Carlos Saura, plus connu pour sa carrière cinématographique, réalisateur entre autres de Crias Cuervos, Maman a cent ans, Noces de sang, Ay, Carmela !, etc., fut aussi un grand photographe, dont l’œuvre décrit notamment une Espagne des années 50.
Carlos Saura est né à Huesca en 1932. Âgé de seulement 9 ans, il emprunta l’appareil de son père, un ICA 6X9, pour, secrètement, tirer le portrait de la fillette dont il était amoureux. Il pensait que cet hommage à ses charmes serait la meilleure façon de déclarer sa flamme. Hélas l’envoi de cette photo n’eut aucun écho. Mais s’il oublia cet amour d’enfance, il resta fidèle à la photo.
Dès qu’il eut suffisamment d’économies, tout en s’appropriant l’appareil de son père, il acheta un des premiers Leica M3 qui arrivaient à Madrid et bien qu’il se dise « photographe occasionnel », il se consacra à la photo, plus qu’à ses études d’ingénieur.
Á peine âgé de 19 ans, l’artiste présenta ses premiers travaux dans une exposition à Madrid. Il eut droit à la couverture d’ABC ; et même Paris-Match lui proposa de collaborer. Il fut le photographe officiel de festivals de musique à Grenade et Santander. Mais, comme photographe indépendant, dans les années 50, il parcourut l’Espagne, avec sa voiture, pour dépeindre la réalité crue de l’après-guerre civile. Une Espagne qu’occultaient journaux et radios. Un précieux témoignage sur un pays qui a disparu : l’Espagne cadenassée par la dictature de Franco et maintenue dans une misère et un sous-développement inimaginable aujourd’hui. Mais une Espagne qui évoque aussi celle que montrait Luis Buñuel dans Las Hurdes. Tierra sin pan.
«Je suis un photographe occasionnel qui, trop timide pour être un photo-reporter et pas assez patient pour être un paysagiste à la manière de Weston ou de Ansel Adams, s’est contenté de se promener avec un appareil et de prendre les images qui attiraient son attention : la photographie a été mon carnet de notes. »
En 1953, il s'inscrivit à l’Instituto de Investigaciones y Experiencias Cinematográficas en section “réalisation”, où il fut Professeur pendant six ans, après avoir terminé ses études en 1957. Cette année-là, il découvrit le cinéma de Buñuel. Le cinéaste prit le pied sur le photographe.
Pleureuses
Une aire de battage (comme on pouvait encore en voir dans les années 70*)
Sketch avec un taureau à l'entrée d'une église
"El 90 por ciento, por no decir el 100 por 100 de estas fotos, están hechas sobre la marcha y no están preparadas"
90% pour ne pas dire 100% de ces photos ont été prises sur le vif, sans mise en scène.
* Une aire de battage photographiée dans les années 70 à Mudrián dans la province de Ségovie.
Photos JFL
LAS HURDES
Pour compléter, Nicolás Muller, photographe hongrois, d'origine juive, fuyant l'antisémitisme, se retrouve d'abord à Tanger et dans le Maroc sous protectorat espagnol, puis dans l'Espagne des lendemains de la guerre civile.
« La mondialisation de l’indifférence nous rend tous « innommés », responsables sans nom et sans visage ». Le pape François, dans sa visite dans l’île de Lampedusa, a pris une dimension humanitaire qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait osé prendre. Un pape de plain pied avec des immigrés survivants, serrant les mains sans aucune onctuosité papale. Et souhaitant un bon ramadan à ceux d’entre eux qui pouvaient être de confession musulmane.
« Qui est le responsable de ce sang? Dans la littérature espagnole, il y a une comédie de Lope de Vega qui raconte comment les habitants de la ville de Fuente Ovejuna tuèrent le Gouverneur (…) et le font de façon à ce qu’on ne sache pas qui l’a exécuté. Et quand le juge du roi demande : « Qui a tué le Gouverneur? », tous répondent : « Fuente Ovejuna, Monsieur ». Tous et personne! Aujourd’hui aussi cette question émerge avec force: qui est le responsable du sang de ces frères et sœurs? Personne! Tous nous répondons ainsi: ce n’est pas moi, moi je ne suis pas d’ici, ce sont d’autres, certainement pas moi. (…) Aujourd’hui, personne dans le monde ne se sent responsable de cela; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle; (…) nous regardons le frère à demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous « le pauvre », et continuons notre route, ce n’est pas notre affaire; et avec cela nous nous mettons l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire! » (extraits du texte complet)
« Grâce à dieu, je suis athée » disait malicieusement Luis Buňuel. On ne me soupçonnera pas de quelque complaisance à l’égard de Bergoglio. Au mieux, il a fait preuve d’une prudence très jésuitique sous la dictature des généraux. Et il ne résiste guère à la tentation du cléricalisme.
Mais là, sur le terrain de ce que d’aucuns nomment avec mépris le « droit de l’hommisme », il parle clair et fort.
Si j’ai gommé dans cette longue citation les quelques passages explicitement religieux, j’ai gardé bien sûr, les références répétées aux « frères et sœurs », à la « responsabilité fraternelle ». La devise républicaine – la nôtre – n’est-elle pas « Liberté, égalité, fraternité ».
Ça serait rabaisser le message papal que de le rapprocher de propos nauséabonds – visant d’ailleurs des Français à part entière même si on veut les mettre complètement à part – mais combien d’hommes politiques ont eu le courage de parler ce langage de vérité ? Peut-être un Michel Rocard, à qui l’on a fait dire –sciemment – le contraire de ce qu’il affirmait : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre toute sa part ». Que mon camarade Manuel Valls n’oublie pas ce message.
Que les anti-calottins se rassurent : je n’abandonnerai pas cette veine dont les racines remontent au moins à un certain Rabelais (moine de son état, paraît-il). Encore moins l’anti-cléricalisme, le combat de plus en plus d’actualité contre l’intrusion du spirituel dans le temporel. Mais, quand un pape dit ce qu’il faut dire, on ne peut qu’applaudir !
Manuel Álvarez Bravo, 1902-2002, un centenaire qui a développé son œuvre pendant 80 ans. Ce grand artiste mexicains se décrivait comme « un photographe du dimanche », prétendant poser son appareil sur un trottoir et attendre patiemment qu’une image intéressante se présente devant son objectif.
A ses débuts, il a côtoyé Edward Weston et Tina Moddotti. Il fréquentait Diego Rivera et Frida Kahlo. Il photographia le muraliste aux côtés de Léon Trotsky et d’André Breton. Il fut l’ami d’Henri Cartier-Bresson avec qui il exposa à New-York et Mexico. Il a également collaboré avec le cinéaste Luis Buňuel, comme photographe de plateau.
Voilà ce qu’en écrivait, André Breton : « Tout le pathétique mexicain est mis par lui à notre portée: où Alvarez Bravo s'est arrêté, où il s'est attardé à fixer une lumière, un signe, un silence, c'est non seulement où bat le coeur du Mexique mais où encore l'artiste a pu pressentir, avec un discernement unique, la valeur pleinement objective de son émotion ».
« La technique rigoureuse et précise (de la photographie) était sans doute celle qui menaçait le moins de s’interposer entre sa sensibilité et son œuvre. Une poésie discrète et profonde, une ironie désespérée et fine émanent des photos de Manuel Alvarez Bravo, comme les particules suspendues dans l’air qui rendent visible un rayon de lumière pénétrant dans une chambre obscure », disait Diego Rivera.
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