Podemos est (un peu) à la mode dans notre presse. Même Ouest-France en a parlé. Et arrêt-sur-images. Le mouvement s’est structuré, avec à sa tête Pablo Iglesias et une équipe très homogène, pour ne pas dire à sa main. Objectif premier : tirer un trait sur la transition démocratique de 78.
Podemos a donc bousculé l’échiquier politique espagnol avec les élections européennes. Les sondages successifs ont montré que ce n’était pas qu’un feu de paille. Et, après un vote par Internet* (107 000 votants, pour 250 000 inscrits sur le ouèbe) le mouvement s’est structuré en véritable parti politique.
Un secrétaire général, un conseil de surveillance baptisé comisión de garantías democráticas, un conseil citoyen de 62 membres (auxquels viendront s’adjoindre 17 membres issus des régions), un comité de direction de 10 membres. Mis à part cette sorte de conseil constitutionnel interne que semble être la commission de garantie du respect de la démocratie interne, une organisation somme toute assez classique avec un leader, un bureau politique et un comité central.
Tout se passe comme si le département de Sciences politiques de l’Université Complutense (Madrid) avait canalisé le mouvement des indignés. Passant de la théorie aux travaux pratiques, d’abord par le biais d’une chaîne TV-internet, La Tuerka puis en donnant corps à un mouvement en quatre mois pour frapper un premier coup aux Européennes. Enfin en structurant ce mouvement en un vrai parti politique.
Revers de la médaille, la direction a un côté endogamique prononcé.
Outre Pablo Iglesias, l’idéologue de la formation, ex-enseignant de sciences politiques à l’université Complutense, Íñigo Errejón est chercheur dans cette université, Carolina Bescansa y est professeure de Méthodologie, Juan Carlos Monedero y est professeur de sciences politiques, Luis Alegre y est professeur de philosophie, Tania González est licenciée de sciences politique de l’université Complutense, certes Gemma Usabart est professeure à l’université de Girona mais en sciences politiques, et dans ce bureau politique de bac+X on compte encore une licenciée en histoire et relations internationales, Ángela Ballester, un avocat qui travaille dans une association de lutte contre les expulsions de logements, Rafa Mayoral, un ingénieur des télécommunications mais aussi anthropologue, Sergio Pascual, et une juriste, anthropologue également, Auxiliadora Honorato, les deux derniers travaillant pour le gouvernement provincial d’Andalousie.
Rien à voir donc avec le Front de gauche qui ressemble plus à l’IU espagnole (PC+dissidents PS+gauches alternatives diverses) avec des politiques aguerris comme Mélenchon, ex-sénateur et secrétaire d’état. Rien non plus à voir avec cinq étoiles du triste pitre Grillo, même si le surgissement rapide de Podemos sur la scène politique y ressemble.
Iglesias, loin de rejeter la télé, en maîtrise tous les codes. Et loin aussi de l’éruptivité parfois hystérique de Mélenchon ou Grillo, il est d’un sang-froid à toute épreuve.
Reste que cette espèce d’entre-soi que représente son équipe très universitaire n’est pas dénuée de risques.
L’absence de toute expérience politique en responsabilité est à la fois un handicap et un atout. Un atout quand il s’agit de cogner sur la caste, c’est-à-dire, justement, les politiciens des deux grands partis et l’oligarchie financière. Un handicap, peut-être, quand il s’agira, à la fin de 2015, de convaincre les électeurs de voter pour des personnes totalement inexpérimentées. D’autant que Podemos renonce à concourir à des municipales où il aurait pu démontrer sa capacité à construire une alternative à partir du bas comme le firent les verts allemands. (José Ignacio Torreblanca, El País 16/11/14) Mais on pourrait noter ironiquement qu’après tout, Podemos se retrouverait dans la position du PSOE – Felipe Gonzalez et les siens n’avaient aucune expérience gouvernementale – après la transition de 1978.
