Les élections générales espagnoles auront lieu le 20 décembre. Malgré des scandales en cascade le PP reprend la tête des sondages. Mais une alliance sera indispensable. Et un blocage n’est pas à exclure.
Alors que fin novembre, Metroscopia mettait trois partis dans un mouchoir de poche – PP 22,7%, PSOE 22,6% et Ciudadanos (C’s) 22,5% donc bien en deçà de la marge d’erreur – le sondage suivant place le PP du Président du gouvernement sortant, Mariano Rajoy, nettement détaché à 25,3% devant un PSOE à 21%, tandis que C’s décroche de 22,5 à 18,2% et, qu’au contraire, Podemos remonte de 17,1 à 19,1%. La conjonction des différents sondages, notamment celui du CIS, renforce l’hypothèse d’un PP prenant la tête le 20D.
Les projections en sièges donnent donc une majorité relative au Parti Popular, mais même dans celle du CIS, la plus favorable au PP, loin de la majorité absolue.
NOMBRE DE SIEGES PAR PROVINCE
A la lecture du sondage et de la projection en sièges, on peut se demander comment une différence de deux points entre l’estimation du PSOE et celle de Podemos peut se traduire par un écart de 30 sièges.
Certes les élections espagnoles ont lieu à la proportionnelle, mais une proportionnelle qui se joue dans les 50 provinces. Dans les plus importantes, de fait, la répartition des sièges est pratiquement proportionnelle. Mais dans les moyennes et petites, la répartition favorise les partis arrivés 1er et 2e ; c’est un handicap pour les partis en 3e ou 4e position.
Mariano Rajoy (PP) reste celui qui a le solde de satisfaction le plus bas, mais il passe de -45 à -33 depuis le lancement de la campagne et alors qu’il s’est défilé lors de la 1ère grande confrontation. Pedro Sánchez (PSOE) a vu lui son solde se dégrader de -14 à -20. Pablo Iglesias, comme Rajoy, reste avec un solde négatif, mais beaucoup moins élevé de -34 à -24. Et Albert Rivera (C’s) reste le chouchou, le seul avec un solde positif +11 constant. Et c’est toujours Sánchez qui est la moins populaire chez ses propres sympathisants.
Le paradoxe de cette montée du PP et de cette remontée de Podemos est qu’ils restent les deux partis qui provoquent le plus de répulsion. 50% des sondés ne voteraient PP en aucun cas et 38% Podemos. Alors qu’ils ne sont que 13% ou 10% à manifester un tel rejet pour le PSOE ou C’s.
Paradoxe encore, Albert Rivera, le chouchou des sondés, est cependant celui que le moins d’électeurs considèrent comme le Président de gouvernement le plus apte et ils sont encore moins nombreux à souhaiter que son parti gagne. Mais ce qui ressort bien c’est que même si Rajoy et le PP dont là encore en tête, l’opinion est fragmentée en quatre parts assez proches.
Le positionnement idéologique des sympathisants de chaque parti ne dessine guère des alliances évidentes. C’s voit son électorat potentiel se droitiser nettement. Le PSOE reste ancré au centre-gauche. Et Podemos qui cherchait à se situer ailleurs lui reste ancré à gauche. C’s semble néanmoins le parti pivot, se rapprochant idéologiquement du PP, mais dont il se voulait le concurrent direct pour mettre fin à la corruption.
Podemos, tout en refusant la main tendue d’Izquierda Unida (IU rebaptisé Unité Populaire UP) a su nouer des alliances avec les formations locales qui, à Barcelone, Madrid, Saragosse ou Valence, ont su conquérir les municipalités. Ainsi, les projections le donnent en tête à Barcelone. Il semble qu’Iglesias, excellent débateur, tienne un discours relativement modéré pour atténuer les craintes que son parti provoque dans l’électorat socialiste. Car son but, assez nettement exprimé par ses lieutenants, est de plumer la volaille socialiste et ses attaques visent surtout Sánchez. PSOE qui est bien sûr la cible du PP, mais aussi égratigné par C’s qui vise lui son électorat le plus centriste.
Le PP compte accentuer son avance pour être en position de provoquer une coalition autour de lui. Mais sauf à imaginer une improbable alliance à l’allemande entre les partis de la caste, comme dit Podemos, PP-PSOE, on jouera le 21 décembre à majorité impossible. D’autant que, vu l’hostilité de Podemos envers C’s et plus encore le PSOE, une triple alliance anti PP est tout aussi improbable.
Même si, d’un sondage à l’autre, l’électorat espagnol semble assez versatile, il est peu probable que dans les quelques jours qui viennent d’énormes mouvements d’opinion aient lieu. On s’oriente donc, au soir du 20 D, vers une Espagne très instable. Sera-t-elle capable de retrouver l’esprit de compromis qui a permis la transition, c’est-à-dire le passage en douceur de la dictature franquiste à la démocratie ?
Lors du 1er débat, organisé par El País, Rajoy a refusé de participer : il est donc représenté comme un froussard !
Rajoy n'a voulu débattre qu'avec Pedro Sánchez (PSOE)
A même pas deux mois des élections générales, le baromètre électoral de Metroscopia reflète une double évolution : Ciudadanos (C’s) semble poursuivre son ascension, tandis que les socialistes rétrogradent.
Et 69% des sondés estiment qu’il serait bon que l’Espagne ne soit plus dirigée par le PP ou le PSOE.
Ainsi, le PP, stable d’un mois à l’autre, retrouve cependant la première place à 23,5%, C’s passe en 2e position avec 22,5%, le PSOE lui perd 2 points à 21%, au profit de Podemos qui reprend des forces à 17% presque 3 points de plus en moins d’un mois. IU résiste bien avec 6,3%.
