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9 février 2021 2 09 /02 /février /2021 16:56

Entretien avec Christian Terras, rédacteur en chef de Golias, la revue catholique critique cliquer ici

 

4 pages dans l'OBS du 20/05/2021 cliquer ici

Réaction de J. P. Sautreau après la publication du rapport de la Commission Sauvé cliquer ici

CRIEZ POUR NOUS

Et la chair s’est fait verbe, des décennies après. La chair meurtrie, violée de gamins de 11, 12, 13 ans. Une croix sur l’enfance en Vendée a provoqué, au fil de signatures et de rencontres, de nouveaux témoignages. Le Jeanjean, tout secoué encore de son mal de mère, est devenu aussi, volens nolens, celui qui va transmuter ces « cris crevant des années de solitude », en témoignages tous plus glaçant les uns que les autres.  Mais il revient aussi sur son aussi long silence, ce long mutisme commun à la plupart des victimes. Et il décrit avec précision, il en démonte les rouages, l’omerta qui a régné, qui règne sans doute encore, dans l’église catholique.  

En septembre 2018, paraissait “Une croix sur l’enfance”, un récit dans lequel mon père racontait sa jeunesse claquemurée dans un séminaire catholique, les amitiés bâillonnées, les jouets et joies volées, la discipline inique et la violence quotidienne, notamment pédocriminelle. Cet essai cathartique a fait grand bruit dans la Vendée chrétienne d’abord puis partout ailleurs et son écho médiatique en a entraîné beaucoup d’autres, de plus intimes. Mon père a reçu chaque semaine (et pendant un temps, chaque jour) des témoignages d’hommes et de femmes d’âge mûr, qui, parfois pour la première fois de leur vie, racontaient leur douloureux secret, tous et toutes victimes des mêmes crimes tus et enfouis. Des voix fragiles qui, depuis assemblées en communauté, sont devenues plus fortes, et qui ont crié justice. Ce nouvel opus fait entendre leurs histoires et les avancées de leur combat. Une prose poétique et fraternelle qui tente de redonner leurs voix aux égosillés. (Criez pour nous, éditions Nouvelles sources)

Manon Sautreau

Paradoxalement, c’est une lettre anonyme, reprochant à l’auteur d’Une Croix sur l’enfance de vouloir surfer sur la vague dénonciatrice, de s’adonner à une surenchère à la délation des prêtres pédophiles assez sordide, qui résume bien le terreau socioculturel sur lequel les pédocriminels ensoutanés ont pu agir en toute impunité.

Victime, lui aussi, des attouchements d’un serviteur de l’église il veut garder sa souffrance muette. « Mes parents m’avaient mis en pension pour mon bien, ils voulaient le meilleur pour moi… À la ferme on parlait peu. [Mes parents] respectaient aveuglément les prêtres et les religieux, porteurs des valeurs dans lesquelles j’ai été éduqué. »

Les prédateurs étaient sûrs de leur impunité car leurs victimes, s’ils leur prenaient l’idée de conter les agressions sexuelles qu’ils leur faisaient subir, passeraient pour des affabulateurs auprès de parents sous l’emprise d’une église dont ils étaient les ministres sacrés. Et ils pouvaient aussi compter sur le silence complice de leurs pairs ou de leur hiérarchie.

L’Église incestueuse :

Avant de revenir à des écrits plus légers dans quelques jours, je voudrais, un peu harponné par de livre de C Kouchner et les débats qu’il suscite, vous faire partager cette vérité parallèle dont je parle dans « criez pour nous » mais que je ne développe peut-être pas assez :

L’agression sexuelle d’un enfant par un clerc se traduit ainsi : une personne consacrée par l’Église donc sacrée viole le corps sacré d’un enfant.

Or, cet agresseur criminel se trouve être par définition un père de cette Église.

La notion de paternité est la colonne vertébrale de l’Église catholique.

De Dieu le père (Notre père qui es aux cieux) au prêtre de paroisse (le père curé). En passant par le Pape, le Papa suprême et toute la chaîne des pères cardinaux et évêques. Tous des pater familias.

Au séminaire nous appelions tous les prêtres « mon père ». Tout en haut le père supérieur…

Alors sans contestation à propos des crimes sexuels commis par les prêtres de l’Église, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, nous devons parler d’inceste.

J. P. Sautreau (facebook)

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La loi du silence

Une figure des plus représentatives de cette loi du silence institutionnalisée est dans doute Louis-Marie Billé. Bien que né dans le Loiret, à Fleury-lès-Aubray, le 18 février 1938, arrivé dès l’âge de deux ans, à Fontenay-le-Comte, il a baigné dans le catholicisme de combat d’Antoine-Marie Cazaux qui va régner sur la Vendée de 1941 à 1967. Formé au grand séminaire de Luçon, il y revient après des études de théologie, en tant que professeur d’écriture sainte.

