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9 février 2021 2 09 /02 /février /2021 16:56

Entretien avec Christian Terras, rédacteur en chef de Golias, la revue catholique critique cliquer ici

 

4 pages dans l'OBS du 20/05/2021 cliquer ici

Réaction de J. P. Sautreau après la publication du rapport de la Commission Sauvé cliquer ici

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Et la chair s’est fait verbe, des décennies après. La chair meurtrie, violée de gamins de 11, 12, 13 ans. Une croix sur l’enfance en Vendée a provoqué, au fil de signatures et de rencontres, de nouveaux témoignages. Le Jeanjean, tout secoué encore de son mal de mère, est devenu aussi, volens nolens, celui qui va transmuter ces « cris crevant des années de solitude », en témoignages tous plus glaçant les uns que les autres.  Mais il revient aussi sur son aussi long silence, ce long mutisme commun à la plupart des victimes. Et il décrit avec précision, il en démonte les rouages, l’omerta qui a régné, qui règne sans doute encore, dans l’église catholique.  

En septembre 2018, paraissait “Une croix sur l’enfance”, un récit dans lequel mon père racontait sa jeunesse claquemurée dans un séminaire catholique, les amitiés bâillonnées, les jouets et joies volées, la discipline inique et la violence quotidienne, notamment pédocriminelle. Cet essai cathartique a fait grand bruit dans la Vendée chrétienne d’abord puis partout ailleurs et son écho médiatique en a entraîné beaucoup d’autres, de plus intimes. Mon père a reçu chaque semaine (et pendant un temps, chaque jour) des témoignages d’hommes et de femmes d’âge mûr, qui, parfois pour la première fois de leur vie, racontaient leur douloureux secret, tous et toutes victimes des mêmes crimes tus et enfouis. Des voix fragiles qui, depuis assemblées en communauté, sont devenues plus fortes, et qui ont crié justice. Ce nouvel opus fait entendre leurs histoires et les avancées de leur combat. Une prose poétique et fraternelle qui tente de redonner leurs voix aux égosillés. (Criez pour nous, éditions Nouvelles sources)

Manon Sautreau

Paradoxalement, c’est une lettre anonyme, reprochant à l’auteur d’Une Croix sur l’enfance de vouloir surfer sur la vague dénonciatrice, de s’adonner à une surenchère à la délation des prêtres pédophiles assez sordide, qui résume bien le terreau socioculturel sur lequel les pédocriminels ensoutanés ont pu agir en toute impunité.

Victime, lui aussi, des attouchements d’un serviteur de l’église il veut garder sa souffrance muette. « Mes parents m’avaient mis en pension pour mon bien, ils voulaient le meilleur pour moi… À la ferme on parlait peu. [Mes parents] respectaient aveuglément les prêtres et les religieux, porteurs des valeurs dans lesquelles j’ai été éduqué. »

Les prédateurs étaient sûrs de leur impunité car leurs victimes, s’ils leur prenaient l’idée de conter les agressions sexuelles qu’ils leur faisaient subir, passeraient pour des affabulateurs auprès de parents sous l’emprise d’une église dont ils étaient les ministres sacrés. Et ils pouvaient aussi compter sur le silence complice de leurs pairs ou de leur hiérarchie.

L’Église incestueuse :

Avant de revenir à des écrits plus légers dans quelques jours, je voudrais, un peu harponné par de livre de C Kouchner et les débats qu’il suscite, vous faire partager cette vérité parallèle dont je parle dans « criez pour nous » mais que je ne développe peut-être pas assez :

L’agression sexuelle d’un enfant par un clerc se traduit ainsi : une personne consacrée par l’Église donc sacrée viole le corps sacré d’un enfant.

Or, cet agresseur criminel se trouve être par définition un père de cette Église.

La notion de paternité est la colonne vertébrale de l’Église catholique.

De Dieu le père (Notre père qui es aux cieux) au prêtre de paroisse (le père curé). En passant par le Pape, le Papa suprême et toute la chaîne des pères cardinaux et évêques. Tous des pater familias.

Au séminaire nous appelions tous les prêtres « mon père ». Tout en haut le père supérieur…

Alors sans contestation à propos des crimes sexuels commis par les prêtres de l’Église, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, nous devons parler d’inceste.

J. P. Sautreau (facebook)

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La loi du silence

Une figure des plus représentatives de cette loi du silence institutionnalisée est dans doute Louis-Marie Billé. Bien que né dans le Loiret, à Fleury-lès-Aubray, le 18 février 1938, arrivé dès l’âge de deux ans, à Fontenay-le-Comte, il a baigné dans le catholicisme de combat d’Antoine-Marie Cazaux qui va régner sur la Vendée de 1941 à 1967. Formé au grand séminaire de Luçon, il y revient après des études de théologie, en tant que professeur d’écriture sainte.

Jean-Pierre Sautreau conte comment le frère d’un Noël Lucas, qui devait accéder au diaconat, était venu informer les responsables du séminaire des actes incestueux dont il avait été victime de la part de ce frère. C’est Billé qui le reçoit en ce printemps 1967. Il coupe court, refuse d’entendre plus longuement les confidences et interrogations de l’adolescent. Noël Lucas, devenu prêtre et prédateur, va pouvoir ainsi sévir jusqu’en 1996. Entre autres saloperies, celle narrée dans Criez pour nous, d’un neveu de curé que, dans une colo comme on disait, il a violé et laissé martyrisé par d’autres gamins.

Ce brillant prêtre, lui aussi enseignant au grand séminaire, mais à Nantes, et avec de nombreuses responsabilités à l’évêché de Luçon, savait se faire inviter au sein même des familles, comme le racontait le père d’une victime au tribunal en 1999 :   « Nous sommes catholiques. Avec son aura d'ecclésiastique, il avait gagné notre estime. Nous le recevions en ami. Il venait dormir chez nous et, là, il abusait de nos enfants. »

Le frère de Noël Lucas, au procès, dira avoir averti Billé, qui, devenu entre temps archevêque de Lyon, affirmera « n’avoir absolument aucun souvenir d’une rencontre comme celle dont il est question ». Garnier, évêque de Luçon à l’époque, dans un entretien de départ de Vendée (12/01/2001) déclarera je reste l'ami de ce prêtre, son frère. Et Castet, évêque de Luçon, à la mort du pédo-criminel en 2015, invitera les prêtres de Vendée à une prière pour leur ex-collègue !

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Billé avait-il aussi perdu le souvenir de cette Blandine, non pas jetée aux lions, mais au « saint homme de frère », par sa propre mère ? Ce saint homme, son oncle donc, prêtre, sa mère va lui faire partager le même lit. Et l’oncle de 30 ans va violer la fillette d’à peine 6 ans. Et la mère va éponger le sang et étouffer cette histoire. La sœur et le frère vont sceller leur silence dans le sang de Blandine. L’oncle étant devenu directeur de lycée privé à Aix, Blandine va informer, en 1995, l’évêque du coin qui n’est autre que Billé : distant et cassant, il conclura par « N’allez pas croire que je vais jouer les justiciers » et nommera un peu plus tard le violeur à la tête de la paroisse de Martigues.

Billé continue une brillante carrière épiscopale puisqu’il devient « primat des Gaules », archevêque de Lyon, et Jean-Paul II lui donne le chapeau de Cardinal. Lyon où sévissait le père Preynat qui va conter sa rencontre avec son patron : « Je l’ai vu dix minutes, il m’a demandé si les faits étaient prescrits. Comme je ne le savais pas, il m’a dirigé vers un avocat. Et c’est tout. »

Et c’est donc le même Billé, devenu président de la conférence des évêques de France, qui présentera un rapport de deux cents pages sur la pédophilie dans l’Eglise : « Les prêtres qui se sont rendus coupables d’actes à caractère pédophile doivent répondre de ces actes devant la justice » Entre temps, il avait nommé Preynat pour piloter une quinzaine de paroisses !

