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4 mai 2019 6 04 /05 /mai /2019 15:35
Affaire Cassez-Vallarta : dans ce théâtre de la tromperie Jorge Volpi cherche la vérité

Le 9 décembre 2005, deux chaînes de télévision mexicaines, Televisa et TV Azteca, se prêtaient à une mise en scène totalement bidonnée de la pseudo arrestation d’Israel Vallarta et de Florence Cassez, avec une libération toute aussi bidon de trois otages. C’est le début du théâtre de la tromperie (El teatro del engaño) qu’allait analyser la journaliste belge, correspondante au Mexique de plusieurs journaux français, Emmanuelle Steels. Et c’est la lecture de ce livre qui allait inciter l’écrivain Jorge Volpi à enquêter sur cette affaire.

Affaire Cassez-Vallarta : dans ce théâtre de la tromperie Jorge Volpi cherche la vérité

La spectaculaire arrestation de Florence Cassez et d’Israel Vallarta allait faire d’eux des coupables idéaux, pour une opinion mexicaine excédée par les enlèvements et les violences, bernée qu’elle fut par la mascarade.

Mais aussi pour des journalistes comme Schneidermann qui n’hésitait pas à citer un ex-commissaire, Georges Moréas, vantant la justice mexicaine, Caroline Parienti, Elisabeth Levy sans oublier une Aude Baron (à l’époque « rédactrice en chef » du « Plus », une annexe du site du Nel Obs) qui m’écrivait : « Nous ne pouvons effectivement pas dire que Florence Cassez est innocente, pour la simple et bonne raison que juridiquement, elle ne l'est pas. Il n'y a pas preuve de culpabilité. Mais dans les faits, on ne sait pas ce qu'il s'est passé. »

Affaire Cassez-Vallarta : dans ce théâtre de la tromperie Jorge Volpi cherche la vérité

Á la recherche des zodiacos

la bande de ravisseurs

qui n’a  jamais existé.

Je ne la cite que parce que la citation est caractéristique de la totale négation de la présomption d’innocence, et qu'en même temps, sans le savoir bien sûr, elle annonce ce qui est la quête impossible de Jorge Volpi. « Outre le moment de l’arrestation, l’affaire entière est une succession de montages et de mensonges : tant de la part de la police, des hommes politiques que de la justice. La fiction était déjà de leur côté. C’était paradoxalement à moi, en tant que romancier, de tenter de rétablir les faits. »

« Á cette fin [j’ai fait ce récit] – mon investigation personnelle et littéraire de l’affaire – en procédant comme auraient dû le faire, alors, la police et les autorités judiciaires : avec la présomption qu’Israel Vallarta et Florence Cassez sont innocents, aussi longtemps qu’on ne prouvera pas le contraire. »

Un roman sans fiction

Truman Capote et son célèbre De sang froid est évoqué pour définir ce roman sans fiction, ainsi qu’un écrivain argentin Rodolfo Walsh. Mais, étonnamment, pas Javier Cercas qui, peu ou prou, se rattache à ce genre, notamment avec Anatomie d’un instant.

AVERTISSEMENT

Lecteur, tu vas entrer dans un roman documentaire ou un roman sans fiction. Ce qui signifie que si j’ai tâché de donner une forme littéraire au chaos de la réalité, tout ce que je raconte repose sur le dossier  des  poursuites  pénales  engagées  contre  Israel  Vallarta  et  Florence Cassez, les reportages qui les ont précédées, les déclarations des protagonistes de cette affaire, et encore les entrevues qu’ils ont  accordées.  Pour  autant  que  je  me  sois  efforcé  de  confronter  et  de  ratifier  les  témoignages  contradictoires,  je  n’ai  souvent  eu  d’autre recours que d’opter pour la version qui m’a semblé la plus vraisemblable. Pour combler les innombrables vides et lacunes, j’ai parfois pris le risque d’établir des conjectures – ou d’imaginer – des scènes ou des situations privées de substance dans les documents, les preuves ou les témoignages officiels : en de tels cas, je l’indique explicitement pour éviter qu’une fiction que j’ai conçue puisse être confondue avec une de celles tramées par les autorités.