Une situation des plus indécises donc puisque les trois premiers sont en-deçà de la marge d’erreur de ± 2,7 points.
Transferts de voix
Le PP quasi stable depuis trois mois à 23-23,5% semble tenir un éléctorat solide, avoir atteint son socle. Si C’s a su séduire une part importante de ceux qui ont voté PP en 2011, sa capacité d’attirer d’autres électeurs du PP semble avoir atteint ses limites. Et il n’est pas impossible même que d’ici les élections une partie de ces transfuges reviennent au PP. La montée de C’s ces derniers mois est dû à l’apport d’électeurs d’autres partis entre autres de 11% d’ex-électeurs du PSOE.
Podemos qui, en Octobre était tombé au plus bas depuis un an, après des résultats catalans décevant, remonte la pente au détriment aussi du PSOE, puisque le flux des ex-électeurs socialistes passe de 11 à 16%. Si podemos ne remonte pas plus c’est qu’IU contrairement à son calcul résiste.
Cependant ce résultat est cohérent avec les choix des sondés sur le parti qu’ils souhaitent voir gagner les élections : PP, C’s et PSOE recueillent 18% chacun, contre 14% pour Podemos.
Albert Rivera (C’s) est le préféré des sondés comme chef de gouvernement avec 22%, devant Mariano Rajoy (PP) à 17% et Pedro Sánchez à 16 % ou o Pablo Iglesias à14 %.
Ce qui correspond parfaitement à l’image des principaux leaders puisque Albert Rivera reste le seul à obtenir un solde d’opinions positif (ceux qui approuvent son action politique sont plus nombreux que ceux qui la désapprouvent). En revanche Pedro Sánchez reste dans le négatif (-24), et si Pablo Iglesias (-37) et Mariano Rajoy (-42) ont un solde encore pire, ça l’est un peu moins qu’au début octobre. Et Sánchez reste aussi celui qui s’impose le moins dans son propre parti (+66). Alors que Rivera, lui, est plébiscité à +90. Il obtient même des soldes positifs chez les électeurs potentiels du PP (+40) et du PSOE (+17) ; mais pas de réciproque pour Rajoy (-41) et Sánchez (-30) chez les électeurs potentiels de C’s.
Rivera obtient le meilleur solde dans l’électorat qui se situe au centre (5 sur une échelle de 0 extrème-gauche à 10 extrême-droite) : +31 points ; mais il dépasse largement Sánchez dans l’électorat de centre-gauche (+11 contre -18 pour le socialiste !) et au centre-droit face à Rajoy (+48 contre +16).
Et dans l’hypothèse souhaitée par plus des deux tiers où ni le PP ni le PSOE dirigent le gouvernement, une large moitié des sondés (58%) opte pour C’s, un quart (26%) seulement pour Podemos.
Système électoral
Le Congrès des députés compte 350 membres élus tous les quatre ans au suffrage universel direct. Le mode de scrutin est proportionnel (méthode d’Hondt) et les circonscriptions sont les cinquante provinces espagnoles ainsi que les villes de Ceuta et Melilla. Un quorum est fixé à 3% au niveau de la circonscription électorale.
Les provinces se voient attribuer un nombre de sièges proportionnel à leur population, mais en ont au minimum deux, créant ainsi un léger avantage pour les provinces les moins peuplées. Le système donne par ailleurs un avantage aux grands partis, qui sont presque sûrs d’obtenir un siège dans chaque circonscription alors que les plus petits partis ne peuvent espérer être représentés que dans les grandes circonscriptions.
Les villes de Ceuta et Melilla comptent chacune un député élu au système majoritaire à un tour.
Metroscopia, avec forces précautions – l’estimation ne pronostique pas le résultat final du 20D –a tenté de traduire les estimations des votes en projections en sièges. Cela à partir de données collectées à divers moments dans les provinces, mais aussi sur la base de 18400 entretiens téléphoniques.
L’estimation des forces dans le futur parlement mat le PP en tête avec une fourchette de 93-100 élus, suivi de près par Le PSOE qui obyiendrait entre 88 et 98 députés. Ciudadanos, bien que 2e en voix, serait en 3e position avec 72-84. Cela s’explique par le système électoral qui favorise les formations politiques qui ont une implantation homogène sur tout le territoire national. Ce qui est le cas des vieux partis avec ses militants, ses élus locaux. Mais les données disponibles semblent indiquer que C’s a progressivement gagné en transversalité et on ne peut écarter que d’ici l’échéance électorale son implantation s’améliore sur toutes les circonscriptions électorales et donc qu’il rivalise avec les deux autres en nombre d’élus.
Les autres partis nationaux –Podemos 42-46 et IU 5 – avec le système électoral n’obtiennent pas un nombre d’élus proportionnel à leur score. Ainsi IU avec seulement -0,6% de voix par rapport à 2011 perdrait plus de la moitié de ses sièges.
Un analyste explique cette montée de C’s, supplantant Podemos par un changement du climat politique espagnol qui serait passé de l’indignation à ce qu’il appelle l’oxygénation. Si l’indignation se situe hors du système qu’il attaque, l’oxygénation joue en son sein pour le rénover profondément. L’une est une force centrifuge, l’autre une force centripède.
L’indignation s’est incarnée dans Podemos et Pablo Iglesias, l’oxygénation s’incarne dans Ciudadanos et Albert Rivera, avec l’appui des électeurs de moins de 55 ans, actifs et habitants des grandes villes. Mais les deux forces ont en commun le slogan du mouvement du 15M : « Ni face A, ni face B, nous voulons changer de disque ».