Jean-Pierre Sautreau conte comment le frère d’un Noël Lucas, qui devait accéder au diaconat, était venu informer les responsables du séminaire des actes incestueux dont il avait été victime de la part de ce frère. C’est Billé qui le reçoit en ce printemps 1967. Il coupe court, refuse d’entendre plus longuement les confidences et interrogations de l’adolescent. Noël Lucas, devenu prêtre et prédateur, va pouvoir ainsi sévir jusqu’en 1996. Entre autres saloperies, celle narrée dans Criez pour nous, d’un neveu de curé que, dans une colo comme on disait, il a violé et laissé martyrisé par d’autres gamins.

Ce brillant prêtre, lui aussi enseignant au grand séminaire, mais à Nantes, et avec de nombreuses responsabilités à l’évêché de Luçon, savait se faire inviter au sein même des familles, comme le racontait le père d’une victime au tribunal en 1999 :   « Nous sommes catholiques. Avec son aura d'ecclésiastique, il avait gagné notre estime. Nous le recevions en ami. Il venait dormir chez nous et, là, il abusait de nos enfants. »

Le frère de Noël Lucas, au procès, dira avoir averti Billé, qui, devenu entre temps archevêque de Lyon, affirmera « n’avoir absolument aucun souvenir d’une rencontre comme celle dont il est question ». Garnier, évêque de Luçon à l’époque, dans un entretien de départ de Vendée (12/01/2001) déclarera je reste l'ami de ce prêtre, son frère. Et Castet, évêque de Luçon, à la mort du pédo-criminel en 2015, invitera les prêtres de Vendée à une prière pour leur ex-collègue !

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Billé avait-il aussi perdu le souvenir de cette Blandine, non pas jetée aux lions, mais au « saint homme de frère », par sa propre mère ? Ce saint homme, son oncle donc, prêtre, sa mère va lui faire partager le même lit. Et l’oncle de 30 ans va violer la fillette d’à peine 6 ans. Et la mère va éponger le sang et étouffer cette histoire. La sœur et le frère vont sceller leur silence dans le sang de Blandine. L’oncle étant devenu directeur de lycée privé à Aix, Blandine va informer, en 1995, l’évêque du coin qui n’est autre que Billé : distant et cassant, il conclura par « N’allez pas croire que je vais jouer les justiciers » et nommera un peu plus tard le violeur à la tête de la paroisse de Martigues.

Billé continue une brillante carrière épiscopale puisqu’il devient « primat des Gaules », archevêque de Lyon, et Jean-Paul II lui donne le chapeau de Cardinal. Lyon où sévissait le père Preynat qui va conter sa rencontre avec son patron : « Je l’ai vu dix minutes, il m’a demandé si les faits étaient prescrits. Comme je ne le savais pas, il m’a dirigé vers un avocat. Et c’est tout. »

Et c’est donc le même Billé, devenu président de la conférence des évêques de France, qui présentera un rapport de deux cents pages sur la pédophilie dans l’Eglise : « Les prêtres qui se sont rendus coupables d’actes à caractère pédophile doivent répondre de ces actes devant la justice » Entre temps, il avait nommé Preynat pour piloter une quinzaine de paroisses !

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Un évêque fait repentance

Il aura fallu deux ans à l’évêque de Luçon, Jacolin, pour faire solennellement acte de repentance. Mais cet évêque qui a honnêtement, après avoir entendu des victimes, et notamment Jean-Pierre Sautreau, tiré, dans doute péniblement, la conclusion qui s’imposait, annonce-t-il un véritable examen de conscience de l’église de France. La création d’une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise, dite Commission Sauvé, laisse espérer une prise de conscience et surtout une prise en compte plus globale.

Cette recension est à la fois trop bavarde et bien incomplète. Elle ne rend pas compte et de l’écriture et de la composition du livre. Cet équilibre entre l’évocation des méfaits subis par les victimes qui, pour la première fois pour beaucoup, se sont confiées, l’analyse encore plus creusée des mécanismes familiaux et socioculturels qui ont permis ces crimes, mais aussi des échappées vers la poésie, cette merveille du langage qui l’a si souvent sauvé.

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CRIEZ POUR NOUS Nouvelles SOURCES 18 €

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Pour compléter

 

Vous pouvez lire ici quelques extraits du livre ainsi que sur la page facebook de Jean-Pierre Sautreau

Zoom express sur le dernier livre de Jean-Pierre Sautreau "Criez pour Nous" sur TV 3 Provinces

Un entretien sur Alternances FM (radio nantaise).

Un autre sur France bleu Loire Atlantique

 

 

Plus de 150 personnes se sont déplacées à la cathédrale de Luçon, en Vendée, le dimanche 14 mars pour le dévoilement de la plaque « en mémorial pour les enfants victimes de violences sexuelles par des prêtres ». Une première en France.

La pose de la plaque a été annoncée en octobre 2020 par l’évêque de Luçon Mgr François Jacolin, au cours d’un « acte de repentance » où il avait publiquement annoncé la reconnaissance de « 43 agresseurs entre 1940 et aujourd’hui », parmi lesquels 36 prêtres, cinq frères et deux laïcs. De très nombreux faits se sont produits au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers dans les années 1950 et 1960 essentiellement. Les enfants avaient une dizaine d’années.

