Près de cinq ans après, lors d’un nouveau séjour marocain, il faut avouer que l’affaire Baupin n’a absolument pas eu l’effet de sidération qu’avait provoqué l’affaire DSK. A dire vrai, à Azrou, on l’a totalement ignorée. De retour, lecture de l’entretien de Baupin à L’OBS en diagonale. Puce à l’oreille cependant avec la protestation de Mme Massonneau. Curiosité enfin avec la contre-attaque virulente de l’avocat ! Les accusatrices étrillées : une affaire qui sent le coup fourré.
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Véronique Masseonneau à côté de Denis Baupin
« Assez de ce procès dégueulasse qui cherche à me faire passer soit pour une victime consentante, soit pour une complice de harcèlement. […] Je n’ai besoin de personne pour déterminer quand je me sens avilie et victime de comportements inconvenants. » C’est cette protestation véhémente de Véronique Massonneau contre les pressions de ces ex-camarades EELV qui m’a incité à y voir de plus près, dans cette affaire Baupin.
Plongée donc du côté de Mediapart.
L’article, en forme de réquisitoire, est impitoyable : Des femmes dénoncent les agressions et harcèlements sexuels de Denis Baupin. Mediapart et France Inter ont recueilli des témoignages sur des faits pouvant être qualifiés d’agression et de harcèlement sexuels attribués au député de Paris Denis Baupin.
Suivent les témoignages d’élues des verts.
Octobre 2011, Montreuil. Sandrine Rousseau se tient à la tribune, face aux cadres d’Europe Écologie-Les Verts venus préparer le programme pour la présidentielle et les législatives de 2012. « À un moment donné, j’ai voulu faire une pause », raconte-t-elle. Elle se lève, quitte la pièce, part aux toilettes. « Dans le couloir qui longe la salle, Denis Baupin est venu. Il m’a plaquée contre le mur en me tenant par la poitrine, et a cherché à m’embrasser. Je l’ai repoussé violemment. » Elle venait d’intégrer la direction de son parti. Denis Baupin, lui, est déjà un cadre influent du mouvement écologiste.
Isabelle Attard est députée du Calvados depuis juin 2012. Élue sous l’étiquette EELV, elle a quitté son parti en décembre 2013 en raison de désaccords politiques. Elle se présente désormais comme « députée citoyenne » mais reste rattachée au groupe écologiste de l’Assemblée nationale. De juin 2012 jusqu’à son départ d’EELV, un an et demi plus tard, elle raconte avoir reçu des dizaines de SMS de Denis Baupin. « C’était du harcèlement quasi quotidien de SMS provocateurs, salaces…. »
Elen Debost, adjointe à la jeunesse EELV de la mairie du Mans depuis deux ans, raconte avoir été victime du même procédé. C’était en 2011. À l’époque, elle n’est qu’une « jeune militante qui monte » « Au total, j’ai reçu une centaine de messages. Du type “Je suis dans un train et j’aimerais te sodomiser en cuissarde”.
Annie Lahmer est conseillère régionale d’Île-de-France EELV. Adhérente des Verts depuis une vingtaine d’années, elle a un temps été salariée par son parti. « Un soir, j’étais dans le bureau de Jean-Luc Bennahmias, qui n’était pas là… J’étais seule avec Denis. Il s’est mis à me courir après autour du bureau… »
Sur toutes ces femmes qui ont accepté de témoigner, sur une période allant de 1998 à 2014, aucune ne l’avait dit publiquement jusque-là. Et aucune n’avait porté plainte, ajoute la journaliste.
La cause est donc entendue : ce Baupin est un harceleur convulsif, d’autant qu'un témoin anonyme nous assure qu’il pince les fesses des salariées dans les ascenseurs. Et le vilain veut imposer des conditions insupportables aux deux journalistes accusateurs pour les rencontrer.
C’était sans compter sur l’avocat dont la contre-attaque est cinglante. Et l’accusation risque de se retrouver éparpillée façon puzzle.
Dans Huffington Post, il pointe d’abord une singulière question des journalistes peu avant la parution des accusations : "Plusieurs témoignages évoquent des contacts physiques délibérés. M. Denis Baupin s'est-il rendu compte que ces gestes pouvaient être assimilés à une agression sexuelle?" Quel honnête citoyen répondrait autrement que : (...) je ne sais pas de quoi, de qui, de quand vous me parlez. »
Une autre question, toujours aussi vague : "Plusieurs témoignages évoquent notamment l'envoi de nombreux SMS sur le registre de la séduction, ou invitant à une relation sexuelle ou à caractère pornographique. M. Denis Baupin s'est-il rendu compte que ces envois répétés pouvaient être assimilés à du harcèlement sexuel?"
