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26 octobre 2018 5 26 /10 /octobre /2018 15:26
Un élève du Lycée Branly pointe une arme factice sur une enseignante

Un élève du Lycée Branly pointe une arme factice sur une enseignante

ou un tsunami de rumeurs et de rancoeurs

Pas de Vague

L’hashtag – en Français le mot-clé - #PasdeVague aurait dû s’appeler #balancetonprotal car il s’est traduit par une mise en accusation d’une « hiérarchie », à commencer par la plus proche, le chef d’établissement.

Pas de Vague

La vraisemblance n’est pas toujours au rendez-vous, ainsi de ce prof qui affirme sans rire qu’un élève l’a traîné devant le CPE dans un Lycée d’Hayange (la localisation géographique étant sans doute censée donner une touche d’authenticité), élève qui l’aurait insulté devant un CPE prenant son parti…

Caractéristique aussi ce témoignage d’une professeure qui, ayant mis une jupe – telle Adjani dans La journée de la jupe – dit avoir été traitée de pute par un groupe d’élèves dans un couloir : la professeure principale de la classe desdits élèves aurait ri, quant au proviseur, il lui aurait répondu qu’à son âge, elle devrait être flattée. Passons sur la supposée goujaterie du chef d’établissement, pour en revenir au rire de sa collègue qui dénote soit un manque évident de solidarité, soit le peu de sérieux qu’elle prête à ses plaintes.

Clovis – c’est le pseudo qu’il se donne – illustre au-delà de la caricature, ce type de prof qui peut insupporter dans la salle des profs, par ses incessantes jérémiades ! Lui, ce ne sont plus les élèves, mais les collègues syndiqués qui s’arrangent pour avoir les meilleures classes ne laissant aux nouveaux arrivants que les classes les plus dures et les plus chargées, avec la complicité du protal bien sûr ! Mais il se plaint aussi de la messagerie rectorale, de la formation continue, des professionnels venant dans le cadre de l’orientation incapables de tenir une classe de 37 élèves ( !), de la pré-rentrée et des neurosciences… S’il se comporte ainsi, en salle des profs – ce qui n’est pas sûr du tout : ce compte anonyme lui sert sans doute de purgatif – il ne peut qu’avoir une solide réputation de casse-pieds.  Et les personnels de direction et d’éducation du bahut ont peut-être tendance à envoyer paître le vindicatif personnage.

Pas de Vague

Donc, une agrégée en fin de carrière, avec des collègues dans la même situation, tous harcelés par un proviseur, ne l'envoient pas paître, proviseur missionné pour pousser à la retraite les hauts salaires ?

Et notre Clovis illustre bien la dérive de ce #PasdeVague qui, partant d’un fait-divers isolé au sein de ce lycée, voulait montrer que l’institution ne cherchait qu’à mettre la poussière sous le tapis, en fermant les yeux sur les violences des élèves envers les professeurs, se transforme en une dénonciation d’une hiérarchie harceleuse.

Pas de Vague
Pas de Vague

Ainsi, pour contrer Luc Cedelle, journaliste du Monde, un-e « Carpe Diem » sort un prétendu témoignage sourcé ! Or ce qu’il-elle cite fait penser à cet échange entre Francis Blanche et Pierre Dac dans le fameux sketch du Sar Rabindranah Duval :

- Pouvez-vous me dire quel est le numéro du compte en banque de monsieur ?

- Oui.

- Vous pouvez le dire?

- Oui!!

- Vous pouvez le dire ?

- Oui!!

- Il peut le dire!!! Bravo! Il est extraordinaire, il est vraiment sensationnel.

Car le témoignage consiste comme on peut le lire à ce que le prétendu témoin assure qu’il est prêt à…témoigner ! Et de retouitter un assez crapoteux appel à témoignage d’un parano de l’académie de Rennes.

Pas de Vague

Et certains témoignages, qui demanderaient pour le moins vérification, sont commentés comme des faits avérés, y compris par des personnes se disant journalistes. Donc une MurielA fait état d’une agression sexuelle de trois élèves envers un quatrième. Le Conseil de discipline ayant exclu les trois élèves, le rectorat aurait imposé la réintégration d’un des trois agresseurs. Or, comme il se doit dans un état de Droit, une famille (ou un élève majeur) peut faire appel auprès du Recteur d’une décision du C.D. (appel non suspensif) et le Recteur, après avis de la Commission académique, doit se prononcer dans un délai d’un mois. Si la décision du C.D. a été en partie amendée, le Recteur a dû motiver cette modification. Faute de cette motivation – sans parler de l’imprécision sur la nature exacte de l’agression – les commentaires sont nuls et non avenus.

Pas de Vague

Pour avoir émis quelques doutes sur ce déferlement de touittes après le « braquage » de la prof du Lycée Branly, le journaliste du Monde, L. Cedelle, s’est fait allumer dans la touittosphère, par de courageux anonymes, mais aussi par Laurent Bouvet co-fondateur du Printemps(prétendument) républicain.

Pas de Vague

Le proviseur aux bonbons

Dans l'émission putassière d'Ardisson, une menteuse pathologique affirme que des élèves qui prennent "à bras le corps" (sic) une table et la jette on suppose sur une prof se voient récompenser par des "bonbons" par le proviseur.

Faut-il rappeler à la fillonniste masquée qu'un proviseur ne dirige pas une maternelle et qu'on le voit mal distribuer ses bonbons à des gaillards de 15,16,17, 18 ans et plus ?

Car ce #PasdeVague a été accueilli par beaucoup de médias, comme parole d’évangile. Même à France culture par un éditorialiste politique, qui, tout en reconnaissant « que l'anonymat, comme pour tout témoignage, peut mêler le bon grain et l'ivraie », se réjouit que « ce cri d'alarme [qui]  vient de la base […] se joue des hiérarchies, des corps intermédiaires que sont les syndicats. Il se fait sans eux, et même parfois contre eux. » « … le hashtag dit que c'est grave, mais aussi que c'est courant. Il a la puissance évocatrice du fait divers, et la force statistique du nombre. Il devient dès lors impossible à ignorer pour le politique. Un ministre peut recevoir des représentants syndicaux, il peut réunir des parents d'élèves, faire descendre la température... Mais que peut-il contre un mot-clé sur twitter, dont le succès amène encore chaque minute de nouveaux témoignages ? ».