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Un évêque fait repentance

Il aura fallu deux ans à l’évêque de Luçon, Jacolin, pour faire solennellement acte de repentance. Mais cet évêque qui a honnêtement, après avoir entendu des victimes, et notamment Jean-Pierre Sautreau, tiré, dans doute péniblement, la conclusion qui s’imposait, annonce-t-il un véritable examen de conscience de l’église de France. La création d’une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise, dite Commission Sauvé, laisse espérer une prise de conscience et surtout une prise en compte plus globale.

Cette recension est à la fois trop bavarde et bien incomplète. Elle ne rend pas compte et de l’écriture et de la composition du livre. Cet équilibre entre l’évocation des méfaits subis par les victimes qui, pour la première fois pour beaucoup, se sont confiées, l’analyse encore plus creusée des mécanismes familiaux et socioculturels qui ont permis ces crimes, mais aussi des échappées vers la poésie, cette merveille du langage qui l’a si souvent sauvé.

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CRIEZ POUR NOUS Nouvelles SOURCES 18 €

à commander à votre libraire

Pour compléter

 

Vous pouvez lire ici quelques extraits du livre ainsi que sur la page facebook de Jean-Pierre Sautreau

Zoom express sur le dernier livre de Jean-Pierre Sautreau "Criez pour Nous" sur TV 3 Provinces

Un entretien sur Alternances FM (radio nantaise).

Un autre sur France bleu Loire Atlantique

 

 

Plus de 150 personnes se sont déplacées à la cathédrale de Luçon, en Vendée, le dimanche 14 mars pour le dévoilement de la plaque « en mémorial pour les enfants victimes de violences sexuelles par des prêtres ». Une première en France.

La pose de la plaque a été annoncée en octobre 2020 par l’évêque de Luçon Mgr François Jacolin, au cours d’un « acte de repentance » où il avait publiquement annoncé la reconnaissance de « 43 agresseurs entre 1940 et aujourd’hui », parmi lesquels 36 prêtres, cinq frères et deux laïcs. De très nombreux faits se sont produits au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers dans les années 1950 et 1960 essentiellement. Les enfants avaient une dizaine d’années.

 

Après une courte présentation, l’évêque lit la « prière de repentance de l’Église en Vendée en mémorial pour les enfants victimes de violences sexuelles ». Le texte évoque la responsabilité du diocèse face aux actes des prêtres violeurs : « Des pasteurs à la tête du diocèse ont manqué de lucidité, de courage et de justice devant de tels actes, aggravant ainsi les souffrances des enfants violentés et exposant d’autres enfants aux mêmes risques. »

L’instant est particulièrement émouvant pour les victimes, qui ont découvert le texte par la lecture de l’évêque. Parmi elles, l’écrivain Jean-Pierre Sautreau. Son livre Une Croix sur l’enfance en Vendée avait déclenché de très nombreux témoignages.

 

Extraits d'Ouest-France 15/03/21

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LIBERATION DU 26/03/2021 consacre 4 pages à la pédocriminalité dans l'église, avec l'exemple du petit séminaire de Chavagnes

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L'OBS du 20/05/2021 consacre 4 pages à Jean-Pierre Sautreau

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OUEST-FRANCE 06/10/2021

 

Pédocriminalité dans l’Église en Vendée. Jean-Pierre Sautreau n’est « pas surpris par les chiffres »

La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église annonce 330 000 victimes entre 1950 et 2020. Membre d’un collectif de victimes qui a dénoncé les viols et agressions sexuelles commis au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, l’écrivain vendéen Jean-Pierre Sautreau avait été entendu comme témoin par la commission.

Pour son travail d’enquête, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) avait entendu de nombreuses victimes. Entendu comme témoin, l’écrivain Jean-Pierre Sautreau avait rejoint l’un des « groupes miroirs » chargés de veiller sur le travail des experts.

 

Quelle est votre réaction à l’annonce des chiffres du rapport de la Ciase, qui estime qu’entre 1950 et 2020, 330 000 enfants ont été victimes de viols et agressions sexuelles par des laïcs, bénévoles ou salariés missionnés par l’Église ?

C’est énorme, mais je ne suis pas surpris par les chiffres. Ce que l’on a vu ici en Vendée avec le petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, est certainement d’une ampleur exceptionnelle, mais cette histoire montre bien combien, derrière quelques témoignages, se cachent de très nombreuses agressions. Le collectif des victimes de violences sexuelles de Vendée, dont je fais partie, recense au moins 135 victimes en Vendée, dont 80 victimes avec 14 prêtres agresseurs à Chavagnes-en-Paillers (1). Régulièrement, de nouveaux témoignages arrivent. On en a encore reçu deux ces jours-ci. Pour nous, c’est mathématique : ces prêtres ont fait au moins une centaine de victimes. Pas seulement au séminaire, mais, on le sait pour certains, également dans leur entourage.

Le rapport marque une étape importante ?

En deux ans et demi, le travail est considérable. En tant que témoin puis comme membre d’un groupe miroir chargé de veiller sur le travail des experts, je peux témoigner de la volonté de la commission de ne pas se cantonner à un rapport technique. Il y avait une véritable volonté de réparer les victimes. Je suis évidemment heureux que l’on renonce à cette idée de forfait qui était une aumône. Il faut bien sûr des réparations financières individuelles.

Vous êtes en revanche déçu de la réaction du président de la conférence des évêques, Mgr Eric de Moulins-Beaufort ?

Beaucoup. C’est le patron des évêques. Il fait une demande de pardon, mais aucune annonce. Il se contente de renvoyer, pour les actions, à la prochaine assemblée plénière, à Lourdes, en novembre. Ce n’est pas satisfaisant. Le rapport de la Ciase conforte notre travail. Nous allons continuer à nous battre pour obtenir notre dû.


Contact : https://collectif85.com/

(1) Publié en 2018 par Gestes Editions, Une Croix sur l’Enfance en Vendée est depuis quelques jours disponible en format poche chez Harper Collins (6,90 €).

 

Pédocriminalité dans l’Église : « Un début de prise de conscience, mais… »

Un mois après la publication du rapport choc de la commission Sauvé, 120 évêques catholiques réunis à Lourdes début novembre ont eu la révélation. Vendredi 5 novembre, jour du poisson, le gratin catholique a reconnu « la responsabilité de l'Église catholique » dans les crimes sexuels commis par des prêtres et des religieux et leur dimension « systémique » depuis 1950. Christian Terras, rédacteur en chef de Golias, la revue catholique critique, revient sur ce début de prise de conscience mais prévient : le problème réside aussi dans la toute-puissance des prêtres.

"Je ne suis pas sûr que les 120 évêques aient compris que c’était la sacralisation de la prêtrise qui est en cause dans cette affaire-là. Tant qu’on ne remettra pas en cause cette sacralisation du prêtre dans l’Église, on ne s’en sortira pas."

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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 15:38
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

Mise à jour 21 novembre 2020 : Jean-Pierre Sautreau signe l'éditorial de la revue GOLIAS.

Mise à jour 9 novembre 2020 : M le magazine (Le Monde) consacre une page à cet acte de repentance de l'évêque et le Sans culotte 85 publie l'intégralité de son enquête en 2012.

Mise à jour 23 octobre 2020 : l'évêque de Luçon, François Jacolin, fait acte de repentance.

De l’enfance à l’enfer. Vocation supposée, vocation imposée. Ainsi un gamin de 11 ans est coupé des siens, de sa mère surtout, pour l’enfermement du petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, pas loin de Montaigu.

Un récit, sur fond de pédophilie, qui vient en résonance avec l’actualité.

Rentrée des sixièmes en 1960 (sauf erreur, Jean-Pierre Sautreau est le 1er à gauche au 1er rang).

Rentrée des sixièmes en 1960 (sauf erreur, Jean-Pierre Sautreau est le 1er à gauche au 1er rang).

