A même pas deux mois des élections générales, le baromètre électoral de Metroscopia reflète une double évolution : Ciudadanos (C’s) semble poursuivre son ascension, tandis que les socialistes rétrogradent.
Et 69% des sondés estiment qu’il serait bon que l’Espagne ne soit plus dirigée par le PP ou le PSOE.
Ainsi, le PP, stable d’un mois à l’autre, retrouve cependant la première place à 23,5%, C’s passe en 2e position avec 22,5%, le PSOE lui perd 2 points à 21%, au profit de Podemos qui reprend des forces à 17% presque 3 points de plus en moins d’un mois. IU résiste bien avec 6,3%.
Une situation des plus indécises donc puisque les trois premiers sont en-deçà de la marge d’erreur de ± 2,7 points.
Transferts de voix
Le PP quasi stable depuis trois mois à 23-23,5% semble tenir un éléctorat solide, avoir atteint son socle. Si C’s a su séduire une part importante de ceux qui ont voté PP en 2011, sa capacité d’attirer d’autres électeurs du PP semble avoir atteint ses limites. Et il n’est pas impossible même que d’ici les élections une partie de ces transfuges reviennent au PP. La montée de C’s ces derniers mois est dû à l’apport d’électeurs d’autres partis entre autres de 11% d’ex-électeurs du PSOE.
Podemos qui, en Octobre était tombé au plus bas depuis un an, après des résultats catalans décevant, remonte la pente au détriment aussi du PSOE, puisque le flux des ex-électeurs socialistes passe de 11 à 16%. Si podemos ne remonte pas plus c’est qu’IU contrairement à son calcul résiste.
Cependant ce résultat est cohérent avec les choix des sondés sur le parti qu’ils souhaitent voir gagner les élections : PP, C’s et PSOE recueillent 18% chacun, contre 14% pour Podemos.
Albert Rivera (C’s) est le préféré des sondés comme chef de gouvernement avec 22%, devant Mariano Rajoy (PP) à 17% et Pedro Sánchez à 16 % ou o Pablo Iglesias à14 %.
Ce qui correspond parfaitement à l’image des principaux leaders puisque Albert Rivera reste le seul à obtenir un solde d’opinions positif (ceux qui approuvent son action politique sont plus nombreux que ceux qui la désapprouvent). En revanche Pedro Sánchez reste dans le négatif (-24), et si Pablo Iglesias (-37) et Mariano Rajoy (-42) ont un solde encore pire, ça l’est un peu moins qu’au début octobre. Et Sánchez reste aussi celui qui s’impose le moins dans son propre parti (+66). Alors que Rivera, lui, est plébiscité à +90. Il obtient même des soldes positifs chez les électeurs potentiels du PP (+40) et du PSOE (+17) ; mais pas de réciproque pour Rajoy (-41) et Sánchez (-30) chez les électeurs potentiels de C’s.
Rivera obtient le meilleur solde dans l’électorat qui se situe au centre (5 sur une échelle de 0 extrème-gauche à 10 extrême-droite) : +31 points ; mais il dépasse largement Sánchez dans l’électorat de centre-gauche (+11 contre -18 pour le socialiste !) et au centre-droit face à Rajoy (+48 contre +16).
Et dans l’hypothèse souhaitée par plus des deux tiers où ni le PP ni le PSOE dirigent le gouvernement, une large moitié des sondés (58%) opte pour C’s, un quart (26%) seulement pour Podemos.
Système électoral
Le Congrès des députés compte 350 membres élus tous les quatre ans au suffrage universel direct. Le mode de scrutin est proportionnel (méthode d’Hondt) et les circonscriptions sont les cinquante provinces espagnoles ainsi que les villes de Ceuta et Melilla. Un quorum est fixé à 3% au niveau de la circonscription électorale.
Les provinces se voient attribuer un nombre de sièges proportionnel à leur population, mais en ont au minimum deux, créant ainsi un léger avantage pour les provinces les moins peuplées. Le système donne par ailleurs un avantage aux grands partis, qui sont presque sûrs d’obtenir un siège dans chaque circonscription alors que les plus petits partis ne peuvent espérer être représentés que dans les grandes circonscriptions.
