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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 16:41
Onfray et Bourge même combat !

Onfray et Bourge même combat !

Michel Onfray, fils naturel de Jean-Paul Brighelli et de Farida Belghoul ? s’interroge L’Express après ses propos sur France Inter, le 12/09/2014. Du lourd, il est vrai ! Puisque non content de déplorer « la disparition des notes, la disparation des copies, la disparition des profs », il prétend qu’à l’école « il faut apprendre la théorie du genre ». Enfoncé Finkielkraut, enfoncée Polony. Avec Onfray, le pire est toujours sûr.

 

Propos de comptoir tenus de bon matin après un café trop arrosé, comme on en boit aux petites heures en Normandie, que ces affirmations qu’à l’école on n’apprend plus à lire et à compter ? Que nenni ! Car sauf à imaginer que le penseur normand ne carbure qu’au calva, il a écrit pire dans le un, n° 23.

Vers 6'

« Si je suis devenu ce que je suis devenu, je le dois à l’école républicaine et aux bourses… Aujourd’hui, un enfant issu des classes modestes n’a sociologiquement presque aucune chance de sortir de son milieu. Les analyses de Bourdieu (…) restent d’une cruelle actualité : l’école ne permet quasiment plus à un élève de s’élever l’âme, l’esprit, le cœur, l’intelligence. Panne d’ascenseur social… 

J’ai eu la chance d’apprendre à lire avec la méthode syllabique… j’ai pris connaissance de l’histoire de France avec les images d’Epinal… »

 

 

Les héritiers de Bourdieu et Passeron date de 1964, donc la réalité que ce livre analyse est bien sûr celle d’avant Mai 68 dont Onfray nous compte tous les méfaits qu’il a subis de plein fouet. Un prêtre salèsien aux méthodes pédagogiques mystérieuses, une université de Caen où sévissaient des soixante-huitards décoiffés !

Et figurez-vous que dans l’école où ses malheureux compagnons de fac  de philo, devenus instits, sévissent le tableau noir et la craie ont disparu, plus de plume et d’encrier, plus d’armoire avec un crâne (?), plus de carte de France… mais rassurons-nous « Pas question, bien sûr, de tenir des propos réactionnaires » !

 

Pas plus de théorie du genre que de beurre en branche !

 

Faisons un sort d’abord, à la néfaste théorie du genre qui, la vilaine, nous vient des Etats-Unis et qui nous dirait que la nature n’existe pas ! sauf qu’il n’y a pas plus de théorie du genre que de beurre en branche, malgré ce que disent nos prélats, les dirigeants de l’école privée, ou Mmes Boutin, Bourge et de La Rochère et les cagots. « Il existe en revanche un champ de recherches universitaires, nommé "études de genre", qui s’intéresse à la construction des identités féminine et masculine, et à la perpétuation de clichés qui font, par exemple, qu’une fille qui fait du rugby ou un garçon qui fait de la danse classique sont jugés "anormaux" ». (Le Monde 12/09/14)

Certes on trouve le mot "genre" à l’école, mais en grammaire !

 

Le principe de non contradiction ne doit pas faire partie de l’arsenal méthodologique du philosophe bas-normand. En effet, il est certes le fruit de l’école républicaine, mais aussi d’un enseignement secondaire et supérieur absolument pervertis par un mai 68 négativiste, nihiliste. Et ce sont donc les salèsiens ou les soixante-huitards décoiffés qui ont contribué à faire de lui ce qu’il est. Et quand il évoque Bourdieu, à propos de l’ascenseur social, il oublie que ce que le sociologue étudie c’est une société, une école, d’avant Mai 68, et même si La Reproduction est postérieure, elle ne peut pas, dès 1970, mesurer les supposés méfaits des chevelus dans les écoles.

Mais quand il dit que de nos jours on s’autorise de soi-même à parler de livres qu’on n’a pas lus*, peut-être pratique-t-il l’autocritique.

 

Au moyen âge ... la masse espérait en Dieu et maintenant la masse espère qu’elle va être massivement promue par l'école : à l’ancien jeu, il suffisait d’être pauvre pour être élu et l’on n’avait même pas besoin des bourses.

 

Michel Delord, Marx et les sciences de l’éducation, Octobre 1998

Le mythe de l’ascenseur social tombé en panne par la faute de Mai 68 et des pédagogogues, comme dit Julliard, est un grand poncif de la rétropensée. Combien de fils d’ouvriers agricoles de la fin des années 50 ont connu un destin à la Onfray ?