Volpi, qui fut avocat, s’est plongé dans l’étude des personnages : les accusés, les enquêteurs, les victimes, les familles, les leaders d’opinion, les diplomates... Il a épluché les 20000 pages du dossier, les publications sur le sujet. Il a rencontré de nombreux acteurs de cette histoire : Valéria, ancienne otage, ainsi que des magistrats, juges, policiers et les deux accusés et leur famille… Il a pu consulter le journal tenu par Florence Cassez pendant sa détention ainsi qu’un manuscrit de son frère Sébastien Cassez, qu’elle avait rejoint au Mexique et par qui elle avait connu Israel Vallarta. De cette masse documentaire, il va tenter de transformer le chaos de cette affaire “en une histoire plus ou moins cohérente. ‘Plus ou moins’, car il subsiste de nombreuses lacunes et des aberrations difficiles à éclaircir”.

Genaro García Luna

Genaro García Luna

L’arrestation bidon se déroule en décembre 2005, alors que le Mexique connaît une vague d’enlèvements. C’est dans ce contexte que le chef de la police, Genaro García Luna, décide d’offrir une mise en scène aux médias afin de montrer l’efficacité de ses services. “Quelques mois plus tard, en février 2006, les journalistes Yuli García et Denise Maerker révèlent des incohérences entre les témoignages des policiers et ce que nous avons vu à la télévision. Florence Cassez et Israel Vallarta n’ont pas été arrêtés dans cette maison, mais sur une route. Denise Maerker invite García Luna dans son émission, et il invente alors un second mensonge pour tenter de maquiller le premier : Florence et Israel ont été arrêtés alors qu’ils rentraient, et il y a eu reconstitution des faits à la demande de la presse. C’est scandaleux à tous points de vue, et c’est mensonger, comme le révèlent de nombreux témoignages dans le livre. N’importe quel responsable de la police aurait été sanctionné, or à son arrivée à la présidence [en décembre 2006], Felipe Calderón nomme García Luna ministre de la Sécurité publique. À ce poste, ce dernier va perfectionner les méthodes testées lors de l’arrestation d’Israel Vallarta et de Florence Cassez : manipulation, torture, collusion avec les médias.

« Je me suis rendu compte que je ne découvrirais jamais la vérité. Je me suis donc efforcé de montrer comment les juges et la police s’étaient employés à la dissimuler. »

Crise Franco-Mexicaine

La diplomatie française s’est, pour une fois – et grâce sans doute aux articles des correspondantes francophones au Mexique – préoccupée du sort d’une ressortissante, F. Cassez. Et le nouveau Président Français, Sarkozy, s’empare de l’affaire ce qui va aboutir, lors d’une visite au Mexique, à une quasi rupture, avec l’annulation d’une "année du Mexique" en France. “Au moment de l’offensive diplomatique, Sarkozy a en partie raison, car il entend défendre l’une de ses ressortissantes, mais son intervention a été disproportionnée. […) Sarkozy déboule convaincu qu’il doit l’aider, il transgresse le protocole et cela débouche sur une altercation avec Calderón. C’est un épisode délicat : l’action des deux chefs d’État n’a pas grand-chose à voir au fond ni avec Florence Cassez ni avec Israel Vallarta, c’est une bataille d’egos entre deux hommes qui courent après la popularité. Sarkozy est prêt à tout pour avoir le dernier mot, Calderón clame qu’il ne tolérera pas l’ingérence étrangère. Les conséquences seront graves pour le Mexique, mais plus encore pour la famille d’Israel Vallarta, puisque lors d’une deuxième mise en scène, une partie de sa famille est arrêtée dans le seul but de prouver que Cassez dirigeait la prétendue bande du Zodiac.

Illustration parfaite du mensonge rajouté au mensonge pour essayer de faire tenir la fable initiale.

Comme son titre l’indique – l'original « Una novela criminale », comme sa transposition « Un roman mexicain » - le récit est romanesque, avec ses multiples personnages, ses rebondissements, ce tissu de montages et de mensonges. Florence Cassez y apparaît comme un personnage à la Joseph K de Kafka : « Arrivée dans un lieu étranger, elle s’est retrouvée accusée de choses qu’elle ne comprenait pas, obligée de réagir comme elle pouvait. »

Proceso (article de 2014, voir le lien plus bas)

Proceso (article de 2014, voir le lien plus bas)

Mais son ex-compagnon, Israel Vallarta, alors que comme elle il a vu tous ses droits bafoués, a été torturé, sa famille a été harcelée, ses frères et neveux emprisonnés, 13 ans après l'arrestation bidonnée, est toujours emprisonné sans jugement.