Inutile d’objecter que cette vague un peu nauséabonde qui coule dans les égoûts de touitteur, n’a que la force statistique que lui prête M. Says, ramenée au nombre total d’enseignants. Car, de fait, le Ministre Blanquer, après avoir prôné une école de la « bienveillance », au côté d’un Castaner, Ministre de l’Intérieur qui se la joue mode Valls, veut maintenant "rétablir l'ordre et l'autorité" qu’on ne savait pas si menacés dans l’éducation nationale, au lieu de tenir le discours de raison qu’on était en droit d’attendre de lui.

Il serait, bien sûr, angélique que de croire que tout n’est qu’ordre et bonté dans nos écoles, collèges et lycées. Même dans les établissements les plus calmes, on n’est jamais à l’abri d’un acte isolé de violence extrême.  Il arrive aussi qu’un Recteur abuse de son pouvoir, qu’un IA attrape le melon, que des chefs d’établissement se conduisent comme des petits chefs, que des Inspecteurs pédagogiques soient odieux… Sauf que, le statut – comme d’ailleurs les syndicats, si décriés pourtant – protège l’enseignant. Le pouvoir hiérarchique d’un chef d’établissement sur un prof est quasi nul ; et l’inspecteur ne vient, au mieux, que tous les deux ans. Professeur est un métier semi-libéral, en fait, semi par la garantie de l’emploi qu’il assure, libéral, car l’enseignant fait ce qu’il veut ou presque dans sa classe. Avec pour corolaire un individualisme corrigé par les réflexes corporatistes. Mais réflexes qui s’émoussent quand un collègue est incapable de tenir sa classe, comme on dit.

Pas de Vague

Et cet incident dramatique, sur lequel surfent donc les harcelés du net, n’est représentatif ni du Lycée où il a eu lieu, ni des violences scolaires globalement. Gageons que les enseignants du Lycée Branly de Créteil qui ont tenu à dire ce qui se passe vraiment dans leur lycée vont se faire traiter de complices du #PasdeVague de la hiérarchie. Quand à France Info, après les vitupérations de Mélenchon, elle va se faire incendier par les chevaliers masqués du hashtag. Il est quand même remarquable – et assez scandaleux – d’entendre le Ministre Blanquer affirmer « qu'il y avait des politiques du chiffre pour essayer d'avoir le moins de conseils de discipline possible », alors que "Dans chaque département d'Ile-de-France, on a un collège fantôme d'élèves exclus par jour (entre 400 et 800)" (B. Moinard).

Pas de Vague

Et la plus grande, la plus scandaleuse des violences est celle que subissent les élèves des milieux dits défavorisés. Hongrie exceptée, la France est, parmi les pays étudiés par l’OCDE, la plus inégalitaire.  Plutôt que d’entonner le grand air populiste de l’ordre et l’autorité, plutôt que de détruire systématiquement, les avancées de ses prédécesseurs, le Ministre Blanquer ferait bien de se pencher un peu sur les systèmes éducatifs canadiens ou finlandais pour tenter, non de trouver des recettes, mais au moins des pistes pour introduire un peu plus d’égalité des chances !

Un de mes talentueux contributeurs, Pascal Bouchard, m'écrit :

"pour compléter ton papier, te souviens-tu de Nicolas Revol, qui avait eu son heure de gloire dans le Figaro magazine, où il racontait son calvaire de prof dans un LP, anonymement bien sûr, jusqu’au jour où un de ses élèves tente de l’étrangler. De son lit d’hôpital, il écrit un livre à succès

Ses collègues ont envoyé à Libé et à moi une lettre… « si tu arrivais quelquefois à l’heure, si tu préparais tes cours, si tu ne balançais pas de vannes racistes, si tu avais accepté notre aide… » , etc, etc. 
Tout était faux"
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10 novembre 2017 5 10 /11 /novembre /2017 17:58
La chasse à courre

En complément un courrier de Jean Baubérot.

Sus au Plenel ! Haro sur Boniface ! Les accusations de turpitudes à l’encontre du frère Tarik ont été le prétexte pour lancer la grande chasse à courre contre les idiots utiles, les compagnons de route, les islamo-gauchistes. Bizarre alliance où l’on trouve le Figaro, Marianne et Charlie réunis. Taïaut ! Taïaut !

Précaution oratoire (indispensable, mais qui je le sais, ne suffira pas à échapper à l’appellation d’idiot utile) M. Ramadan ne m’inspire aucune sympathie particulière. Mais quand il dit, par exemple – je cite de mémoire – « Le Coran exige que la femme soit voilée, mais chacune est libre de le faire »,  si d’autres experts ès Coran mettent en doute cette obligation, laïquement je m’en tamponne. Que telle religion interdise le cochon, ou édicte toute autre prescription, c’est son problème. A condition bien sûr que ça ne soit pas contraire à la loi et que les ouailles ne soient soumises à aucune obligation autre que morale. A condition surtout que ces religions n’essaient pas d’imposer leurs interdits ou prescriptions à l’ensemble de la société. Vous réprouvez le mariage entre deux personnes du même sexe, ne bénissez pas ces unions si ça vous chante ; mais n’empêchez pas la société d’ouvrir cette possibilité à celles et ceux qui la réclament. Et l’on voit qu’il y a encore des combats laïques à mener par exemple sur le droit à mourir dans la dignité !

Pour en revenir au Frère Tarik, comme dit  Mme Fourest, quand il sort des sottises sur l’excision ou  demande un moratoire (!) sur la lapidation, ses propos sont évidemment exécrables et condamnables.

