Denis Tillinac, grand écrivain corrézien, ami de Chirac, après avoir défendu les époux Tiberi, victimes comme chacun sait d’un « lynchage médiatique », se fait l’avocat de Zemmour, bien sûr contre « les matons cinglés d’un Meilleur des mondes néo bobo ».
Mais qui sait que ce membre éminent de l’école de Brive – une école littéraire à classe unique car elle ne compte que trois membres – fut une véritable racaille ! Cancre il est renvoyé de sept établissements, catholiques et laïcs. Il crève les pneus du scooter d’un professeur de dessin… Plus tard, à Sciences-Po Bordeaux, un couteau à cran d’arrêt dans la poche de son blouson en cuir, il finit une nuit sur trois au commissariat, écrit, sans rire, VSD dans un portrait bidonné de ce voyou !
C’est du coup Le Figaro qui nous révèle, qu’à propos des déclarations du pape sur le préservatif, il a clamé : «ll a raison. Jamais je n'enfilerai ce truc-là. Je préfère encore me taper un rossignol.» Plutôt que de branler les mouches avec un gant de boxe, occupation favorite des intellectuels de gôche, c’est bien connu, lui préfère sodomiser les rossignols. Et la flicaille bobo de le traiter de fieffé réac quand, toujours d’après Le Figaro, il affirme, à propos de chercheurs en grève «Je ne peux plus supporter ces petits connards du CNRS qui font des études sur la sexualité des papillons dans le Bas Congo avec notre pognon et qui ont l'arrogance de venir nous donner des leçons.» Il est vrai qu’il confesse : «Je ne comprends rien à la politique. Je ne regarde jamais la télévision, je n'écoute jamais la radio et je lis le journal à peine une fois par semaine.»
Or donc, le gaillard de Brive part en guerre : « Il faut défendre Eric Zemmour pour que les mots renouent avec un sens, contre les faux bergers du puritanisme qui crient au loup pour néantiser l’autre. » Défendant au passage Frèche et Longuet – et Hortefeux, quoi, il sent pas bon, l’auvergnat ? – il va s’en prendre à la police langagière qui, tenons-nous bien, ne lésine pas avec les rafles ; à un Big Brother invisible qui lâche ses fatwas médiatiques ; à une curée digne de l’Inquisition. Tous les poncifs les plus éculés (pléonasme) ont rendez-vous dans la prose de l’imprécateur. Et l’immortel auteur de Chirac le gaulois ne craint pas le gigantesque amalgame, en glissant même une vacherie à l’encontre de son ex-idole : « le « Gaulois », comme disent les jeunes des cités […], est sommé de se tenir à carreau. Préfère-t-il Mozart au rap, Giotto aux tags et le baroque aux arts premiers, on suspecte la morgue de l’Occidental ; on croit apercevoir l’ombre portée de l’esclavagiste, du colonialiste, et caetera. » On comprend que cette diatribe enchante les identitaires souchiais. (tiré de Marianne 2, ce texte a été repris par de faux-laïques que la xénophobie transforme en souteneurs du papophile corrézien aux moeurs zoophiles).
Ce qui est passionnant dans ce texte, qui vire après dans un délire que l’auteur lui-même serait bien en peine de déchiffrer (où de grands mots démonologie, nihilisme, doxa masquent le vide de la pensée), c’est d’abord qu’il ne cite pas les propos précis de Zemmour. Ensuite que ces affreux bobos restent totalement anonymes et qu’à vrai dire l’aigle du Mont Bessou serait bien en peine de citer des écrits précis pour étayer ses accusations. C’est la méthode Finkielkraut : on se fabrique un ennemi caricatural (les pédagogogues, chers aussi à Julliard) qu’on aura aucune peine à vaincre en lui prêtant des positions caricaturales. Enfin, si l’insulte fleurit, l’argument manque.