« Cette année [2023], le 8 décembre exactement, cela fera dix-huit ans que le Mexicain, aujourd’hui âgé de 53 ans, est maintenu en détention préventive dans la prison de haute sécurité de l’Altiplano, à 90 kilomètres de Mexico, accusé d’être le chef d’un gang de kidnappeurs, dit « bande du Zodiaque », mais sans avoir eu droit au moindre procès.
 
Les noms de René, Mario, Alejandro, Juan Carlos et Sergio Vallarta ne disent, eux, rien à personne. Ces deux frères et ces trois neveux d’Israel Vallarta ont été incarcérés pour que la police puisse conforter ses accusations contre Florence Cassez, au moment où la France demandait son transfèrement. Trois d’entre eux ont passé sept ans en prison, deux sont toujours en détention préventive, depuis onze ans. Comme Florence Cassez et Israel Vallarta, tous les cinq sont, selon toute vraisemblance, innocents. »
 
  M le magazine du Monde 9/12/2023
Affaire Cassez-Vallarta : dans ce théâtre de la tromperie Jorge Volpi cherche la vérité

Délétère justice mexicaine

On ne peut que dédier le jugement de Volpi sur la justice de son pays au fameux commissaire Moréas, cher à Schneidermann : “J’aimerais que notre système judiciaire indigne mes lecteurs autant qu’il m’indigne moi. C’est un système qui ne marche pas, qui est mal pensé dès le départ, mal organisé, gangrené par la corruption, où les puissants gagnent toujours, et où la torture est une pratique banale. Si nous ne nous élevons pas contre ça, nous sommes sans défense face aux puissances criminelles, comme face à la puissance du pouvoir. Il faut qu’il y ait une prise de conscience, et que la question devienne une priorité. Par ailleurs, au-delà de l’opinion que chacun s’est forgée sur l’innocence ou la culpabilité de Florence et d’Israel, je suis convaincu qu’il ne peut y avoir de justice à deux vitesses. Alors que la Française a recouvré la liberté sur une décision de justice en raison des vices de forme dans l’affaire, Israel Vallarta est détenu sans jugement depuis douze ans. Je veux faire connaître cette injustice, et contribuer à ce qu’il soit enfin jugé, pour qu’il soit libéré pour les mêmes raisons que Florence Cassez.

Il est hélas peu probable que les contempteurs de Florence Cassez – les Schneidermann, Elisabeth Levy ou Clémentine Autain, etc. – se donnent la peine de revoir leur jugement sur l’affaire. Car, eux, si prompts à appeler les autres à confesser leurs erreurs, ne reconnaissent jamais les leurs !

Affaire Cassez-Vallarta : dans ce théâtre de la tromperie Jorge Volpi cherche la vérité
Affaire Cassez-Vallarta : dans ce théâtre de la tromperie Jorge Volpi cherche la vérité

« Un roman mexicain. L’affaire Florence Cassez » (Una novela criminal), de Jorge Volpi, traduit de l’espagnol (Mexique) par Gabriel Iaculli, Seuil, 384 p., 22 €.

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11 avril 2014 5 11 /04 /avril /2014 16:56
Regina Martínez Pérez journaliste de l'hebdomadaire Proceso, assassinée le 28 avril 2012.

Regina Martínez Pérez journaliste de l'hebdomadaire Proceso, assassinée le 28 avril 2012.

Schneidermann, le donneur de leçons, a une fois encore pris la défense du Mexique que la presse Lagardère calomnie, en agitant l’affaire Versini comme autrefois lémédias français s’excitaient sur l’affaire Cassez. Et derrière la presse Lagardère qui découvre-t-il ? La dame Trierweiler qui à coup de touittes impose sa loi à la radio d’état, entendez France Inter et l’infâme Cohen.

