Les élections andalouses anticipées ne nous consoleront pas de la poussée de l’extrême-droite aux départementales françaises. Elles ne sont pas, cependant, anodines. Elles confirment – pour de vrai pourrait-on dire – l’émergence de Podemos et Ciudadanos, deux formations surgies de nulle part. Elles montrent la résistance du PSOE. Elles annoncent la chute du Parti Popular au pouvoir.
Le coup de poker de Suzana Diaz, présidente sortante de la Junte Andalouse, a réussi. Les élections de 2012 avaient fait du Parti Popular (PP) le 1er parti andalou. Mais la coalition de gauche avait la majorité. Le PSOE s’alliant avec Izquierda Unida (IU), un ancêtre du Front de gauche, agglomérant autour du PCE des groupuscules de gauche divers avec une pincée de verts : 50 pour le PP, 47+12 pour la gauche. Mais à l’approche d’une année électorale qui va concerner des régions, les municipalités, avant des élections générales, l’IU andalou a eu tendance à s’aligner sur un IU national presque aussi anti PS que le parti dit de gauche en France. D’où la dissolution et les élections anticipées prenant de court IU.
Il est de bon ton de moquer les sondages. Metroscopia est sans doute plus fiable que les instituts français. 45 sièges prévus pour le PSOE avec 36,7% résultat réel 47 sièges, 35,6%. Mieux encore avec Podemos : 15 sièges prévus, 15 sièges obtenus, 14,7% annoncés, 14,85% obtenus !
Reste une surestimation de Ciudadanos et surtout de IU donc une sous-estimation du PP qui obtient 33 sièges au lieu des 29 prévus avec 28,6% au lieu de 25,1%. Le PP n’en est pas moins le grand perdant avec 17 sièges de chute. IU aussi qui ne peut plus faire l’appoint pour une majorité absolue.
Le désastreux résultat du PP a inspiré une revue satirique “El Jueves” (Le Jeudi). A l’approche de la semaine sainte – la semana santa occasion de multiples processions et surtout en Andalousie – elle a réalisé un montage où le visage de Rajoy, président du gouvernement PP, vient prendre la place de celui d’un christ crucifié, pour symboliser le calvaire politique que vit le leader national de la droite. A noter que sur le balcon, regardant la procession, avec un décolleté avantageux, on voit Susana Diaz qui, il est vrai, est enceinte.
« Je ne suis pas un taliban, mais il est du plus grand mauvais goût d’utiliser une image qui provoque une dévotion profonde » a dit à peu près le dévot responsable de la confrérie de la crucifixion de Malaga. La confrérie envisage de poursuivre “El Jueves” en justice.
"Podemos et Ciudadanos (C’s) seront les nouvelles forces de cette chambre parlementaire. S'il y a deux mois un ‘tarotiste’ avait dit à Albert Rivera [fondateur de Ciudadanos] qu’il entrerait au parlement andalou avec 9 sièges et qu'il aurait la possibilité d’être la force charnière pour ouvrir la porte des alliances, Rivera ne lui aurait sûrement pas payé la séance de tarot”, écrit El Correo de Andalucía, cité par Courrier International.
Podemos, lui, devient la 3e force de l’assemblée andalouse. Ses voix viennent plutôt d’un électorat de gauche (ex-PSOE, ex-IU), tandis que C’s siphonne plutôt celles du PP et d’UPyD (une dissidence centre gauche du PSOE qui s’interroge d’ailleurs, après ces élections, sur une fusion avec C’s).
Le PSOE andalou est à 8 voix de la majorité absolue. Mais, tant que le train des futures élections ne sera pas passé, la situation est bloquée. C’s et encore moins Podemos n’iront s’allier, avant les élections générales, avec un Parti de la « caste », du système bipartisan que ces deux forces veulent faire voler en éclats. Susana Diaz a d’ailleurs annoncé, contrainte et forcée, qu’elle se contenterait de la majorité relative. Aucune majorité alternative ne risque d’ailleurs de la renverser.