 

Après une courte présentation, l’évêque lit la « prière de repentance de l’Église en Vendée en mémorial pour les enfants victimes de violences sexuelles ». Le texte évoque la responsabilité du diocèse face aux actes des prêtres violeurs : « Des pasteurs à la tête du diocèse ont manqué de lucidité, de courage et de justice devant de tels actes, aggravant ainsi les souffrances des enfants violentés et exposant d’autres enfants aux mêmes risques. »

L’instant est particulièrement émouvant pour les victimes, qui ont découvert le texte par la lecture de l’évêque. Parmi elles, l’écrivain Jean-Pierre Sautreau. Son livre Une Croix sur l’enfance en Vendée avait déclenché de très nombreux témoignages.

 

Extraits d'Ouest-France 15/03/21

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LIBERATION DU 26/03/2021 consacre 4 pages à la pédocriminalité dans l'église, avec l'exemple du petit séminaire de Chavagnes

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L'OBS du 20/05/2021 consacre 4 pages à Jean-Pierre Sautreau

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OUEST-FRANCE 06/10/2021

 

Pédocriminalité dans l’Église en Vendée. Jean-Pierre Sautreau n’est « pas surpris par les chiffres »

La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église annonce 330 000 victimes entre 1950 et 2020. Membre d’un collectif de victimes qui a dénoncé les viols et agressions sexuelles commis au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, l’écrivain vendéen Jean-Pierre Sautreau avait été entendu comme témoin par la commission.

Pour son travail d’enquête, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) avait entendu de nombreuses victimes. Entendu comme témoin, l’écrivain Jean-Pierre Sautreau avait rejoint l’un des « groupes miroirs » chargés de veiller sur le travail des experts.

 

Quelle est votre réaction à l’annonce des chiffres du rapport de la Ciase, qui estime qu’entre 1950 et 2020, 330 000 enfants ont été victimes de viols et agressions sexuelles par des laïcs, bénévoles ou salariés missionnés par l’Église ?

C’est énorme, mais je ne suis pas surpris par les chiffres. Ce que l’on a vu ici en Vendée avec le petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, est certainement d’une ampleur exceptionnelle, mais cette histoire montre bien combien, derrière quelques témoignages, se cachent de très nombreuses agressions. Le collectif des victimes de violences sexuelles de Vendée, dont je fais partie, recense au moins 135 victimes en Vendée, dont 80 victimes avec 14 prêtres agresseurs à Chavagnes-en-Paillers (1). Régulièrement, de nouveaux témoignages arrivent. On en a encore reçu deux ces jours-ci. Pour nous, c’est mathématique : ces prêtres ont fait au moins une centaine de victimes. Pas seulement au séminaire, mais, on le sait pour certains, également dans leur entourage.

Le rapport marque une étape importante ?

En deux ans et demi, le travail est considérable. En tant que témoin puis comme membre d’un groupe miroir chargé de veiller sur le travail des experts, je peux témoigner de la volonté de la commission de ne pas se cantonner à un rapport technique. Il y avait une véritable volonté de réparer les victimes. Je suis évidemment heureux que l’on renonce à cette idée de forfait qui était une aumône. Il faut bien sûr des réparations financières individuelles.

Vous êtes en revanche déçu de la réaction du président de la conférence des évêques, Mgr Eric de Moulins-Beaufort ?

Beaucoup. C’est le patron des évêques. Il fait une demande de pardon, mais aucune annonce. Il se contente de renvoyer, pour les actions, à la prochaine assemblée plénière, à Lourdes, en novembre. Ce n’est pas satisfaisant. Le rapport de la Ciase conforte notre travail. Nous allons continuer à nous battre pour obtenir notre dû.


Contact : https://collectif85.com/

(1) Publié en 2018 par Gestes Editions, Une Croix sur l’Enfance en Vendée est depuis quelques jours disponible en format poche chez Harper Collins (6,90 €).

 

Pédocriminalité dans l’Église : « Un début de prise de conscience, mais… »

Un mois après la publication du rapport choc de la commission Sauvé, 120 évêques catholiques réunis à Lourdes début novembre ont eu la révélation. Vendredi 5 novembre, jour du poisson, le gratin catholique a reconnu « la responsabilité de l'Église catholique » dans les crimes sexuels commis par des prêtres et des religieux et leur dimension « systémique » depuis 1950. Christian Terras, rédacteur en chef de Golias, la revue catholique critique, revient sur ce début de prise de conscience mais prévient : le problème réside aussi dans la toute-puissance des prêtres.

"Je ne suis pas sûr que les 120 évêques aient compris que c’était la sacralisation de la prêtrise qui est en cause dans cette affaire-là. Tant qu’on ne remettra pas en cause cette sacralisation du prêtre dans l’Église, on ne s’en sortira pas."

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