L’avocat a beau jeu d’observer qu’aucun SMS litigieux n’appuie l’accusation explicite. Et le "s'est-il rendu compte" rend de fait bien compte du ton assez arrogant employé : nos journalistes sont là pour lui faire la leçon au Baupin.
Et, lui, cite les SMS échangés qui éclairent d’un tout autre jour les accusations de certaines des personnes citées.
« Deux des quatre premières accusatrices répondent ainsi à mon client, sans ambiguïté (et dans une graphie et des coquilles propres aux SMS):
- l'une assène: "tu as affaire à une (...) amoureuse et comblée par ses amants c'est mal barré", suivi d'un sourire en smiley. Puis la drague s'arrête et on continue de parler politique: "si je fais l'inauguration de ma (...) le lundi 1er octobre, seras-tu dispo? j'attends ta réponse avant de bloquer"
- une deuxième, au lendemain d'une supposée agression sexuelle narrée comme traumatisante, discute ainsi sans souci aucun. Lui propose: "on se prend un café ou un dej quand tu viens à Paris?" et elle de répondre "ouais sans problème vendredi par ex". Lui: "Quel enthousiasme! (avec smiley)". Et elle: "Ben ouiiiiiii !!!!! Avec plaisir". Et ainsi de suite...
Lisons un dernier échange, où une troisième accusatrice écrit, alors que Denis Baupin, au fil de leur jeu érotique à distance, lui suggère une scène: "Continue sur le registre Coderlos de Laclos (smiley)". Elle continue: "Poufffffffff chaleur... Humide". Elle dit encore: "Content de toi? mais change pas ma position". Et aussi: "Tu veux quoi que je te fzasse monté la tension à ne plus pouvoir te retenir; Te dire que lionne n'est pas qu'une image, que j'aime le sexe sans limite libre, et un peu extrome que que je n'aime rien tant que faire monter jusqu'à ses limites. Que j'en ai peu...". Et enfin "Comme si tu avais besoin de ça... Et les bottes oui ça a l'avantage d'afficher la couleur les cuissardes: Suis pas une sainte nitouche ni un ange".
L’avocat justifie que son client ait demandé aux deux journalistes qu’une partie de l’entretien soit en off, pour répondre à des accusations précises, en citant ces échanges. « Ils lui ont répondu avec arrogance: on enregistre tout, laissant la responsabilité à Denis Baupin d'être bel et bien poursuivi pour atteinte à la vie privée de ces femmes... ».
Présumé coupable
Et il constate qu’il est « impossible de prouver qu'un fait - comme une agression sexuelle dans le bureau d'une fonctionnaire, aussi invraisemblable soit-elle - n'a pas eu lieu. »
Que Baupin soit un dragueur invétéré, même son avocat en convient ; qu’il ait eu le SMS libertin facile est indéniable. Mais que les accusations, savamment orchestrées par Mediapart et France Inter, surgissent au moment où EELV éclate, où Baupin reste dans la majorité présidentielle, où son épouse Emmanuelle Cosse est entrée au gouvernement, donne à l’affaire un relent assez nauséabond de règlements de comptes !
Baupin, en tout état de cause, est touché, coulé. Ses accusatrices risquent, elles– si les SMS produits par l’avocat sont bien les leurs – de perdre toute crédibilité, mais entre temps, les accusations auront fait mouche.
Et les journalistes-procureurs auraient été mieux inspirés de ne pas se lancer imp(r)udemment dans cette manip douteuse de vertes peu scrupuleuses.
PS La qualification de DSK des Verts a été lancée par une universitaire qui, sans l’identifier, parlait d’un élu "sorte de «DSK des Verts» [qui] semble bénéficier d’une forme de bienveillance, qui n’est pas sans rappeler celle dont [a bénéficié] Dominique Strauss-Kahn". Or, n’en déplaise aux cagots, faut-il rappeler que, dans l’affaire dite du Sofitel, le procureur étatsunien a abandonné toute poursuite pénale et que dans celle dite du Carlton de Lille, le procureur français a démonté le dossier de l’instruction et DSK a été relaxé. Que DSK soit un queutard voire un partouzard, que cela fut connu ou pas, relevait de sa vie privée.
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