 

Affaire Maude Versini : Florence Cassez le retour (une coproduction Trierweiler-Lagardère), titre Rue89 où Schneidermann a son rond de serviette. Le journal de 8h, sur France-Inter, lui a fait découvrir l’histoire de Maude Versini, dont l’ex-mari, Arturo Montiel, richissime Mexicain, a enlevé les trois enfants (l’affaire date quand même de noël 2011). « Reste une question : pourquoi ces feuilletons, avec belle Française persécutée, s'abattent-ils exclusivement sur le Mexique ? Mais enfin, réfléchissez deux secondes, c'est évident. Parce que le Mexique, on vous le dit, on vous le répète, "n'est pas une vraie démocratie". Parce que toute décision judiciaire y est présumée suspecte, tout reportage dicté par le pouvoir ou les cartels, tout politicien corrompu*. Et l'on n'est peut-être pas au bout de nos surprises. »

 

Eh bien, rendez-vous compte, Reporter sans frontières et une « World Association of Newspaper and News Publishers » (WAN-IFRA : sans doute un faux-nez de la CIA) ont osé demander que Hollande, lors de sa visite à Enrique Peña Nieto, Président du Mexique, aborde la préoccupante situation de la liberté de l’information au Mexique où 80 journalistes ont été assassinés et 17 ont disparu. Ces infâmes calomniateurs du Mexique osent prétendre que ces prétendus crimes restent impunis à cause de la collusion entre le crime organisé et certaines autorités politiques et administratives corrompues.

 

Ils osent aussi prétendre qu’il y a un climat hostile à la presse, les journalistes étant constamment victimes d’intimidations et même d’agressions de la part des forces de l’ordre : ils dénombrent 65 agressions lors de la couverture de manifestations dont celle de Melina Zurita de l’AFP.

 

Avec une arrogance insigne, ils estiment nécessaire de réformer en profondeur le système judiciaire afin de lutter contre l’impunité et garantir la protection de leurs collègues mexicains et, audace suprême, ils exigent qu’aient lieu de véritables enquêtes sur les assassinats, menaces et attaques des acteurs de l’information.

 

Et à qui demandent-ils de porter ces revendications ?

À un président qui a changé d'un claquement de doigt le chef du parti au pouvoir, dans un pays où un repris de justice a été bombardé ministre par commodité, et où la radio d'Etat est aux ordres d'un tweet de l'ex-favorite.

 

Délicieux numéro d’amalgame où l’honnêteté intellectuelle du chroniqueur étincelle une fois de plus. L’expression « repris de justice » désigne certes une personne qui a déjà subi une condamnation, mais qui risque d’en subir une nouvelle. Qui parle d’Alain Juppé comme d’un repris de justice ? On peut donc critiquer la nomination d’Harlem Désir comme sous-ministre (ou celle de Cambadélis comme successeur à la tête du PS) sans employer ce terme un poil péjoratif. Quant à cette radio d’état, qui fleure bon le totalitarisme qui nous accable, elle est comme un écho à cette STASI que dénonçait M. Bismuth-Sarkozy.

Mais on voit mal pourquoi elle serait aux ordres d’une « ex-favorite », là aussi expression raffinée, qui évoque un royal ancien régime.

Reporters sans frontières pire que la Presse Lagardère et la radio d’état pour salir le Mexique !

Faut-il préciser au passage que toutes les horribles calomnies énoncées par RSF sont tirées de « Proceso », hebdomadaire mexicain qui ne semble pas inféodé au groupe Lagardère et qui a longuement, depuis au moins 2012, parlé de l’Affaire Maude Versini ?

 

Car après avoir fait les choux gras de la presse du cœur mexicaine, le couple Versini/Montiel alimente du coup un feuilleton pipeul, sur fond de divorce, dont les trois enfants sont l’enjeu.

Pour faire vite, la belle Maude en publi-reportage à Mexico charme le gouverneur de l’état (le Mexique est une fédération) à l’allure aristocratique ; bien que de 30 ans son aîné, il la séduit ; lui fait des faux jumeaux d’abord (garçon et fille), puis un garçon. Mais l’ambitieux gouverneur, doit retirer sa candidature à la présidence sous le coup d’une accusation de fraude. Il sombre dans l’alcoolisme, devient violent.

Sa belle et jeune épouse divorce. Elle obtient de la justice mexicaine la garde des trois marmots. Retour en France. Mais après les vacances de Noël 2011-12, le père refuse de renvoyer les enfants. Il l’accuse de violences physiques et psychiques. Elle ne peut joindre ses enfants que quelques minutes par mois. Arturo Montiel, le père, est selon les sources le cousin, l’oncle ou le parrain de l’actuel Président du Mexique, Enrique Pena Nieto. Au bout du compte, la justice mexicaine lui aurait donné la garde des enfants, mais sans que la mère ait été entendue.

