Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 juin 2009 7 07 /06 /juin /2009 20:56

 

A l'opposé de la « sanctuarisation » de l'école naissait, dans les années 60, l'idée d'une « école ouverte » qui allait se concrétiser dans le Centre éducatif et culturel de Yerres. « L'ouverture implique une école « qui sort de ses murs» pour s'approcher des réalités et le monde extérieur qui « entre dans l'école » : ouverture aux adultes (bibliothèque, cours alternatifs, formation continue...) et intervention d'interlocuteurs économiques et sociaux (entreprises, ANPE, associations, Maisons des Jeunes, Maison de la Culture...). » (ANPEI)

Ce premier CEC comprend un collège, une bibliothèque, un centre sportif, une maison pour tous, une école nationale de musique et de danse, un atelier d'animation artistique (3A). Créé en 1967 il n'est donc pas un enfant de mai 68, mais plutôt l'héritier de la fameuse école d'Uriage, de Libé-Nord, de l'UDSR*, en fait d'un courant d'idées issu de la Résistance !

Le collège est un établissement expérimental intégré, intercommunal, ouvert sur la ville à tous les publics ;  les enseignants sont volontaires, certains sont pédagogiquement préparés par une expérience lors de leur cursus ; on pratique la vidéo, on part faire cours en forêt de Sénart, on approche la vie des métiers par des visites de PME...  Le collège est ouvert sur la ville et sur la vie. Ouvert pour les élèves qui portent les regards sur l'extérieur, ouvert pour le serrurier ou le dépanneur radio qui, en relation avec le prof de travaux manuels, vient en classe pour une démonstration sur table... L'inverse quasiment du rétro-collège du vicomte vendéen !

 

« Entre 1967 et 1970 naît le projet d'implantation de la zone industrielle de Fos-sur Mer entraînant, dans le cadre d'une ville nouvelle, un vaste développement de l'urbanisation et la nécessité d'aménager de nouveaux équipements.
Les décideurs visitent le CEC de Yerres et mettent en chantier un centre du même genre [à Istres] approuvé dès 1969 : Collège, Maison Pour Tous, village de vacances, bibliothèque, centre social, centre de santé, gymnase, piscine, aires de sport auxquels s'ajouteront CIO, ANPE, AFPA, halte-garderie, le théâtre de la ville d'Istres, un conservatoire de musique.
 » (ANPEI)

 

Grenoble, dans le quartier de la Villeneuve en implantera un : le CEPASC. Le Vaudreuil-Ville-Nouvelle (devenu depuis Val-de-Reuil) aura aussi son CEC au cœur de la dalle piétonnière. Sous le même sigle, mais avec une autre appellation, on trouve un CEC à La Ricamarie (commune proche de Saint-Etienne) : Centre éducatif coopératif, réalisé avec l'OCCE (Office central de coopération à l'école).

 

Le prototype de Yerres (en fait intercommunal : Yerres, Crosne, Montgeron) comptera jusqu'à 5500 adhérents. La gestion sera d'abord assurée par les élus, les fonctionnaires (éducation nationale, jeunesse et sports et culture, essentiellement) et des personnalités cooptées par les deux composantes précédentes. Les usagers vont avoir voix au chapitre à partir de 1977 par l'intermédiaire de deux associations gestionnaires des équipements (autre que le collège). Mais ils ne pourront présenter que des projets établis sur des consensus sans cesse remis en question, les maires ou les ministères menaçant de se retirer si leurs volontés et leurs desiderata ne sont pas pris en considération.

Le financement est source de fragilité puisque, reposant pour un gros tiers sur les adhésions, les activités et les manifestations payantes.

En 1979, le ministère de l'éducation nationale met fin à l'intégration du collège dans le CEC. En 1985, avec la décentralisation l'état se désengage, laissant la place à un conseil général RPR peu favorable à ce type d'expérience. L'éclatement de l'intercommunalité en 1986 sonnera l'arrêt de mort du CEC, constaté l'année suivante. Le CEC de Yerres aura donc vécu 20 ans.

 

L'échec total du projet pilote et plus ou moins partiels des épigones (seul le CEC d'Istres semble encore réellement exister) n'étonne pas.

La volonté de créer des « espaces intégrés » se retrouve chez des urbanistes et architectes comme ceux de l'atelier de Montrouge. Mais la volonté politique (ministères, municipalités, puis départements) est évanescente. S'y ajoute, bien sûr, après l'enthousiasme militant des équipes volontaires, des associations, des adhérents une usure, voire une désillusion entre l'utopie rêvée et la gestion journalière du projet.

Reste que cette ambition est bien plus porteuse d'espoir que l'illusoire objectif de la sanctuarisation, d'une école coupée de la ville, de la vie !

 

 

* L'UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance) est l'un des rares mouvements politiques issu exclusivement de la Résistance.

 

Cet article est né grâce à G. B. celui à qui le déblog notes doit S'en souvenir, cent souvenirs et les trois albums : Chromos historiques, Départements et Atlas, Lavratte et Les Corbeaux ; il a participé en militant laïc à l'expérience du CEC de Yerres.

Le schéma est emprunté à l'ANPEI

Repost0
30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 17:50

"Ni la Reine, ni aucun autre membre de la famille royale ne participera aux célébrations du D-Day le 6 juin car nous n'avons reçu aucune invitation officielle pour aucun de ces événements" a déclaré récemment le porte-parole du palais de Buckingham, repris par les médias britanniques.


Vexés comme des poux, les rosbifs de voir que l'UMPereur avait oublié d'inviter leur Queen !


Et le Daily Mail n'y va pas par le dos de la cuiller !


Il s'en prend d'abord au père de Sarko. Rappelant que l'aristocrate Pal Sarkozy de Nagy-Bosca avait fui la Hongrie devant la progression de l'Armée Rouge, il prétend que ce grand propriétaire s'était bien accommodé du régime dictatorial de l'Amiral Horthy (étonnant titre dans un pays qui ne donne sur aucune mer), puis de la présence nazie.