La montée en puissance de C’s déclenche bien sûr des contre-attaques. Mais relativement modérées du côté du PP ou du PSOE, car c’est un allié potentiel pour un futur gouvernement de coalition. Plus vigoureuse donc à l’extrême-gauche.
Sur le mode humoristique on détourne sa première affiche quand C’s a démarré petitement aux avant-dernières élections catalanes.
Mais des attaques beaucoup plus sévères le visent. Ainsi est-il accusé d’avoir sympathisé avec un club de supporters ultras – du style de ceux qui sévissaient dans le kop de Boulogne –du club de foute l’Espanyol de Barcelone, la Brigada Blanquiazule. Un journal Catalan, El Periódico de Catalunya, affirme qu’il a été membre du mouvement de jeunes du PP. Plus grave est l’accusation d’être lié à Libertas, un mouvement eurosceptique qui comptait notre Vicomte vendéen, de Villers, comme tête de liste en France aux élections européennes de 2009.
Surtout, il est présenté comme un sous-marin de FAES, un think-thank à la dévotion de José María Aznar, ancien 1er ministre du PP.
Dans le jeu électoral espagnol, si l’on peut faire quelques rapprochements avec un Parti socialiste qui a peine à se mettre en ordre de bataille derrière sa tête de liste ou avec un ancêtre du front de gauche plus apte à mettre en difficulté la gauche – mais ici c’est Podemos – que le centre ou la droite, pour le reste rien à voir avec nous. Pas de FN : le PP, contrairement à l’UMP, a couvert tout le spectre de la droite avant que Ciudadanos vienne chasser sur son centre. Ni Podemos, ni Ciudadanos n’ont d’équivalents français. Qui pourrait comparer Pablo Iglesias à Mélenchon ou Albert Rivera à Bayrou ? Certes, ni l’un ni l’autre, malgré leur jeunesse, ne sont des perdreaux de l’année. Mais, eux, démarrent vraiment au plus haut niveau politique. Et, quel que soit le résultat, l’un ou l’autre sera impliqué dans le futur gouvernement espagnol.
A 70 jours des élections générales, Ciudadanos fait une percée spectaculaire, tandis que Podemos, piégé par IU régresse. PSOE et PP sont au coude à coude. Mais l’électorat semble très volatil. Le PSOE présente des éléments de faiblesse et le PP, bien qu’accablé de scandales, ne décroche plus.
Trois partis sont dans un mouchoir de poche, en deçà de la marge d’erreur de ± 2,9 points : PSOE, PP et Cirudadanos (C’s). Si le PSOE garde un léger avantage, l’écart est infinitésimal avec le PP. Mais la révélation de ce sondage du 7 et 8 octobre 2015, c’est l’inversion nette des positions des deux partis émergents. C’s gagne plus de 5 points d’un mois à l’autre. Podemos en perd 4,5.
Intentions directes de vote exprimées par les sondés
Cote de popularité des principales têtes de liste
Hypothèses et voeux pour le gouvernement issu des élections générales
Ciudadanos : une percée spectaculaire
Albert Rivera - 2e - salue le couple royal à l'occasion de la fête nationale
La percée de C’s confirme son bon résultat aux élections catalanes du 27 septembre : 18%, 2e parti du parlement catalan, et champion des partis dits constitutionnels (anti-sécession).
Dans la stratégie des forces émergentes de se présenter comme des forces transversales, hors des vieilles étiquettes et idéologies, disqualifiant les vieux partis qui se partagent le pouvoir depuis une trentaine d’années, C’s semble avoir mieux réussi son coup que Podemos. D’autant que son leader, Albert Rivera, est toujours le seul a avoir un solde d’opinions positives. Et, dans une opinion qui souhaite à plus des deux tiers que les prochaines élections mettent fin à l’alternance PP/PSOE en mettant un autre parti en tête, c’est encore C’s qui est largement préféré, y compris par l’électorat PSOE qui le préfère nettement à Podemos (61% vs 25%).
Podemos dans la nasse
Pablo Iglesias et Alberto Garzón
Podemos semble incapable de se dépêtrer du piège, tendu par IU, de l’union des forces populaires, pour reprendre une vieille formule du camarade Marchais. L’appel d’Alberto Garzón, IU, à des candidatures d’union populaire, relayé par des personnalités comme Almodovar, appuyé par des groupes divers, sous des étiquettes style Ahora en Común, a été repoussé par Pablo Iglesias. Il le paie d’un surcroît d’impopularité puisque son solde d’opinions, qu’on n’ose qualifier de positives, tombe à -44, presque aussi bas que Rajoy ! Les élections catalanes n’ont pourtant pas démontré l’intérêt de la formule unitaire puisque Si que es Pot, liste d’union Podemos+ICV (équivalent catalan d’IU avec des Verts), fait moins qu’ICV seul aux élections précédentes.
Dans cette partie de bras de fer où Iglesias signifie à Garzón qu’il veut bien l’accueillir sur ses listes, mais sous l’étiquette Podemos, IU tire pour le moment son épingle du jeu à 5,6%. Car l’équipe dirigeante de Podemos veut absolument se débarrasser de l’étiquette d’extrême-gauche pour se recentrer sur une ligne finalement plutôt réformiste.
PSOE fragile
Le PSOE lui, loin de décoller, stagne, se tasse même. Il est certes le parti que les sondés préfèreraient voir gagner les prochaines élections, mais de peu. Et son leader, Pedro Sánchez, qui semblait en septembre, enfin, acquérir plus de visibilité, retombe dans un score de popularité nettement négatif (-22). Elément aggravant, il perd des plumes dans son propre parti : il est le moins bien coté en interne (+54, même Rajoy, pourtant discuté au sein du PP, est à + 69). Et surtout 60% de ses électeurs potentiels estiment que ce serait bon que l’Espagne soit gouvernée par un parti qui ne soit ni le PP, ni le PSOE ! Electeurs potentiels dont on a vu que leur préférence irait dans ce cas à Ciudadanos.