Un arrachement

 

Dans mes deux derniers livres Dans le jardin de mon père et Au fil de ma mère  j’ai, à travers ces figures parentales, évoqué mon enfance, sa décennie heureuse. Leurs lecteurs attentifs ont pu, par endroits, entrevoir des allusions aux cruelles années de déchirure qui allaient la suivre. L’année de mes onze ans, j’ai été mystérieusement recruté pour devenir prêtre. Et je me suis retrouvé avec une centaine de gamins, cette année-là, en sixième au Séminaire de Chavagnes en Paillers. J’ai vécu cet exil comme un véritable arrachement, des miens, de mes copains, de mon lieu, de ma vie ordinaire. Là, n’ayant pas la vocation supposée et me trouvant pris dans des rouages implacables, j’ai paradoxalement traversé de longues années d’enfer.

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

D’une décennie heureuse à 6 ans d’enfermement

 

Ce récit s’attache à relater ce basculement d’une décennie heureuse dans une très longue période de six années d’enfermement physique et psychologique au Séminaire. J’y décris, en revenant particulièrement sur l’atmosphère des deux premières années de formation et fondation, sixième et cinquième, le quotidien disciplinaire, la rigide organisation interne et les rudes règles de vie inhérents à l’établissement. Avec l’idée de notamment mettre à jour les mécanismes très réfléchis mis en place par lesquels on visait à déconstruire les personnalités pour construire de parfaits soldats de l’Église. Je n’irais pas jusqu’à parler de soldats de Dieu, car Dieu dans tout ça…J’évoque aussi malheureusement les mœurs pédophiliques de certains prêtres, dont j’ai été moi-même victime.

Sous forme d’enquête, de recoupements, je me suis aussi intéressé à l’invraisemblable machinerie du recrutement sacerdotal. Car pendant des années et particulièrement dans les années 50 et 60 pour faire face à son développement et ses ambitions hégémoniques, l’Église a bâti toute une stratégie, tout un réseau d’enrôlement. Une fabrique à grande échelle de vocations avec, à sa tête, une éminence, elle aussi à la main leste, vouée entièrement au recrutement des « vocations » et qui a parcouru pendant des dizaines d’années la Vendée, allant de foyers en retraites paroissiales pour semer la bonne graine à prêtrise dans des têtes innocentes.

Dans des têtes innocentes…voilà bien l’autre scandale de cette époque et de cette triste réalité. Comment imaginer dans ces têtes d’enfants de 10 ans et de surcroît dans ces années 50 et 60 une réflexion mûrie autour d’un tel choix et une libre détermination. Le taux de renoncement en cours de parcours (autour de 90% en est une preuve). Pensons qu’aujourd’hui l’on situe à 15 ans l’âge de maturité affective et de consentement…Ainsi, beaucoup sortiront très marqués de cette épreuve, rincés psychologiquement et physiquement écartés d’une normalité de l’existence dans laquelle ils devront, à leur sortie, se réinsérer. Alors, souvent seuls, ils s’éloigneront plus ou moins des leurs, se renfermeront en gardant le silence sur ces années et s’investiront dans des situations que leur ouvriront (seul point positif) ces très exigeantes années de discipline et d’instruction.

Une forme de résilience

 

Cette histoire dont j’ai entamé l’écriture il y a trois ans, mon histoire, remonte à 60 ans. Jusque-là, je l’avais mise sous le boisseau par peur de réveiller des monstres en remuant tout ça. Par lâcheté et peur de devoir affronter l’incompréhension et la condamnation dans une Vendée tellement marquée par sa relation historiquement intouchable avec l’Église. Mais justement, j’arrive à un âge où j’estime que cette Histoire doit être connue, peut-être débattue. Et puis elle est l’histoire d’un tas de gamins de cette époque qui, pris dans ce système, vivent avec encore, souvent dans le silence et le déni de sa réalité. Et il y a l’actualité qui devrait gommer les éventuels doutes sur mon témoignage.

J’ai voulu aussi l’écrire pour trouver enfin une certaine forme de la résilience chère à Boris Cyrulnik. En écrivant mes deux derniers livres j’ai refait avec bonheur un bout de chemin vers mes parents, des parents dont longtemps j’ai questionné la responsabilité dans cet enrôlement. Reste à me réconcilier avec moi-même et repartir de plus belle dans l’écriture.

 

Jean-Pierre Sautreau

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

La fabrique du cléricalisme

La fabrique du cléricalisme, tel pourrait être un sous-titre du dernier livre de Jean-Pierre Sautreau.

Non pas celui des anti-cléricaux – « le cléricalisme voilà l’ennemi » - celui qui veut imposer – et qui impose souvent (Argentine par exemple) – son dogme à la société entière. Mais le cléricalisme que dénonce le pape, celui de ces prêtres, de ces religieux ou religieuses, qui, se voyant sacralisés, se croient au-dessus du troupeau des fidèles. Et ce livre décrit bien comment cette distinction sert d’appeau pour attirer des gamins de familles calotines vers l’enfermement du petit séminaire, en leur prêtant une vocation que certains n’ont même pas exprimée ! À 9, 10 ou 11 ans. Et ensuite, pour formater ce futur pasteur des pauvres pécheurs, il est soumis à un véritable lavage de cerveau, une castration mentale ; la violence physique n’est pas absente avec un surveillant ensoutané et sadique ; mais la violence est d’abord dans un reconditionnement par le silence et la prière ; reconditionnement vérifié et renforcé par le directeur de conscience qui, chaque semaine, va disséquer, dans sa chambre, les résultats scolaires, le comportement, sans oublier la classique confession avec une chasse obsessionnelle aux pensées impures.

"L'emphase portée sur l'élection divine du prêtre, dont la vocation est appelée à se développer comme un "germe" à l'abri du monde dans le milieu fermé des séminaires triomphe au XIXe siècle,"siècle des curés". Face à un peuple de fidêles sans aucun pouvoir au sein de l'institution, s'impose la figure d'un prêtre porteur de tous les attributs du sacré...

La famille devient le lieu par excellence de son [l'église] emprise normative, avec une obsession croissante pour le contrôle de la sexualité des fidêles, principalement à travers la confession."

D. Hervieu-Léger

Télérama

 

La loi du silence

Alors comment appeler les seize heures qui s’égouttent entre la prière du matin et celle du soir, uniquement entaillées dans l’air goulûment avalé des récréations ? Le temps de la langue arrachée. Le temps de la parole gelée. Silence est leur mot étalon qui tranche nos minutes et chaîne tous nos actes et mouvements. Silence est leur mot clef qui nous verrouille et nous séquestre. Silence est leur mot scélérat qui leur offre l’ecchymose des corps et le blanchiment des consciences. Silence est leur mot dieu pour changer en eau bénite notre jeune sang fou. Silence est leur mot silence qui referme sa gueule sur nos bêlements. Silence est le mot totem de notre abattoir à ciel ouvert.

(…)

Couper notre langue, c’est nous couper de nos arrières, c’est couper cette langue ombilicale qui nous relie encore à notre terre d’enfance, à ce terreau de nos fables.

(…)

Silence on prie ! Du matin au soir, du soir au sommeil. La nuit, on garde un œil en prière.

 —Benedicamus Domino, claironne le soutaneux.

 — Deo gratias, gémissent les voix pâteuses.

 — Ave, Maria purissima.

  — Sine peccato concepta, croasse, en se signant, le dortoir agenouillé.