 

Proceso encore, met à la une sur son site le caso Montiel-Versini : le Ministre des affaires étrangères, Fabius donc, plaide pour une solution humaine, nous informe-t-il.

 

Ces deux affaires – si ce n’est qu’elles ont pour cadre le Mexique – sont très différentes. Dans le cas de F. Cassez une condamnation pour enlèvements avec une opinion publique poussée à vif par des reportages télévisés bidons. Dans le cas Versini/Montiel un conflit sur la garde des enfants, hélas assez classique dans les couples de nationalités différentes, où la mère ne semble pas avoir pu se défendre d’accusations graves de maltraitance.

 

Faut-il ajouter que Hollande s’est gardé d’attaquer bille en tête sur ce sujet, contrairement à son prédécesseur ? Et que, dans les deux cas, des médias mexicains sont en première ligne pour critiquer une justice trop sensible aux pressions.

 

 

* La Vanguardia (Espagnole) dans un article du 24 février 2005 écrivait : « Maints exemples confirment que le politique mexicain est le mieux payé du monde, le plus inefficace (incapable qu’il est de voter les réformes les plus indispensables) et l’un des plus corrompus. Les politiques mexicains conçoivent leur carrière comme une affaire juteuse. Une étude du Centre de recherche et d’enseignement économique a démontré que le salaire du président Vicente Fox était supérieur à celui que touchent les chefs d’Etat ou de gouvernement des pays les plus riches. » (traduction tirée de Courrier International).

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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 11:09
Cohen condamné !

Cohen condamné !

Torquemada ? Fouquier-Tinville ? Vychinsky ? Ce serait atteindre une variante du point Godwin que de se lancer dans de telles comparaisons, vis-à-vis de l’ex- journaliste du Monde viré par Edwy Plenel*, devenu le fondateur-patron du site « Arrêt sur images ». Qu’il ne pratique guère. Lui ce serait plutôt arrêt sur collègues. Et, s’il le pouvait, collègues aux arrêts.

 

Fidêle de l’émission sur la Cinq, je fus un abonné de la 1ère heure au site éponyme quand Schneidermann fut viré, pour avoir rappelé le bidonnage d’un reportage sur les CRS par de Carolis… qui venait d’être nommé à la tête de la Télé nationale. Mais les émissions – outre une certaine longueur, la contrainte du temps imposé avait du bon – sont de plus en plus passées d’arrêt sur images à talk-show sur un thème. Avec son animateur souvent de parti pris**, comme lorsqu’il avait invité le regretté Olivier Ferrand.

Daniel Schneidermann

Daniel Schneidermann

Le vite dit (articles journaliers), à l’exception du remarquable Alain Korkos à la culture iconographique prodigieuse, tient le plus souvent d’arrêt sur articles ou radios. Avec cependant des arrêts sur les UNES, en particulier de la presse étrangère.

 

Pour autant, si l’on veut de vrais « arrêts sur images », il vaut mieux regarder « Le petit journal » ou « La nouvelle édition » (avec sur les médias étrangers un remarquable « Vu de l’extérieur » de Gaël Legras). Petit journal qui fut longtemps la bête noire de Schneidermann qui reprit à son compte des accusations de bidonnages des sbires de Mélenchon et poursuivit Barthès de sa haine tenace. Car il a ses hantises et ses têtes. A vérifier, mais je ne me souviens de pas grand-chose contre TF1 en général et Pernaut en particulier. En revanche Canal + en général, et Denisot en particulier sont dans le collimateur. Le Figaro a peut-être était épinglé, mais moins souvent que Libé ou Le Monde. Perdriel, proprio du Nel Obs est, à ses yeux, plus maléfique que Dassault, proprio du Figaro.