Car, à l’instar, du coup, de Mélenchon et sa VIe République, Iglesias veut clore la période historique ouverte en 1978 avec la légalisation du PCE et les premières élections libres après la mort de Franco. Iglesias, né en 1978 justement, symbolise bien cette génération qui n’a rien connu du franquisme ou seulement ses derniers soubresauts. Il annonce donc que, si Podemos gagne, comme il en est sûr, les élections de 2015, sera ouvert un processus constitutionnel pour faire sauter le verrou du régime de 1978 (abrir el candado del 78). Mais si la VIe république promise par Mélenchon – une IVe matinée de votation suisse – ne provoquera que des débats byzantins, l’instauration d’une IIIe République en Espagne risquerait fort de réveiller des antagonismes autrement violents.
D’autant que si Podemos essaie de convertir la traditionnelle confrontation entre droite et gauche en une lutte entre la caste et les gens décents, promettant de balayer la corruption dans la société, il a peine à se recentrer. Même s’il s’en défend, les accusations de sympathie voire d’admiration pour le bolivarisme de Chavez reposent sur le fait que Monedero comme Errejon ont collaboré activement avec le régime chaviste au Venezuela. Monedero fut même un conseiller direct de Chavez. Par ailleurs au Parlement Européen ils ont intégré la gauche unie et votent avec discipline, comme le groupe, sur toutes les questions.
Or ce recentrage – nos experts en sciences politiques le diagnostiquent – est la clé d’une possible victoire. Pablo Iglesias, qui sait que les partenaires sociaux seront particulièrement attentifs aux programmes économiques, est resté au niveau des généralités. S’appuyant sur les prix Nobel Paul Krugman et Joseph Stiglitz, il a plaidé que l’on peut restructurer la dette sans se mettre en défaut de paiement. Il faut que l’Espagne sorte du modèle truelle et bronze-culs, bâtiment et tourisme. Ce nouveau modèle reposerait sur une diminution du temps et des conditions de travail. Il reposerait aussi sur le développement du secteur coopératif soutenu par des investissements d’état.
Pour cela il faut de l’argent. Une réforme fiscale s’impose qui d’abord s’attaque à la fraude et ensuite fasse payer fortement les plus hauts revenus. S’appuyant sur l’exemple des pays nordiques comme le Danemark, il constate que les pays les plus prospères sont les plus égalitaires.
La clé du succès éventuel de Podemos tient bien sûr dans la crédibilité de ses propositions et on voit qu’il y a encore du boulot. Mais surtout dans sa capacité à convaincre les citoyens qu’ils peuvent être, eux-mêmes, les protagonistes d’un temps nouveau. Et Anabel Díez (El País) note un peu ironiquement que les références musicales et poétiques de Pablo Iglesias sont notamment Mercedes Sosa et Miguel Hernández… Como en la Transición !
Vientos del pueblo me llevan,
vientos del pueblo me arrastran,
me esparcen el corazón
y me aventan la garganta.
Vientos Del Pueblo Me Llevan de Miguel Hernandez
Todo cambia
Cambia lo superficial
Cambia también lo profundo
Cambia el modo de pensar
Cambia todo en este mundo
Cambia el clima con los años
Cambia el pastor su rebaño
Y así como todo cambia
Que yo cambie no es extraño
Cambia el más fino brillante
De mano en mano, su brillo
Cambia el nido el pajarillo
Cambia el sentir un amante
Cambia el rumbo el caminante
Aunque esto le cause daño
Y así como todo cambia
Que yo cambie no extraño
Cambia, todo cambia (x4)
Cambia el sol en su carrera
Cuando la noche subsiste
Cambia la planta y se viste
De verde en la primavera
Cambia el pelaje la fiera
Cambia el cabello el anciano
Y así como todo cambia
Que yo cambie no es extraño
Pero no cambia mi amor
Por más lejos que me encuentre
Ni el recuerdo ni el dolor
De mi pueblo y de mi gente
Lo que cambió ayer
Tendrá que cambiar mañana
Así como cambio yo
En esta tierra lejana
Cambia, todo cambia (x4)
Pero no cambia mi amor
Por más lejos que me encuentre
Ni el recuerdo ni el dolor
De mi pueblo y de mi gente
Lo que cambió ayer
Tendrá que cambiar mañana
Así como cambio yo
En esta tierra lejana
Cambia, todo cambia...
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