Rappelons que M. Zemmour est censé écrire au Figaro (même si les mauvaises langues prétendent qu’il y serait payé à ne rien faire), au Figaro Magazine et au Spectacle du Monde, sans compter quelques piges diverses, il cause dans le poste (RTL), il chronique dans les étranges lucarnes (I-télé), joue les roquets agressifs chez Ruquier (FR2), il est invité sur d’autres plateaux (chez Ardisson, par exemple) et publie des libelles. Comme martyr de la liberté d’expression, on ne peut mieux choisir.
Il a justifié donc les contrôles d’identité au faciès par le fait qu’une grande majorité de trafiquants seraient noirs ou arabes. Tillinac autorise-t-il à dire que, si les contrôles d’identité permettent de coincer des sans-papiers (donc de faire du chiffre), ils ne peuvent déceler un trafiquant, il y faut au moins une fouille. Peut-on ajouter que si on recherche les dealers, dans de grandes opérations de ratissage, que dans les quartiers-ghettos, on a toutes les chances de les trouver dans la population de ces ghettos ? Beigbeder et ses semblables ne vont pas s’approvisionner en cocaïne au pied des tours de Tremblay-en-France, pourtant la drogue circule dans les beaux quartiers et pas seulement de la Rive gauche.
Et si les affaires de pédophilie familiale, à quelques exceptions près, concernent très majoritairement une population « de souche », comme disent nos identitaires, plutôt victime du chômage et de l’alcoolisme, c’est peut-être parce que, dans les milieux plus huppés, comme dans les familles immigrées, la loi du silence est encore très pesante. Loi du silence qui a longtemps profité au clergé.
Mais là on tombe sur un autre cheval de bataille de notre spadassin de Tulle, la défense du pape. « Je crois que l’on s’en prend à ce pape parce qu’il est un intellectuel et parce qu’il avance une analyse critique et radicale de la modernité. De BHL à Onfray en passant par Finkielkraut, aucun n’y résiste. Benoît XVI est le seul vrai rebelle de la modernité(sic). C’est cela que l’on tente de lui faire payer. Et en particulier un certain système médiatique qui a trouvé toutes les indulgences à Roman Polanski, qui a été condamné pour pédophilie, ou à Frédéric Mitterrand, qui en a fait l’apologie dans un livre. Il y a enfin, et particulièrement en France, un vieil anticléricalisme qui ne demande qu’à prospérer sur de telles polémiques. » La sainte cause autorise même le mensonge : Roman Polanski n’a pas été condamné – il a quitté les Etats-Unis avant la conclusion des audiences menées par un juge, estimé déloyal y compris par la partie adverse – et n’était pas inculpé de pédophilie.
Il a donc co-signé un texte*, avec, entre autres un certain Vanneste, député homophobe déclaré – mais ce n’est pas cela qui va le choquer – où dans un jeu plus qu’usé on tente de faire passer pour victimes ceux qui ont longtemps jeté un voile complice sur les coupables.
Tibéri, Zemmour, Benoît XVI… je serais pape que ça m’inquièterait d’avoir un tel avocat.
* Luc Chatel, pas le ministre, le patron de Témoignage chrétien s'insurge également contre les termes employés par l'Appel à la Vérité, qui minimise, selon lui, le rôle de l'église. "En devenant bourreaux, des prêtres n'ont pas été seulement sources « d'offenses portées au Christ ». Et en les couvrant, des membres de la hiérarchie catholique ne se sont pas limités à de simples « dysfonctionnements » ou « manquements », selon les mots employés par l'appel à la Vérité. L'église aurait dû se placer, selon lui, du côté des "victimes." "Plutôt que de se lamenter sur les assauts extérieurs qui maltraitent l'Eglise et son pape, (...) certains catholiques feraient mieux de se recueillir et de méditer sur les raisons d'un tel renversement de son message et de sa mission, qui l'a amenée à protéger des bourreaux, condamnant des victimes innocentes à une double peine: le crime et le silence."