"Pal Sarkozy s'installa à Baden-Baden, à la frontière de la France, et rejoignit la Légion étrangère dans laquelle il servit plusieurs années - sans jamais combattre- avant de partir prématurément quand on lui annonça qu'il devait partir se battre en Indochine.
S'installant en France en 1948, Pal réduit son nom qui devient Sarkozy. Son fils, le futur Président de la République française[fait son] service national durant les années 1970.
Nicolas passa le plus clair dans son temps comme nettoyeur dans l'armée de l'Air, et ne prit jamais vraiment les armes.
Il devait nettoyer tous les matins un bâtiment administratif, ce qui lui valut le surnom de «gondolier des couloirs brillants»."

Assez bizarrement, le canard britiche s'en prend aussi au beau-père de Carla « Alberto Bruni Tedeschi, dont l'entreprise familiale était en liens étroits avec le régime sanguinaire de Benito Mussolini pendant la Seconde guerre mondiale. »

 

Aucune de ces allégations ne s'appuie sur des sources précises. Et on voit mal en quoi l'attitude éventuelle du père de « chouchou » ou du beau-père de Carlita, dans les années 40, a influé sur la décision de ne pas inviter la Queen !


Puis le Daily Mail feint de s'interroger : "pourquoi les Français ne nous pardonnent pas de les avoir sauvés pendant la guerre" ?

Nicolas Sarkozy, "Président de la France moitié-français, moitié-hongrois", est décrit comme "égocentrique devenu un problème pour ses citoyens et un sujet de dérision pour le reste de l'Europe". Carla a droit à son paquet : son "principal intérêt dans la vie semble être de montrer son corps sous son plus beau jour, de préférence dénudé".

Le Daily Mail voit dans le "comportement grossier" du président français un aspect "symptomatique de la profonde psychose nationale de l'Etat français au sujet de la guerre". "La rapide capitulation de l'armée française face aux Allemands en mai et juin 1940 a été le plus grand choc de l'histoire militaire moderne française". "Un aspect du travail de réécriture totale de l'histoire de la guerre par l'Etat français est de minimiser voire même d'oublier le rôle de la Grande-Bretagne comme l'un des deux principaux libérateurs."
«C'est comme si la France ne pourra jamais pardonner à la Grande-Bretagne de l'avoir sauvé!»

 

Cependant, dans son déchaînement, le journal pointe la raison la plus vraisemblable : la volonté de Sarkozy de ne pas partager le bénéfice médiatique de la présence de Barack Obama à ce 65e anniversaire de D-Day !


Un beau témoignage, en tout cas, de la chaude amitié de la presse anglaise à l'égard de celui qui fait président dans notre cher et vieux pays.

 

Source : Arrêt sur images http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1995
Repost0
21 mai 2009 4 21 /05 /mai /2009 14:29

Le bruit court, dans les allées du pouvoir, que le nombril sur talonnettes, notre Sarkocescu, appellerait Claude Allègre, l'ami de trente ans de Jospin, un des plus calamiteux ex-Ministre de l'éducation nationale, à rejoindre un gouvernement remanié.

 

Occasion de se remémorer un des premiers exploits de Sa suffisance, à l'époque tout frais nommé à la direction de l'Institut de physique du globe, dont Haroun Tazieff était chef du service de vulcanologie.

 

1976 : le volcan de la Soufrière en Guadeloupe se réveille ! En fait, dès l'année précédente une sismicité anormale avait été notée. Mais en mars 1976, la Soufrière s'agite de plus en plus. Si bien que le 30 mars 1976, Haroun TAZIEFF arrive en Guadeloupe et fait le point avec les élus les jours suivants. Il y tient ses premiers propos apaisants : il n'est pas sûr, selon lui, que la crise sismique débouche sur des manifestations de surface et même dans ce cas, un cataclysme serait peu probable. Il dénonce cependant les moyens totalement insuffisants : « l'équipement instrumental se réduit à un réseau de sismographes, leur équipement « cérébral » à un aide physicien de l'IPG, entouré de 2 ou 3 techniciens mais intellectuellement tout à fait isolé. » Il affirme que cette équipe, n'ayant aucune expérience des éruptions, sera totalement incapable de donner un avis aux autorités responsables en cas de réveil de la Soufrière.

Le 8 juillet 1976  une explosion sur la Soufrière plonge Saint-Claude dans l'obscurité pendant 20 minutes (nuage et retombées de cendres). Panique de la population qui quitte la zone spontanément. Les autorités mettent en place une régulation de la circulation, et entre 9h et 11h, près de 25.000 personnes quittent ainsi Basse-Terre pour la Grande-Terre. Haroun Tazieff, de retour avec toute une équipe, fera l'ascension de la Soufrière avec Olivier Stirn, secrétaire d'état aux DOM-TOM pour prouver l'absence de danger : « ce qui se passe actuellement à la Soufrière, ce sont des éruptions phréatiques, très impressionnantes d'accord mais on ne doit pas s'en alarmer [...] vous verrez peut-être des choses aussi effrayantes que celles du 8 juillet, peut-être pire [...] ne vous affolez pas. »

 

Claude Allègre est nommé Directeur de l'IGP le 8 août, ce géochimiste est un spécialiste de la tectonique des plaques ; c'est un éminent scientifique de laboratoire, pas de terrain.

 

La situation s'aggrave en Guadeloupe au point qu'un spécialiste anglo-saxon, John Tomblin, recommandé par Tazieff en mission en Equateur, préconise l'évacuation (73 000 personnes).

 

Haroun Tazieff de retour, fin août, bien que légèrement blessé par des projections de pierres dans l'ascension du volcan où Allègre l'accompagnait, maintient son diagnostic. Son nouveau directeur sera d'un avis contraire en affirmant qu'il y avait « 80 % de roches magmatiques » ! Affirmation qui se révélera totalement infondée. L'évacuation est maintenue pour un mois. Il annonce, par ailleurs, qu'il supprime le service de vulcanologie dont Tazieff est le chef. En réplique, celui-ci dénie toute compétence vulcanologique au professeur  Allègre. Il considère comme pure mise en scène le dispositif de sécurité des scientifiques et soutient que la population peut sans danger travailler et habiter dans la zone évacuée.

 

Ce n'est qu'à mi-novembre 1976 que Basse Terre retrouve sa totale activité et il faudra attendre janvier 1977 pour que les écoles s'y réimplantent !