 

Sa mauvaise foi patente a éclaté – à mes yeux s’entend – à propos de l’affaire Florence Cassez où il s’était lancé dans un réquisitoire féroce (il existe, hélas, des éléments laissant penser que Cassez s'est bel et bien rendue complice d'enlèvement et séquestration) juste pour le plaisir de fustiger mensongèrement les medias français, qui mutiplient les interviews de la prisonnière, en se contentant de répéter paresseusement, pour tout rappel des faits, qu'elle "clame son innocence". Mauvaise foi jusqu’au bout, où contrairement à un Demorand qui finit par s’excuser, avec une tranquille morgue, le matinaute a continué à cracher sur une innocente (et sur le travail de correspondantes au Mexique autrement plus pertinent que le prétendu dossier d’arrêt sur images).

Fustiger les médias et leurs acteurs est son sport favori. Jouant le grand journaliste d’investigation j’ai relu les chroniques matutinales du procureur, à partir du 1 mars 2013. Le corpus est un peu limité (d’autant que le matinaute grippé a disparu pendant quelques jours) mais néanmoins assez significatif, je pense.

Pause et pose

Pause et pose

 

Le 5 mars il nous apprend que le journalisme traditionnel est incapable d’analyser le phénomène Beppe Grillo. Le 6 mars, ce sont Les échos et Le Monde qui sont épinglés pour avoir dit du mal de Chavez. Le 7 mars il dénonce l’Obs, Le figaro, Libé qui n’ont pas relayé une information du Canard Enchaîné. Le 14 et 15 mars, l’élection de Bergoglio est l’occasion de dénoncer les vaticanistes patentés et aussi Le Monde qui réserve ses articles de fond à ses abonnés (Aux internautes, quelques miettes, le buzz du jour, (…) Aux lecteurs payants, les articles longs, les informations "à pluvalue").  Et il prédit un avenir compliqué à la presse "de qualité". Le 18 mars il dénonce la prodigieuse capacité de léthargie du système médiatique français, notamment en période de week-end, à commencer par la chaine phare du service public, France 2. Delahousse n’avait pas parlé de la crise à Chypre ! A noter, cependant, que la télévision d’état redevient de service public. Le 20 mars, ce sont L'Obs et le JDD, qui sont flingués car tous deux mouillés dans une rocambolesque tentative de blanchiment de Cahuzac. Le 26 mars Medialand célèbre la Saint-Salopard. Les salopards font la Une de Libé. Et fournissent la première question de Patrick Cohen à Mélenchon, mais rassurez-vous l’imprécateur réduira en poussière ses interlocuteurs et en particulier Guetta ! Bien sûr avec Libé, Fabius, Mediapart : opération noyade c’est la UNE controversée de Libé qui est sur la sellette le 8 avril.

 

   Même Edwy Plenel, qui déplore sur toutes les antennes que Cahuzac n'ait pas démissionné dès les premières révélations du site, en décembre dernier, n’échappe pas à la férule du maître le 20 mars. Un media n'a pas à dicter son comportement à une personnalité qu'il met en cause. Le rôle de Mediapart (que le site a magistralement rempli) est de faire des enquêtes. Aux mis en cause, ensuite, de gérer leur défense comme ils le peuvent. (E. Plenel qui est passé au journalisme d’insinuations en affirmant que Cahuzac mentait pour d’autres, ce qui n’empêche pas le même de dire qu’il faut s’en tenir aux informations publiées !)

La chronique du 19/03 - Lion Air, les étouffeurs et les alarmistes – est symptomatique de la méthode schneidermannienne. Il s’agit du fabuleux contrat Airbus, signé à l’Elysée, avec une compagnie low cost d’Indonésie, Lion Air. En digne présentateur de la télévision d'Etat, David Pujadas aurait sabré le champagne, pendant que Yann Barthès, sur Canal +, aurait indiqué que cette compagnie était blacklistée en Europe comme aux Etats-Unis. « Sous-entendu: ces avions dont on célèbre la vente, sont promis à un bel avenir de poubelles volantes, aux mains d'une compagnie de sagouins. » Sauf que, dans le même « Petit Journal », Barthès invitait un ex-pilote qui expliquait, comme Le Point que cite la chronique, que cette compagnie, comme beaucoup d’autres, souffre du manque de supervision crédible par les autorités de son pays et qu’évidemment Airbus avait tout intérêt à assurer la fiabilité de ses pilotes en les formant. Mensonge par omission.