Et si c’était le PP ?
Le PP semble avoir atteint son étiage autour de 23%. Bien qu’accablé de scandales de corruptions divers (où le PSOE est hélas parfois compromis), il s’accroche. Il a atteint le noyau dur de son électorat. Ses électeurs potentiels sont les plus attachés à sa victoire, les moins sensibles aux sirènes de l’alternance au PP et PSOE. Et en cas de malheur, opte pour C’s et rejette absolument Podemos.
Et si finalement il ne se passait rien ? si finalement Rajoy restait à la Moncloa, siège du chef de gouvernement ? s’interroge, dans un apparent paradoxe, Ramiro Feijoo, professeur d’Histoire Culturelle. Il constate que les populares se sont gavés d’argent sale, à travers des réseaux parfaitement organisés, et que, quand ces montages furent découverts, ils ont assumé leur culpabilité sans faire preuve d’aucun regret, sans vergogne.
Malgré cela il estime que le conservatisme qui préfère le mal connu à un bien hypothétique – le familier à l’inconnu, le réel au possible, le proche au distant, etc. – s’appuie en Europe du Sud sur le mythe du péché originel. Les racines du conservatisme plongent dans une vision radicalement pessimiste de la nature humaine. L’homme est par essence imparfait, voire mauvais et ne peut être amendé. Cette vision anthropologique se combinerait avec un fatalisme essentialiste selon lequel il n'y a aucune possibilité de changement ou de progrès. Ces électeurs restent donc disposés à soutenir un parti dont les placards sont pourtant encombrés d’immondices. Pour eux il n’y a pas d’alternative et ceux qui proposent quelque chose d’autres sont au mieux des naïfs et au pire des faux prophètes tentant de tromper les oreilles candides.
Cette vision pessimiste, ce fatalisme pourrait donc reconduire le PP à la Moncloa.
Rien n’est heureusement joué. Et les évolutions assez brutales des deux partis émergents montrent que les cartes ne sont sans doute pas distribuées. Mais, pour le moment au moins, l’hypothèse d’une large majorité de gauche – PSOE+Podemos - s’éloigne. Celle d’une majorité de centre gauche – PSOE+C’s – a actuellement les faveurs des électeurs potentiels du PSOE. Reste l’hypothèse d’un C’s en tête avec deux alliances possibles : s’il continuait sur sa lancée, ce serait sûr.
Le PP est un parti de vieux mâles : le pourcentage d’hommes est supérieur à celui des femmes dans toutes les tranches d’âge et sa force principale se situe chez les hommes de plus de 65 ans.
Le PSOE lui est un parti féminisé et équilibré sur les différentes tranches d’âge, sauf chez les plus jeunes. C’est la seule formation où le pourcentage de femmes est plus fort que celui des hommes sur tous les âges. Les femmes jeunes – 18-34 ans – sont son point fort, mais, en revanche, son point faible porte sur les jeunes hommes : 20% de femmes contre 6% d’hommes, une différence de 14 points !
Ciudadanos est un parti légèrement plus masculin, assez équilibré pour les âges, sauf chez les plus de 65 ans. Les hommes jeunes (19%) sont sa force principale, mais il a de grandes difficultés à attirer les électrices de plus de 65 ans qui ne sont que 5% à pencher pour le parti d’Albert Rivera.
Podemos est le parti qui montre la plus grande assymétrie dans les âges. Sa force ce sont les jeunes (18-34 ans), surtout les hommes avec 16% contre 13% aux jeunes femmes. Sa grande faiblesse se trouve chez les électeurs potentiels de 55 ans et plus où il ne dépasse pas 6%.
Les électeurs déclarés de chaque parti sont invités à se situer sur une échelle de 0=extrême-gauche à 10=extrême-droite.
Ça se bouscule au centre
A part donc ceux de IU, ces électeurs potentiels se situent majoritairement au centre. PP et PSOE forment presque une image inversée, avec un sommet à 5, partant ver le 7 ou 8 pour le PP, en pente aussi douce vers le 3 pour le PSOE.
Mais à côté de ces reliefs érodés des vieux partis, Ciudadanos est une montagne jeune qui s’érige en plein centre, dans un triangle quasi isocèle. Même les sondés de Podemos ont la gauche timide et leur nombre s’érode.
Cette course au centre est un dilemme aussi bien finalement pour le PSOE que pour Podemos.
Le recentrage auquel tente de procéder le parti d’Iglesias risque de lui faire perdre ses militants ancrés à la gauche extrème, d’où un discours qui tente de se situer en dehors de ce clivage gauche-droite.
Face au PP, parti caméléon, qui apparaît modéré à ses électeurs modérés et d’extrême-droite aux extrémistes, le PSOE déçoit ses électeurs de gauche qui le trouve trop centriste sans obligatoirement convaincre un électorat centriste qui le trouve trop à gauche.
Le baromètre de metroscopia en avril place quatre partis dans une fourchette d’à peine 3 points. Ciudadanos poursuit son ascension, tandis que Podemos s’effrite tout en gardant la tête. Les deux champions du bipartisme PSOE et PP se redressent un peu. Mais presque huit Espagnols sur 10 veulent voir la fin de l’hégémonie de ces partis qui ont alterné au pouvoir depuis la transition démocratique.
Le quadripartisme qui s’était amorcé au sondage de février, avec l’apparition quasi instantanée de Ciudadanos dans le jeu politique national, se confirme. Les sondés d’Avril placent les quatre formations – PP et PSOE, Podemos et Ciudadanos – entre19,4 et 22,1%, à peine 3 points d’écarts entre les deux nouveaux acteurs qui encadrent les partis anciens.