 

F. Beaucudel, Directeur et Responsable Scientifique de l'Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe [2001-2007], expliquera, avec un recul de 30 ans que le diagnostic juste de Tazieff était fondé sur des données partiellement erronées. Neuf ans plus tard, lors d'un épisode volcanique en Colombie, Tazieff eut à nouveau raison contre un de ses antagonistes de la Soufrière, en prédisant un cataclysme qui se traduisit par 25 000 morts, démontrant ainsi que l'expérience du terrain était indispensable.

 

On ne peut reprocher à Allègre une prise de position inspirée d'un « principe de précaution » avant la lettre (bien que son coût économique a été énorme).

 

Mais, en bon scientifique, il eût dû se contenter de constater son erreur. Non, ayant eu tort, il vira Tazieff de l'IGP pour avoir eu raison contre lui, LE CHEF ! Tout Allègre est déjà là, dans cet épisode.

 

Source : http://www.ipgp.jussieu.fr/~beaudu/soufriere/forum76.html

Repost0
3 mai 2009 7 03 /05 /mai /2009 17:46

Le deblog notes va jouer "relâche" pour une bonne quinzaine.
En effet, demain, dès l'aube, départ vers AZROU, au coeur du Moyen-Atlas, 70 km au sud de Meknès.
Retrouvailles avec d'anciens collègues et élèves, et aussi, dans le cadre d'une Association des Amis d'Azrou, un petit coup de main à nos anciens établissements, le Lycée Tarik ibn Zyad (le Tarik qui a laissé son nom à Gibraltar, Djbel Tarik, le conquérant de l'Espagne, un berbère) et le collège Al Atlas, à une association d'aide aux jeunes diabétiques et à une autre association qui essaient de prendre en charge orphelins et enfants abandonnés... Témoignage modeste d'une reconnaissance pour l'accueil reçu, il y a une quarantaine d'années !
Retour vers l'Ascension...
Repost0
14 décembre 2008 7 14 /12 /décembre /2008 17:37

Primo Levi a rédigé Si c'est un homme dès son retour d'Auschwitz III entre décembre 1945 et  janvier 1947. Traduit dans de nombreuses langues, ce récit autobiographique n'a été publié en France qu'en 1987 (année de son suicide).

 

Fin 1943, l'auteur alors âgé de 24 ans est fait prisonnier par la Milice fasciste alors qu'il s'était engagé dans la résistance italienne. En tant que juif, il est envoyé dans un camp d'internement près de Modène. Le 21 février suivant, après une inspection allemande, les juifs (650) apprennent qu'ils partent tous le lendemain pour une destination inconnue. La déportation de Primo Levi au camp de Monowitz (Auschwitz III) durera jusqu'en janvier 1945.

 

Témoignage quasi  « à chaud » donc pour le long et terrible voyage, le « tri » à l'arrivée du convoi, les pratiques dégradantes de l'accueil (tonte, confiscation des effets personnels, tatouage du matricule, tenue de déportés). L'incompréhension de ce traitement suscite chez les détenus des questions dont la réponse est résumée par un « Ici, il n'y a pas de pourquoi » définitif. L'entreprise de déshumanisation se poursuit avec le travail épuisant dans le froid glacial à l'usine de caoutchouc, la sous-alimentation, la promiscuité, la quasi-impossibilité de communiquer compte tenu de la variété des langues (mais ni la solidarité, ni même l'amitié ne sont totalement absentes),  les humiliations, l'abolition de la volonté et enfin la résignation et la certitude que « personne ne sortira d'ici qui pourrait porter au monde ... la sinistre nouvelle de ce que l'homme à Auschwitz a pu faire d'un autre homme »

 

Pourtant ce qui fait de ce livre un ouvrage indispensable dans toute bibliothèque, ce ne sont pas tant les faits tous véridiques qu'il rapporte que le point de vue « DEPASSIONNE » de Primo Levi, à la fois victime et observateur, à l'égard  des « esclaves de la peur » et des « esclaves de la haine ». Pour dire l'horreur indicible, il a recours « au langage sobre et posé du témoin plutôt qu'au pathétique de la victime ou à la véhémence du vengeur » Ce choix confère à une expérience personnelle une portée universelle.

 

Comme le souligne Primo Levi dans sa préface, ce livre admirable a été écrit « avant tout en vue d'une libération intérieure » On peut se demander, étant donné sa fin tragique, si l'auteur a atteint ce but... En tout cas, pour le lecteur, il s'agit d'un témoignage essentiel, qui ne le laissera pas indemne  en imprimant une marque indélébile dans sa mémoire.

 

Si c'est un homme (Primo Levi Julliard Pocket n° 1377)



Dessin d'Angelo Siciliano

Voir aussi MLF 6, MLF 5, ...

Repost0
5 août 2008 2 05 /08 /août /2008 14:52

Èclectique ? pas tant que ça ! Même pas un peu de musique dans ce deblog notes...

 

Mais grâce à un site de l'Université québécoise de Napierville, j'ai découvert une interprète insolite : Trixie Friganza.

Trixie Friganza (née Délia O'Callaghan en 1870) fut d'abord une actrice de Comédie Musicale et de ce que les Etats-Uniens appellent vaudevilles, dont je ne suis pas tout-à-fait sûr que ça corresponde à nos vaudevilles français.. Elle fit du cinéma : on la voit aux côtés de Buster Keaton et dans des films de King Vidor ou de Cecil B. DeMille. Elle fut aussi une « suffragette » militante. Obligée d'arrêter sa carrière en 1940, à cause de l'arthrite, elle mourut en 1955.

 

Dans ce trop court extrait tiré de « The girl from Honolulu » (1930), elle s'accompagne, de manière très originale, à la contrebasse.

 

 

 

Toujours chez nos cousins québécois, découverte d'un autre « clip », extrait celui-ci de « Zouzou » (1934), film de Marc Allégret , où Jean Gabin interprète « Viens Fifine » ; on y aperçoit, assise, Joséphine Baker, agitant ses longs doigts.

 

 

Repost0
28 juillet 2008 1 28 /07 /juillet /2008 10:01

Les Shadoks apparaissent en effet sur les étranges lucarnes, presque au mois de mai 68 (29 avril, pour être précis). Courte apparition, puisque devant l'afflux de lettres de protestations, la diffusion de ce dessin-animé, issu du service de la recherche de l'ORTF, fut interrompue le 13 mai (date fatidique, souvenez-vous du 13 mai 1958). Elle reprit en septembre : mai était passé par là.