Notre premier souffle est pour le Seigneur. Le dernier le sera aussi : In pace in idipsum dormiam et requiescam, in manus tuas, Domine, commando spiritum meum. Les prières dentent notre noria, battent notre temps. Elles entament et closent chaque repas. Sucres lents. (Benedicite…Benedic, Domine, nos et haec tua dona de tua largite… Amen… Agimus tibi gratias, omnipotens deus…), démarrent et bouclent chaque étude, chaque classe. Tranquillisants sécables. Elles s’écoulent sous le long péristyle d’un vase à l’autre. Notre-Dame du Sceptre est saluée d’un Sub Tuum avant chaque sortie en promenade. Il est bien vu d’abréger la récréation pour faire une visite au Saint Sacrement. Ces prières-là sont pour le rythme, pour la bonne hygiène. Elles sont les amuse-bouches, les mignardises autour des plats de résistance, des mets aux riches fumets qui tiennent à l’âme, la Sainte messe du matin, la méditation apéritive, la salivante lecture spirituelle d’avant le souper, enfin, l’office du soir, gardant le corps, au moins jusqu’à minuit, dans la sainte digestion des sucs spirituels. Le dimanche et les jours de grande fête, on noce, on banquette, messe solennelle, heures catéchistiques et vêpres reculent notre ligne d’oraison. Mal de foi.

 La prière nous ficelle. La prière nous enroule.

 

Extraits

 

Tout cela, sur fond de pédophilie.

Le recruteur-chef, affublé du titre de Monseigneur pour service rendu à la grande chasse vendéenne aux vocations, n’hésite pas à pogner, comme disent les québécois, les délicates coucougnettes des gamins qu’il recrute, des milliers, dans son bel apostolat, dans le saint but, bien sûr, de leur faire confesser ces vilaines et impures pensées. Le sadique surveillant est, pour avoir été surpris avec deux élèves, exfiltré dans une cure (et ses deux victimes virées du séminaire). Et les autres victimes de ces pédotraficants se taisent*. Car, inconsciemment sans doute, ils savent que leur parole serait inaudible, dans cette Vendée où au début du siècle suivant, un évêque fera preuve de repentance, pour cette Eglise trop présente, qui occupait l'espace social et laissait peu de place à des manières de penser et de vivre la vie humaine et la foi d'une manière différente. Poids du cléricalisme donc, omnipotent. Jusque dans leur propre foyer pour des parents si fiers de donner un prêtre à l’église.

Chers parents, j’ai un nouveau Directeur de conscience, mon professeur de mathématiques. Mon stylo se bloque là. Comment leur confier cet incident, cette bêtise comme dit la chansonnette ? Depuis vendredi, je retourne ces instants de confession. Comment mettre en mots cette scène, cette imposition de main ? Comment faire avec ces mots collés au corps ? Quels mots mettre sur cette main hors de portée des mots ? Cette main avancée dans le silence, glissée dans la prière. Comment concilier le complaisant abandon reptilien de mon confesseur et sa traque obstinée de mes mauvais désirs, de mes mauvaises pensées, de mes mauvais touchers ? Comment relier son geste moite à son cramponnement moralisant qui damne mes jeux d’été, animalise mes moindres fibres, bestialise mes pulsions ? Comment regarder ce pourfendeur hérissé par la luxure, par ailleurs s’enflammant à toutes les illuminations de la chair contenues dans ses pénitentiels et caressant dans le poil mes confidences ? Comment le nommer ? Le mot n’existe pas. Il ne fait pas partie des 73 000 articles du Petit Larousse de mon trousseau de rentrée. Je ne trouve pas mon Directeur de conscience entre pédonculé et pédum.

 

Extrait

S’il entre si fort en résonance avec l’actualité, ce livre n’est cependant pas une œuvre de circonstance, ni un simple témoignage, ni un réquisitoire. Mis en chantier depuis trois ans, il vient en contrepoint des œuvres précédentes où papa bine et maman coud. Il conte le dernier été de l’enfance, avant l’enfermement entre les murs gris du séminaire. Il dit la foi simple de parents emberlificotés par les bonimenteurs en soutane. Il fait saisir de l’intérieur l’aveu indicible. Et cette croix sur l’enfance est aussi une croix sur le lien avec la mère.

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

Ce temps semblait bien fini. Celui où grâce à un système de propagande s’appuyant sur tous les réseaux – écoles confessionnelles, mouvements de jeunesse, curés et vicaires, etc. – visant les mères, qui sont la clé des prétendues vocations, avec une revue à elles réservée, puis la retraite spirituelle où le grand rhéteur Arnaud venait ferrer les gamins appâtés, des cohortes de plus de cent élèves entraient en 6e à Chavagnes. Le vent conciliaire a fait vaciller la quasi théocratie vendéenne de Cazaux. Le petit séminaire a fermé ses portes en 1972.

Mais, depuis peu, on voit réapparaître de jeunes clercs arrogants, parfois à nouveau ensoutanés, incarnant un renouveau d’un cléricalisme qu’ils revendiquent.

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

Une croix sur l'enfance en Vendée

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Le vendredi 16 novembre, à 20 h 15, une soirée débat sera organisée à l'Espace Plaisance (derrière le collège du Sourdy), à Luçon, en présence de Jean-Pierre Sautreau, animé par Pierre-Yves Bulteau (journaliste).

 

* Cependant un mensuel local s'était fait l'écho, en février 2012, des témoignages de victimes des prêtres du petit séminaire :

 

Victimes de prêtres pédophiles, leur souffrance est éternelle…

 

Abusés dans leur chair et dans leur âme, certains se sont reconstruits ou tentent encore de le faire, d’autres ont enfoui leur extrême souffrance au plus profond d’eux-mêmes pour se protéger ; certains survivent à coups de neuroleptiques, quelques-uns auraient en cours de route décidé d’en finir avec la vie…Tous ont un point commun, celui d’être passé par le petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, qui se révèle pour beaucoup être une machine à broyer les êtres humains plus qu’à les éduquer sainement selon les préceptes vertueux de l’église catholique. Enfants victimes d’abus sexuels (attouchements et viols en tous genres), ces hommes âgés de 50 à 60 ans veulent aujourd’hui témoigner des souffrances qui les hantent toujours, afin qu’elles soient écoutées et reconnues. Les faits subis étant prescrits pénalement, ils ont pour cela choisi la voie médiatique, qui reste leur ultime issue pour se faire entendre de tout le monde.

 

Le Sans Culotte N° 52 (février 2012)

 

 

Ouest-France du 27/09/2018 donne un entretien avec Jean-Pierre Sautreau mais sur la page locale (Luçon), alors que le sujet même est en totale résonance avec une actualité dont témoignait Le Monde, daté du 26/09/2018, titrant sur la grande réticence de l'église de France à faire un véritable bilan des abus sexuels commis par ses clercs.

NB Finalement une note de lecture de Philippe Ecalle rend compte du récit de J. P. Sautreau, en page régionale (voir plus bas)

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

La page régionale d'Ouest-France accueille un "on a lu" - signé de Philippe Ecalle - le 28/09/2018.

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

 

Dans une pleine page (section "France") intitulée "Les abus sexuels une onde de choc dans l'église", et qui fait écho au communiqué de l'évêque de Luçon, François Verceletto revient sur le récit de Jean-Pierre Sautreau.

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

Dans un article intitulé

Abus sexuels dans l’Eglise: en Vendée, d’anciens séminaristes brisent le silence

Mediapart fait écho au livre de J.-P. Sautreau :

"Ces derniers mois, les révélations se sont accumulées dans le diocèse de Luçon. Pour la première fois, des prêtres témoignent auprès de Mediapart d’affaires cachées pendant des décennies en Vendée, en suivant un mode opératoire classique, fait de déplacements et de silence organisé. Après deux ans de scandales au sein de l’Église catholique, la chape de plomb a enfin sauté* dans ces terres rurales et conservatrices.

Pour une grande partie des victimes, l’électrochoc s’est produit lors de la publication du livre de Jean-Pierre Sautreau, Une croix sur l’enfance en Vendée (Geste, 2018), paru à la fin août dernier. Dans cet ouvrage, l’auteur décrit un sacrifice des « agneaux » au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers [...]