La fin du bipartisme
A l’évidence les Espagnols sont las du bipartisme qui a rythmé leur vie politique depuis la transition démocratique. 77%, presque 8 sur 10, souhaitent que le jeu politique s’ouvre. Et ils le démontrent donc dans les sondages électoraux.
Mais quant à ce que ça pourra donner, c’est plus flou. Un gouvernement minoritaire, assuré par le parti arrivé en tête, qui après jongle pour obtenir des majorités ponctuelles, est la solution la plus envisagée. Seule une coalition PSOE-C’s obtient un faible assentiment majoritaire. Mais les sympathisants C’s semblent prêts à manger à tous les râteliers puisque les 2/3 envisagent aussi bien une alliance avec le PSOE qu’avec le PP.
L’enquête menée en le 7 et le 9 avril place toujours Podemos en tête avec 22,1%, position quasi stable après une chute de 4 points au baromètre de mars. A l’inverse, le PSOE, après une baisse nette en février confirme le redressement de Mars. L’hémorragie du PSOE vers Podemos semble stoppée. Est-ce l’effet de la victoire andalouse ? Mais le PP, qui y fut sévérement défait, reprend aussi 2 points par rapport à mars. Quant à Ciudadanos (C's), après sa spectaculaire montée de février et surtout mars, il progresse encore un peu. En revanche IU et surtout UPyD, complétement phagocytée par C’s, se marginalisent.
Pour Podemos – qui paie sans doute les attaques violentes qu’il a subies sur ses liens avec le Chavisme vénézuélien – C’s devient un concurrent dangereux.
El Plural, périodique digital progressiste, comme il se définit, descend Ciudadanos avec vigueur. Il serait issu, non de la cuisse de Jupiter, mais de la main d’Aznar, via le FAES (un ‘think thank’ comme on dit fondé par l’ancien 1er ministre).
Il le décrit comme l’asile et le fortin de l’españolismo en Catalogne : de fait Ciutadans-Partit de la Ciutadania est né en Catalogne contre les indépendantistes. Non seulement il aurait eu la bénédiction d’Aznar, mais aussi celle de la radio des évêques, la COPE, avec notamment les applaudissements enthousiastes de Federico Jiménez Losantos, un ex-communiste puis socialiste passé à droite, mais très anti-Rajoy. Car pour le rédacteur en chef de Plural, C’s serait en fait une machine de guerre dans un jeu interne à la droite contre l’actuel premier ministre qu’Aznar mépriserait !
Que les fervents défenseurs de l’Espagne une et indivisible aient soutenu un parti naissant qui affichait son attachement à ce que la Catalogne reste espagnole (et corrélativement à la corrida comme symbole de cette hispanité) se conçoit. Que ce nouveau parti draine les déçus du PP, les analyses le prouvent. Mais de là à n’en faire qu’une marionnette, avec Aznar tirant les ficelles mériteraient des preuves plus tangibles que l’appui d’un Losantos qui avait aussi applaudi l’UPyD, dissidence centre-gauche du PSOE, UPyD complétement ou presque vampirisé par C’s.
Notoriété et popularité
Le baromètre des personnalités – notoriété, solde approbation-désapprobation – confirme la chute d’opinions favorables du leader de Podemos, Pablo Iglesias : son image ne cesse de se dégrader passant de -13 en janvier à -30, 4 mois après. Victime sans doute des attaques dont il a été l’objet, mais peut-être aussi d’une gestion assez léniniste du nouveau parti.
Mais la chute la plus spectaculaire est celle de Rosa Diez fondatrice d’UPyD : de -12 en janvier à -49 en avril (pire que Rajoy !) et surtout avec un score famélique dans son propre parti (+23) ; elle paie la lutte interne sur le rapprochement/fusion avec C’s.
Rajoy est constant dans l’impopularité. Pedro Sanchez ne décolle pas dans son propre parti, le PSOE : si l’on met à part l’accident industriel de Rosa Diez, il reste le leader qui recueille le moins d’approbation dans son camp.
Albert Rivera reste le seul qui affiche un solde positif ! Mais sa notoriété reste bloquée à à 77%.
Le désaveu de la politique de Rajoy
Rajoy parie que comme un soufflé, après les percées spectaculaires, Podemos et C’s vont se dégonfler. Il table sur les signes de reprise économique pour reprendre un peu de poil de la bête.
Pour le moment au moins, les sondés restent très sceptiques sur les vertus de sa politique. Seul un quart sont satisfaits de la gestion menée depuis trois ans par le gouvernement. Et les trois quarts estiment que les inégalités se sont creusées pendant la même période.
Après les élections anticipées en Andalousie, l’année va être ponctuée par les élections municipales et les élections des régions autonomes (sauf en Catalogne, Galice et Pays Basque et, on l’a vu, Andalousie qui ont un autre statut) le 24 mai. Le 27 septembre ce seront les élections en Catalogne, dont Artur Mas, l’actuel président, veut faire un referendum pour l’indépendance.
Enfin, entre le 20 novembre et le 20 décembre*, les élections générales.
Quoique rêve Clémentine Autain, le jeu politique espagnol n’a rien à voir avec celui de la France et le Front de gauche encore moins avec Podemos. Comme si on comparait le Modem à Ciudadanos.
Il n’est que de voir l’inventivité du mouvement social espagnol avec ce défilé d’hologrammes pour protester contre une loi baîllon, que veut imposer le PP pour rallier sa vieille garde nostalgique du franquisme, avec la traditionnelle journée de protestation contre l’austérité d’une partie des syndicats en France, pour comprendre qu’il y a encore des Pyrénées.
