Les élections des maires ont donné à la gauche alternative quatre des cinq plus grandes villes d’Espagne : Madrid, Barcelone, Valence et Saragosse. Bien que Podemos ne soit que partie prenante dans des listes – Ahora Madrid, Barcelona en Comú, Zaragoza en Común et surtout Compromís, nom prémonitoire, à Valence – la presse hexagonale en a fait le vainqueur. Et aussi bien à Madrid qu’à Barcelone, à Valence qu’à Saragosse, cette gauche alternative locale a pu compter sur le soutien sans faille du PSOE. En revanche, Podemos a eu une attitude à géométrie variable. Car le paradoxe de la fin annoncée du bipartisme est que les formations montantes – Podemos et Ciudadanos – sont mises au pied du mur : la fin de ce bipartisme, cette alternance PP-PSOE, veut dire compromis obligatoire. Contradictoire avec la posture d’anti « caste ».
La situation la plus paradoxale est celle de l’Andalousie. La socialiste Susana Diaz (47 sièges) a été finalement réélue avec l’appui – péniblement négocié – de Ciudadanos (9), mais avec contre elle non seulement le PP (31, 2 élus manquaient à l’appel), mais aussi IU (5, Gauche Unie, un peu le Front de gauche, qui était naguère soutien de Diaz, mais il n’y a pire ennemi que l’ex-allié) et Podemos* (15) ! La porte-parole de Podemos accuse Ciudadanos de venir au secours du bipartisme.
Mais quelle solution alternative porte-t-elle ?
Résultat en sièges dans les Asturies
(Ajouté le 21/06/15)
Depuis il y a pire dans les Asturies : le drôle de jeu de Podemos ouvre la porte à un gouvernement de droite !
En effet,
Gijón à la droite. A Oviedo, si le PP compte le plus d'élus, le total des listes de gauche atteint juste la majorité ; quant à 'avoir la réciproque à Carmen Moriyón (Foro) Mais cette trahison a abouti à ce que Wenceslao López (PSOE) soit élu alcade d'Oviedo...
José María González, Kichi de Podemos devient Maire de Cadiz*, mettant fin à 20 années de PP
Il est vrai que le jeu de Ciudadanos (C’s) est quelque peu brouillé. Ainsi, en Andalousie, s’il a permis l’élection de la socialiste à la tête de la plus grande région d’Espagne, il permet aussi à Grenade, à Malaga ou à Jaen au PP d’avoir la Mairie. En revanche, l’alliance de la gauche permet au PSOE de prendre la direction de Séville et Cordoue et à Podemos de conquérir Cadiz* ; Podemos dont le jeu est aussi peu clair, sans parler d’IU !
Fragmentation et fragilité des alliances
S’ajoute la grande fragmentation dans beaucoup de municipalités et régions.
N.B. Galice, Pays Basque, Catalogne et Andalousie, qui ont un statut différent, n'étaient pas concernés par le scritin du 24 mai 2015. L'Andalousie avait connu un scrutin anticipé en mars 2015.
La situation limpide de la Castille-La Manche est l’exception. L’Estrémadure en est proche, avec un seul élu de C’s et une addition PSOE+Podemos potentiellement majoritaire.
Mais en Aragon ou dans les Asturies viennent se greffer des partis locaux : Chunta (=union) Aragonesista et Partido Aragones ou Foro de Ciudadanos. Et ne parlons pas des Baléares où l’on trouve quatre formations locales. Aux Canaries ou dans les Cantabriques ce sont elles qui sont les challengers du PP, avec une Coalición Canarias ou un Partido Régionalista de Cantabria.
Communauté de Valence
Dans la Communauté de Valence, cela se traduit par une triple alliance PSOE+Compromis+Podemos.
Communauté de Madrid
C’s risque de laisser la très symbolique région de Madrid entre les mains du Parti Populaire : le PP ayant accepté de signer un accord contre la corruption et pour la régénération démocratique, C’s pourrait lui assurer la majorité. Et cela contre l’opinion de ses propres électeurs qui à 58 % souhaitent que C’s n’aide pas le PP à garder la tête de la Communauté de Madrid !
Conquêtes de Madrid et Barcelone par la gauche alternative
Ô combien symboliques furent les conquêtes de Madrid et de Barcelone par Ahora Madrid, liste emmenés par une ex-juge de 71 ans, Manuela Carmena, et Barcelona en Comú, emmenée par Ada Colau, 41 ans, militante anti-expulsions.
Municipales à Madrid
Dans la ville de Madrid, C’s n’a pu jouer les supplétifs du PP puisque, avec l’appui du PSOE, Manuela Carmena a pu défaire Esperanza Aguirre (PP).
Municipales à Barcelone
Situation plus complexe à Barcelone où la liste d’Ada Colau précédait certes le CIU (parti nationaliste conservateur) mais n’avait réuni que le quart des voix. Il a fallu l’apport d’un parti nationaliste de gauche (ERC) et du PS Catalan, plus une voix d’un autre parti local pour qu’Ada Colau puisse brandir le bâton d’alcade de la cité.