"C'était il y a très, très, très longtemps. En ce temps-là, il y avait...le ciel. A droite du ciel, il y avait la planète GIBI ; elle était complètement plate, et elle penchait, soit d'un côté, soit de l'autre. A gauche du ciel, il y avait la planète SHADOK ; elle n'avait pas de forme spéciale...ou plutôt...elle changeait de forme. Au milieu du ciel, il y avait la TERRE, qui était ronde et qui bougeait. Sur la Terre, il n'y avait apparemment rien...", annonçait de sa belle voix grave, Claude Piéplu.

La culture Shadok était-elle si étrangère à la nôtre ? "Au programme de la psychocybernétique différentielle et désintégrale, la mécanique adéquantique déondulatoire et permanente, l'épistémologie neurologique casuistique et gastrique, la télépathologie et les tomatocommunications de masse. Sans parler des arts et techniques libido-sexographiques, et j'en passe. Programme culturel assez chargé quand on connaît, comme vous et moi, les incapacités cérébrales naturelles de ces malheureuses bêtes. Mais ils avaient confiance, vous comprenez, parce qu'on leur avait maintes fois répété : la culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié. Et pour ce qui était d'oublier, alors là, ils étaient doués [...] Quand par maladresse, paresse ou inadvertance, le Shadok, dans un moment d'oubli en quelque sorte, se souvenait de quelque chose, l'antimémoire rappliquait dare-dare."


Pour commémorer - à mi chemin entre la première diffusion et la reprise - ce quarantième anniversaire un montage de quelques devises accompagnées parfois d'échantillon de leur langage.












Le hasard fait bien les choses : au lendemain de cette petite contribution au quarantième anniversaire des Shadoks, Guillaume Soulez éminent maître de conférences à l’Institut de recherches sur le cinéma et l’audiovisuel, ancien président des Pieds dans le PAF, donne une opinion dans Libé du 29/07/08 : Les Shadoks de 2012.






Repost0
3 juin 2008 2 03 /06 /juin /2008 16:24

Après l'histoire, la géo mais toujours le fond GB, avec un nouvel album.

Le petit Atlas de géographie moderne est l'œuvre de Eugène Cortambert qui, non content d'avoir été géographe du roi et du Duc d'Orléans, sous la Monarchie de Juillet, inventa Eugée, la muse de la géographie. Comme il est mort en 1881, son petit Atlas ne peut être postérieur à cette date. Il est sans doute l'abrégé d'un Atlas également de géographie moderne qu'un site anglo-saxon date de 1880 (mais ce peut-être une réédition). Il est en tout cas postérieur à 1871 puisque la France est amputée de l'Alsace et d'une grande partie de la Lorraine. La carte de l'Europe est évidemment très différente de l'actuelle avec l'Empire Allemand qui vient de se forger par sa victoire sur la France, l'Empire Austro-Hongrois et encore bien implanté l'empire Ottoman. Le continent Africain reste bien flou à l'intérieur.

 

 

Les colonies françaises n’ont pas encore pris une grande ampleur : mise à part l’Algérie, ce sont des « confettis » d’Empire ; les DOM et TOM actuels, un mince bande côtière en Afrique de l’Ouest, une Basse Cochinchine (le delta du Mékong) et surtout les cinq comptoirs de l’Inde chers à Guy Béart.


 


Dans le même style que les cartes historiques (De Vercingétorix à Chanzy) les départements. Les fanatiques du numéro 62 ou 85 seraient surpris de constater que ces chiffres désignaient le Puy-deDôme et la Haute Vienne. En effet la France était amputée de trois départements. A cette époque la Loire et la Seine n'avaient pas honte d'être inférieures et les côtes du Nord ; les Alpes ou les Pyrénées pouvaient être basses et il n'y avait pas besoin d'un Secrétaire d'état pour créer un grand Paris, le département de la Seine y suffisait.

Ces cartes sont, au plus tôt, de 1881, puisque c'est à cette date que Frantz Schraber commence sa collaboration avec Henry Lemonnier dans des ouvrages de Géographie scolaire. Il collaborera aussi avec Ferdinand Buisson pour la partie cartographie de son Dictionnaire Pédagogique (eh ! oui ! du temps de Jules Ferry, « pédagogique » n'était pas un mot honni, M. Darcos !).

Au recto une carte du département avec quatre couleurs pour différencier les arrondissements, carte entourée de sites et monuments remarquables. Pas de légende. Au verso, un descriptif où on trouve non seulement des éléments géographiques (superficie, relief, climat, cours d'eaux, population, économie) mais aussi un bref historique, les curiosités naturelles et monuments. Les « hommes célèbres » nous font découvrir un Cornudet des Chomettes né dans la Creuse, un Coffinhal du Cantal, un Chabrol de Volvic natif du Puy-de-Dôme, un Dupin Aîné de la Nièvre... mais pas de Joachim du Bellay en Maine-et-Loire et pas de chefs vendéens en Vendée : ils venaient des départements limitrophes (Deux-Sèvres, Maine-et-Loire, Loire Inférieure).

 

 


Repost0
25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 11:08

  Cent "chromos" historiques (nouvel envoi du fond G. B.), dont la taille se situe entre la carte postale et la carte à jouer, forment un nouvel album.

Au recto, le personnage historique (Clovis, Duguesclin, Napoléon, etc) en pied, au verso une notice signée de G. Ducoudray. Cet agrégé d'histoire est l'auteur de nombreux manuels pour l'enseignement de l'histoire. Ainsi d'une Histoire de France de l'origine à la Révolution qui connut plusieurs éditions de 1866 à 1881.

Cette série
est non datée. Elle doit se situer autour de 1880 (elle se termine en 1871).


Les choix de ces 100 personnages, censés symboliser l'histoire de France, est intéressant. Très peu de femmes, bien sûr (Jeanne d'Arc, Anne de Beaujeu, Catherine de Médicis). En dehors des rois, des guerriers puis des militaires essentiellement. Quelques rares écrivains et si l'on a Voltaire, on n'a pas Rousseau. Des personnages de la Révolution française : Mirabeau et Danton ; mais ni Marat, ni Robespierre, ni Saint-Just... Tous les maréchaux d'Empire sont au rendes-vous, en revanche Talleyrand manque à l'appel.

