Lettre ouverte à Mme Hutin
Dans votre dernier édito vous osez écrire « vote à la sauvette » à propos d’une proposition de loi des radicaux de gauche, votée en décembre 2012 par le Sénat, et dont l’examen par l’Assemblée nationale en mars dernier a été, si j’en crois Le Figaro, torpillé par le groupe UMP.
Contrairement à ce que vous affirmez, la procédure prévue par l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011 a été respectée… de manière anticipée.
En effet, la loi de 2004, qui interdisait toute recherche scientifique sur les « embryons » conçus par FIV… sauf dérogations, devait être révisée au bout de cinq ans.
Donc en 2009, des Etats généraux de la bioétique se sont conclus à Marseille. Le comité national d’éthique a rendu un rapport en 2010. Et toutes les instances prévues ultérieurement ont donné leur avis.
Avis, comme le rappelle D. Oriac dans son propre rapport sur la proposition de loi, majoritairement favorables à l’autorisation. Ce dont n’a pas tenu compte la majorité de l’époque puisque la loi de 2011 n’apporte aucun changement (interdiction avec dérogations).
Avis du comité national d’éthique qui aurait mérité que vous les consultiez.
Le rapport de 2010 rappelle qu’il s’agit uniquement de fécondation in vitro (FIV). Que cette FIV transgresse la sacro-sainte « loi naturelle » en dissociant procréation et sexualité.
Il rappelle aussi qu’il y a maintenant plus de vingt-cinq ans a été prise la décision de destruction des pré-embryons FIV surnuméraires.
Sans entrer dans des détails techniques, des pré-embryons sont obtenus par la fécondation in vitro ; si les spermatozoïdes sont obtenus sans grande difficulté technique, il n’en est pas de même des ovocytes : leur prélèvement est techniquement délicat ; les pré-embryons obtenus ne sont implantables qu’au bout d’un certain délai : vu le risque d’échecs lors de cette implantation et la difficulté de prélever des ovocytes, ils sont donc produits en surnombre, d’autres sont aussi mis en attente d’un projet parental différé ; donc projets de maternité réussis ou abandonnés, beaucoup de ces pré-embryons (ou si l’on préfère, embryons bloqués au stade pré-implantatoire) sont devenus surnuméraires, c’est-à-dire en trop.
Cet avis resitue clairement cette « personne humaine potentielle » que serait l’embryon FIV en affirmant que cela n’a de sens que par « l’existence et la persistance de ce lien humain » qui est « inscrit dans le désir et le projet d’avoir un enfant du couple qui demande sa création. » Autrement dit, le pré-embryon FIV n’est pas consubstantiellement personne humaine potentielle. Ce qu’affirment clairement les États Généraux de la Bioéthique : «Nous citoyens considérons qu’il faudrait donner un statut protecteur à l’embryon, dans le cadre d’un projet parental, au nom du principe de non instrumentalisation de l’enfant à naître. L’embryon ne devrait avoir un statut de personne en devenir qu’à partir du moment où il s’inscrirait dans un projet parental. C’est ce projet qui confère un statut à l’embryon, et ainsi le définit. L’absence de projet parental annule ce statut donné à l’embryon.»
Ce n’est que bien après la décision de détruire les embryons surnuméraires «que les cellules souches humaines d’origine embryonnaire ont été identifiées, ont pu être isolées, et sont soudainement devenues d’un intérêt scientifique majeur pour toute une série de domaines de la recherche biomédicale, ce qui a conduit à envisager de considérer les embryons humains comme une source potentielle de cellules souches pour la recherche biomédicale et la médecine ». « Et c’est au début de notre développement embryonnaire que nos cellules souches possèdent leur plus grand potentiel de fécondité, et leur plus grand potentiel de diversification, donnant progressivement naissance aux plus de deux cent familles de cellules différentes qui composeront notre corps. »
« Il y a au moins deux grandes questions d’ordre scientifique concernant les cellules souches :
• La première concerne la nature des mécanismes moléculaires qui sous-tendent leur capacité à donner naissance à d’autres cellules souches identiques, c’est-à-dire leur capacité de renouvellement.
• Une seconde question concerne la nature des mécanismes moléculaires qui sous-tendent leur plasticité, leur répertoire, c’est-à-dire la diversité des familles de cellules auxquelles elles peuvent donner naissance. »
La loi adoptée est d’ailleurs des plus timides puisqu‘elle propose de substituer à une interdiction de principe, assortie de dérogations, une autorisation de principe assortie de limitations.
Laissons la conclusion au Comité national d’éthique : «Les exigences éthiques ne peuvent pas toujours être formulées en termes "d'absolus" de caractère dogmatique.»
PS1 Faut-il dire que cet édito s'inscrit dans le droit fil des attaques des bigot-e-s ?
PS2 Si l'on en croit Le Figaro : "Au sein même de l'UMP, l'opposition à la recherche sur l'embryon ne fait pas l'unanimité. Elle n'est d'ailleurs que relativement récente. Début 2002, Roger-Gérard Schwartzenberg, alors ministre de Lionel Jospin, avait obtenu l'adhésion d'une grande partie du RPR: plusieurs ténors de droite comme François Fillon, Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy ou encore Christian Jacob avaient voté en première lecture en faveur d'une autorisation encadrée. Mais l'alternance consécutive à la réélection de Jacques Chirac avait empêché l'adoption définitive du texte."
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