La cause est entendue : cet Harvey Weinstein ne bénéficiera même pas de la présomption – non pas d’innocence bien sûr – mais de culpabilité. Coupable, forcément coupable. Le tribunal des réseaux sociaux a tranché. La corde pour le pendre est déjà prête sur la potence. Et dans une grande croisade pour mettre fin à la loi du silence, toutes et chacune sont invitées à dénoncer urbi et orbi les porcs de son espèce.
Comme le note Guillaume Erner, il est toujours stupéfiant, après que l’affaire a été révélée par le New-Yorker, de voir que « tout le monde savait, et chacun y va de son anecdote : Le Parisien de nous apprendre qu’on l’appelait "le Porc", Dominique Besnehard de déclarer qu’il savait sans vraiment savoir mais tout en sachant absolument - bref chacun de lyncher le lynché. »
Il est tout aussi fascinant de voir certains révéler une âme de moraliste et de justicier.
Ainsi de Jean Quatremer, le délicieux correspondant de Libé à Bruxelles, qui, dans un zèle purificateur s’en prend à un manuel scolaire et à l’éducation nationale.
DSK est bien sûr évoqué, alors qu’il n’a jamais été condamné (l’affaire dite de Lille a même abouti à un cinglant démenti des accusations de juges d’instruction jouant les pères-la-morale). Quatremer en fut un procureur acharné et là il est appuyé par un « historien » qui oublie qu’en France, jusqu’à peu, les galipettes des personnages publics restaient dans l’ombre. Á peine une allusion moqueuse du Canard Enchaîné, quand un Président, à l’heure du laitier, froissa de la tôle en revenant d’une chaude nuit avec une actrice aux jolies taches de rousseur. Et ce n’est qu’aujourd’hui qu’on nous révèle qu’un autre président, la nuit où une princesse passa de vie à trépas, se trouvait lui dans le lit d’une actrice encore mais italienne. Temps, hélas, révolu. Tout ça pour dire que DSK est, sans l’ombre d’un doute, un queutard, un partouzeur, mais que ça ne relevait que de sa vie privée.
Mais laissons notre porc national, DSK, et revenons un peu à ce porc US, Weinstein.
Le romancier Michael Connelly fait dire à l’avocat Mickey Haller, un de ses personnages favoris, que les coupables sont plus faciles à défendre que les innocents. Et la justice étatsunienne est souvent assez déconcertante. Ainsi d’un célèbre footballeur, OJ Simpson, innocenté au pénal du double meurtre de son ex-épouse et de son compagnon, avait été condamné au civil pour ces mêmes faits quelques mois plus tard.
Le producteur déchu s’est assuré les services d’une avocate réputée. Attendons donc l’éventuel verdict.
En attendant la chasse au cochon, qui ne fait pas que sommeiller chez le mâle, est lancée sur touitteur.
Sauf que le #balancetonporc aboutit bien.. à… RIEN, la plupart du temps. Pour un député béarnais accusé d’avoir la main baladeuse, un ex-patron d’une chaîne télé sur le cheval, aux propos vantards, que d’anonymes red chef qui m’embrasse de force, « grand chef qui qq années avant avait tenté de me violer », animateur-prod tele dont je refusais les avances "tu ne bosseras plus jamais petite pute! ", journaliste qui passe en revue, en plein openspace, les femmes de la rédac, producteur d'une boîte de prod pour Canal + qui m'avait bombardé de textos, red’ chef qui met tranquillou sa main sur ma cuisse dans la voiture, confrère dans une rédaction, chroniqueur tv qui me dit qu'il attraperai bien mon cul, petit reporter d'un grand quotidien, et, plus rare, diplomate étranger: "je ne veux pas répondre à tes questions, je veux te faire l'amour" ou flic qui dit j'ai très envie de coucher avec vous et député RPR (devenu ensuite ministre de Sarko) qui te tel en pleine nuit pour te faire des propositions salaces.
Donc, à l’exception près, aucun « porc » n’est balancé. Ne sont dénoncés que des anonymes. On peut juste en déduire que dans le milieu journalistique, apparemment, les mâles sont en manque. Mais prétendre que la parole se libère relève de la totale imposture.
Pour avoir osé ironiser sur ce mot-clic #balancetonporc, Laurent Bouvet a été assimilé à Cantat, l'assassin de Marie Trintignant !
PS Ce Bouvet n'est guère plus tolérant d'ailleurs, puisque, pour avoir eu l'audace de le critiquer, tel un Menès ou un Flaysakier, il m'a bloqué.
Guillaume Erner est donc fondé de rappeler qu’il ne faut pas tout mélanger, entre le flic lourdaud qui incite une femme mariée à l’adultère, le gros balourd qui joue au coq dans l’openspace et le type qui harcèle voire tente un viol. Harcèlement sexuel et tentative de viol relèvent de la plainte, pas du touitte.
Pour avoir énoncé ces évidences le 'producteur' - un titre lourd à porter - de France Culture s'est fait allumer par Nadia Daam de façon péremptoire (et avec une petite mesquinerie sur l'oubli supposé d'un H dit aspiré, sur un mot étranger).
J’arrête-là, car, d’expérience, je sais qu’à vouloir jouer, peu ou prou, l’avocat des causes perdues, on risque de déclencher la haine des frustrés qui se défoulent sur nos internets. Faut-il préciser, pour atténuer la vindicte de nos lyncheurs, que ce Weinstein ne m’inspire pas de franche sympathie.
« Pas tibulaire mais presque » aurait dit Coluche…
Trump a été autrefois un donateur du parti Démocrate.
En complément, ce témoignage d'une Charlotte
Comme on peut le lire, la malheureuse a tout connu depuis l'âge de 5 ans où elle trouve une tête entre ses cuisses, pour à 7 ans goûter le sperme du voisin, à 14 ans être attendue par des profs à la sortie de l'établissement, à 18 ans être harcelée par des mecs "types ministres", bien sûr harcelée et agressée dans le métro, la rue, tabassée même et sa fille de 4 ans, à son tour, couverte de bleus, et LE (rare en maternelle, mais évidemment c'est UN) prof qui justifie l'agresseur.
Tout cela avec de grandes généralisations : les hommes TOUS des bâtards ou presque (s'ils n'agressent pas ils sont complices) et les femmes TOUTES harcelées voire agressées. Et bien sûr pas un nom !
Voilà donc le délire auquel aboutit cet #...
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