Ces personnages sont asexués : avec leurs pantalons moulants nos maréchaux d'empire n'ont rien dans la culotte et Dumouriez, même, affiche un relief quasi féminin.

Quant à la conception de l'histoire, nous sommes loin de l'école des Annales, mais très proches de celle des "nouveaux" programmes de
M. Darcos !

Une petite idée de ces images, dans ce petit montage vidéo, accompagné musicalement par le fameux Lycée Papillon de Georgius, mais il faut cheminer dans la collection complète de ces images accompagnée de quelques notices.

 

 

 

 


 

 

 

Mettre en mode Plein Ecran

Repost0
19 mai 2008 1 19 /05 /mai /2008 15:18

Début

A la manière de Pérec (suite et fin)

 

Je me souviens qu’avec Lydia nous avons participé à une manifestation non-violente en faveur de Garry Davis. Nous étions en possession de la carte de Citoyen du Monde. On a fini tous les deux la nuit au quart, au commissariat du quartier Saint-Sulpice.

 

 

 

Je me souviens d’une mode chez les garçons qui, en 1947, consistait à se coiffer avec un cran sur le devant. Pour que le cran tienne, ils portaient un arceau d’acier dans les cheveux. En classe et à l’atelier, ils prétendaient que c’était pour que les cheveux ne se prennent pas dans les machines.

 

Je me souviens que sur le cinéma Rex il était écrit en grand SOLDATENKINO et que la musique de la Wermacht était logée dans l’hôtel qui fait l’angle de la rue Richer et de la rue du Conservatoire. Il s’appelait Hôtel Sainte-Cécile et c’est ainsi que j’ai retenu que la sainte en question est la patronne des musiciens.

 

Je me souviens que mes parents m’ont emmené voir au cinéma Les aventures féeriques, épiques et rocambolesques du baron de Crak. Le film s’appelait aussi Le voyage du baron de Munchausen.

 

Je me souviens de la première fois que je suis allé au cinéma. C’était pour un nanar qui avait pour titre Les trois Codonas. Une histoire d’acrobates dont un réussit à faire tuer son rival. Mais ça finit mal car la femme ne l’aime pas. J’ai vu ensuite San Francisco, avec Clark Gable, et je fredonne parfois l’air qui accompagne le film.

 

Je me souviens du film Les portes de la nuit. Par la suite, je n’ai pas arrêté de fredonner Les feuilles mortes. Je me souviens d’avoir été amoureux de Maria Casarès dans L’Eternel retour. Plus tard, voyant Thérèse Raquin, j’ai porté mon choix sur Simone Signoret. Jamais sur Brigitte Bardot.

 

Je me souviens de Gabin dans La bandera, La bête humaine, Aimos dans La belle équipe, Julien Carette dans La règle du jeu, Chaplin dans Monsieur Verdoux, Jouvet dans Quai des Orfèvres, Alain Cuny dans Les visiteurs du soir, Gérard Philipe dans Le diable au corps, Georges Marchal dans un film relatant le débarquement en Provence… J’ai aimé Trente secondes sur Tokyo, Drôle de drame, Entrée des artistes, La kermesse héroïque, La chevauchée fantastique, Nous les gosses, Le silence est d’or…

 

Je me souviens de Fantasia, des Trois cabaleros, du Livre de la jungle, de La bataille du rail, de Farrebique, de Remorques… J’allais souvent au Max Linder, au Marivaux.

 

Je me souviens de la famille Duraton, du Crochet radiophonique, de Robert Rocca dans le Grenier de Montmartre, de l’indicatif de Radio-Luxembourg, de l’émission Sur le banc, avec Raymond Soupleix et Jeanne Sourza, d’une émission conduite par Saint-Granier, très écoutée dans les chaumières, avec Piedalu, des commentaires politiques de Geneviève Tabouis, de Brawig Himbs, représentant de la Voix de l’Amérique, mort dans un accident d’avion.

 

  Je me souviens de Charpini et Brancato. C’est à leur propos que j’ai entendu pour la première fois l’expression « pédés comme des phoques ». Mon oncle Colbert, qui possédait un vélo-taxi, les avait pour clients durant l’Occupation.

 

Je me souviens que je fréquentais la piscine Neptuna, boulevard de Bonne-Nouvelle. C’était un des lieux de ralliement des homosexuels. Je ne l’ai jamais remarqué.

 

Je me souviens des magasins Dufayel, du bonhomme en bois des Galeries Barbès, du zèbre de Cinzano, du nègre de Banania, du chien de La Voix de son Maître, de la colombe des partisans de la paix, du bébé Cadum, du bonhomme en flammes de la Ouate thermogène, du personnage habillé à la turque pour le café Le Caïfat, du chocolat LSK CSKI, du garçon de café de Byrrh, de l’affreux Bibendum de Michelin, de la demoiselle en tablier de Viandox, du livreur des vins Nicolas avec ses six bouteilles dans chaque main et son regard ahuri, du pégase d’une marque d’essence, de l’affiche pour le papier à cigarettes Riz La +, d’une autre affiche pour l’Ovomaltine, les Petites Pastilles Valda, la gaine Scandale, le stylo Watermann, la voiture Rosengard, de la pile Wonder qui ne s’use que si l’on s’en sert, du Rouge Baiser, d’une affiche pour un film, apposée dans la station Saint-Martin, fermée : Spiral of staircase, traduit en français par Deux mains, la nuit.

 

Je me souviens que je préférais les Frères Jacques aux Compagnons de la Chanson, Brassens et Mouloudji à Trenet et Maurice Chevalier.

 

  Je me souviens des remorqueurs sur la Seine. Ils étaient garés près du pont de Bercy, sur la rive gauche. Ils possédaient une haute cheminée qu’ils abaissaient en l’inclinant au passage des ponts. Ils remorquaient parfois six ou sept péniches.

 

Je me souviens d’être revenu à pied avec mes parents depuis la rue du Sergent-Bobillot jusqu’à la cité Trévise après le couvre-feu. On prenait des airs de conspirateurs pour aborder et traverser les carrefours. Les agents de police et des inspecteurs en civil bloquaient les ponts sur la Seine. Je ne sais plus comment nous sommes passés.