La chasse à courre

Une affaire prétexte

Mais tout cela ne date pas d’hier. Non, voilà qu’après l’affaire Weinstein, éclate une affaire du même type, visant Ramadan. Une puis deux accusations de viols très violents, puis des accusations de détournements de mineures. Comme d’habitude, les cagots remettent sur le tapis DSK et Polanski. Comme d’habitude aussi, certain-e-s, Madame Fourest en tête, disant qu’ils-elles le savaient. Mais ne pouvaient rien dire. Et du coup emballement, Le Figaro en tête, Marianne ensuite, et Charlie enfin – L’OBS va ensuite se glisser dans l’équipage avec en particulier un article assez crapoteux sur Boniface - se servent de cette affaire (qui reste encore à juger) comme prétexte pour abattre les affreux multiculturalistes, qui portent atteinte à notre République universaliste.

Et Manuel Valls, le pourfendeur de l’observatoire de la laïcité, prend la tête de ce qu’il espère être la curée.

La chasse à courre

"Tariq Ramadan ne sera jugé ni pour ses idées, ni pour adultère (encore heureux !), mais pour viol, violences sexuelles et menaces. C’est pour cette (…) raison que j’ai trouvé la Une consacrée à Edwy Plenel problématique. Le souci, à mes yeux, réside moins dans le dessin que dans sa légende : « Affaire Raman, Mediapart révèle : ‘‘On ne savait pas’’ ». Les mots ont un sens, et, dès lors qu’on se rappelle que l’ « affaire Ramadan » est une affaire de viol, on admettra que le sous-entendu, fût-il involontaire, est indéfendable : il ne fait pour moi aucun doute qu’Edwy Plenel (et Mediapart avec lui) n’avait aucunement connaissance des faits précis dont on accuse Tariq Ramadan. Reprocher à Edwy Plenel son attitude vis-à-vis de Tariq Ramadan est une chose, le faire en lien avec une affaire de viol en est une autre […]"

MARYLIN MAESO  Je ne suis pas Charlie, donc, je suis avec Charlie

Ainsi, à Hervé Hamon qui commentait la Une de Charlie sur Plenel par : « Je ne suis pas du tout Charlie cette semaine. Indigne et indigent, (…) J'ajouterai que ça sent la chasse aux sorcières, style Hoover dans les années 50. Beurk! », un commentateur dénonce « La curieuse connivence intellectuelle (attestée par de nombreux articles ou documents de toutes sortes) entre Tariq Ramadan et ce qu’il représente, avec une certaine gauche dont E. Plenel, P. Boniface, E. Morin, le journal Le Monde (qui n'oublie jamais de citer T. Ramadan avec toutes appellation de pacotille), J. Baubérot*, V. Geissler, R. Liogier...et tant d'autres est sidérante, leur capacité à biaiser systématiquement le débat sur la réalité islamique ne l’est pas moins. » Et quand je lui demandais ce que Baubérot venait faire là, il ajoutait : « On parle de connivence intellectuelle objective entre T. Ramadan et une certaine gauche qui ne veut pas voir ces perturbations sociétales, ou si elle les capte les tient sous silence ou les minimise alors qu’en l’occurrence il s’agit de coups de boutoir répétés à l’encontre d’éléments socles, fondateurs du pacte républicain. J.Baubérot est de ceux-là. »  On notera cette « connivence objective » qui rappelle de vieux souvenirs, mais toute cette soupe a un goût de brouet réchauffé de la guerre froide.

Ici il s’agit de haines recuites. Et le reproche fait à Plenel de ne pas avoir dénoncé un scandale – pour le moment d’ailleurs non jugé – est des plus cocasses, s’il n’était pas quand même sordide, quand ceux qui l’accusent, Le Figaro, Marianne, Charlie, l’ont eux-mêmes ignoré (ou, comme Mme Fourest, n’ont rien pu en dire). Ils n’ont sans doute pas manifesté avec toute la véhémence attendue par la meute leur indignation devant les accusations dont le p(r)êcheur faisait l’objet. Et le prétexte était donc tout trouvé pour lancer la chasse ! Taïaut !

 

 

PS Dans la meute je suis tombé sur un chien particulièrement hargneux et quelque peu vicelard dans l’insinuation calomnieuse d’antisémitisme (car là c’est l’angle choisi en particulier par Valls)  « Je vois que tu fais, comme beaucoup de France insoumise*, l'amalgame Marianne/le figaro. Tu ne dis rien sur Mediapart qui est totalement muet comme E Pleynel ami de Ramadan... Cet organe de presse doit te convenir.. Moi je fais avec tout.. Après le procès de la presse bourgeoise que tu fais , je trouve que jouer les martyre offensé en rajoute un peu. Quant au commentaire que tu as fait sur mon autre publication, je trouve qu'il met en cause mais ça doit être un hasard (qui fait bien les choses) des personnalités juives. Moi je suis totalement laïc et athée. Je n'attaquerai jamais les gens pour leurs origines ou pour leur religion pour autant que cette religion ne porte pas atteinte à la liberté de chacun et chacune. » (copié/collé, c'est moi qui ai mis en gras).

J’ai eu beau relire les commentaires que j’avais pu faire sur une publication de la même encre du Monsieur je n’ai pas vu à quelle personnalité juive (sic) il faisait allusion.  Certes dans l’article sur Valls et l’observatoire de la laïcité, auquel il fait peut-être référence, je critique des propos de Mme Badinter : là on voit bien le procédé franchement dégueulasse qui consiste à m’accuser implicitement d’anti-sémitisme pour une controverse sur religion et sphère publique et privée. Mais c’est celui de Valls qui assimilant critique de la politique de Netanyahu avec de l’antisionisme et l’antisionisme avec antisémitisme ferait de Charles Enderlin un antisémite !

 

* Sur ma prétendue appartenance à la France Insoumise, je renvoie à quelques articles où j'affiche mon mélenchonnisme forcené ici ou (pour ne prendre que deux articles récents)

 

NB Faut-il préciser aussi que je n'ai pas de sympathie particulière pour Plenel qui, du temps où il dirigeait Le Monde, m'a fait fuir quelques temps la lecture de ce journal ? Et que je ne suis pas abonné à Mediapart. Donc je suis autant Plenelien que Mélenchonniste.

* Jean Baubérot m’a fait l’honneur de réagir à ce papier où je citais un commentateur de la page facebook d’Hervé Hamon écrivain :

 

"J'ai donc lu, dans la note d'aujourd'hui, qu'un "commentateur" me mettait en cause. (…)

 

"En même temps", comme dirait l'autre, ce qui me rassure c'est que si, en France, je suis parmi les personnes qui attaque les "éléments fondateur du pacte républicain", il me semble que notre République n'a vraiment pas d'inquiétude à se faire.