Les villes de Ceuta et Melilla comptent chacune un député élu au système majoritaire à un tour.
Metroscopia, avec forces précautions – l’estimation ne pronostique pas le résultat final du 20D –a tenté de traduire les estimations des votes en projections en sièges. Cela à partir de données collectées à divers moments dans les provinces, mais aussi sur la base de 18400 entretiens téléphoniques.
L’estimation des forces dans le futur parlement mat le PP en tête avec une fourchette de 93-100 élus, suivi de près par Le PSOE qui obyiendrait entre 88 et 98 députés. Ciudadanos, bien que 2e en voix, serait en 3e position avec 72-84. Cela s’explique par le système électoral qui favorise les formations politiques qui ont une implantation homogène sur tout le territoire national. Ce qui est le cas des vieux partis avec ses militants, ses élus locaux. Mais les données disponibles semblent indiquer que C’s a progressivement gagné en transversalité et on ne peut écarter que d’ici l’échéance électorale son implantation s’améliore sur toutes les circonscriptions électorales et donc qu’il rivalise avec les deux autres en nombre d’élus.
Les autres partis nationaux –Podemos 42-46 et IU 5 – avec le système électoral n’obtiennent pas un nombre d’élus proportionnel à leur score. Ainsi IU avec seulement -0,6% de voix par rapport à 2011 perdrait plus de la moitié de ses sièges.
Un analyste explique cette montée de C’s, supplantant Podemos par un changement du climat politique espagnol qui serait passé de l’indignation à ce qu’il appelle l’oxygénation. Si l’indignation se situe hors du système qu’il attaque, l’oxygénation joue en son sein pour le rénover profondément. L’une est une force centrifuge, l’autre une force centripède.
L’indignation s’est incarnée dans Podemos et Pablo Iglesias, l’oxygénation s’incarne dans Ciudadanos et Albert Rivera, avec l’appui des électeurs de moins de 55 ans, actifs et habitants des grandes villes. Mais les deux forces ont en commun le slogan du mouvement du 15M : « Ni face A, ni face B, nous voulons changer de disque ».
La montée en puissance de C’s déclenche bien sûr des contre-attaques. Mais relativement modérées du côté du PP ou du PSOE, car c’est un allié potentiel pour un futur gouvernement de coalition. Plus vigoureuse donc à l’extrême-gauche.
Sur le mode humoristique on détourne sa première affiche quand C’s a démarré petitement aux avant-dernières élections catalanes.
Mais des attaques beaucoup plus sévères le visent. Ainsi est-il accusé d’avoir sympathisé avec un club de supporters ultras – du style de ceux qui sévissaient dans le kop de Boulogne –du club de foute l’Espanyol de Barcelone, la Brigada Blanquiazule. Un journal Catalan, El Periódico de Catalunya, affirme qu’il a été membre du mouvement de jeunes du PP. Plus grave est l’accusation d’être lié à Libertas, un mouvement eurosceptique qui comptait notre Vicomte vendéen, de Villers, comme tête de liste en France aux élections européennes de 2009.
Surtout, il est présenté comme un sous-marin de FAES, un think-thank à la dévotion de José María Aznar, ancien 1er ministre du PP.
Dans le jeu électoral espagnol, si l’on peut faire quelques rapprochements avec un Parti socialiste qui a peine à se mettre en ordre de bataille derrière sa tête de liste ou avec un ancêtre du front de gauche plus apte à mettre en difficulté la gauche – mais ici c’est Podemos – que le centre ou la droite, pour le reste rien à voir avec nous. Pas de FN : le PP, contrairement à l’UMP, a couvert tout le spectre de la droite avant que Ciudadanos vienne chasser sur son centre. Ni Podemos, ni Ciudadanos n’ont d’équivalents français. Qui pourrait comparer Pablo Iglesias à Mélenchon ou Albert Rivera à Bayrou ? Certes, ni l’un ni l’autre, malgré leur jeunesse, ne sont des perdreaux de l’année. Mais, eux, démarrent vraiment au plus haut niveau politique. Et, quel que soit le résultat, l’un ou l’autre sera impliqué dans le futur gouvernement espagnol.
Pour essayer d'y voir plus clair (?) Dans le labyrinthe de la vie politique espagnole
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