Ce titre, emprunté à Antoine Duplan, pour désigner Marcel Vidoudez (1900-1968), l’un des dessinateurs romands les plus féconds du 20e siècle, est un peu exagéré. Pour la pédagogie, il a illustré un ouvrage quasi caricatural de la méthode syllabique. A faire frétiller de joie nos rétropenseurs. Quant à qualifier la face cachée de son talent de « pornographie », c’est presque diffamatoire. Car son œuvre sous le manteau, certes très couillue, est plus gauloise que porno. Cependant Antoine Duplan est un excellent guide dans son œuvre, découverte grâce à Koppera.
Marcel Vidoudez, le Romand, a été formé aux beaux-arts à Lausanne mais aussi à Dresde et Paris. En France, dans les années 30 il a tourné un film, avec un certain Jin Gérard, « Le perroquet vert ».
Dessin animé, illustrations de magazines, décoration de cabaret, mais surtout illustrations de livres pour enfants : les contes de Grimm, Le Chat botté, La case de l’oncle Tom, Les Contes de La Fontaine, etc. : une oeuvre prolifique.
Mais surtout, il a illustré « Mon premier livre »*, manuel d'apprentissage de la lecture.
Un livre à faire rêver nos chaisières Ludivine et Béatrice (de la Rochère et Bourges) avec un papa, une maman et Mimi, la fille. Pas de dérapage de genre à la Najat Vallaud-Belkacem : « Pour les petits Vaudois qui ont appris à lire entre 1949 et le début des années 70, le monde était propre, en ordre. «Papa téléphone, maman tricote.»
Les choses étaient simples, les rôles clairement répartis et les nègres à leur place dans la savane – le livre se concluait sur l’histoire de Zo’hio, le négrillon au «petit ventre rond ayant mangé beaucoup trop de cacahuètes». Des vignettes pleines de rondeur et de fraîcheur enluminaient ces stéréotypes : enfants sages, rondes musicales et jeux champêtres, scènes de genre à la ferme, au garage, à l’école, baignant dans une clarté toute lémanique.
Seuls des esprits pervers auraient pu voir dans l’oie qui tentait d’arracher sa jupe à « petite Marion » l’indice d’une œuvre clandestine, sous le manteau, de ce prolifique illustrateur.
« Mais, aussi sûr que le bleu Léman recèle des brochets voraces, même le plus débonnaire des Vaudois a sa face d’ombre. Maman tricote, papa fricote, hélas… Marcel Vidoudez qui a donné des couleurs aux visées pédagogiques du Département de l’instruction publique et des cultes avait une activité occulte de dessinateur érotique – qui aurait pu briser sa respectabilité et sa carrière. »
« Sur l’ubac de l’œuvre, on retrouve la rondeur et la fraîcheur des dessins officiels et parfois même au loin le lac Léman, les syndics joufflus, les cavistes au nez rouge, souvent empourprés par les instants torrides qu’ils vivent et prolongés de vits écarlates. Pierre Yves Lador évoque justement «le climat gouailleur de Dubout, la rondeur de Bellus et peut-être un peu de Tetsu». Les images cochonnes de Vidoudez relèvent de la friponnerie, de la paillardise plus que de la pornographie. On y voit des belles de nuit aux galbes généreux, des petites culottes roses ornées de dentelle, des tableaux exotiques (Japon, Haïti), ...
Fin de soirée candauliste ?
...ce coquin de Zo’hio devenu grand et fort, groom dans un hôtel, une friponne blonde le convie dans sa chambre et pendant qu'il la saille, un monsieur [le mari ?] arrive par derrière et hop! il sodomise Zo'hio !
Zo'hio sait aussi participer à des jeux un peu acrobatiques. Mais, là le dessinateur est Alex Székely dans Ein Besuch bei dem grossen Jim* et non notre ami Marcel.
* Traduction approximative "Une visite de Jim-le-costaud" ou "le bien monté"
Saphisme, triolisme, voyeurisme… Il y en a pour tous les fantasmes. La cueillette des champignons qui dérape, le déjeuner sur l’herbe qui finit en partouze, la digue du cul qui saisit notables et bourgeois. Naïves, charmantes, désuètes, ces images manifestent selon Michel Froidevaux une «forme de santé, une énergie débordante» … » (d’après A. Duplan)
Pour compléter : https://honesterotica.com/illustrator/marcel-vidoudez
* Pour les nostalgiques comme pour les contempteurs de la méthode syllabique, vous pouvez verser des larmes nostalgiques ou un torrent de sarcasmes en jetant un coup d’œil à ce Premier livre, au format *.pdf en trois tomes :
Occasion aussi de relire « La lecture en débat » un dossier de presse qui s’était étoffé de contributions de chercheurs, sur l’ancien site d’Education & Devenir.
A noter que le vaudois n’est pas le premier illustrateur d’ouvrages pour la jeunesse qui s’adonne aux œuvres dites du second rayon. Parmi ses collègues, notons Rojan qui illustra notamment les albums du Père Castor, Luc Lafnet, premier dessinateur de Spirou, Paula Meadows qui illustre des livres pour enfants écrits par Franck Charles, son mari, Nicole Claveloux dessinatrice pour Okapi…
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