Jean-Pierre Sautreau, l'auteur du livre Une croix sur l’enfance en Vendée, se rappelle lui aussi précisément de son agresseur, son confesseur. « Il rapproche avec perfidie les aveux du prie-dieu de ses propres observations, écrit-il dans son livre. Là, l’agenouillé est sa proie. La petite bête qui monte, le petit animal immonde est dans ses griffes. Là, il touche à la tache mortelle, à la souillure qui fait du confessé un délinquant. Soudain, fébrile, il se venge ou se risque. »"

 

 

* Dans un communiqué - Pédophilie "Pour l’Eglise il n’y a pas de prescription à la souffrance" le nouvel évêque de Luçon, François Jacolin, reconnaît clairement que  "Dans la période allant de 1950 à 1979, certains prêtres ont failli gravement en commettant des abus sexuels, gestes inacceptables, sur des enfants qui leur étaient confiés dans le cadre du petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers ainsi que dans le cadre de l’institution Saint-Joseph de Fontenay-le-Comte. "

 

Le communiqué épiscopal fait réagir :

OUEST-FRANCE : Vendée. Des affaires de pédophilie secouent le diocèse

mais aussi  l'AFP et d'autres

 

GOLIAS se fait l'écho du livre de Jean-Pierre Sautreau :

Les sacrifiés de Dieu

 

"Parmi les témoignages de victimes d’abus commis par des prêtres, celui porté par Jean-Pierre Sautreau dans son livre est précieux. Il met en lumière des pratiques ecclésiales pour satisfaire le besoin de prêtres et démontre surtout que les abus dans l’Eglise ont toujours existé. L’auteur de cet ouvrage délicat, magnifiquement bien écrit, narre l’expérience vécue au début des années 1960 dans l’ancien Petit Séminaire de Chavagnes-en-Paillers, en Vendée..." Lire la suite

Article et extrait du livre

Un débat sur BFM TV

Prêtres pédophiles: la fin de l’Omerta ?

Depuis 4 jours, les plus hauts responsables de l'Église catholique sont réunis pour lutter contre la pédophilie et les abus sexuels au sein du clergé. Le scandale est mondial avec des milliers de cas d'abus sexuels sur des mineurs. Des communautés pratiquantes s'interrogent dans l'Est des Etats-Unis, en Italie ou encore en Pologne. Que fait la fille ainée de l'église pour protéger les plus jeunes fidèles en France ? - On en parle avec: Jean-Pierre Sautreau, victime d'un prêtre-enseignant en 1959 et 1962. Carole Damiani, psychologue, directrice de l'association Paris aide aux victimes. Et Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne. - Priorité au décryptage, du dimanche 24 février 2019, présenté par Patrick Sauce, sur BFMTV

 

 

Pour compléter :

Splendeur et misère d'un petit séminaire

Actes de la Recherche en Sciences Sociales

 

SOIREE DEBAT 16 novembre 2018

Au moins 200 personnes étaient présentes à cette soirée animée par le journaliste Pierre-Yves Bulteau.

Après un échange entre l'animateur et Jean-Pierre Sautreau, est venu le moment de deux témoignages particulièrement émouvant.

La partie débat fut en fait marquée essentiellement par d'autres témoignages.

 

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

CHARLIE HEBDO du 13-02-19 rend compte du livre de Jean-Pierre SAUTREAU

Double page centrale

Article de Laure Daussy et dessins de RISS

 

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

Des anciens petits séminaristes vendéens - dont J. P. Sautreau - victimes d'abus sexuels appellent toutes les autres victimes à témoigner devant la Commission Sauvé

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

JDD du 30 juin 2019

 

Pédophilie dans l'Eglise : les victimes des prêtres brisent le silence

 

Un retraité a raconté les attouchements au séminaire

Jean-Pierre Sautreau, 70 ans, a appelé la plateforme dès le 3 juin. Il s'est raconté lui, garçon de 11 ans, subissant les attouchements d'un prêtre au petit séminaire de ­Chavagnes-en-Paillers (Vendée). "J'ai vécu dans le silence, dans la souffrance, dans le déni, soupire-t‑il. C'était indicible, le poids de l'Église était si énorme…" De cette innocence brisée, le retraité a fait un livre, Une Croix sur l'enfance en Vendée (éditions La Geste). Depuis la parution de celui-ci en août 2018, il assure avoir reçu "une centaine de témoignages de victimes", mettant en cause une trentaine de prêtres dans son département.

Extrait

 

Jean-Pierre Sautreau a appelé la plateforme le 3 juin pour dénoncer les attouchements d'un prêtre lorsqu'il avait 11 ans. (YOHAN BONNET POUR LE JDD)

Jean-Pierre Sautreau a appelé la plateforme le 3 juin pour dénoncer les attouchements d'un prêtre lorsqu'il avait 11 ans. (YOHAN BONNET POUR LE JDD)

La visite de la commission Sauvé, à Nantes, le mardi 11/02/2020 a des répercussions en Vendée.

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée
UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

 

Pédophilie. L’évêque Jacolin en Vendée : « J’ai honte pour mon Église, que je représente »

Au côté de plusieurs victimes réunies à La Roche-sur-Yon, vendredi 23 octobre, l’évêque de Luçon, Mgr François Jacolin a fait « acte de repentance ». Un moment fort qui marque une étape importante avec la reconnaissance publique d’agressions sexuelles et de viols pour 65 personnes dont douze femmes « entre 1940 et aujourd’hui ».

« En les écoutant, j’ai découvert peu à peu la gravité des meurtrissures physiques, morales et spirituelles que les violences sexuelles ont causées en elles. » Dans l’amphithéâtre du lycée privé des Etablières. à La Roche-sur-Yon (Vendée), vendredi 23 octobre, l’évêque de Luçon, Mgr François Jacolin, ne cache pas une part de chemin personnel. Jusqu’à ce jour où, deux ans après les révélations en chaîne déclenchées par la parution du livre de l’écrivain vendéen Jean-Pierre Sautreau, Une Croix sur l’Enfance en Vendée, il fait « acte de repentance pour tous les faits de violences sexuelles commis contre des enfants par des prêtres du diocèse dans les décennies passées ».

Quarante-trois agresseurs connus

L’évêque évoque « quarante-trois agresseurs connus », rapporte la rencontre de 65 personnes victimes de violences sexuelles dont douze femmes, entre 1940 et aujourd’hui. « Je suis conscient que ces personnes rencontrées ne représentent qu’une partie des victimes », insiste l’évêque. À ses côtés à la tribune, quatre victimes participent à la « conférence de presse », dont Jean-Pierre Sautreau. Pour en arriver là, ils regrettent d’avoir eu à « se battre », notamment à travers un collectif. Trois témoignages, dont celui d’une femme violée par son oncle prêtre, soulèvent des sanglots étouffés dans la salle où ont pris place des victimes et des proches.

« Une première en France »

« J’ai honte pour mon Église, que je représente aujourd’hui », expose l’évêque avant d’officialiser : « Certains pasteurs à la tête du diocèse de Luçon ont manqué de lucidité, de courage et de sens de la justice devant de tels actes, aggravant ainsi les souffrances des enfants violentés et exposant d’autres enfants aux mêmes risques. » L es faits se sont notamment déroulés au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, dans les années 1960-1970.

La démarche est, selon l’évêché, « une première en France ». Une plaque sera posée à la cathédrale de Luçon. Une célébration de « repentance pour tout le diocèse » est annoncée dimanche 22 novembre. Des déclarations accueillies par un silence pesant.

« Nous considérons que ces actes qui nous rendent justice sont normaux », explique Jean-Pierre Sautreau. Il salue toutefois la démarche de l’évêque « un homme qui a su passer par-dessus le corporatisme de la profession. » Concernant les réparations financières, Mgr François Jacolin a indiqué : « Si les choses n’allaient pas assez vite au niveau national, je suis prêt à y réfléchir avec les victimes. »

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

Pédophilie dans l’Église. L’acte de repentance de l’évêque de Vendée salué mais « normal »

Après la conférence de presse de l’évêque de Luçon qui a fait acte de repentance au nom de l’Église de Vendée pour des crimes sexuels commis sur des enfants par des religieux, des victimes réagissent.