 

Je me souviens que mon père avait fait l’achat d’une moto, une Terrot 125 cm³ avec laquelle mes parents sont partis tous deux en vacances. Je suis allé les retrouver en stop à Briare où ils campaient. J’ai découvert que ma mère n’était pas très heureuse de voir partir mon père toute la journée à la pêche. D’autant qu’il ne ramenait jamais de poisson. Cette année-là, j’ai eu le sentiment d’entrer dans ses confidences de femme. Une autre année, ils sont allés à Bonneval. Pendant ce temps, je gardais les vaches à Saint-Martin-des-Champs.

 

Je me souviens de la photo dans tous les journaux de l’explosion de la bombe atomique sur l’atoll de Bikini. On y voyait un bateau de fort tonnage soulevé verticalement dans la vague provoquée par l’explosion.

 

Je me souviens que plusieurs années après la guerre des navigateurs ont découvert dans des îles du Pacifique des combattants japonais oubliés. Ils ignoraient que les hostilités étaient terminées, ils avaient fait des enfants aux femmes autochtones.

 

Je me souviens du bruit des ronds de fonte que l’on ôtait et replaçait sur la cuisinière qui avait deux feux, de celui, très particulier, que faisait la loco américaine 141 R, du sifflement des sous-stations du métro dans Paris, du frottement de la paille de fer sur le parquet qu’il fallait ensuite encaustiquer, du grincement de la porte de l’armoire à glace, du bruit sec de la porte métallique de la véranda à Cléry, du couinement des roues du métro à l’entrée de la station Richelieu-Drouot, dans la rampe menant à la passerelle d'Austerlitz, du bruit que faisait Roger Narbouton, le matin, battant le fer des socs de brabant avant la venue des chevaux qui seraient ferrés.

 

Je me souviens être allé à pied à Brie-Comte-Robert pour des médicaments. Il n’y avait pas de pharmacie à Cléry. J’ai fait les quinze kilomètres, ça me paraissait énorme. Une autre fois, j’en suis revenu en poussant le vélo. J’avais crevé et je ne possédais évidemment rien pour réparer.

 

Je me souviens d’avoir découvert le principe des lunaisons sans le secours de personne. Il suffisait de sortir chaque soir et d’observer. C’est ensuite que j’ai cherché dans un livre pour voir si ma théorie était juste. Elle l’était.

 

Je me souviens d’avoir été pris en stop par un jeune curé. C’était à la sortie nord de Valence. Il m’a amené chez lui à la cure pour me restaurer. Sa bonne n’était autre que sa maman. J’étais tout étonné d’entendre cette dame l’appeler « mon chéri ».

 

Je me souviens qu’un soir, dans l’autocar, il y avait tellement de brouillard qu’un bonhomme se tenait sur le marchepied avec une lampe électrique et il indiquait au chauffeur la distance qui nous séparait du bord de la chaussée. C’était dans la côte, entre Villecresnes et Santeny.

 

Je me souviens que les grandes personnes demandaient toujours : « Et l’école, comment ça marche ? » ou bien encore : « Qu’est-ce que tu voudras faire, plus tard ? » Un jour, j’ai fait rire l’assistance en répondant : « Comme vous ». La dame était rentière. 

 

Je me souviens qu’un jour des messieurs sont venus planter des piquets rouges au fond du jardin, près du sentier de la Forgette. C’était pour les travaux de la « déviation de Cléry ». J’ai tout de suite vu le bout du jardin amputé de dix mètres. Nous sommes en 2004 et la déviation de Cléry n’existe toujours pas.

 

Je me souviens que dans mon foyer ajiste il y avait un copain qui travaillait sur les avions. Il était surnommé Orly. Il entretenait les instruments de bord. Il a été muté aux Açores et il y est resté tellement c’était beau. C’est lui qui m’a donné l’envie d’y aller voir.

 

Je me souviens d’avoir passé tout un week-end seul à l’AJ d’Ozoir. C’était mon tour d’être père aub’, il faisait très froid. Personne n’est venu.

 

Je me souviens qu’à l’école Estienne nous étions quelques-uns à nous être affiliés au Syndicat du Livre. Comme nous n’avions pas de salaire, le timbre syndical nous était consenti pour le montant symbolique d’un franc par an.

 

Je me souviens de la Peugeot 202, reconnaissable à ses deux yeux rapprochés derrière un grillage. On en a revu après la guerre, elles semblaient toujours à la mode. Après cela, il y a eu la Peugeot 402. Citroën avait sorti sa « traction avant », Renault présentait la Juvaquatre et, plus tard, la « quatre chevaux » qui sera fabriquée pendant plus de quinze ans.

 

Je me souviens d’avoir été émerveillé par une statue d’une dame nue qui ressemblait à ma mère. C’était traité dans le style Mayol. Je l’ai revue plus tard, j’en ai cherché des copies en plâtre. En vain. C’est peut-être mieux comme ça.

 

Je me souviens d’avoir lu Choderlos de Laclos en cachette. Je n’ai rien compris mais, comme tous mes copains d’école, je voulais être à la page. Il y avait aussi Pierre Louÿs et d’autres auteurs encore qui se prêtaient en classe sous le manteau.

 

Je me souviens qu’en classe nous avons étudié Terre des hommes. Cette même année, j’ai acquis toute l’œuvre de Saint-Exupéry. J’ai tout lu mais, je l’avoue, je n’ai jamais pu terminer Citadelle.

 

Je me souviens qu’à la fin de 1947 il y avait encore des cartes de rationnement, un ministère du ravitaillement et que le marché noir était institutionnalisé. Les chaussures et les habits portaient souvent deux prix, avec et sans la carte. On s’habillait sans carte dans les « stocks américains ». Pour tout dire, j’ai usé un affreux pantalon vert de l’armée anglaise et un blouson « quatre poches » de l’US Army. A Estienne, on maquillait les tickets de pain en imprimant un zéro après le 50 ou en dessinant un 7 devant. La boulangère souriait en prenant nos tickets.

    Je me souviens que le Laté 631 a survolé Paris dans le sens ouest-est et retour dix minutes plus tard. C’était annoncé dans la presse. A Estienne, on étaient tous aux fenêtres. Je ne ratais jamais un salon de l’aéronautique.