Bien que l’Andalousie soit la région la plus peuplée, la plus frappée aussi par le chômage, ses résultats ne sont pas prédictifs de ceux des élections générales. Si ce n’est la fin du bipartisme pratiquement assuré. Mais Podemos et Ciudadanos seront au pied du mur.
D'où viennent et où vont les électeurs d'un scrutin à l'autre ?
Lecture : sur les 1 528 000 électeurs du PSOE, on estime que 49 000 sont décédés entre 2012 et 2015, que 27 000 ont choisi le PP en 2015, 44 000 IU, 144 000 Podemos, etc., en tout 319 000 ont changé d’options (y compris 58 000 en abstentions) ; en revanche 88 000 électeurs du PP en 2012 ont choisi le PSOE en 2015, 29 000 d’IU, etc. et 18 000 nouveaux électeurs, en tout 249 000 électeurs gagnés en 2015. Podemos et Ciudadanos ne concourant pas en 2012 ne peuvent avoir que des gains.
Le PSOE est, des trois partis qui se disputaient les suffrages en 2012, celui qui a les électeurs les plus fidéles. Presque 8 sur 10 des andalous (78%) qui ont voté socialiste en 2012 ont gardé leur confiance en ce parti en 2015. Le PSOE a cependant perdu plus d’électeurs qu’il n’en a gagné sur les nouveaux ou venant de ces concurrents de 2012. Le plus gros des départs se fait au bénéfice de Podemos (144 000) ou vers l’abstention (58 000). Mais 88 000 abstentionnistes de 2012 se sont déplacés pour lui en 2015.
Le PP perd lui un demi-million d’électeurs. Il perd nettement la 1ère place détenue en 2012. Les pertes profitent d’abord à Ciudadanos (223 000). Elles nourrissent l’abstention (130 000). Et une fraction va même vers le rival historique socialiste (88 000).
Le grand perdant est cependant IU qui avait provoqué la crise donc l’élection anticipée. La coalition d’extrême-gauche obtient son pire résultat en Andalousie avec 6,9% des suffrages. La chute est de plus de 60% de 2012 à 2015. Pour l’essentiel au profit de Podemos (143 000).
Ciudadanos se nourrit essentiellement d’ex-électeurs du PP (223 000 = 60%).
Podemos est donc devenu la 3e force andalouse. Il puise à gauche de façon quasi égale : PSOE (144 000) et IU (143 000). Et il a capté près de la moitié des abstentionnistes de 2012 qui ont voté en 2015 (185 000), réinjectant donc dans le jeu électoral un grand nombre d’électeurs qui étaient restés chez eux en 2012.
(Source : De dónde vienen y a dónde van los votos. Elecciones Andaluzas 2015)
PS
No era una broma: el PP ofreció un pacto a Podemos en Andalucía
Ce n'est pas une plaisanterie : le PP offrirait un pacte à Podemos en Andalousie
Seul El Plural affiche cette information qui est donc à prendre avec des pincettes. "Las cabeceras ‘tradicionales’ de papel la ignoran en sus webs y, sin embargo, es la noticia política del año: el Partido Popular ha ofrecido un pacto a Podemos para arrebatar la Presidencia del Parlamento andaluz al PSOE y dársela ¡a alguien e Podemos!. Pensé que era una broma, una intoxicación contra el PP, pero no es cierto y real." Donc, les organes traditionnels ont ignoré ce qui est la nouvelle politique de l'année - là El Plural oublie qu'on entame seulement le 2e trimestre - le Parti Populaire a offert un pacte à Podemos pour faucher la présidence du Parlement Andalou au PSOE et le donner à un membre de Podemos. On peut penser que c'est une plaisanterie, une intoxication contre le PP, mais ce ne n'est pas si sûr que cela.
Finalement, c'est bien un socialiste qui a été élu Président du Parlement andalou.
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