Ce jeudi 23 octobre, Mgr François Jacolin, évêque de Luçon, a fait acte de repentance au nom de l’Église de Vendée pour des actes pédocriminels commis sur des enfants par des religieux vendéens. Des actes notamment dénoncés depuis la prise de fonction de l’évêque de Vendée il y a deux ans et demi et qui ont émergé après la parution du livre de Jean-Pierre Sautreau Une Croix sur l’enfance en Vendée.

« J’ai honte pour mon Église »

« Au nom du diocèse de Luçon, la honte au cœur, je fais acte de repentance pour tous les faits de violences sexuelles commis contre des enfants par des prêtres du diocèse dans les décennies passées », a officiellement exprimé Mgr Jacolin devant des victimes de religieux pédophiles en Vendée et en présence de la presse. « J’ai honte pour mon Église que je représente aujourd’hui », a endossé l’évêque devant une assistance silencieuse.

Après son allocution, des victimes ont pris la parole pour témoigner. À l’issue de la conférence de presse, certaines d’entre elles, confient leur sentiment sur cet acte inédit.

 

« Ces actes sont normaux »

Jean-Pierre Sautreau, auteur d’Une Croix sur l’enfance en Vendée , a pris la parole après l’acte de repentance de l’évêque : « Au nom du collectif, nous voulons saluer l’acte de repentance de Mgr Jacolin. Mais nous considérons que ces actes nous sont dus, qu’ils sont logiques, normaux. »

« C’était très attendu »

François, victime, qui se dit « toujours dans l’Église » : « Cet acte de repentance, il est très courageux, très pertinent. C’était très attendu tellement il y a eu d’impacts, non seulement chez les victimes, mais aussi sur les familles vendéennes. C’était un système qui était en place. Pour le diocèse de Vendée, ça méritait qu’il y ait cet acte-là. Pour l’Église, ne pas faire ça, c’est ne pas se reconstruire. L’Église devait passer par un moment comme ça, pour nettoyer, balayer, arrêter de mettre des rustines sur un mur qui s’effondre. »

François évoque aussi l’affaire récente de soupçons de viols sur 19 mineurs au sein de la Fraternité Saint-Pie X à Saint-Germain-de-Prinçay, une communauté catholique intégriste qui ne dépend du diocèse puisqu’elle ne reconnaît pas Rome. « Ce qui m’a le plus choqué, c’est la phrase du prieur qui disait « je ne pouvais pas le soupçonner, c’est un homme de Dieu ». C’est dramatique, parce que ça veut que, à nouveau, comme dans les années 60-70, le prêtre, le frère, le religieux est intouchable. Ça veut dire qu’il admet que le clerc, le religieux est intouchable et ça, c’est hyper grave. J’ai vraiment connu ça, l’emprise de l’abus spirituel fait que, à un moment, on procède à des attouchements… Et on ne réagit même pas. »

 

«Une date qui restera gravée »

Paul Bernard, victime : « Pour moi, c’est ce que j’attendais de l’évêque. Je l’ai trouvé vraiment sincère et touché. Pour toutes les victimes, c’est une date, le 23 octobre 2020, qui restera gravée. On attend la suite. La reconnaissance, c’est fait, maintenant, on attend la réparation. »

« On ne remercie pas, c’est une chose due »

Jean-René : « On est contents que le travail qu’on a, nous, collectif, avec Mgr Jacolin depuis plusieurs mois aboutisse à quelque chose. Comme Jean-Pierre l’a dit « On ne remercie pas, c’est une chose due. » Et ça n’est qu’une étape vers le règlement de tout. Il faudra aborder un jour la compensation financière. En ce qui me concerne, sur l’indemnisation, ce que nous avons eu n’est pas une opération tarifée et personnellement, tout l’argent que je recevrais, si j’en perçois, je le reverserai à des œuvres caritatives. Je ne veux pas gagner un seul sou là-dessus. Et je pense que c’est ce que beaucoup pensent dans le collectif. »

 

L’engagement de l’évêque à la réparation financière « c’est important »

Yveline, victime : « Je suis contente parce qu’on voit aussi que c’est avec empathie qu’il a pris cette décision courageuse. Dans les années précédentes, j’avais contacté d’autres évêques qui prenaient à la légère mes dénonciations et là, grâce au collectif, nous avançons. C’est une juste reconnaissance de toutes les souffrances. Et la réparation qui est envisagée, même si ça n’avance pas au niveau national, Mgr Jacolin s’est engagé à prendre les choses en mains, ça, c’est important. »

 

 

« C’est insuffisant mais c’est déjà ça »

Vincent, victime : « J’étais de ceux qui étaient très réticents à venir. Je me suis décidé au dernier moment. J’étais de ceux qui cherchent réparation, qui demandaient plutôt justice contre l’institution. Mes camarades m’ont convaincu de venir. Je voulais quelque chose de plus fort mais je crois qu’il faut accepter les premiers pas. C’est insuffisant, mais c’est déjà ça. On va le prendre comme ça. Moi, ça fait plus de cinquante ans que j’attends, faut attendre encore. »

 

En Vendée, l’Eglise ­demande pardon pour les abus sexuels

Le livre de témoignage d’une victime a brisé l’omerta. En Vendée, des dizaines, voire des centaines d’enfants auraient été abusés. L’évêque local a fait acte de repentance. Une première en France.

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

« J’ai honte pour l’Eglise que je ­représente. » Les mots de monseigneur Jacolin, évêque de Luçon (Vendée) depuis 2018, sont forts. Ils sont aussi très rares. Le 23 octobre, le prélat catholique a convoqué la presse pour reconnaître publiquement la souffrance des victimes de pédophilie au sein de l’Eglise et faire acte de repentance pour demander pardon. Une première en France. Et une avancée exceptionnelle pour ce département de forte tradition catholique, où le silence a longtemps été une règle sacrée. Selon le diocèse, soixante-cinq personnes y ont été victimes de violences sexuelles entre 1940 et aujourd’hui. Pour quarante-trois agresseurs connus. « Même si on ne connaîtra jamais les chiffres exacts », se désole Jean-Pierre Sautreau, qui estime que les victimes sont dix fois plus nombreuses.

Sans ce retraité de 71 ans, l’acte de repentance de l’Eglise vendéenne ne serait probablement pas d’actualité. Cet ancien banquier a largement contribué à la libération de la parole sur le sujet dans la région. Un livre, Une croix sur l’enfance en Vendée, sorti en septembre 2018 (Geste Éditions), a fait l’effet d’un électrochoc. Dans cet ouvrage, il décrit son enfance dans une famille modeste d’agriculteurs très catholiques. Il consacre plusieurs pages à ses cinq années au séminaire de Chavagnes-en-Paillers, à soixante kilomètres de Luçon. Là-bas, comme 31 autres enfants (au minimum), il sera abusé à l’âge de 10 ans plusieurs fois par des prêtres. « C’était un vrai cluster pédophilique », tente-t-il de plaisanter aujourd’hui. Son livre est très vite en rupture de stock, et Jean-Pierre Sautreau a reçu depuis une centaine de témoignages.

« J’avais peur, je pensais me faire massacrer à la sortie du livre », confie l’auteur, qui a eu un déclic inexpliqué en 2016. Ceux qui osaient parler étaient jusque-là très minoritaires. « En Vendée, l’omerta fait partie du terroir, regrette le retraité. Le prêtre avait un statut d’intouchable. Ceux qui en ont parlé à leurs parents ont reçu une taloche en retour. »

Un an après la parution du livre, le Luçonnais crée un collectif de victimes et exige de l’Eglise de Vendée une reconnaissance de ses crimes. Avant le Covid-19, ces personnes se réunissaient tous les mois, entre « copains ». Jean-Pierre Sautreau a aussi rencontré ­ monseigneur Jacolin plusieurs fois. La première rencontre a été houleuse, avant que l’évêque de Luçon prenne le temps d’écouter les victimes et fasse « un choix très courageux », reconnaît le lanceur d’alerte.