 

Pujadas, le speaker d'Etat, est une des têtes de turc attitrées du donneur de leçons. La plante verte préférée de Pujadas,  titre-t-il le 1er mars et pas pour célébrer son amour pour les plantes d’ornement. Il a encore l’honneur du titre avec Mélenchon et Pujadas dans les filets de la transparence . Descente en flamme du speaker – notez bien, pas journaliste. « Le dispositif de l'interrogatoire pujadien réduit toute réponse autre qu'une capitulation immédiate à une échappatoire, Imbécillité objective de ce dispositif. » Et l’imbécile, après Fillon, a voulu reprendre ce dispositif face à l’invincible Mélenchon. Il ne s’en est pas laissé compter, l’imprécateur, qui lui a retourné la question. « Embarras immédiat de Pujadas. Plaisir ineffable et stupide de voir le questionneur implacable empêtré lui-même dans les filets jetés sur le questionné. » Sauf que, et Schneidermann ne peut l’ignorer, outre que Pujadas n’est ni ministre, ni parlementaire, il ne peut s’embringuer dans un échange polémique où le vitupérateur va crier à l’agression et se déchaîner.

Passons sur Mazerolle (marionnette vitupérante de BFM, piégeant Vincent Peillon, éditorialisant tellement à charge contre Carlos Ghosn que la direction était obligée de le rappeler à l'ordre, ou bien pétant les plombs en direct lors du feuilleton Fillon-Juppé) censé incarner la longévité des stars de l’audiovisuel. Mais une autre tête de turc est Patrick Cohen. Taxé de « faute professionnelle » pour avoir dit à Taddéi que, quant à lui, il n’inviterait ni Dieudonné, ni Nabe, ni Soral, ni Ramadan. « Cohen dit en fait «ce n’est pas parce que je ne les juge pas intéressants, que je leur barre l’accès au micro de France Inter. C’est parce qu’ils ont contrevenu à un dogme». Se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle. » Tout Schneidermann, dans sa hargne, est là : il fait dire à Cohen, ce qu’il n’a pas dit avec ce langage stéréotypé  - contrevenu à un dogme : l’anti-négationnisme ? l’anti-racisme ? à quoi fait-il allusion par ce « dogme » ? – et le descend minablement avec ce « payé par le contribuable ». Et quand, Cohen, avec mesure, dans une émission assez peu suivie (« La nouvelle édition ») le remet un peu à sa place, lui il en remet une couche dans la bassesse. Ah ! Ce n’est pas lui qui irait faire amende honorable comme Demorand.

 

Faute professionnelle aussi pour Denisot : Denisot privé d'Antigone. Le présentateur du Grand journal avait invité deux proches d’otages d’AQMI. Notre inquisiteur, qui sonde les reins et les cœurs, prête à Denisot le désir sournois de faire dire à ces invités tout le mal qu’ils sont censés ressentir à l’encontre des autorités françaises. Il n’en est rien, c’est plutôt l’inverse. Mais ces deux otages auraient des biographies troubles. Autrement dit ce pourrait être des agents secrets. Et là Denisot est foutu. "C'est (…) délibérément, qu'il a choisi de ne pas évoquer lui-même le passé des deux otages. C'est délibérément, qu'il a choisi de fabriquer son émission avec un non-dit plus épais encore que d'habitude". Notons au passage le « d’habitude ». « Mais pourquoi ? Escomptait-il le spectacle traditionnel d'Antigone se dressant contre Créon-Hollande ? A-t-il au contraire délibérément mis en scène des proches crucifiés par la douleur, mais comprenant et partageant la raison d'Etat ? Questions en abîme de l'avant-soirée. Pas certain que ce soit de nature à faire remonter les audiences face à Cyril Hanouna, mais on peut toujours espérer. » Méthode imparable : quelle que soit l’arrière-pensée qu’il prête à Denisot, celui-ci est un salopard qui joue cyniquement avec des proches d’otages dans l’espoir de faire remonter l’audience face à un autre animateur d’une chaîne qui appartient aussi à … Canal + ! dans le genre languedeputte, on ne fait guère mieux.

