Dans sa dernière chronique du Nel Obs, le camarade Julliard, sous un titre d’une finesse d’esprit remarquable (« La curée contre les curés ») s’adonne à un de ses sports favoris : l’imprécation.
« Je fus éveillé l'autre matin, sur une chaîne du service public
Laquelle ?
par l'un de ces humoristes qui ? que l'on rencontre désormais à tous les carrefours de l'information
Ah bon à combien de carrefours, combien de temps ? sur France-Inter un seul chaque jour, 4 mn -
comme si celle-ci était réputée à ce point indigeste qu'il faudrait toujours quelque condiment pour la faire passer. Le sujet était le pape. Après quelques plaisanteries d'un goût exquis (si Jésus, aux noces de Cana, a transformé l'eau en vin, c'est qu'il avait oublié de passer chez Nicolas... - oui, oui !
mais qui a donc dit cela ?
la voix se fit plus grave : les religions sont facteurs de violence ; c'est à elles que l'on doit ces attentats aveugles qui endeuillent notre monde. Comme le seul sujet traité était le christianisme, il était clair que c'était lui et lui seul qui était responsable de toutes ces bombes que la malveillance attribue aux islamistes
on remarquera l’honnêteté intellectuelle : l’anonyme humoriste aurait démarré sur le christianisme pour conclure, de l’aveu même de notre chroniqueur, sur les religions, ce qui n'implique donc pas qu'il attribue au christianisme les attentats islamistes.
Courageux, ces « humoristes » ! Pour un Plantu, combien de chacals ! Comme dit Alain Finkielkraut : « Ils ne réclament pas la liberté mais l'impunité..., ils ne narguent pas la police de la pensée, ils la font..., ce sont les inquisiteurs du nouvel ordre moral» (« Causeur », avril 2010).
Remarquable citation de cet humoriste, prétendument philosophe (il est prof de philo à Polytechnique où la matière doit être récréative) immortel auteur de la saillie sur l’équipe de France de foot victorieuse de la coupe du monde « Black, black, black ». Qui de mieux qualifié pour fustiger les « inquisiteurs du nouvel ordre moral » ?
Ces gens-là sont la fiente de l'esprit. Dire qu'ils se réclament de Pierre Desproges ! Ils ne moralisent pas, ils lynchent. Ils ne commentent pas, ils travestissent. Ils n'imitent pas, ils dénaturent. Ils n'amusent pas, ils avilissent. Et pas seulement leurs victimes. Après les avoir entendus**, c'est chacun qui se sent avili. »
Après avoir écrit cela, on comprend que J. Julliard se sente avili par sa propre prose.
Elle mérite cependant qu’on y revienne. Procédé habituel : mettre en procès un anonyme adversaire ; dans le genre finkielkrautte ce seront les pédagogogues. Ici, ce sont ces gens-là ! Est-ce Guillon, cible de Besson ? Porte ? Morin ? Morel ? ou Bigard ? Nul ne le saura, mais tous seront amalgamés dans l’opprobre !
Mais ce n’est pas fini. Ne reculant devant rien, l’imprécateur élargi son champ d’action :
« De l'anticlérical de toujours jusqu'au bouffe-curés de sacristie, genre « Golias », en passant par ce pauvre Hans Küng qui croit que l'on se débarrasse de la pédophilie par le mariage, c'est l'hallali. Le pape est comme une bête à terre, saoulée de coups, qui n'a plus guère la force de réagir quand on lui tape dessus, et sur laquelle les passants, comme dans un lynchage de banlieue, viennent en rajouter quelques-uns. »
Golias revue catho pas assez orthodoxe, Hans Kung, théologien rebelle, sont descendus plus vite qu’un Besson, par Guillon. Et dans l’hyperbole, le chroniqueur ne craint personne : hallali, bête (!) à terre, lynchage de banlieue… ça frise les propos de comptoirs !
Ce qui est comique, c’est que le vitupérant Julliard, après s’être livré à ces inutiles imprécations, les deux tiers de sa chronique, aboutit à une conclusion que ne désavouerait pas Golias.
Ce qui est encore plus drôle, pour un agnostique ou un athée, c’est que Julliard, Kung et les membres de Golias sont censés tous appartenir à une douce religion qui proclame « Aimez-vous les uns les autres » !
C’est de l’amour vache !
* Du pur Finkielkraut d'abord un "ils" anonyme, ensuite un procédé rhétorique assez usé qui sert à écrire des niaiseries : liberté vs impunité ; ensuite ça devient franchement cocasse, avec la police de la pensée et les inquisiteurs de l'ordre moral : comme d'habitude des affirmations aussi grandiloquentes que grotesques qui ne reposent sur rien et proférées par un Monsieur qui condamne à tout va, tel site - qu'il n'a pas regardé (Arrêt sur images) - tel film qu'il n'a pas vu (Entre les murs), par exemple...
** Notons au passage le masochisme du chroniqueur que personne n'obligeait à écouter jusqu'au bout le spécimen de "ces gens-là" qui...
PS Un petit coup d'oeil sur gogol m'a fait découvrir des infamies sur Jacques Julliard - par exemple, un article d'Agoravox avec des commentaires débiles, style Julliard un "fanatique du TCE" : et oui, ne vous en déplaise MM les nonistes, on peut être viscéralement attaché à une union européenne que, déjà, Aristide Briand appelait de ses voeux et essayait de construire - et m'amène donc à préciser que le cédétiste que je suis, le social-démocrate (qui sous la plume des "coucous" sera qualifié au mieux de social-libéral ou plutôt de social-traître) que je suis aussi, est beaucoup, beaucoup plus proche de Jacques Julliard sur ce plan, que des éternels donneurs de leçons de l'extrème-gauche (?).
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