Un abbé condamné en 1999

Pourtant, plusieurs événements locaux auraient pu pousser bien avant l’Eglise à une telle initiative. En 1999, Noël Lucas est condamné à seize ans de réclusion criminelle pour viols sur mineurs de moins de 15 ans. Cet abbé vendéen a, entre autres, abusé de sept frères d’une même famille. L’un d’eux, Jocelin Tesson, raconte : « Quand on est enfant, on pense qu’on est tout seul, alors cette histoire est restée enfouie plusieurs années. Une fois l’affaire révélée, l’évêque Garnier est venu personnellement à la maison pour demander à nos parents de retirer la plainte. Le procès nous a un peu libérés, mais il n’était qu’une bulle qui n’a pas eu d’effet sur la société. »

En 2001, des victimes témoignent dans une émission de France Bleu Loire Océan. Sans conséquences. En 2004, le livre d’une victime évoque déjà les agressions sexuelles, à Chavagnes-en-Paillers, que racontera quatorze ans plus tard Jean-Pierre Sautreau. En 2012, ce séminaire fera l’objet d’une enquête du Sans-Culotte, journal satirique local, qui ne changera pas grand-chose non plus. Alors pourquoi Une croix sur l’enfance en Vendée a-t-il fait autant de bruit ? Jean-Pierre Sautreau tente une explication : « On était dans la période de l’après #metoo, la société avait mûri et était prête à accueillir la parole des victimes. »

Aujourd’hui, l’évêque de Luçon est décidé à ouvrir une nouvelle ère au sein de l’Eglise. « Il est venu le temps de l’écoute, confie ­monseigneur Jacolin. C’est ainsi que l’on pourra lutter contre ces abus. » Même s’il est conscient que pour bon nombre de ­personnes, souvent âgées, il est encore très ­difficile de parler ouvertement de ces faits, le plus souvent prescrits.

« En discuter, c’est appuyer de nouveau sur cette blessure qui ne se refermera jamais », avoue Jocelin Tesson. D’autres ne veulent plus avoir aucun lien direct avec l’institution. Au sein du collectif créé par Jean-Pierre Sautreau, les deux tiers ont coupé les ponts avec la religion. « Je suis incapable de rentrer dans une église aujourd’hui, témoigne l’initiateur du groupe. Il y a un rejet physique. »

Un livre à paraître en 2021

Après l’acte de reconnaissance et de repentance, le retraité espère maintenant une réparation de la part de l’Eglise. Pour l’instant, l’évêque de Luçon s’est engagé à fixer une plaque mémorielle dans la cathédrale, le 22 novembre, pour rendre hommage aux victimes. « Même si le séminaire de Chavagnes-en-Paillers reste un sujet tabou, notamment pour les prêtres de plus de 60 ans, il y a une volonté de faire quelque chose en Vendée, témoigne un prêtre lui-même victime d’abus sexuels dans sa jeunesse et souhaitant rester anonyme. Est-ce qu’il y a la même volonté dans tous les d­iocèses de France ? Je n’en suis pas sûr. »

Jean-Pierre Sautreau, lui, a écrit un nouveau livre dans lequel il s’­attaque au silence de l’Eglise et recueille plusieurs ­témoignages de victimes. L’ouvrage devrait sortir en début d’année prochaine, et son auteur espère bien de nouveau faire bouger les mentalités. En Vendée comme ­ailleurs.

 

 

Editorial de GOLIAS

n° 646

UNE CROIX SUR L'ENFANCE en Vendée

Le 23 octobre 2020, l’évêque de Vendée a fait acte de reconnaissance et repentance pour les victimes de violences sexuelles commises par ses clercs pendant des dizaines d’années. Cela s’est passé devant toute la presse invitée en conférence et une trentaine de victimes accompagnées parfois de membres de leur famille.


Ces déclarations n’arrivent pas comme un cheveu immaculé sur la soupe catholique. Ils viennent deux ans après la sortie du livre Une Croix sur l’enfance qui a créé un véritable tsunami dans le département, si conservateur, de la Vendée en favorisant la libération de la parole de dizaines de victimes et leur organisation, en collectif à partir de l’été 2019.


Deux mois après sa création, le collectif s’est tourné vers l’évêque pour demander la mise en place d’une commission dans l’esprit de celle de la Ciase, mais vendéenne et la reconnaissance publique de la responsabilité du diocèse dans ces actes pédo-criminels. Avec notamment la dénonciation de sa politique de recrutement des vocations dans les années incriminées, de ses abus de conscience, de pouvoir et d’emprise et de l’omerta qui a couvert ces crimes pendant plus de trente ans.


D’entrée la commission a été refusée. Concernant les autres demandes, il a fallu une vraie détermination au collectif. Longtemps, nous avons eu le sentiment d’une incapacité de l’Église à entendre, surtout appréhender dans sa chair la souffrance des victimes, les terribles conséquences physiques et psychologiques de ces violences sexuelles sur leur existence. Le collectif a été reçu trois fois, en janvier, juillet et octobre 2020. La première réunion a été un fiasco total conduisant le collectif à refuser tout nouveau travail sur les bases imaginées par le diocèse. Les liens ont été renoués en juillet, et en octobre ont été soumis à la discussion les actes de reconnaissance et repentance envisagés par monseigneur Jacolin.


Il a donc fallu deux ans pour entendre la déclaration solennelle de l’évêché. Mais il faut souligner que l’évêque de Luçon est, à ce stade, le premier à avoir eu cette lucidité et ce courage. Bien sûr, il y a le contexte vendéen très particulier avec au moins quatre établissements mis en cause dont le cluster du petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, de nombreuses paroisses, des dizaines de victimes et d’abuseurs (43 cités) dont le célèbre recruteur des vocations, monseigneur Arnaud. Mais il y a sûrement le chemin personnel parcouru par l’homme Jacolin frappé aux tripes par l’écoute des témoignages.


Mais, il est clair que beaucoup de victimes présentes le 23 octobre n’auraient jamais pensé entendre de cet évêque : « Au nom du diocèse de Luçon, la honte au cœur, je fais acte de repentance pour tous les faits de violences sexuelles commis contre des enfants par des prêtres du diocèse dans les décennies passées. »


Pour sa part, le collectif a réagi ainsi : « Nous saluons ces actes forts de reconnaissance et repentance de Mgr Jacolin. Ils révèlent une vraie humanité et un réel courage. Nous les recevons d’un homme profondément marqué dans son cœur et dans sa chair par la terrible vérité des témoignages entendus. Nous les acceptons d’un responsable de l’Église qui a su passer par-dessus le corporatisme de l’institution pour oser, le premier, regarder la cruelle réalité de cette histoire et en endosser la responsabilité.Cependant, même si nous en mesurons l’importance, nous considérons que ces actes de reconnaissance et repentance nous sont dus. Nous rendent simplement justice. Qu’ils sont des actes logiques, normaux. Qu’ils doivent être considérés comme une avancée, une étape sur notre chemin dont le but final est la réparation. »

Jean-Pierre Sautreau

Pour aller plus loin :646. Golias Hebdo n° 646 (Fichier pdf)

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19 décembre 2013 4 19 /12 /décembre /2013 12:02
Camélus (Un coin de paradis)

Camélus (Un coin de paradis)

Les jardins de mon père

 

On a jamais parlé mon père

ni de toi au fond ni de nous

cherchant temps et mots pour le faire

on a loupé ces rendez-vous

 

Tu es parti en me laissant

de ta longue vie que l'écume

ces petites choses flottant

sur un fond d'amertume.

