Monsieur le Président de la Conférence des évêques de France,
Permettez-moi, tout d’abord, de ne pas vous affubler du titre de Monseigneur, appellation d’un autre âge, d’autant que l’athée que je suis, ne vous reconnaît ni comme son « seigneur » et encore moins son « père ».
Donc, dans une lettre ouverte au Président de la République – fort incongrue au demeurant, puisque s’agissant d’une proposition de loi d’origine parlementaire elle ressort du seul pouvoir législatif – vous vous opposez à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, extension qui vise à condamner des sites Internet accusés « d’induire délibérément en erreur, intimider et/ou exercer des pressions psychologiques ou morales afin de dissuader de recourir à l’IVG ».
« Cette proposition de loi met en cause les fondements de nos libertés et tout particulièrement de la liberté d’expression qui ne peut être à plusieurs vitesses suivant les sujets. » écrivez-vous ! Parodiant Aristide Briand, on serait tenté d’écrire qu’on ne voit pas sans étonnement, mais aussi sans quelque plaisir, l’honorable évêque, brûler l’encens épiscopal sur l’autel de la liberté. Que ne l’a-t-il brûlé son encens de la liberté quand des ultra-catholiques s’en prenait à des pièces de théâtre ou à des expositions ?
Mais l’accusation serait fondée s’il ne s’agissait, comme vous l'écrivez benoîtement, que d’empêcher certains de nos concitoyens, réunis en associations, à consacrer de leur temps, notamment par le biais des instruments numériques, à l’écoute des femmes hésitantes ou en détresse par rapport au choix possible d’avorter. Or la proposition de loi ne s’en prend qu’aux pratiques trompeuses sur internet ; si l’on était dans le domaine industriel ou commercial, on parlerait de contrefaçons ou de tromperies sur la marchandise.
Il ne s’agit donc pas de partager une opinion à bannière déployée, mais sous un dehors neutre, quasi officiel, avec numéro vert, de pratiquer une désinformation volontaire et d’exercer une pression psychologique et morale sur des femmes enceintes ou des personnels d’établissements pratiquant l’IVG.
Dans son rapport, Mme Catherine Lemorton, députée, cite ce témoignage d’une femme de vingt-neuf ans : « On m’a demandé s’il n’y avait pas, au fond de moi, une petite voix me disant que je voudrais garder mon enfant et me conseillant de repousser mon rendez-vous chez le gynécologue ». Cette jeune femme a ensuite été harcelée par sms et au téléphone jusqu’à ce qu’elle accepte de repousser le rendez-vous. Elle ne l’a pas fait et a menacé de déposer plainte. Les sms ont alors cessé.
Témoignage tout récemment recoupé – si besoin était – par une élue LR, Mme A. Bergé, que le site falsificateur ose poursuivre en justice, pour les avoir piégés (sic) !
Permettez-moi, Monsieur le Président des évêques, de la citer :
« Avant de parler de la loi concernant le délit d’entrave à l’IVG, faites le test. Tapez “IVG” sur Google. Vous tombez en premier sur ivg…. Vous pouvez appeler un numéro vert.
Je l’ai fait ce matin. 18 minutes de conversation. Je me présente en disant que je souhaite avoir des informations car, enceinte, je ne veux pas garder l’enfant.
Et là j’ai droit à tout :
“Vous savez que toutes les femmes ne peuvent pas avoir recours à l’IVG.”
“Les couples ne se remettent pas d’une IVG.”
“L’IVG augmente considérablement les risques d’infertilité.”
“La plupart des femmes qui ont recours à la PMA ont d’abord eu une IVG.”
“Avez-vous pensé aux conséquences psychologiques et biologiques de l’IVG ?” ...
J’ai dû dire dix fois dans la conversation que ma décision était prise, que je ne souhaitais pas cet enfant et que j’avais besoin d’information pour avoir accès à un centre d’IVG.
La conversation se conclut en me disant de voir avec mon médecin traitant. Et en me demandant trois fois mon numéro de portable afin de prendre de mes nouvelles dans les jours prochains.
Être contre l’IVG est une opinion. Une opinion qui est protégée par la liberté d’expression. Entraver volontairement le droit à l’information des femmes est une atteinte à leurs droits.
C’est un poison et un scandale. »
Un chroniqueur de France Inter – qui lui n’a pas été poursuivi par le site - avait aussi appelé un de ces numéros verts en se disant opposé à ce que son amie se fasse avorter. Voici ce qu’on lui a répondu : « 80 % des couples se séparent après une IVG » ; « après une IVG, elle fera une fausse couche » ; « elle va avoir des cauchemars, des angoisses, elle se demandera d’où vient ce mal-être et, dès qu’elle verra un bébé, elle deviendra agressive ».
