Si finalement Macron n’appliquait pas tout simplement, malgré sa pensée complexe, le fameux proverbe « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » ! Bien que la méthode soit grossière, jusqu’à présent ça marche !
Souvenez-vous de l’APL : elle profite plus aux proprios qu’aux locataires et contribue à la hausse des loyers. Sous réserve d’études précises, ça ne semble pas tout-à-fait faux. Mais la conséquence tirée est une baisse de ladite APL en priant les gentils proprios de répercuter à la baisse dans leurs loyers.
Autre exemple : la suppression de la taxe d’habitation, une des principales ressources des communes. Taxe injuste ! ce n’est pas totalement faux, même si les ménages les plus défavorisés en sont exemptés. Dans un « nouveau monde », plus horizontal, on aurait cherché, avec les partenaires sociaux comme on dit, à trouver une solution pour la rendre plus juste ou pour trouver d’autres ressources propres équivalentes. Non ! on supprime. Et on met les communes sous dépendance de subventions, garanties aujourd’hui, mais… demain...
Mais l’exemple le plus réussi est celui de l’admission aux études supérieures. Car là l’opération fut un peu plus sophistiquée.
Haro sur l’APB et son aberrant tirage au sort. A peine nommée, la Ministre du supérieur s’est engagée à la remplacer. Et tout le monde ou presque d’applaudir. Même si, a posteriori, on se rend compte que cet abominable tirage au sort ne jouait qu’un rôle marginal. Et, en toute verticalité – pourquoi perdre son temps à écouter les points de vue de lycéens ou d’universitaires – fut mis au point, avec un bel algorithme de derrière les fagots, un Parcoursup de belle facture.
Foin de cet horrible mot de sélection qui agit sur le lycéen et l’étudiant comme la muleta sur le taureau ! Il s’agit de CHOIX : Oh lycéen, Oh lycéenne tu choisis et tu vas être choisi-e… On imagine presque en fond sonore la musique d’ « Un homme et une femme ». D’où cette idée, qui pouvait paraître incongrue, de la lettre de motivation : Université chérie accepte-moi sur tes bancs que je tête à ton sein le lait onctueux de la sociologie, chimie, etc. et touchée par cette déclaration l’université choisissait, non sans regarder quand même un peu le dossier, l’impétrant-e si motivé-e. Chabada !
L’APB avait été si bien diabolisée que le nouveau système n’a, dans un premier temps, provoqué aucun remous.
Certes, des étudiants, ici ou là, mais parfois pour d’autres motifs – fusion d’universités par exemple –ont bien bloqué quelques facs. Mais jamais le mouvement n’a véritablement fait tache d’huile. Et jamais surtout il n’a entraîné les premiers intéressés, les lycéens !
Quand les premiers résultats sont tombés, la déconvenue fut grande. Mais, outre qu’à cette période de l’année, le bac se pointait à l’horizon, entre ceux qui avaient obtenu satisfaction, ceux qui avaient un point de chute même s’il ne correspondait pas à leur vœu premier, ceux qui étaient en attente et ceux à qui on ne proposait rien, difficile de faire converger quoi que ce soit. Et comme la situation évolue au fur et à mesure que les privilégiés qui ont eu le choix répondent, aucune mobilisation ne peut prendre.
Et la Ministre du Sup en rajoute une couche en clamant que son dispositif au 4 juin avait donné 73,5 % de réponses alors qu’APB à la même date en donnait … 0% ! Comme l’a fait remarquer un décodeur c’est qu’APB, recueillant les voeux jusqu’au 31 mai n’a évidemment donné ses premiers résultats que plus tard. Mais c’est la méthode macronienne poussée jusqu’à la caricature.
Je me garderai bien de faire une étude comparée d’APB et de Parcoursup : aucun des deux dispositifs n’a pu faire que des filières très demandées puissent accueillir tout le monde. Et les discours catastrophistes sur la ruée des déboutés de ce parcours vers pôle emploi sont aussi ridicules que la comparaison de Mme Vidal, car il n’y a aucune raison que le nombre de places global dans le supérieur soit inférieur à celui de l’an passé. Et comme le souligne le Sgen-CFDT, ce parcoursup aura rappelé que les filières sélectives existent de longue date : les plus connues sont d’un côté STS et IUT, de l’autre les CPGE, mais aussi un tas d’écoles supérieures et sont apparues au grand jour de discrètes filières sélectives instaurées au sein même de l’Université.
Pour en revenir à la méthode à Macron, le Président n’a laissé à personne d’autres le soin de la mettre en musique avec les minimas sociaux. Quelques subalternes ont préparé le terrain. Le Maire appelant aux économies, Darmanin démentant puis revenant sur le démenti. Mais là, c’est du lourd : « On met un pognon dingue dans les minimas sociaux » et malgré cela « On n’en sort pas ». Il y a donc une sorte de phénomène d’évaporation puisque l’argent dingue semble ne servir à rien puisque les pauvres restent pauvres ! La solution qu’il amorce est assez surréaliste – responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté, car les pauvres le sont par irresponsabilité ! – mais on n’a pas besoin de convoquer les experts pour deviner qu’on va tailler dans ces minimas inefficaces.
Bon et qu’ils ne viennent pas pleurer, ces pauvres irresponsables, car on va leur rembourser leur dentier à 100 %.
Pour compléter :
La vidéo mise en ligne par l’Elysée, où Emmanuel Macron parle à ses collaborateurs du «pognon de dingue» dépensé en vain par les pouvoirs publics en aides sociales, est l’un des objets médiatiques les plus étranges de ces dernières années. La volonté de frapper les esprits par un langage cru est patente. On passe de Jupiter à Audiard, le comique en moins. […] Il y a du Trump dans cette méthode de communication. O tempora…
Car sur le fond, la réflexion présidentielle rejoint les préjugés les plus éculés de la bonne bourgeoisie, mis en forme sur le plan théorique par les économistes libéraux. Les aides sociales ne sont que de l’assistanat à effet pervers garanti : elles installent les pauvres dans la dépendance de l’Etat, les incitent à la paresse et à l’oisiveté. Alors que ces aides, dans l’immense majorité des cas (il y a des tricheurs, mais c’est une petite minorité), vont à des gens qui ne demandent qu’à travailler mais en sont empêchés par l’état du marché de l’emploi. Dans «l’ancien monde», on avait l’idée saugrenue de rendre les pauvres moins pauvres en leur donnant un peu d’argent. Désormais, il faut les «responsabiliser», ce qui les sortira de la misère. In fine, pour qu’ils soient moins pauvres… il faut leur donner moins d’argent. On concédera qu’il y a une faiblesse dans le raisonnement.
Extraits de Pognon de dingue
Et à écouter :
"Pognon de dingue"… Mais pourquoi ?
commenter cet article …