 

En revanche, je dirai que "dame bêtise" (pour paraphraser J. Brel), elle, doit être ravie. Le dit commentateur a-t-il lu _La laïcité expliquée à M. Sarkozy... et à ceux qui écrivent ses discours_ (Albin Michel 2008) sinon, l'ouvrage lui-même (n'en demandons pas trop!) du moins les "dix commandements que doit se réciter, chaque matin, un président de la République laïque" (p.217-221) et, surtout, dans _La laïcité falsifiée_ (La Découverte, paru au début de 2012, au moment de la campagne présidentielle, réédité en poche en 2014) le chapitre sur "Un programme républicain pour refonder la laïcité" (p. 121-144) ? Je serais très intéressé à savoir ce qui sape le pacte républicain dans mes propositions: serait-ce la demande de lois permettant de "nouvelles libertés laïques" comme "la possibilité [non acquise quand je rédigeais mon livre] du mariage entre personne de même sexe, l'autorisation de la recherche sur les cellules souches, et plus généralement des avancées en matière de bioéthique, le droit de mourir dans la dignité par la possibilité de choisir l'euthanasie" (p. 134), ou encore la refondation de la HALDE, la suppression des cours confessionnels de religion en Alsace-Moselle et la mise en route d'un processus, dont je fixais la fin à 2019, pour sortir ces départements du régime concordataire (p. 138) ?

Serait-ce la mise en cause "des élus locaux" qui "tiennent un discours absolutiste sur la laïcité " et "ont une toute pratique" qui consiste à "déléguer la  construction de la paix sociale à des autorités religieuses" (p. 141) ? Serait-ce, enfin, la demande "que les convictions philosophiques non religieuses soient traitées à égalité avec les religions " alors que, "paradoxalement, cela n'est souvent pas le cas en France" (p. 142) ? Je ne demande qu'à être éclairé par une argumentation si possible un peu rationnelle. Mais sans doute est-ce trop demander !

D'une manière générale, ce qui me frappe dans cette affaire, c'est que parmi des centaines, voire de milliers de témoignages mettant en cause autant de personnes, il y a comme une sorte d'entonnoir qui - in fine - attaque des gens qui n'ont rien à voir avec les accusations portées et permet d'éviter tout débat démocratique sur les positions des uns et des autres.

Pour ma part, ce que j'ai envie de dire à toutes les femmes qui voudraient parler avec moi du sujet, c'est : habillez vous comme vous le voulez, jupe au ras des fesses ou foulard sur la tête, mais surtout faites jouer votre libre-examen, faites en sorte que ce soit votre propre décision et non pas le fait de suivre la mode ou d'être influencée par un leader charismatique. Construisez-vous des choix libres, ce qui n'est pas une mince affaire, c'est même une démarche jamais achevée. Et, naturellement, cela ne concerne pas, loin de là, que l'habit, même si la société hypertrophie cet aspect.

 

[…]

 

Jean Baubérot

 

Courrier mis en ligne avec l'autorisation de l'auteur, les seuls passages supprimés étant personnels.

 

Pour compléter un article de Jean Baubérot sur son blog :

Laïcité et démocratie, l’enjeu de la polémique Charlie,Valls, Mediapart

 

et une tribune de Philippe Corcuff

Charlie, Mediapart, Valls, Filoche et les autres : la gauche déboussolée

 

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1 octobre 2017 7 01 /10 /octobre /2017 14:45
Photo Sud-Ouest

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Edmond Maire à la librairie Mollat à Bordeaux en compagnie de Dédé Dorléans (ex-action revendicative au Sgen-CFDT, au côté de Roger Lépiney)  le 29 avril 1987

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Georges Marchais, François Mitterrand, Robert Fabre, Edmond Maire et Michel Rocard à la manifestation contre le coup d'état au Chili le 12 septembre 1973 à Paris, France.

Le petit secrétaire national de la branche PEGC-Voie III - le dernier - du Sgen-CFDT ne croisa Edmond Maire qu'à l'occasion de manifs (à l'époque unitaire avec la CGT) ou lors du Congrès d'Annecy en 1976, congrès du recentrage syndical. Mais il donnait une image de simplicité et, pour reprendre un terme de son ami Michel Rocard, il parlait vrai et sobre.

MANIF 1975

Edmond Maire
Edmond Maire

MANIF Printemps 1976

Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire

MANIF Fonction Publique automne 76

Edmond Maire
Edmond Maire

"J'apprends à l'instant le décès d'Edmond Maire.
A mes yeux, c'est le syndicaliste le plus exigeant et l'homme de gauche le plus original que j'aie jamais connu. Il appartenait à une génération de syndicalistes intellectuels qui faisaient du débat et de la compréhension des enjeux un préalable indispensable. L'indépendance syndicale était pour lui une pierre angulaire, tout autant que le "syndicalisme de transformation" où la pensée de l'intérêt général doit primer sur l'étroitesse des corporatismes. « Le socialisme, disait-il, n’est pas un taux de croissance mais une manière de vivre. » Pour lui, la fin était dans les moyens, point barre. Mitterrand et lui se sont supportés mais jamais compris, et pour cause.
Quand Patrick Rotman et moi avons publié "La deuxième gauche", Pierre Mendès France m'a appelé, souhaitant nous rencontrer. Il avait lu le livre et l'avait jugé utile. "Edmond Maire, nous a-t-il dit, est l'homme le plus courageux de la gauche actuelle". Mendès est mort six jours plus tard.
C'est Edmond, à présent, qui s'en va. Toujours six pieds au-dessus de ses pairs, c'était un fameux joueur de poker."

Hervé Hamon

Congrès d'Annecy 1976

Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire
Edmond Maire

Avec Eugène Descamps, son prédécesseur qui avait mené la déconfessionnalisation.

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A l'époque Jacques Julliard était proche d'Edmond Maire et partageait les options du Sgen-CFDT, qu'il vilipenderait aujourd'hui.