Ces agissements relèvent sans aucun doute du délit d’entrave à l’IVG, défini à l’article L. 2223-2 du code de la santé publique comme étant « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse », puisque là c’est de la désinformation systématique. Il peut même parfois être trop tard pour faire pratiquer une IVG, les contacts pris par certains sites promettant des rendez-vous qui n’arrivent jamais et certains numéros verts indiquent des centres d’IVG qui n’existent pas.
C’est pour le respect de ce droit des femmes à disposer de leur corps qu’a été institué l’article L. 2223-2 du code de la santé publique qui dispose : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 : soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements mentionnés à l’article L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ; soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir ou s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières. »
L’article unique de la proposition de loi le complète en ajoutant que le délit d’entrave est constitué lorsque sont diffusés ou transmis « par tout moyen, notamment par des moyens de communication au public par voie électronique ou de communication au public en ligne, des allégations, indications ou présentations faussées et de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse » ou à « exercer des pressions psychologiques sur les femmes s’informant » sur l’IVG.
Vous êtes entièrement libre d’interroger profondément la conscience sur l’IVG (ce « la » indéterminé est assez singulier). Mais, avouez que vous n’êtes pas le mieux placé pour vous faire l’interprète de la détresse existentielle que vous prêtez aux femmes devant l’éventualité d’un recours à l’IVG. Et, ai-je besoin de vous le rappeler ?, vous avez toute latitude d’interpeler la conscience de vos ouailles sur cet acte que vous qualifiez de lourd et grave, mais qui, contrairement à ce que vous sous-entendez, n’est pas une opinion mais un droit.
Sont remontés à ma mémoire, à la lecture de votre lettre, de vieux souvenirs de caté – les de souche qui résonnent comme des troncs parleraient de mes racines chrétiennes – où, dans l’évangile, Jésus dénonçait les pharisiens : Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis…
Disons, plus laïquement, que votre prose ne cache guère l’éternelle tentation cléricale d’imposer à la société les préceptes et les dogmes religieux, comme on le voit en Pologne.
J.F. Launay
La révérende mère, Jeanne-Emmanuelle Hutin, dans son homélie dominicale (Ouest-France 11/12/2016) vient, bien sûr, appuyer le "Monseigneur"
Lettre envoyée au courrier des lecteurs d'Ouest-France
IVG et sites mensongers
Oh qu’il est doux de voir la très pieuse Jeanne-Emmanuelle Hutin, dans son prêche dominical (Ouest-France 11/12/2016), faire brûler l’encens sur l’autel de la liberté d’expression, en reprenant les saints propos du porte-parole des évêques de France.
Nos palpitantes narines n’ont pas humé cette mystique odeur, quand, naguère, une satanique laïque, lesbienne de surcroît, C. Fourest, avait droit à une conduite de Grenoble à … Nantes, puis à un accueil musclé à Montparnasse de bobis (bourgeois bigots) fanatisés par un ensoutané ! Il est vrai cette diabolique fille dévoyait la liberté d’expression en défendant l’indéfendable mariage pour tous qui sape… (pour lire la suite reportez-vous à votre de la Rochère favorite).
Or donc, notre grenouille qui barbote presque tous les dimanches dans le bénitier du Ouest-France dominical s’en prend à la proposition de loi visant à étendre le délit d’entrave à l'interruption volontaire de grossesse, extension qui vise à condamner des sites Internet accusés « d’induire délibérément en erreur, intimider et/ou exercer des pressions psychologiques ou morales afin de dissuader de recourir à l’IVG ».
Ne sont donc visés que les sites qui se livrent à de la contrefaçon, se font passer pour des sites officiels, et se livrent au harcèlement des malheureuses qui s’y sont égarées. La Fondation Lejeune pourra continuer à étaler son obscurantisme misogyne ; Tugdual Derville et son Alliance Vita itou. Ils répandent des infamies, mais à visage découvert.
C’est leur droit et ça le restera.
Voir aussi, de la dame :
GPA , amalgame et outrances !
PS1 Et ne parlons pas de l'église espagnole !
PS2 Malgré les tentatives de blocage de sénateurs LR :
Mercredi 7 décembre 2016, le Sénat a adopté, par 173 voix pour et 126 voix contre, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.
commenter cet article …