Comparer aussi la jeunesse des leaders des partis politiques espagnols avec l’âge des nôtres. Albert Rivera a 36 ans, Bayrou pourrait être son père. Iglesias en a 37, Mélenchon pourrait être son père. Et Cambadelis aurait pu être, mais plus précocement, le père de Sanchez, 43 ans…
Ce quadripartisme est porteur d’incertitudes.
Avec sa majorité relative, le PSOE andalou va être obligé de surfer jusqu’au moins les élections générales, car d’éventuelles alliances sont gelées jusque-là.
Mais ces élections générales peuvent aussi aboutir, si les quatre partis sont quasi à égalité à une situation inextricable ou bien à une instabilité modèle IVe république française.
Reste l’espoir qu’un PSOE vigoureux soit capable de fédérer une alliance réformatrice où Podemos joue le jeu de l’union de la gauche.
On a le droit de rêver, comme Clémentine.
*Date précise non encore fixée (avec possibilité de jouer les prolongations jusqu'à mi-janvier)
PODEMOS après un coup de mou reprend la tête au sondage de janvier 2015. Mais un nouveau venu CIUDADANOS – CITOYENS-Parti de la citoyenneté – apparaît en 4e position. Et son leader, Albert Rivera, est le seul politique espagnol à recueillir plus d’appréciations positives que négatives.
Le Parti de la citoyenneté est apparu en 2006, mais essentiellement en Catalogne. Comme son nom l’indique, il veut une démocratie de citoyens et non de territoires. Son leader Albert Rivera– élu à sa tête par le hasard d’une liste en ordre alphabétique de prénoms prétend un chroniqueur politique – va prendre la tête de liste aux élections catalanes, contre le statut d’autonomie et pour le bilinguisme.
Son affiche est des plus dépouillées et dit bien la philosophie de son parti : seules nous importent les personnes et non où elles sont nées, la langue qu’elles parlent, les sous-vêtements qu’elles portent ! Ciutadans-Partit de la Ciutadania en Catalan va faire 3% aux élections de la Généralité de Catalogne en 2006 mais 7,6 % en 2012.
Aux Européennes de 2014, ils font 3% (2 élus) quand PODEMOS en faisait 8% (5 élus). Les voir surgir dans le sondage de Janvier 2015 à 8 %, en 4e position, devant la Gauche Unie (Izquierda Unida, IU) et Union, Progrès et Démocratie (UPyD) est inattendu. D’autant qu’Albert Rivera, Président de Ciudadanos, est le seul leader politique à afficher un solde positif d’approbation +5 (il est vrai qu’il n’est connu que par 58 % des sondés). Il fait la quasi unanimité dans son parti (+92). Alors que Pablo Iglesias, leader de PODEMOS, connu de presque tous, voit sa cote de confiance devenir négative -13 et s’effriter dans son propre parti (+73).
CIUDADANOS : motivations du choix
Intentions de votes Janvier 2015
Réponses spontanées sur les intentions de vote
Le PSOE, qui avait connu un sursaut en décembre retrouvant presque son score des élections générales de 2011, perd plus de 4 points et régresse en 2e position. En revanche, le tassement connu en décembre par PODEMOS – contre-coup peut-être de sa structuration en parti politique – reprend la tête des sondages. Le PP, plombé par les affaires, après la chute brutale de Novembre, se tasse encore un peu. L’émergence de Ciudadanos, parti laïque de centre-gauche, semble se faire sur le dos des partis autonomistes et du vote blanc, puisque, à peu de choses près, le total IU/ICV+UPyD est le même d’un mois à l’autre.
Le bipartisme, sur lequel a reposé la transition démocratique puis la consolidation de ce régime, semble mort, dans l’état actuel des choses. Le total des intentions de votes PSOE+PP n’atteint même pas le score du seul PP en 2011. Mais PODEMOS, même avec des alliés comme IU/ICV ou C’s n’aurait pas non plus une majorité. Et, il cristallise plus un électorat protestataire que d’adhésion.
A noter que nos sondeurs ibériques donnent les intentions de vote spontanés (ce qu’à ma connaissance ne font pas nos sondeurs hexagonaux) : la cuisine permettant de passer de ces intentions brutes aux estimations est expliquée dans PODEMOS renversera-t-il l’échiquier politique espagnol ?
Un peu moins de pessimisme qu'en janvier 2014...
79% des espagnols – soit 10 points de moins qu’en janvier 2014 – pensent que la situation économique de l’Espagne sera encore pire cette année. Même les électeurs potentiels du PP sont 51% à partager ce pronostic négatif. Se dessine aussi une répartition entre les ultra-pessimistes (IU à 94 et Podemos à 91%) et les pessimistes plus modérés (C’s à 74 et UPyD à 76%) le PSOE à 82% se situant entre les deux.
En revanche, s’agissant de leur situation personnelle les estimations connaissent une inflexion positive, modérée mais claire. Ils ne sont plus que 5%, contre 11 un an avant, à craindre le pire. Plus de la moitié à penser qu’elle sera stable et même 3% de plus à penser qu’elle va s’améliorer. Les plus optimistes sont bien sûr PP, mais aussi, plus inattendus, uPyD (50%). Les plus nombreux à penser que la situation sera équivalente (78%) sont à IU (il est vrai qu’à un certain stade, ça peut difficilement être pire).
Solde des opinions positives et négatives
Sur le plan des opinions positives, le seul à tirer son épingle du jeu est le roi Felipe VI, avec un solde positif de +57 et dans tous les électorats, des moins monarchistes IU avec +8 aux +88 du PP, on trouve Podemos à +31, PSOE +75, UPyD +76 (à noter une inversion sur le tableau du bas entre IU et UPyD), Ciudadanos +85 !