Edmond Maire

SALUT CAMARADE

Edmond Maire

En complément

Une tribune d'Edmond Maire dans Le Monde diplomatique

Le Monde diplomatique

Système de décision, conception du développement, méthodes d’action

Une voie nouvelle : enrichir la revendication

 

Face à l’explosion scientifique et technique, au développement du nombre des salariés très qualifiés, à la croissance du secteur tertiaire, à l’extension du travail en continu, à la condition des ouvriers spécialisés, à la prise de conscience grandissante de millions de femmes, aux 2 millions de travailleurs immigrés, le syndicalisme français est-il adapté dans sa conception, ses revendications, ses structures ?

La C.F.D.T. a conscience des modifications à apporter au syndicalisme français, encore dominé par les ouvriers qualifiés d’industrie qui l’ont construit, pour le rendre représentatif de la classe ouvrière de notre temps. Elle pense même avoir emprunté la bonne direction pour le faire.

D’abord en introduisant, dans sa pratique et ses structures l’ensemble des salariés et anciens salariés qui subissent l’exploitation et la domination. Les laissés-Pour-compte de la société briseront leur isolement et leur surexploitation s’ils s’insèrent à part entière dans les luttes, si le mouvement ouvrier se révèle capable de mettre en cause le conditionnement culturel millénaire qui subordonne la femme à l’homme, le racisme que subissent les immigrés, la loi d’airain qui réduit à la misère économique et sociale la masse des personnes âgées.

Ensuite, exiger l’égalité totale des droits entre les travailleurs de races et sexes différents, revendiquer la mixité de toutes les professions, les équipements et les prestations nécessaires à l’exercice du droit au travail des femmes, un revenu pour les retraités au moins égal au minimum vital arraché à grand-peine pour le travailleur actif, c’est bien sûr lutter pour les droits matériels et moraux de catégories sociales délaissées. Mais c’est en même temps lutter pour une société excluant la domination, où chacun puisse vivre, individuellement et collectivement, dans des relations diversifiées et égalitaires d’où seront bannis les modèles culturels privilégiant les détenteurs de la force.

Contre toutes les conceptions hiérarchiques

Deuxième angle d’attaque : le système de décision. Partout, dans l’organisation de l’entreprise, comme dans la vie sociale, dans l’école, la famille ou l’armée, la hiérarchie fait ses ravages.

Comment en serait-il autrement dans un monde où l’autorité s’est toujours imposée d’en haut, au nom de Dieu d’abord du temps de la monarchie, puis en vertu de l’argent dont le règne n’a été vaincu dans une partie du monde que pour laisser la place à l’appareil du parti et au clan des technocrates ?

Les prérogatives accordées au commandement déterminent à la fois l’échelle des revenus, l’organisation dite scientifique du travail qui sépare conception et exécution, le système de qualification et le statut social. Par rapport à cette situation de fait, réduire l’éventail des salaires, contester fondamentalement le contenu des emplois et de l’organisation du travail, montrer au personnel « d’encadrement la logique impitoyable à laquelle le système le contraint, relèvent du même combat.

Alors que l’entrée progressive des jeunes dans l’enseignement supérieur constitue une conquête majeure des travailleurs, tout exige la transformation des rapports et systèmes hiérarchiques. Les explosions de révolte ne peuvent faire échec à la sélection sociale. Accès massif à l’enseignement supérieur et refus de toute sélection sociale ne sont conciliables qu’en réinventant toute la conception des emplois et de l’organisation du travail.

A l’heure où l’innovation collective est la clé du progrès, où la liberté devient une technique de production, selon le mot de David Rousset, les revendications anti-hiérarchiques réconcilient progrès technique et progrès humain. Mais il ne leur suffit pas d’être dans le courant de l’histoire pour s’imposer, car c’est l’« ordre » capitaliste lui-même qui est enfin et de plein fouet frappé par cette dynamique.

Troisième front : le type de développement.

La lutte pour les salaires, aussi énergique et nécessaire soit-elle, si elle se limite là, n’est rien d’autre qu’une puissante incitation à l’expansion capitaliste et à la modernisation.

Mais lier la progression du niveau de vie à la transformation du mode de vie a un tout autre sens. La croissance considérée comme celle des seuls biens rentables, l’augmentation du pouvoir d’achat conçue comme devant être absorbée totalement par le besoin d’évasion de la ville polluée, encombrée et déshumanisée, ou par la nécessité inculquée dans la tête des gens de consommer les produits imposés par la publicité, autant d’aberrations masquant le besoin fondamental de rapports sociaux égalitaires et désaliénés dans un environnement construit pour le développement de la personnalité de chacun.

L’action pour une augmentation du salaire minimum plus rapide que celle du salaire moyen, pour la priorité aux équipements collectifs, pour une fiscalité correctrice des inégalités et orientée en fonction de la satisfaction des besoins essentiels, pour le développement de l’emploi non industriel, par exemple dans la santé et la culture, pour des transports collectifs primant la voiture individuelle, pour la prise en compte du coût humain des activités économiques, pour l’introduction de l’impératif de non-pollution dès la conception de l’usine, pour une ville qui soit celle des contacts humains, de l’enrichissement social et culturel, pour l’utilité sociale de l’emploi en même temps que le plein emploi, ces quelques pistes d’action encore largement explorées deviennent progressivement celles du travailleur-usager, du citoyen-producteur.

A l’échelle de l’Europe occidentale, la convergence commence à apparaître entre un nombre croissant de travailleurs et d’organisations pour qui la tour de Babel des mots autogestion, cogestion, contrôle ouvrier, démocratie industrielle, collective bargaining, recouvre une réalité proche : celle de la révolte contre le type de travail et le mode de vie imposés.

Mais la revendication ne s’enrichit pas spontanément. Un travailleur aliéné ne trouve de solution qu’aliénée. L’objectif de l’action collective n’est pas dissociable de sa forme. C’est aussi dans l’entreprise que doit être conquis le droit d’expression, de réunion. En 1968, la discussion collective est entrée en France dans l’entreprise. Elle n’en sortira plus.