 

Je me souviens qu’il y avait la guerre en Palestine. Les méchants Arabes ne voulaient pas que les gentils Juifs y installent des colonies. Les Juifs travaillaient, envoyaient leurs enfants à l’école, les Arabes étaient des nomades barbares. Aux Auberges, certains s’engageaient pour aller travailler dans un kibboutz pendant leurs vacances.

 

Je me souviens que Jean-Jacques Gautier a reçu le prix Goncourt pour Histoire d’un fait divers. On me l’a offert. C’est cet ouvrage qui m’a donné l’envie d’écrire.

 

Je me souviens d’avoir privé Cléry de courant électrique. J’ai voulu jouer au bûcheron, un acacia est tombé contre les fils allant au transformateur. Il y a eu un bel arc et je n’ai plus osé toucher au tronc de l’arbre. Le mal était fait.

 

Je me souviens de la sensation qui m’est restée des coups de bec d’une poule que je nourrissais de grain dans le creux de la main. Elle me suivait partout. Je ne connaissais pas encore Pavlov, je m’imaginais qu’elle agissait ainsi par affection.

 

Je me souviens m’être dit un jour que si j’avais le droit de vote, j’apporterais mes voix à un parti peu connu mais influent, l’UDSR (Union démocratique et sociale de la Résistance). Il y avait là des gens issus de l’école d’Uriage, c’est ça qui me séduisait. Dans le même temps je m’initiais aux théories abondancistes alors dans l’air du temps. Demain, les machines remplaceraient le travail de l’homme, ce serait alors la journée de quatre heures, on inventerait de nouveaux loisirs, on construirait des cités radieuses partout, tous les gens vivraient heureux dans la fraternité. On a vu.

 

  Je me souviens que madame Césaire (Suzanne pour ses intimes), la femme d’Aimé Césaire, nous a donné à traiter le sujet suivant : « Vous avez parmi vos connaissances un nègre con. Commentez. » Elle était plus foncée que son mari. Un autre jour elle nous a donné comme sujet une phrase de Joseph de Maistre qui disait à peu près ceci : « La guerre est divine en elle-même, seul Dieu en décide ». Donnez votre point de vue.

 

Je me souviens de m’être fait plaisir en achetant un demi-pain et une énorme tranche de pâté de tête. C’était la fin des restrictions, j’avais des revanches à prendre sur la faim. Cela s’est passé dans « mon » bivouac à Fontainebleau. C’était Byzance !

 

Je me souviens du blocus de Berlin. Les Américains avaient mis en place un pont aérien pour ravitailler la ville. J’étais impressionné de voir des DC-4 utilisés pour apporter des sacs de charbon, de ciment ou des bidons de bière.

 

Je me souviens avoir pris le train en compagnie d’un gendarme retraité. Son nouveau travail consistait à aller chercher de la main-d’œuvre en Algérie pour la construction des bases américaines en Europe. Il revenait de Frescaty, entre Metz et Nancy. A ces gens était établi un contrat de travail de trois mois. Et après ? ai-je alors demandé. – C’est plus notre affaire, qu’ils se démerdent ! m’a répondu l’ancien gendarme. Je pense souvent à lui lorsque j’entends les gens du FN et les autres parler de la racaille des banlieues.

 

Je me souviens d’être monté au faîte d’un peuplier pour y cueillir du gui. On appelait ça faire les corneilles. Plus tard, j’ai regardé l’arbre, la branche où j’étais allé, j’ai eu la trouille.

 

Je me souviens m’être brûlé l’intérieur de la bouche en voulant souffler dans un tuyau porté au rouge dont j’ai trempé l’extrémité dans un seau d’eau pour voir sortir la vapeur. Personne ne l’a jamais su.

 

Je me souviens d’avoir colmaté un nid de frelons avec du plâtre, entre deux pierres de la maison. Après ça, il y avait des frelons énervés qui volaient partout autour. J’avais cru d’abord qu’il s’agissait d’un nid de guêpes.

 

Je me souviens, entre autres conneries, être passé à travers une haie. C’était dans la côte de Soignolles. Je descendais en vélo à toute vitesse. Tellement vite que je roulais à gauche dans le virage en épingle. Une voiture allemande montait dans ma direction. Ne pouvant ni freiner ni reprendre la droite, je me suis jeté à gauche dans la haie bordant la route. Le vélo y est resté incrusté. Je me suis retrouvé en contrebas dans le champ... et dans les ronces !

 

Je me souviens de m’être fait surprendre par le garde champêtre à voler des pommes (ou des noix) dans un champ qui nous appartenait. Mon arrière grand-père Bourgeois, au caractère généreux, avait cédé la jouissance de ce champ à un fermier mais personne à Cléry ne connaissait les origines de propriété. Le champ était bien à nous ainsi que les arbres fruitiers le bordant sur un côté. En revanche, les fruits disparaissaient comme par magie.

 

Je me souviens qu’à l’école on portait tous une blouse grise. C’était obligatoire. J’étais le seul à porter une blouse noire. Allez dire pourquoi ? Cette blouse était lustrée, coupée dans un tissu épais et dur. On nous faisait aussi porter un béret. J’avais l’impression de porter une boule sur la tête.

 

Je me souviens que nous étions tour à tour « de service », deux par deux, pour effacer le tableau noir, secouer le chiffon, rassembler les cendres autour du poêle de fonte, préparer cinq bûches, balayer les allées entre les tables et garnir les encriers. Le samedi, il y avait bibliothèque, on se chicanait pour tenir le registre des sorties et des rentrées.

 

Je me souviens qu’en classe nous devions savoir chanter Maréchal, nous voilà. Monsieur Prévôt-Tête-de-Veau (il y avait aussi Jauvart-Tête-de-Lard) nous en a fait copier les paroles sur un cahier. Un jour, monsieur l’Inspecteur Primaire est venu en visite et il a demandé si nous connaissions la chanson. Bien sûr que nous la connaissions, pardi ! Monsieur Prévôt nous a fait ouvrir le cahier à la page indiquée. La chanson, nous ne l’avions jamais chantée. Mais elle était là, écrite sur le cahier. « C’est très bien ! » a dit l’inspecteur.

 

Je me souviens que pendant la guerre nous portions tous des galoches à semelle de bois. J’ai aussi marché en sabots. Pour courir, je me mettais nus pieds et les tenais à la main. J’aimais les sabots, ça permettait de se déchausser en classe. Aller nus pieds n’était pas une honte.

