« La mondialisation de l’indifférence nous rend tous « innommés », responsables sans nom et sans visage ». Le pape François, dans sa visite dans l’île de Lampedusa, a pris une dimension humanitaire qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait osé prendre. Un pape de plain pied avec des immigrés survivants, serrant les mains sans aucune onctuosité papale. Et souhaitant un bon ramadan à ceux d’entre eux qui pouvaient être de confession musulmane.
« Qui est le responsable de ce sang ? Dans la littérature espagnole, il y a une comédie de Lope de Vega qui raconte comment les habitants de la ville de Fuente Ovejuna tuèrent le Gouverneur (…) et le font de façon à ce qu’on ne sache pas qui l’a exécuté. Et quand le juge du roi demande : « Qui a tué le Gouverneur ? », tous répondent : « Fuente Ovejuna, Monsieur ». Tous et personne ! Aujourd’hui aussi cette question émerge avec force : qui est le responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Tous nous répondons ainsi : ce n’est pas moi, moi je ne suis pas d’ici, ce sont d’autres, certainement pas moi. (…) Aujourd’hui, personne dans le monde ne se sent responsable de cela ; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle ; (…) nous regardons le frère à demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous « le pauvre », et continuons notre route, ce n’est pas notre affaire ; et avec cela nous nous mettons l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire ! » (extraits du texte complet)
« Grâce à dieu, je suis athée » disait malicieusement Luis Buňuel. On ne me soupçonnera pas de quelque complaisance à l’égard de Bergoglio. Au mieux, il a fait preuve d’une prudence très jésuitique sous la dictature des généraux. Et il ne résiste guère à la tentation du cléricalisme.
Mais là, sur le terrain de ce que d’aucuns nomment avec mépris le « droit de l’hommisme », il parle clair et fort.
Si j’ai gommé dans cette longue citation les quelques passages explicitement religieux, j’ai gardé bien sûr, les références répétées aux « frères et sœurs », à la « responsabilité fraternelle ». La devise républicaine – la nôtre – n’est-elle pas « Liberté, égalité, fraternité ».
Ça serait rabaisser le message papal que de le rapprocher de propos nauséabonds – visant d’ailleurs des Français à part entière même si on veut les mettre complètement à part – mais combien d’hommes politiques ont eu le courage de parler ce langage de vérité ? Peut-être un Michel Rocard, à qui l’on a fait dire –sciemment – le contraire de ce qu’il affirmait : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre toute sa part ». Que mon camarade Manuel Valls n’oublie pas ce message.
Que les anti-calottins se rassurent : je n’abandonnerai pas cette veine dont les racines remontent au moins à un certain Rabelais (moine de son état, paraît-il). Encore moins l’anti-cléricalisme, le combat de plus en plus d’actualité contre l’intrusion du spirituel dans le temporel. Mais, quand un pape dit ce qu’il faut dire, on ne peut qu’applaudir !
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