On ne peut construire une société de liberté et de responsabilité par des moyens d’action qui maintiennent le mode hiérarchique, la chape de plomb qui pèse sur l’intelligence, la sensibilité, la capacité d’innovation de chacun. Les droits d’expression et d’action sont à conquérir pour tous les travailleurs et pas seulement pour leurs délégués. Les mots d’ordre commandés du sommet doivent faire place à des propositions élaborées en fonction du mûrissement des luttes de base.

La grève devient active, moment privilégié qui n’est plus celui de la révolte précédant la passivité, mais de la prise de conscience entraînant l’action pour des objectifs plus riches.

La marche au socialisme autogestionnaire réclame des acteurs et non des exécutants. La lutte pour un pouvoir partagé entre tous ne peut se satisfaire de structures syndicales où le pouvoir ne soit pas diffusé égalitairement, où les responsables du mouvement ouvrier jouiraient de privilèges, où l’on ferait fi de l’apport de chacun à la construction quotidienne de l’avenir, où l’on freinerait la possibilité pour chacun de faire émerger sa liberté à travers l’action collective.

Telle est la voie nouvelle. Mais est-elle vraiment originale ou ne fait-elle que revenir à l’inspiration originelle du mouvement ouvrier français ?

On a pris l’habitude, tant avec la tradition léniniste qu’avec la social-démocratie, de considérer que le parti jouait le rôle majeur dans la transformation sociale, le syndicat étant là pour faire mûrir, à travers la lutte de classe, la victoire du parti.

Mais la tradition syndicaliste française est celle qui lie revendication immédiate et réforme profonde, qui définit elle-même le type de société à bâtir et la stratégie pour y parvenir, qui sait que l’efficacité suppose à la fois convergence de but et de luttes avec les partis de gauche et totale autonomie de pensée et d’action.

La C.F.D.T., à partir de cette conception, a élaboré à travers sa pratique son projet de société socialiste démocratique et autogestionnaire. C’est cette démarche qui lui a permis de lutter contre l’asservissement à un parti et contre son corollaire, la réduction de la société à l’Etat, caractéristique de la vision sociale des courants léninistes ou sociaux-démocrates. C’est cette démarche qui lui a en même temps évité les pièges de l’intégration. C’est ainsi que, à travers les tâtonnements et les difficultés, mais portée par l’espérance autogestionnaire fondamentale – la maitrise de l’avenir par chacun et par tous – l’action collective s’enrichit peu à peu et propose des solutions d’aujourd’hui aux problèmes de notre temps.

Il reste bien du chemin à parcourir. Tant mieux. Car il reste bien du monde à associer à ce combat...

Edmond Maire

Secrétaire général de la C.F.D.T
 
MAI 1973
 

Emprunté à CFDT Cadres

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21 juin 2008 6 21 /06 /juin /2008 17:31
Panel d’élèves entrés  en 6eme en 1995

Panel d’élèves entrés en 6eme en 1995

Que la clique des rétropenseurs récuse toute donnée, toute étude qui ne conforte pas ses préjugés, cela ne surprend guère. Un éminent mathématicien, qui voyait dans les inspecteurs de tout poil des khmers rouges, affirme que le bac actuel est d'un niveau inférieur au certif des années 30. La rigueur démonstrative qu'impose sa discipline s'évanouit immédiatement dès qu'il s'agit de déblatérer sur le système éducatif : l'argument d'autorité, aussi grossier soit-il, lui suffit. Mais que le HCE annonce qu'à l'issue du primaire 15 % des éléves connaissent des difficultés sévères ou très sévères et que 25 % ont des acquis fragiles cela se traduit par 15 % d'illettrés et 40 % n'ayant pas le niveau en 6e ! La manipulation des chiffres peut aller jusqu'à la totale incohérence : ainsi Mme Brizard, journaliste d'un hebdo de centre-gauche, compare le pourcentage de bacheliers sur une classe d'âge en 1936 avec le pourcentage d'admis par rapport aux inscrits au bac 2007 ! Et un sondage récent nous apprend que 60 % des sondés jugent que le niveau du bac a baissé : sauf que la majorité d'entre eux n'a jamais passé le bac.

 

Mais que celui qui est la cible privilégiée de tous les réacs finkielkrautiens affirme : « Je pense qu'en effet il y a une baisse du niveau », a priori, surprend. Outre que ce mythique niveau, depuis Socrate au moins, ne cesse de baisser, sans atteindre l'étiage, le je pense interroge. S'agit-il d'une opinion ? S'agit-il d'un fait avéré ? L'affirmation est cependant nuancée, la baisse n'est pas globale et porte surtout sur l'orthographe et la grammaire ? PIRL, mais aussi une étude faite à partir d'une dictée qu'un Inspecteur primaire faisait passer dans les écoles de l'entre-deux guerres montrant une baisse nette avec le test précédent dans les années 80 (où là le bilan était positif par rapport aux années 30, ce qui met à mal les diatribes sur mai 68) étayeraient l'affirmation sur l'orthographe.

 

Mythique orthographe de nos ancêtres.

Quand j'étais gosse, on nous donnait en exemple l'orthographe supposée parfaite des grands pères et grands-mères. Sauf qu'une étude sur les millions de cartes postales qui se sont échangées pendant la Grande Guerre a révélé que les valeureux poilus et leurs belles prenaient des libertés gigantesques avec l'orthographe et la syntaxe.

Baisses ici, mais progrès nulle part ? Impossible de tenter de démontrer, avec Hervé Hamon et quelques sociologues, que globalement le niveau monte, sans provoquer des ricanements ?

 

En arrière-plan, le procès des IPES et, en particulier, des indicateurs bac.

Le « café pédagogique » - oubliant un peu que ces indicateurs s'étaient substitués au palmarès traditionnel qui mettait sur le même pied  les « grands » lycées au recrutement hyper privilégié et les lycées banlieusards (pas Neuilly mais Drancy) ou de nos profondes provinces - leur a opposé un travail de Georges Felouzis*, commandé par ceux-là même qui ont lancé ces IPES. Felouzis fait ressortir que les résultats du Brevet sont un facteur plus pertinent dans le calcul de la valeur ajoutée que ceux employés (âge et origine socio-professionnelle). Mais ces résultats du Brevet sont peut-être à relier au PCS (même si les scores aux évaluations dites 6e seraient plus pertinentes). On peut aller ainsi jusqu'au doublement du CP. Où il restera le noyau dur : PCS, à moins que ce ne soit l'origine ethnique ?

