Primo Levi a rédigé Si c'est un homme dès son retour d'Auschwitz III entre décembre 1945 et janvier 1947. Traduit dans de nombreuses langues, ce récit autobiographique n'a été publié en France qu'en 1987 (année de son suicide).
Fin 1943, l'auteur alors âgé de 24 ans est fait prisonnier par la Milice fasciste alors qu'il s'était engagé dans la résistance italienne. En tant que juif, il est envoyé dans un camp d'internement près de Modène. Le 21 février suivant, après une inspection allemande, les juifs (650) apprennent qu'ils partent tous le lendemain pour une destination inconnue. La déportation de Primo Levi au camp de Monowitz (Auschwitz III) durera jusqu'en janvier 1945.
Témoignage quasi « à chaud » donc pour le long et terrible voyage, le « tri » à l'arrivée du convoi, les pratiques dégradantes de l'accueil (tonte, confiscation des effets personnels, tatouage du matricule, tenue de déportés). L'incompréhension de ce traitement suscite chez les détenus des questions dont la réponse est résumée par un « Ici, il n'y a pas de pourquoi » définitif. L'entreprise de déshumanisation se poursuit avec le travail épuisant dans le froid glacial à l'usine de caoutchouc, la sous-alimentation, la promiscuité, la quasi-impossibilité de communiquer compte tenu de la variété des langues (mais ni la solidarité, ni même l'amitié ne sont totalement absentes), les humiliations, l'abolition de la volonté et enfin la résignation et la certitude que « personne ne sortira d'ici qui pourrait porter au monde ... la sinistre nouvelle de ce que l'homme à Auschwitz a pu faire d'un autre homme »
Pourtant ce qui fait de ce livre un ouvrage indispensable dans toute bibliothèque, ce ne sont pas tant les faits tous véridiques qu'il rapporte que le point de vue « DEPASSIONNE » de Primo Levi, à la fois victime et observateur, à l'égard des « esclaves de la peur » et des « esclaves de la haine ». Pour dire l'horreur indicible, il a recours « au langage sobre et posé du témoin plutôt qu'au pathétique de la victime ou à la véhémence du vengeur » Ce choix confère à une expérience personnelle une portée universelle.
Comme le souligne Primo Levi dans sa préface, ce livre admirable a été écrit « avant tout en vue d'une libération intérieure » On peut se demander, étant donné sa fin tragique, si l'auteur a atteint ce but... En tout cas, pour le lecteur, il s'agit d'un témoignage essentiel, qui ne le laissera pas indemne en imprimant une marque indélébile dans sa mémoire.
Si c'est un homme (Primo Levi Julliard Pocket n° 1377)
Dessin d'Angelo Siciliano
Voir aussi MLF 6, MLF 5, ...