On l’a vu, de tous les leaders de partis, seul celui de Ciudadanos, Albert Rivera, a un solde légérement positif (+5) et c’est aussi celui qui obtient le score le plus positif chez ses potentiels électeurs (+92). Pablo Iglesias qui était le seul légèrement positif en Novembre 2014 (+1), passe en solde négatif (-13) ; chez les électeurs potentiels, il perd aussi 15 points passant de + 87 en novembre 2014 à +72. Pedro Sanchez ne décolle pas (-16), même s’il gagne un peu en crédibilité dans l’électorat potentiel du PSOE (+56 contre +40 en novembre 2014). Si Rajoy est la lanterne rouge avec -50, il améliore son score global (-63 en novembre) et retrouve du crédit au PP passant de +49 en novembre à +70.
NB Juantxo Lopez de Uralde qui apparaît dans ce classement, un quasi inconnu même des espagnols (10%), est le leader d’un nouveau parti Vert (l’autre ICV est allié à IU).
PODEMOS : d'où viennent les électeurs potentiels de ce nouveau parti ?
PODEMOS : un électorat potentiel moins à gauche que son parti ?
D’après El País, les électeurs potentiels de PODEMOS sont majoritairement masculins, avec un travail, un niveau d’études au moins du second degré et résident, toujours majoritairement, dans des villes de moins de 100 000 habitants. Ils appartiennent à la classe moyenne, et comme ceux d’IU, ils se déclarent non pratiquants, agnostiques ou athées. Leur âge moyen est de 43 ans, seuls les électeurs d’UPyD sont plus jeunes, 40 ans.
Sur une échelle qui va de 0=extrême-gauche à 10=extrême-droite, ils se positionnent à 3,9, mais ils perçoivent PODEMOS comme étant plus à gauche qu'eux à 2,8. Ils sont finalement assez proches des électeurs PSOE qui se positionnent eux, en moyenne à 4,2.
Il est vrai que l’électorat potentiel de PODEMOS provient pour un tiers du PSOE+UPyD, donc d’électeurs socialistes ou sociaux-démocrates. Seuls 7% de ces électeurs se définissent comme d’extrême-gauche ou communistes, bien que 16% votèrent IU en 2011.
PODEMOS : motivations des électeurs
La principale motivation du choix des sondés en faveur de PODEMOS reste la déception, le désenchantement à l’encontre du PP et du PSOE.
Cependant l’adhésion aux idées progresse un peu. Et la crédibilté de PODEMOS, la conviction qu’il est une solution fiable pour prendre les rênes du pays, a nettement progressé. Cependant, ce qui prédomine c’est la volonté – apparue dans des sondages antérieurs à l’entrée en lice de PODEMOS – de mettre fin au bipartisme PP/PSOE, jugé responsable de la mauvaise gestion économique et de la corruption. Cette volonté de mettre à bas le bipartisme, transversale, explique sans doute l’émergence de Ciudadanos, attirant un électorat plus modéré. Mais se greffe aussi la question des nationalités et des autonomies….
Difficile, pour qui ne possède pas la langue de Cervantes, de cerner qu’elle est l’idéologie exacte des dirigeants de PODEMOS, idéologie nourrie au lait du bolivarisme à la Chavez, voire du castrisme. Et malgré sa sympathique cola de toréador, la manière dont Iglesias a façonné l’équipe dirigeante de PODEMOS, quasi à son image, peut inquièter.
Cependant, PODEMOS, ne semble pas être une étoile filante : de sondages en sondages, après sa fulgurante apparition aux Européennes, le parti naissant confirme son bon quart d’attractivité. Les experts en sciences politiques qui le dirigent ne peuvent ignorer que se placer à l’extrême-gauche de l’échiquier ferait échouer leur géniale opération.
Reste que la fin du bipartisme ne peut qu’obliger à des alliances. Donc à des compromis. Donc à retrouver un peu l’esprit de la transition…
Notons une fois encore que mes enquêtes d'opinion espagnoles semblent plus fouillées que celles commandées par la presse française.
Manifestation du 31 janvier 2015 : la Puerta del Sol
En complément :
Espagne. Le Podemos de la droite
—José Luis Barbería
Publié le 2 mars 2015 dans El País (extraits) Madrid
Source : Courrier International
Le Parti de la citoyenneté, à l’origine catalan, veut lui aussi casser le bipartisme.
“Je suis un citoyen !” “Voilà qu’il est repris par sa folie des grandeurs.”– Dessin d’El Roto paru dans El PaÍs, Madrid.
"Rien ne peut arrêter une idée dont le tour est venu”, doit se répéter le président de Ciudadanos-Partido de la ciudadanía [Citoyens-Parti de la citoyenneté], Albert Rivera. Cette citation de Victor Hugo expliquerait en effet l’ascension fulgurante d’une formation qui, en seulement deux mois, a progressé de huit points dans les sondages pour se situer entre 12 et 14 % des intentions de vote (sondage de février).
Même si la terre tremble encore, si l’échiquier politique continue de bouger et si tout est encore possible, force est de constater qu’au centre a surgi un nouveau parti doté d’une identité propre, capable d’ébranler le PP [Parti populaire, au pouvoir, conservateur], de conquérir le vote abstentionniste et d’attirer l’électeur de gauche. Ciudadanos (ou C’s) aurait-il le cœur à gauche et la tête à droite ?
Comme Podemos, qui a réussi à rallier (ou déstabiliser) les formations situées à la gauche du PSOE [Parti socialiste ouvrier espagnol], Ciudadanos a absorbé le Centre démocrate libéral [centre droit] et débordé jusqu’à Union, progrès et démocratie [UPyD, centre gauche], qui sillonne les mêmes territoires idéologiques. Podemos et Ciudadanos partagent la même ascension, nourrie au même combustible : la corruption politique, les coupes budgétaires dans les services publics et la colonisation partisane des institutions.