 

Ethnique, mot tabou ! Felouzis est payé pour le savoir. Ses travaux sur la sur-ghettoïsation dans les collèges (à partir des collèges bordelais) ont provoqué chez les Républicains, avec un r majuscule, un tollé. Comment - avec en plus un indicateur indirect (le prénom) faute de données plus précises - se focaliser sur l'origine ethnique des élèves, alors que l'Ecole de la République ne reçoit qu'un élève abstrait sans couleur de peau, sans conditions de vie familiale, sans origine pour tout dire (nos compagnies Républicaines de sécurité qui pratiquent industriellement le contrôle au faciès ont dû oublier cette noble abstraction et comme disait Coluche « tous égaux, mais il y en a qui sont plus égaux que les autres »). « La ségrégation ethnique au collège », ainsi ose-t-il titrer un article résumant ses travaux. 

 

Car ce rejet des indicateurs chiffrés se double, outre de cette fiction prétendument républicaine de l'élève ou du citoyen abstrait, du mythe de Big Brother.

Une évaluation de fin de CM2, sur un échantillon de classes suffisamment large pour que des études sur des sous-groupes (par académies, PCS, etc.) gardent leur pertinence, a été lancée. En quatrième partie les élèves étaient invités à répondre à un questionnaire. Levée immédiate de boucliers. Ainsi, demander à l'élève quelle langue était pratiquée à la maison relevait du viol de l'intimité enfantine. Comme si le croisement anonyme entre résultats à ce test et pratique ou non du français au sein de la famille était inintéressant.  Comme Darcos partage avec les uns ou les autres la méfiance des études tendant à l'objectivité (sa réaction au rapport Obin-Peyrieux - « double ânerie » - en témoigne), la partie IV est passée à la trappe.

 

Le suivi de cohorte  est aussi sur la sellette. Là encore, mais non plus sur des classes, mais sur des élèves désignés par tirage aléatoire, il s'agit de suivre cet échantillon d'entrants à un niveau donné, suffisamment large (dans la nouvelle campagne 25 000 je crois), pour avoir des sous-groupes représentatifs, jusqu'à la fin de leur scolarité. La cohorte précédente a nourri, de paliers en paliers (fin 3e, fin CAP-BEP, fin Terminales...) des tas d'études. Les élèves désignés sont nécessairement suivis nominalement, mais l'exploitation des résultats est anonyme. Des questionnaires très complets sont envoyés aux familles des enfants. Cela a évidemment déclenché des réactions indignées, dont le Canard Enchaîné s'est fait l'écho.

 

Bien sûr, une majorité d'enseignants, pour qui la note est au centre du système bien plus que l'élève noté, ont accueilli avec scepticisme les évaluations nationales. Celle de seconde a été sabotée. Celle de 6e sous exploitée.

 

Le vœu que la notation cède justement le pas à des évaluations (absolument indispensables) s'apparente au mythe de Sisyphe : quand on croit atteindre enfin le but, Robien ou Darcos aidant, on se retrouve plus bas qu'au point de départ. Et si l'on doit, une fois de plus, essayer de remonter la pente, il vaut mieux que les évaluations préconisées soient le mieux critériées possible, si l'on veut, c'est le but, que l'élève concret puisse en faire son miel.

 

Reste la sempiternelle opposition quantitatif vs qualitatif.

Peut-on mesurer le qualitatif ? Absurde. Voire.

L'émergence d'un sujet n'est pas quantifiable.  Bien. Mais si c'est la mission essentielle faut-il s'en remettre à la pifométrie pour savoir si elle est remplie ?

Commençons peut-être par fixer des objectifs plus modestes : plus de responsabilité personnelle, d'autonomie par exemple. On pourra ainsi plus facilement déterminer quelques critères précis permettant de mesurer les progrès dans l'acquisition de cette autonomie.

Mais ce sujet en devenir est un sujet social. Il n'est peut-être pas impossible, dans une classe au climat délétère, par exemple, d'essayer avec les premiers concernés, les élèves, de fixer quelques buts, dont découleront des indicateurs (osons le mot) qui permettront de mesurer si le vivre ensemble prend corps.

 

La tentation technocratique de tout mettre en chiffres et en fiches est certes prégnante. La façon dont la LOLF a été mise en place (alors que l'Académie de Rennes avait démontré qu'elle pouvait être un outil au service d'objectifs pédagogiques) en est la preuve.

Mais elle n'est pas directement couplée à la régression manifeste des programmes et à la réduction des horaires du primaire (on surcharge la barque et on allège l'horaire, en toute logique).

 

Loin de crier haro sur les évaluations, en particulier globales, on devrait plutôt se désoler d'avoir vu disparaître le remarquable HCéé, remplacé par un HCE dont les missions ont été bridées.

 

* Les indicateurs de performance des lycées : une analyse critique ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/revue70/article5.pdf (Felouzis démontre que le niveau scolaire de départ - en s'appuyant sur les résultats des épreuves du Brevet - est un facteur plus pertinent ; il n'était pas pris en compte faute d'un fichier national du Brevet)

 

 

Bilan des résultats de l'école 2007 _ HCE
http://www.hce.education.fr/gallery_files/site/21/40.pdf

Chiffres bruts et honnêteté intellectuelle
http://deblog-notes.over-blog.com/article-13458782.html

 

 

Base élèves du 1er degré : une pétition peu fiable
http://deblog-notes.over-blog.com/article-17916710.html

 

 

Vingt ans après, l’état de l’école française
http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=1138

 

 

Indicateurs et pilotage
http://deblog-notes.over-blog.com/article-13631317.html

 

 

La ségrégation ethnique au collège
http://www.islamlaicite.org/IMG/pdf/G.Felouzis.pdf

 

 

Quelle stratégie pour les militants pédagogiques aujourd’hui ?
http://www.meirieu.com/ARTICLES/militants_pedagogiques_sphoto.htm

 

 

LOLF et pilotage
http://education.devenir.free.fr/lolfpilotage.htm

 

 

Avenir de l’école : la messe est dite ?
http://deblog-notes.over-blog.com/article-15420531.html

 

 

Évitons la catastrophe ! Appel lancé, à l’initiative d’Antoine Prost
http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=3794

 

 

Le Haut Conseil de l'évaluation de l'école : tous les avis et rapports
http://cisad.adc.education.fr/hcee/index.html

 

 

NB La photo d’Antoine Prost est empruntée au Café Pédagogique

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15 juin 2008 7 15 /06 /juin /2008 16:51
Le modèle québécois cité en exemple par Xavier Darcos...