Loin de moi, la volonté de défendre Mazerolle. Quant à la 2, je ne regardais que Delahousse, quand le samedi il y avait « Mon œil », un excellent arrêt sur images au départ, mais progressivement son auteur a pris, comme Schneidermann, la grosse tête, et son émission est devenue imbuvable. Donc Pujadas, je ne l’aperçois que dans le zapping. Si je reste fidèle au Grand journal, je veux bien admettre que Denisot n’est pas Gildas et qu’Apathie est encore plus grand donneur de leçons – je me souviens d’une récente émission où l’invité Ciotti, UMP, le regardait avec des yeux ronds, car il lui ôtait le pain de la bouche dans une attaque outrancière du gouvernement – que Schneidermann. Quant à Cohen, ne l’écoutant vers 7h, que le temps d’un petit déjeuner, avant de vaquer à d’autres occupations, je ne me lancerais pas dans une plaidoirie. Si ce n’est que sa défense, que j’ai vue dans « La nouvelle édition », était convaincante. De mon point de vue, je le souligne.

 

Non, ce qui est – pour moi – insupportable, sans doute parce que j’ai aussi tendance, dirons les mauvaises mais lucides langues, à faire de même, c’est ce ton perpétuel de donneur de leçons, en toute confraternité. En visant autant que faire se peut le Nel Obs, Libé ou Le Monde plutôt que le Figaro, la 2 plutôt que la 1… Et aussi, point commun avec Sarkozy, quand il est pris en défaut – avec Florence Cassez ce fut patent – au lieu de faire profil bas, d’en rajouter une louche ! sans parler de sa prédilection dans sa chronique matinale, quand il n’a rien à écrire, à couper en quatre le poil des sexes des anges…

 

 

* En octobre 2003, il est licencié pour « cause réelle et sérieuse » : selon la direction, un passage du livre Le Cauchemar médiatique était « attentatoire à l’entreprise pour laquelle il travaille ». Le journaliste poursuit le quotidien aux prudhommes de Paris, qui lui a donné gain de cause en mai 2005, jugement confirmé en appel en mars 2007 (Wikipedia)

 

** Exemple tout récent de parti pris, « l’éconaute » -entendez l’intervenante d’arrêt sur images sur les questions économiques – dans un long papier pour expliquer l’accord sur la sécurisation de l’emploi fait le panégyrique du camarade Filoche (vive le mélodrame où Filoche a pleuré, ça lui a valu une gloire médiatique qui lui aurait été fort utile quand un patron le poursuivait de sa vindicte et que sa hiérarchie l’enfonçait), qui, sans nuances aucune, descend en flammes ledit accord. Solliciter le point de vue de la CFDT, pour équilibrer, vous n’y pensez pas ! On invite Nabe, mais quand même pas la CFDT !

Post Scriptum

Schneidermann aurait-il voulu illustrer, au-delà de la caricature, jusqu’à l’abjection même, cet article qu’il n’aurait pu faire pire que dans son « 9h15 » du 15/04/13 :

« (…)  à Nantes (…), l'essayiste Caroline Fourest, venue parler mariage pour tous dans le cadre d'une réunion attrape-subventions du Nouvel Obs, a été poursuivie dans son TGV de retour par les (..) opposants [à ce mariage pour tous]. Le TGV a été retardé de quarante minutes. Fourest "harcelée, pourchassée, traquée" se lamentait ce lundi matin France Inter, la station de son ami Philippe Val*. Il faut cette fois saluer le but contre leur camp marqué par les anti-mariage gay. Parvenir à faire passer pour une victime Caroline Fourest, cette figure centrale de la domination intellectuelle d'aujourd'hui, qui a table ouverte dans toutes les radios et toutes les télévisions du service public, cela relève de l'exploit olympique.»

Une petite saloperie au passage sur le Nel Obs et une infamie totale à l’encontre de C. Fourest, déjà victime des nervis de Civitas, dont il insinue qu’elle a micro ouvert à France Inter à cause d’une amitié avec Val et qui, pour participer à quelques émissions de débats devient « une figure centrale de la domination intellectuelle » variante sans doute de la pensée unique et autres clichés. Sa conception de la laïcité – tout en se détachant, avec courage et au prix là aussi de torrents d’insultes, des outrances xénophobes de « riposte prétendue laïque »** - je ne la partage pas. Pour autant la lâcheté insigne de ses agresseurs mérite d'être dénoncée. Et il faut être solidaire de C. Fourest victime de ces lâches.

 

* Elle a soutenu Val quand il a publié les fameuses caricatures danoises dans Charlie

** Voir l'article Fourest du Bêtisier laïciste (et ce n'est qu'un échantillon)

 

  

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