Mais la comparaison s’arrête là : ces deux mouvements différents suivent des trajectoires parallèles. Même s’il ne manque pas de militants se disant de gauche, Ciudadanos, qui se définit toujours comme un parti de centre gauche, se veut cependant surtout nouveau et novateur. Le parti refuse ainsi les étiquettes gauche-droite et revendique son caractère progressiste et laïc, par opposition à la droite traditionnelle espagnole. “Nous sommes un parti laïc, partisan d’une très nette séparation de l’Eglise et de l’Etat. Je suis favorable à ce que l’Eglise paye [l’impôt sur les biens immobiliers]. La religion est une affaire privée, tout comme les questions d’avortement et d’euthanasie”, souligne David Lopera, 40 ans, coordinateur de C’s à Xátiva (dans la région de Valence).
Cette armée de militants bénévoles qui émerge de la faille engendrée au centre se démarque politiquement de Podemos, même si ces deux phénomènes brandissent le même drapeau du changement, veulent modifier l’état des choses et renverser l’ordre établi. A cette différence près que le militant de C’s qui aujourd’hui se lance en politique, dans la majorité des cas pour la première fois, n’est pas une victime de la crise. Il a certes vu se détériorer ses conditions de vie et se sent floué par le gouvernement et sa gestion de la crise, mais il a un travail et une situation correcte.
Son comportement n’est donc ni réactif ni un vote sanction, mais bien une adhésion à une idéologie qui lui convient. De profil modéré, il croit en l’économie de marché, ou du moins l’accepte comme inévitable, et est partisan d’un changement en douceur par le biais du consensus et de la réforme. Disons que son esprit contestataire et son appétit révolutionnaire se limitent au renouvellement de la vie politique, des structures et institutions du pays. L’électeur type de C’s vit en ville, a fait des études universitaires et a entre 25 et 54 ans.
Sans préjugés.
Ciudadanos serait-il alors un Podemos de droite ? Toutes les personnes interrogées refusent ce raccourci, même si les sondages montrent que C’s est en augmentation auprès des électeurs de centre droit. Et si dans l’ensemble de l’Espagne le parti est perçu comme centriste, une grande partie des Catalans le classent à l’extrême droite. Il faut dire que pour le nationalisme catalan, comme pour son homologue basque, tous les compatriotes qui s’opposent directement à leurs desseins sont invariablement marqués du sceau de l’infamie du radicalisme. “Si vous ne faites pas de politique, d’autres en feront à votre place. Rejoignez-nous, mais laissez vos préjugés à la maison”, a lancé Albert Rivera au moment de la création du parti à Barcelone, il y a huit ans, en opposition au nationalisme catalan. Le parti avait alors décidé de passer à la vitesse supérieure en choisissant d’essaimer à l’échelle nationale.
Tournée de demis.
Cadres et techniciens supérieurs, chefs d’entreprise, étudiants, employés du secteur des services et dirigeants ont tous accepté le message et, portés par la volonté de changer les choses, ont fondé les premiers groupes destinés à propager la parole et le franc-parler de ce jeune dirigeant, séduisant trentenaire aux allures de gendre idéal, encore inconnu d’un tiers des Espagnols. Quelques mois plus tard, l’espoir de départ s’est transformé en enthousiasme avec même, aujourd’hui, une pointe d’euphorie à peine contenue dans les réunions, qui, à défaut de siège officiel, ont lieu dans des bars ou des locaux publics. Depuis que les sondages sont à la hausse, les réunions politiques informelles où le café est souvent remplacé par une tournée de demis se multiplient un peu partout dans les villes, tout comme le nombre des militants : plus de 22 000 déjà à Madrid, presque autant qu’en Catalogne.
Comme à l’époque pour l’UPyD et également pour Podemos, les responsables de ces groupes ont la lourde tâche de repérer les opportunistes et les arrivistes soucieux de prendre la “bonne vague” politique du moment pour tâter un peu du pouvoir et obtenir un poste rémunéré. Une bonne partie des électeurs de Ciudadanos viennent du PP (près de 38 %) et le reste vient des abstentionnistes, des nouveaux électeurs, du PSOE et de l’UPyD. Jusqu’à présent Ciudadanos recrutait surtout dans les villes, notamment dans les agglomérations urbaines de plus de 400 000 habitants.
Et si les ouvriers et les agriculteurs ne figurent pratiquement pas dans les profils repérés par les sondages, on voit peu à peu apparaître sur le réseau de Ciudadanos (Internet et les réseaux sociaux tiennent lieu de siège officiel du parti) des gens qui se connectent depuis les zones rurales. Sur le terrain des rêves et de l’espoir, Ciudadanos est en concurrence directe avec Podemos. Tous deux se reconnaissent dans la critique du bipartisme et dans la mission de régénérer et assainir le système, mais leur idéologie et leur programme sont très différents. “Podemos est un parti jeune avec des idées de vieux. Si leur modèle est le Venezuela, le nôtre serait le Danemark : un Etat providence compatible avec une économie de marché, mais suffisamment fort pour fournir les services basiques sans asphyxier l’économie”, assène Jésús de Lózar, 62 ans, économiste.
Tant que les convulsions tectoniques secouent la politique espagnole, rien n’est stable et rien n’est définitif. Les répliques et les contre-répliques se succèdent. Et au centre, 3 ou 4 millions d’électeurs indécis peuvent toujours faire pencher la balance en faveur des conservateurs du PP ou des sociaux-démocrates du PSOE.
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