Et à cet égard l’idée émanant du port obligatoire de la burka et l’habitus misogyne qu’il manifeste avec force sont d’une parfaite clarté. C’est justement cette clarté qui n’est pas évidente dans le burkini et qui, de ce fait, alimente toutes les craintes, sinon tous les fantasmes. Ceux d’une pénétration sournoise des valeurs d’un certain Islam dans nos modes d’existences. En adoptant une certaine sophistication des formes et des couleurs, en l’adaptant un peu aux contraintes de la baignade, le burkini si l’on veut, cache son jeu et, en cela, apparaît à ses contempteurs beaucoup plus dangereux que des tenues traditionnelles. Et son ambiguïté proclamée et revendiquée nourrit comme un syndrome de cinquième colonne. (2) Ce burkini serait une sorte de cheval de Troie d’un islamisme soucieux de s’imposer sur de nouveaux territoires et qui, loin de s’occidentaliser en fréquentant les plages, serait au contraire la première étape de leur islamisation. Un peu comme cela se passerait sur le plan démographique dans le redouté Grand remplacement. Evidemment, rien ne vient étayer cet éventuel projet. Il est tout aussi vraisemblable, sinon plus, que d’habiles commerçants aient flairé, comme naguère pour le bikini, un marché lucratif. Mais on entre là dans un univers rationnel qui n’est pas celui des problèmes sociétaux.
1) Certes l’appellation de bikini fut elle-même une provocation. Et son rapport avec les essais nucléaires sur l’Atoll du même nom pourrait scandaliser. D’ailleurs, Louis Réard, son inventeur, n’hésita pas à parler pour les femmes qui adopteraient ce nouveau maillot de bombe anatomique. Cependant cet aspect a disparu de la mémoire collective comme la psychose de la guerre atomique dont il semblait se jouer.
2) Selon Nadine Morano, de dangereux terroristes ne se cacheraient-ils pas dans les plis des tenues islamiques comme, en 40, les espions allemands sous les robes des bonnes sœurs.
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