Municipales à Valence
La conquête de Valence est finalement encore plus symbolique, puisque c’est de cette ville et de sa région qu’est né le scandale Gürtel. Joan Ribó, de Compromís, a été élu avec l’appui du PSOE et de València en Comú (soutenu par Podemos), mettant fin au règne de la despotique et tonitruante Rita Barbera (qui briguait un 7e mandat !). Là encore, C’s a été mis hors jeu (et il aurait pu difficilement soutenir la sortante complice de toutes les magouilles du PP et impliquée directement dans des notes de frais à la Dati).
Baromètre électoral Juin 2015
Le baromètre électoral du 8 juin 2015 – réalisé avant les élections des Maires et Présidents de régions - fait apparaître une baisse spectaculaire de Ciudadanos, par rapport au précédent d’avril (Metroscopia n’a pas publié son baromètre en mai à cause des élections locales). Baisse qui profite au PP qui reprend la tête, cependant que le PSOE consolide son score estimé et que Podemos se tasse (tout en sachant qu’entre les trois, on est dans la marge d’erreur). L’IU continue de baisser, quant à l’UPyD il disparaît.
C’s est victime certainement des feux croisés du PP d’un côté et du PSOE et Podemos de l’autre, l’un le présentant comme un allié de la gauche, les autres comme un faux-nez de FAES, un think tank ultra-libéral d’Aznar. Mais aussi, avant même qu’il ne le démontre concrètement, de son manque de clarté sur les possibles pactes post élections régionales et municipales.
Image des principaux leaders
Cependant, le leader de C’s, Albert Rivera reste le politique qui a la meilleure image, améliorant même son solde positif par rapport à avril.
Pedro Sánchez, PSOE, passe enfin en positif et surtout améliore nettement son score chez ses électeurs potentiels.
Pablo Iglesias, Podemos, même si son score reste légèrement négatif, redresse sérieusement son image (de –30 à -3).
L’image négative de Mario Rajoy, chef du gouvernement, se dégrade encore ; et la moitié des électeurs potentiels du PP souhaitent un autre candidat pour les élections générales de novembre.
Les comparaisons avec l’Espagne sont toujours biaisées.
Ainsi, les élections régionales ne concernaient ni le Pays Basque, ni la Catalogne, ni la Galice et, on l’a vu, ni l’Andalousie.
Aucun parti régionaliste – sauf en Corse – n’a émergé en France. En Espagne, ils pullulent, même si aux élections générales ils ne sont qu’autour de 10%. Ces élections générales sont à la proportionnelle mais sur une base régionale, donc difficile de déduire d’un sondage global une projection en sièges.
Podemos, contrairement à ce que feint de croire Méchanlon – qui prétend avoir ouvert la voie : « Nous avons lancé la vague en 2012 », affirme le matamore – n’a absolument rien à voir avec le Front de gauche. Il est né, mais comme Barcelona en Comú et des tas d’autres listes municipales, des Indignados. Un mouvement de protestation sociale apparemment sans débouché politique qui avait notamment occupé longuement la Puerta del Sol. Podemos en est un enfant un peu bâtard, car si, à la base, il reste sur une organisation en démocratie directe, il s’est doté, devenu parti, d’une direction très endogame. Il suscite, un peu tardivement et des plus faussement, un enthousiasme délirant. Un Benoît Hopquin se donnait « Le droit de rêver » et Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou, éditeurs, donnaient eux dans l’extatique, comme un remake de l’enthousiasme castriste ou bolivarien. Faut-il ajouter L’Obs qui publiait « les extraits exclusifs de son manifeste » ?
Les élections régionales et municipales montrent bien que manifeste ou pas, sauf à rendre l’Espagne ingouvernable, il faudra bien, au lendemain des élections générales, nouer des alliances donc aboutir à des compromis, mot-clé de toute démocratie. C’s y risque d’apparaître définitivement comme un parti centriste ni à gauche, ni à gauche, comme disait Mitterrand des centristes français. IU, devenu presque groupusculaire, aussi anti-PSOE que le Parti de gauche est anti-PS, ne comptera plus. Une petite chance existera qu’un PSOE apportant une compétence gouvernementale et un Podemos apportant une participation citoyenne trouvent un compromis solide.
Mais, hélas, rien de transposable dans l’hexagone.
* Le PSOE soutient le candidat de PODEMOS pour conquérir Cadiz.
Teresa Rodriguez, qui félicite José María González Santos 'Kichi' pour son élection comme maire de Cadiz, elle, au niveau de la région, en tant que secrétaire générale de PODEMOS en Andalousie, fait voter son groupe contre la réélection de la sortante PSOE !
Pablo Iglesias à Cadiz
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