Histoire de meubler une actualité censée être vide en cette période estivale, Le Monde « s’est procuré » un document explosif. Un rapport de la « mission sur la laïcité » du Haut conseil à l’intégration (HCI), datant d’avril. Il préconise l’interdiction du voile dit islamique à l’université. Interdiction qui n’a pas grand chose à voir avec les prétendus faits qu’il dénonce. Mais qui va alimenter les discours haineux de la faschosphère de plus en plus décomplexée.
Qui a pu sortir du placard où l’avait enterré l’Observatoire de la laïcité, ce texte signé d’Alain Sekzig, responsable de feu la mission laïcité du HCI ? Les extraits qu’en donne Le Monde sont soit d’une extrême généralité soit vraisemblablement controuvés.
Et derrière des formules alarmistes - nombreux contentieux, Les problèmes n'ont pas disparu, ne se sont pas raréfiés mais se sont banalisés – rien n'est quantifié, rien n'est situé.Certaines des atteintes à la laïcité "dans certaines universités où des tenants de courants chrétiens évangéliques ou néobaptistes critiquent les théories darwiniennes de l'évolution au profit de thèses créationnistes. Ailleurs, des écrits de Voltaire, de Pascal ou de Camus peuvent être rejetés" sont en général évoquées pour les lycées. Car on voit mal des étudiants choisir une filière dont ils récuseraient les contenus de base. Cet exemple ne plaide pas en faveur du sérieux et de l’honnêteté de ce rapport qui semble accumuler des faits improbables.
Et des plus vagues et hétéroclites par ailleurs : "des demandes de dérogation pour justifier une absence, au port de signes d'appartenance religieuse, à des actes de prosélytisme, à la récusation de la mixité tant au niveau des étudiants que des enseignants, à la contestation du contenu des enseignements, à l'exigence de respect des interdits alimentaires, à l'octroi de lieux de culte ou de locaux de réunion à usage communautaire..." Que peut bien vouloir dire ce salmigondis ces demandes de dérogation pour justifier une absence dans des facs, où le contrôle de l’assiduité est quasi inexistant ? Sur la mixité et le contenu de l’enseignement, les instances universitaires peuvent rappeler aux contestataires que l’enseignement supérieur n’est pas obligatoire et donc que nul n’est obligé de s’y inscrire. Les problèmes alimentaires ne sont pas de même nature et il peut y avoir des accommodements raisonnables, très limités sans doute car les restos U. doivent jongler avec un budget serré. Que des étudiants demandent l’octroi de locaux ne veut pas dire qu’on les leur accorde. Et dans toutes ces vagues dénonciations, rien qui soit lié au port d’un foulard ou d’un fichu. Ne reste donc que le port de signes d’appartenance religieuse et le prosélytisme, les deux semblant confondus par l’auteur.
Le rapport disait s’appuyer notamment sur une enquête de la conférence des universités datant de 2004. L’actuel président de cette conférence, Jean-Loup Salzmann, dément de fait cette assertion : "pour répondre aux questions des étudiants, nous avons édité, en 2004, un guide, sorte de charte de bonnes pratiques à observer à l'université en matière de laïcité : ce qui est interdit, ce qui est autorisé." Et il récuse des plus nettement cette interdiction du foulard à l’université : "C'est une mauvaise idée sur la forme, et sur le fond. Sur la forme, on ne traite pas un non-problème par une loi. Sur le fond, l'université, ce n'est pas l'école. Les étudiants sont majeurs, ce sont des adultes et on ne peut limiter leurs libertés individuelles. Nous pensons que c'est un sujet qui nécessite de l'apaisement, de la discussion, et certainement pas une approche teintée d'islamophobie, comme celle du HCI."
Le rapporteur est un militant affiché de l’interdiction tout azimut du port du voile. Ainsi a-t-il approuvé des directrices d’écoles maternelles qui récusaient la présence de mères en fichus pour assurer la sécurité des bambins lors d’une sortie scolaire. Mères que lesdits bambins peuvent voir tous les jours à la sortie de l’école. L’affaire « baby loup » où la cour de cassation a dit le droit très clairement dans les attendus de deux jugements simultanés, pousse des laïcistes à réclamer l’interdiction du foulard, jusqu’aux nounous à domicile. La phobie du voile a aussi porté sur les adultes inscrits dans la formation continue des GR.ETA. (groupements d’établissements secondaires publics), voire sur les parents d’élèves élus aux conseils d’administration des mêmes établissements. Et les plus voilicides d’entre eux vont – au risque de porter un coup grave à la maison Hermès et ses « carrés » de soie – jusqu’à vouloir proscrire le port du fichu dans tout espace public.
Ce délire textile qui, s’il en finissait avec le foulard, s’attaquerait ensuite aux robes – ne rigolez pas ça a commencé – est contraire et à la lettre et à l’esprit de la loi de 1905. Il faut donc constamment rappeler, ce que disait Aristide Briand : « Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte interprétation c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »
commenter cet article …