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3 janvier 2011 1 03 /01 /janvier /2011 21:55

azzeddine Lamecque-phuket  D’entrée le roman de Saphia Azzeddine nous entraîne dans son style tourbillonnant. A travers cette histoire de deux filles qui tentent, en économisant leurs maigres ressources, de satisfaire l’obsession de leurs parents – faire leur pèlerinage à La Mecque pour devenir Hadj et Hadja – elle conte quelques scènes impayables, brosse quelques portraits et, sans avoir l’air d’y toucher, émet quelques vérités.

 

Beau sketch comique, quand elle découvre dans un hangar Najib, son frère, avec un pote,  encombrés de centaines de boîtes de Nike où « il n’y avait que des pieds gauche », boîtes que leur avait refourgué Rodrigo, « ce salopard de Rom ». « Ces deux blaireaux  étaient ensevelis sous des boîtes de chaussures pour sportifs unijambistes. » Fairouz, la narratrice, au passage, décrit la situation de beaucoup de jeunes garçons arabes, comme elle dit. « Mon frère était une petite frappe et il prenait le chemin d’un grand con. » « Il y avait un tel fossé entre le petit roi que Najib était à la maison et l’inexistence absolue dont il jouissait à l’extérieur qu’il finissait par être totalement schizophrène. » « Pas étonnant qu’il aime tant sa maman. Elle, au moins, elle l’appelait Sidi. »

Azzedinesaphia2bis

La grande sœur surveille aussi la plus petite qui répond à l’improbable prénom de Shéhérazade. Celle-ci la tanne pour aller à un « colloque de Ni putes, ni soumises ». Refus : « tu résous  tes équations à deux inconnues pour l’instant et tu milites pour avoir ton bac d’abord. » Elle n’aime pas Ni putes ni soumises. Et quand sa sœur Kalsoum trouve un boulot dans le milieu de la mode, et qu’elle trouve ça « kiffant », elle lui demande d’arrêter « de parler comme une pouilleuse » « c’est pas en parlant comme Fadela Amara que tu vas te distinguer des autres, bien au contraire. »

 

Elevée dans la religion musulmane, Fairouz petite, fera tout pour ne pas suivre « les enseignements de l’honorable Abdelkader Al-Islam, anciennement Didier Parmentier. » « Il faisait le tour des banlieues déguisé en Arabe de souche… » « Comme tous les convertis, il se sentait obligé de rattraper le temps impur où il n’avait été qu’un Français vaguement chrétien. »

 

La narratrice, qui se dit musulmane, mais qui ne prie pas, ironise aussi sur ces musulmans qui font un concours de zébida (mais non ce n’est pas ce que vous pensez, mais la marque sur le front à force de le frotter par terre). « En moyenne une prière dure dix minutes, trois d’entre elles se font pendant les heures de bureau, ça fait trente minutes par jour de productivité en moins, cent cinquante par se     maine, six cents par mois, sept mille deux cents par an et deux cent quatre-vingt-huit mille par vie. » « Comment  un Dieu juste […] peut-il préférer qu’on le loue plutôt qu’on ne fasse ? » (Précisons pour les gaulois de souche et autres pseudos laïques pinard-sauciflard que dans un pays comme le Maroc l’activité économique ne s’arrête pas quand retentit l’appel du muezzin.)

 

Fairouz se décrit comme « une musulmane laïque qui ne fait chier personne. Je le précise car […] on a l’impression qu’aujourd’hui les musulmans font chier toujours, tout le temps et tout le monde. Quand ils ne brûlent pas des voitures, ils brûlent des femmes, quand ce ne sont pas des femmes, ce sont des synagogues et quand ce ne sont pas des synagogues, ils se rabattent sur les églises, les musées et les nouveaux-nés. Mais Dieu est miséricordieux, la France très clémente et le musulman plutôt philosophe en fin de compte. »

 

La narratrice a quelques autres morceaux de bravoure sur les Arabes qui vivent comme des crevards dans leurs cité mais paradent en Mercedes et en Nike dans leurs villages d’origine, sur la boulimie d’achat des femmes arabes et en particulier de sa mère, sur les femmes d’Essaouira qui sont des langues de vipère, sur son père et les loubbys, sur la manie de ses parents de lancer d’innombrables et coûteuses invitations…

 

Quant à savoir pourquoi Phuket – qui se prononce « p » et non « f » - est accouplé à La Mecque, lisez le livre : la réponse est à la fin.

 

Mais deux phrases de la conclusion n’enlèveront rien à l’énigme du titre : « Il y a donc deux manières d’envisager Dieu ici-bas. Il y a ceux qui disent pardon et ceux qui disent merci. »

 

L’athée – pas au Sahara – que je suis, dit un grand merci à Saphia Azzeddine pour ce roman pétillant mais qui sait, sans avoir l’air d’y toucher, dire l’identité française, pour parler comme Besson, de Fairouz, Kalsoum, Najib, Shéhérazade même si leurs parents qui ont « tout fait pour s’insérer dans la société » n’ont jamais pu s’intégrer, car « à l’époque, il aurait fallu un peu plus mélanger les voisins » !

 

Ne parlons pas des ghettos de l’actuelle époque !

 

azzeddine Lamecque-phuket2 

Saphia Azzeddine La Mecque-Phuket Editions Léon Scheer 17 €

 

Pour compléter une lettre du sulfureux Gabriel Matzneff

Zemmour, le petit mâle, lorgne le décolleté de Saphia Azzeddine qui tient tête aux deux Eric !

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