 

Ton visage dans la glace

moutonnant de savon

toujours bien à ta place

ton opinel marron.

 

Ton vélo matinal

tes silences aux repas

ta sieste sur le journal

sur un coin d'formica.

 

Ton poste sur le frigo

Zappy max les mille francs

Quitte ou double les infos

plus un bruit les enfants.

 

ton cahier de chansons

des banquets ou dimanches

Nuit de chine Madelon

Frou Frou les roses blanches.

 

 

Ton cirque Amar Pinder

et la piste aux étoiles

trapèze ou écuyère

tes bravos sous la toile.

 

Ton pot à tabac gris

et tes sachets de graines

ton carnet à semis

météo des semaines.

 

tes poules et tes lapins

morts de leur belle mort

dans le fond du jardin

toute ta vie ton port.

 

Ta lame dans le pain

dessinant une croix

la messe Le Pélerin

tes prières à mi-voix.

 

Ton bon dieu dans sa boîte

qui nous a éloigné

Ton De Gaulle et ta droite

qui nous ont séparés

 

Ta guerre que tu as tue

tes livres d' la Résistance

ce temps qui s'est perdu

qui a fait ma naissance.

 

Chanson Jean-Pierre Sautreau

Camélus

Camélus

La chanson éveillera, dans la génération dite du Baby Boom – pic de natalité, fin de la guerre jusqu’au début des années cinquante – bien des échos. Zappy Max et quitte ou double, on pourrait y ajouter Reine d’un jour ou La famille Duraton

Echo aussi, pour beaucoup, que ce père à la communication pudique.

Une excellente introduction au dernier opus de Jean-Pierre Sautreau « Dans le jardin de mon père »

Photo R. Demy

Photo R. Demy

« J’ai dû attendre quelques années avant de pouvoir, enfin, accoler un petit bout de terre à mon coin de table et alors, dans une évidente complémentarité, aller de mes rigoles de mots aux lignes poivrées des semis. » Ecriture et jardinage sont parents, écrit le préfacier. Ainsi, le jardinier-poète passe de sa table « dans la griffure des feuilles, le martèlement de l’encre », le matin au jardin « dans l’incision des carrés, l’ébruitement des graines » l’après-midi.

 

L’évocation de ce jardin paternel, au fil des saisons, des récoltes, avec ses outils familiers est d’abord celle d’une relation filiale, d’une communication comme impalpable, ténue et profonde.

 

Ce n’est qu’après son départ vers une autre vie après que l’auteur découvre ces 32 feuillets écrits au crayon de bois, début 1944, alors que son père était prisonnier de guerre : « Courts versets de l‘existence de ce jeune paysan enlevé à ses journaux de terre. » Jeudi 13 avril : après avoir arrosé mes châssis, je plante des salades toute la journée. Il a fait une belle journée. Le soir au lager je touche une carte de MJ du 14 mars. Mais, jamais, après, il ne touchera mot de ce très long exil.

 

Au fil des saisons et des travaux du jardin se dessine cependant le portrait de ce père taiseux. « Ça caille disait-il ou j’ai attrapé la grappe, pour dire qu’il avait l’onglée. (…) Il fallait vraiment un lever à pierre fendre pour qu’il ne file pas, même un temps bref, à son jardin, avant l’embauche. »(Février)

 

« Le dernier dimanche de janvier, il triait de grosses graines aplaties, sorte d’embryons ivoire. Sa collection de fèves précieusement glanées aux cosses séchées. (…) ce légume de l’âge de bronze, prisé par Pline ou abhorré par Pythagore était aussi le premier qu’il enterrait en poquets début février.(…) Quel plaisir en juin de prélever les longues capsules duveteuses et décoller de leur fourreau velouté ces fèves dont le dérobement de la première peau faisait éclater dans l’assiette un magnifique grain vert amande. »

Camélus (Les choux)

Camélus (Les choux)

Rapide allusion autobiographique dans l’évocation des choux : « Etais-je trognon ? Comme on le dit aujourd’hui autour des berceaux. Je n’ai pas dans l’oreille de Mon chou ou mon ptit chou susurrés par ma mère ou lui. J’ai des Bout d’chou par certains familiers. Dans les colos, quand le parisien était parigot tête de veau, j’étais le ventrachou mais pas tête de chou. »

Camélus (Les petits pois)

Camélus (Les petits pois)

Les petits pois, chers à Dranem, ont aussi droit à leur ode poétique, mais teintée de l’amertume du pré-ado exilé en pension. « Un jour j’ai su qu’on pouvait, plus encore, que dans la lumière blessée d’une cour, se sentir arraché des siens, dans l’égouttement d’un silence de réfectoire, le nez forcé dans des petits pois de pension. (…) Un jour j’ai su qu’on pouvait perdre l’enfance en gâchant le goût de ces petits pois frais qui sucraient mes printemps. »

Camélus (Juillet)

Camélus (Juillet)

Juillet et les enthousiasmes partagés avec le Tour de France « que nous suivions collés à la radio, sur la moto de Robert Chapatte ou Jean-Paul Brouchon. » éveilleront aussi des échos dans ces générations d’après-guerre.

« Le soir, dans les carrés, nous franchissions le Tourmalet dans la roue de l’aigle de Tolède Federico Bahamontes ou du grimpeur ailé Charlie Gaul. Encouragions Poupou d’une discrète poussette. Heureux équipiers, nous pédalions dans la terre, jusqu’au moment où le soleil perdait son maillot jaune derrière les framboisiers. »

 

« Voilà posé sur le fil de ma page, un drôle de corvidé aux fines ailes, bridées par une boucle de cuir. Je voyais toujours son bec crochu dépasser de ses poches de pantalon. Lame ovale croisant une plus épaisse en croissant. Un oiseau au poli de jais, dont la pupille saillante, me fixe latéralement.

Son dernier sécateur (…) Pour un peu, le serrant, je sentirai presque un cœur battre dans mes paumes. »

 

La note d’émotion pudique, bien sûr, que provoque ce sécateur est, peut-être la clé de ce livre.

 

Des critiques plus affirmés diront la justesse de cette prose dont les extraits ne donnent pas toute la vérité, puisque c’est dans l’équilibre de chaque texte qu’ils prennent tout leur sens.

Boutures poétiques dans le jardin de mon père
Boutures poétiques dans le jardin de mon père

Ce dernier opus de Jean-Pierre Sautreau unit encore le verbe de l’auteur aux oeuvres d’un plasticien. Ici les collages de Pierre Nivelle Camélus.

4e de couverture

4e de couverture

Recueil de 30 textes illustrés par 10 tableaux de Camelus

 

A commander chez l’Éditeur: Éditions Soc et Foc (voir son site)

ou chez l'auteur: Jean Pierre Sautreau 49 rue de Paris

85400 Luçon

12 €+2€ de frais d'envoi.

Ouest-France

Ouest-France

Vernissage et séance de signature à la Librairie Arcadie, Place du Petit Booth à Luçon le 7 décembre 2012

Photos R. et J.M. Demy

Signatures, chansons (mises en musique et interprétées par Christian Berjon) et lectures par l'auteur
Signatures, chansons (mises en musique et interprétées par Christian Berjon) et lectures par l'auteurSignatures, chansons (mises en musique et interprétées par Christian Berjon) et lectures par l'auteur
Signatures, chansons (mises en musique et interprétées par Christian Berjon) et lectures par l'auteur

Signatures, chansons (mises en musique et interprétées par Christian Berjon) et lectures par l'auteur

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Le deblog-notes, même si les articles "politiques" dominent, essaie de ne pas s'y limiter, avec aussi le reflet de lectures (rubrique MLF tenue le plus souvent par MFL), des découvertes d'artistes ou dessinateurs le plus souvent érotiques, des contributions aux tonalités diverses,etc. Pour les articles que je rédige, ils donnent un point de vue : les commentaires sont les bienvenus, mais je me donne bien sûr le droit d'y répondre.

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