Si l'on en croit Caroline Brizard, du Nel Obs, Xavier Darcos ne jurerait plus que par le modèle québécois ! Et le crétin de la fabrique qui affirmait, il y a peu, qu'il ne jurait que par la Corée et le Japon (le modèle japonais de retour, car il avait eu sa vogue sous l'ère chevénémentesque avec ses ouvriers bacheliers, sauf que, si l'on en croit Hervé Hamon, ce que le Che prenait pour notre bac n'était qu'une certification de fin d'études) !

 

Tant pis pour la Finlande ! après tout la « Belle province » étant francophone, le modèle sera plus facile à copier. Et on ne rétorquera pas, comme le fit un éminent chercheur, que la langue finnoise est ceci ou cela : outre Atlantique, nos cousins se coltinent un français qu'ils défendent avec énergie.

 

Apparemment, pourtant, ces québécois ont tendance à donner dans un pédagogisme éhonté, fort loin des prétendus fondamentaux fort à la mode dans l'hexagone. Rendez-vous compte, loin de proférer le « Savoir » du haut de sa chaire professorale, l'enseignant se préoccupe de « chercher l'attention » des élèves. Ainsi, un prof de maths, pour aborder les fonctions sinusoïdales (y'a que les matheux pour nous inventer des trucs pareils) fait enregistrer des instruments de musique à ses élèves. « Les professeurs, quelle que soit leur matière, s'ingénient à multiplier ce genre de démarches. Ils sont rompus à cela. Pendant leur formation, ils passent le tiers du temps à étudier la discipline, le reste à travailler la didactique, la psychologie, la pédagogie. Philippe, 34 ans, est en 2e année à l'Université de Montréal pour devenir instituteur : «Je n'ai ni cours de grammaire ni cours de maths. Tout l'accent est mis sur les manières d'enseigner, de gérer la classe, voire de se remettre en question quand les élèves ne suivent pas.»

  C'est le leitmotiv de Roch Chouinard, professeur de psychopédagogie à l'Université de Montréal : «L'école doit susciter l'engagement des élèves dans leurs apprentissages.»» Eh oui ! vous avez bien lu « professeur de psychopédagogie ». «Au Québec, l'école a adapté ses attentes aux élèves qu'elle accueille. On apprend moins, mais on apprend mieux»

Quant on pense que le fameux « mettre l'élève au centre » a été voué aux gémonies (avec une malhonnêteté intellectuelle rare) et l'on prendrait pour modèle une école qui adapte ses attentes aux élèves et non une école où les élèves doivent s'adapter aux attentes des maîtres détenteurs du Savoir ! Une école où l'on n'allège pas l'horaire pour mieux alourdir la barque des exigences !

 

Faut-il s'en étonner ? ces québécois versent dans le communautarisme débridé. «Cette semaine, nous fêtons les cultures d'origine, explique Chantal, chargée des activités péri scolaires. Nous accueillons une école de danse d'Haïti; demain, ce sera l'Irlande avec une troupe de gigue, puis l'Algérie avec des chants...» La démarche est efficace. «Il y a un moindre rejet du système éducatif quand vous retrouvez des éléments de votre propre culture à l'école»

 

« L'enseignement a longtemps été abordé de manière abstraite, comme si cette occupation  ne  mettait  en  scène  qu'un  maître  formel  chargé  de  faire apprendre un objet de savoir aseptisé à un sujet désincarné dans un contexte a-social  et a-historique. Pourtant, la situation  est tout autre. Le  maître est  un acteur  social et  son  travail est  soumis  à de multiples pressions  internes, dans son lieu même de travail, et externes, provenant de  la société, qui  influent sur son rôle,  sur  ceux à qui  il  s'adresse,  c'est-à-dire  les élèves,  et sur  ce qu'il doit leur  faire  apprendre.  La  classe,  loin  d'être  un  lieu  clos,  libre  des  influences extérieures,  est  traversée,  pétrie,  en  son  sein  même  par  toute  une  série  de phénomènes qui colorent sa nature et son fonctionnement. »*

 

« C'est en 2001, par la publication de nouvelles orientations, d'un référentiel de compétences professionnelles et de profils de sortie assortis, que s'est véritablement fait l'arrimage entre le renouveau pédagogique et la formation à l'enseignement. Une approche culturelle de l'enseignement a été privilégiée, approche qui non seulement prend acte de la complexification de la profession enseignante, mais qui convie également le personnel enseignant à un changement de culture professionnelle. Désormais, l'enseignante ou l'enseignant, dans l'exercice de son mandat d'instruire, de socialiser et de qualifier, est appelé à s'interroger sur la manière de donner à la culture la place qui lui revient, sur les moyens de concrétiser son rôle de passeur culturel, sur sa façon de former des élèves, jeunes et adultes, ouverts à la pluralité des idées et capables de porter un regard critique sur leurs propres pratiques culturelles. »** préconise un document sur la formation des enseignants.

« Le Ministère a choisi de mettre l'accent sur une formation professionnalisante qui permet de "construire un savoir enseigner, c'est-à-dire une culture professionnelle intégrant des savoirs, des schèmes d'action, des attitudes". »**

 

Que M. Darcos s'inspire de ces orientations serait souhaitable. Il est fort probable que ce souhait soit illusoire.

 

 

* La formation à l’enseignement les orientations et les compétences professionnelles

** La formation à l'enseignement, les orientations relatives à la formation en milieu de pratique

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