 

Je me souviens qu’après les moissons, nous allions glaner dans les champs. On savait les repérer, on les surveillait pour pouvoir être dans les premiers à se précipiter. On glanait aussi l’orge, les betteraves, les patates. Pour nourrir les lapins, je faisais celui qui confondait la luzerne avec des herbes sauvages et hop ! dans le sac. Je ne me suis jamais fait prendre.

 

Je me souviens qu’un jour, sur la route de Lagny, revenant justement de l’herbe aux lapins, j’ai vu arriver sur moi deux Allemands en moto. Sur leur thorax figurait une plaque argentée indiquant « Feldgendarmerie ». Ça rigolait pas. Ils ont mis pied à terre, le plus grand m’a crié : « Mé-a-oux ? » J’ai cru qu’il s’agissait d’une bête. Il a répété : « Mé-a-oux ? » J’ai commencé à me sentir coupable. L’autre a vu que je ne comprenais pas. Prenant un caillou il a dessiné sur le gravier bordant la route les cinq lettres de la ville de Meaux. M-E-A-U-X. J’ai fait : « Ah oui, Mô ! » Non, pour le grand c’était Mé-a-oux. Plus tard, j’ai appris qu’au revoir se prononce en allemand de la rue : filozen.

 

Je me souviens que j’inventais des noms et des surnoms pour les objets, pour les poules et les lapins de la maison. Des noms composés comme Porte-Laine, Chiasse-Dur, Marche-Pattes… La lapine grise qui vivait avec nous dans la maison, c’était Madame. Avec elle j’ai commencé à croire qu’il y a peu d’écart entre le lapin et le chat.

 

Je me souviens de plein de choses de bien peu d’utilité, du visage des gens, du bleu sur les phares des voitures en 1939, de mon cyclo-rameur que je ne rangeais jamais, de l’huile de foie de morue avant d’aller à l’école, des affreux dessins du papier peint de ma chambre de Cléry, d’une gravure représentant La laitière, de l’odeur acide des patates qu’on mettait à germer sur des clayettes dans l’escalier de la cave, de celle de la petite chambre de la tour, d’une affiche qui garnissait la porte de la grange en faveur des automobiles De Dion-Bouton, de la forme que prenait le catalpa au tronc incliné, du houx qui obligeait à un détour dans une des allées du jardin, de la couleur des gravillons de l’allée qui crissaient sous les pas, des bêtes blanches qui remontaient des chiottes par temps de chaleur, de l’odeur puissante de la goudronneuse, des petits personnages dessinés sur le service à thé qui nous a été barboté pendant l’exode, d’un médaillon de bronze représentant soi-disant Mirabeau, d’une nuit de 1941 passée à compter des étoiles filantes, du bruit que faisaient les Dornier 17 lorsqu’ils partaient le soir en direction de l’Angleterre, d’une dame agoraphobe qui marchait en touchant les murs, du catalogue de la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Etienne dans lequel je faisais des découpages et des collages, du feu qui a pris dans la cheminée alors que venait de mourir ma grand-mère en 1937, d’une grande frayeur lorsque dans les bois je me suis trouvé face à un cerf qui a eu plus peur que moi et a bondi, de la traversée de Cléry avec un écriteau sur la poitrine « Je suis malpoli », j’avais dit godasses au lieu de dire chaussures, de mon premier achat désiré et mérité, un traité de météorologie, d’un camion accidenté, abandonné des mois durant près d’un champ, qui m’a servi pour découvrir l’Europe entière, l’Afrique, le pôle Nord, les steppes de Sibérie, les Indes, toutes mes lectures.

 

Je me souviens de plein de choses qui ne se décrivent pas, ne s’écrivent pas. Des sensations, des impressions fixées, qui restent gravées... Et qui ne servent à rien.

 

Je me souviens qu’à la mort de ma mère je me suis reproché de n’avoir pas pris en notes tout ce que j’avais appris d’elle oralement sur la filiation, les prénoms, le partage des biens, les dates et des lieux… Demain, c’est moi qui vais basculer et l’idée de partir sans avoir transmis tout ça m’interroge et meuble parfois mes insomnies.

 

Je me souviens qu’un jour je me suis dit que je devrais noter tout ça, que ça pourrait servir à Basile et Victor, mes petits-fils qui ne savent pas ce qu’est un 45 tours, ce que veut dire « traverser dans les clous » et qui ignorent ce que signifie TSF, ou bien que je devrais écrire une histoire à la Zola en inventant des personnages…

 

         Rien d’autre que des souvenirs...

Février 2004.

 

G. B.

 

Pour compléter ce "Je me souviens" quelques unes des réclames évoquées dans ce texte : le bonhomme en bois des Galeries Barbès, le zèbre de Cinzano, le nègre de Banania, le chien de La Voix de son Maître, le bébé Cadum, le bonhomme en flammes de la Ouate thermogène... dans un petit montage de réclames, où l'on pourra noter la qualité graphique des affiches.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Repost0

Présentation

  • : Deblog Notes de J. F. LAUNAY
  • Deblog Notes de J. F. LAUNAY
  • : Education, laïcité, politique et humeurs personnelles, en essayant de ne pas trop se prendre au sérieux.
  • Contact

Nota Bene

Le deblog-notes, même si les articles "politiques" dominent, essaie de ne pas s'y limiter, avec aussi le reflet de lectures (rubrique MLF tenue le plus souvent par MFL), des découvertes d'artistes ou dessinateurs le plus souvent érotiques, des contributions aux tonalités diverses,etc. Pour les articles que je rédige, ils donnent un point de vue : les commentaires sont les bienvenus, mais je me donne bien sûr le droit d'y répondre.

Recherche

Nelle Formule

Overblog - hébergeur du deblog-notes - a réussi l'exploit de lancer une nouvelle formule qui fait perdre des fonctions essentielles de la version précédente. Ainsi des liens vers des sites extérieurs disparaissent (désolé pour  Koppera, cabinet de curiosités, ..). Les albums se sont transformés en diaporamas, avec des cadrages coupeurs de têtes. La gestion des abonnés et des commentaires est aussi transparente que le patrimoine de Copé. Et toutes les fonctions de suivi du deblog-notes - statistiques notamment - sont appauvries.