On constate certes, depuis les années 90 un blocage, voire une régression ces dernières années, de la proportion des enfants d’ouvriers et d’employés dans l’enseignement supérieur. Mais imputer cet échec à Mai 68, plutôt qu’aux difficultés économiques – même boursier l’étudiant fils d’ouvrier connaît des conditions matérielles difficiles – voire une inhibition de l’ambition scolaire - avec un baccalauréat scientifique obtenu à l’heure ou en avance (soit une population relativement triée), plus de la moitié des fils de cadres (contre 30,5% pour les filles) s’orientent en classe préparatoire aux grandes écoles, ce qui n’est le cas que de 20,8% des fils d’ouvriers (et 9,3% des filles) (M. Duru-Bellat) -  est assez douteux. Et on peut même ajouter que les enfants d’ouvriers obtenant un mastère de philo doivent être plus nombreux aujourd’hui  que du temps d’Onfray, car si la proportion est moindre, ils sont, en valeur absolue, plus nombreux.

 

La baisse de niveau n’atteint jamais l’étiage !

Sauf que, là encore, les faits démentent ces assertions chères à nos contempteurs de l’école. Si l’on en croit l’INSEE, les personnes âgées de 18 à 29 ans ont de meilleurs résultats que les générations plus âgées en lecture et en compréhension orale. En 2011, en compréhension orale, seulement 11 % des moins de 30 ans ont réussi moins de 60 % des exercices proposés contre 17 % des 50-59 ans et 24 % des 60-65 ans. Les plus jeunes ont également de meilleurs résultats à l’écrit, la part des personnes sans difficulté allant de 76 % pour les 60-65 ans à 89 % pour les moins de 30 ans. Donc la méthode syllabique chère à M. Onfray n’a pas porté, chez tous, les bénéfices qu’il lui prête.

Onfray, philosophe de comptoir !

Pour autant, la situation de l’école française est loin d’être satisfaisante. Les vagues successives de résultats de PISA montrent un système de plus en plus inégalitaire. En schématisant, une moitié des élèves de 15 ans est au niveau des petits finlandais – ou presque – mais le dixième du bas est à celui des péruviens. Ce qu’expliquaient déjà C. Forestier et J. C. Emin, dans « Que vaut l’enseignement en France ? » (Éditions Stock, coll. «Essais - Documents»,‎ 2007) : Notre système est parfaitement adapté pour la moitié de nos élèves, pour les autres nous ne sommes pas capables de les aider correctement. (entretien avec J.C. Forestier).

 

Mais il n’est pas sûr que la conception méritocratique de M. Onfray, cible déjà de Bourdieu-Passeron, que F. Dubet considère comme américaine, entendez étatsunienne (La seconde conception de la justice sociale, plutôt américaine, considère que la justice sociale est avant tout la promotion de l’égalité des chances méritocratique : chacun doit pouvoir réussir en fonction de son mérite.) permette de résoudre ce problème. Au contraire !

 

* Quand il réduit Roland Barthes à un lapidaire « la langue est fasciste », on peut se demander s’il en a lu une ligne.

M le magazine du Monde 20/11/2014

M le magazine du Monde 20/11/2014

Voir aussi les Décodeurs du Monde qui ont inspiré le titre de l'article.

Prof de philo de 1983 à 2002 au Lycée technique Sainte-Ursule (Caen)

Prof de philo de 1983 à 2002 au Lycée technique Sainte-Ursule (Caen)

Notre philosophe de comptoir persiste et signe dans un débat*, qui l’oppose à Fabienne Brugère, sur la prétendue théorie du genre dont il fait une « idéologie d’état ».

Il se contente de redire les contre-vérités déjà énoncées, tout en en ajoutant une. « J’ai démissionné de l’éducation nationale », affirme-t-il. Or M. Onfray a été enseignant de 1983 à 2002 dans le lycée technique privé catholique Sainte-Ursule de Caen.  Certes, établissement sous contrat, donc avec des enseignants payés par l’état (mais pas fonctionnaires). Mais s’il a bel et bien « renoncé à un salaire », il a démissionné de l’enseignement confessionnel et non de l’enseignement public, comme le laisserait supposer sa formulation volontairement ambigüe.

 

* Le Monde 12-13/10/2014 « Une rébellion d’un nouveau genre ? »

 

Quelques exemples d'études de genre pour l'édification de M. Onfray :

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