C’est Le Figaro qui l’annonce : « Dès la rentrée, des comités de vigilance veilleront, avec les parents d'élèves, aux messages véhiculés dans les écoles et les crèches. » Et pour quoi faire, ces comités ? Pour lutter contre la prétendue et satanique Théorie du genre. Et cela dès la crèche. Après la manif anti-mariage homo les cagots lancent une nouvelle croisade où l’obscurantisme le dispute au fanatisme.
« En septembre, «nous sommes prêts à taper très fort!» promet Ludovine de la Rochère. Cette ex-chargée des relations presses de la conférence des évêques, a pris le relais de Frigide Barjot en nettement plus bcbg dans l’allure, mais avec les mêmes outrances dans l’expression. La méthode est classique : on s’invente une cible qu’on diabolise, pour lancer le combat intégriste. Car, il n’y a pas de Théorie du genre, mais des études de genre. Etudes multi-disciplinaires concernant aussi bien les sciences dures, bio-neurologie par exemple, que les sciences humaines, sociologie par exemple.
La croisade a été lancée dès 2011, prenant prétexte d’un nouveau programme de Sciences de la Vie et de la Terre qui préconisait, ô scandale, à l’occasion de l’étude de la sexualité « d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée ». Autrement dit, distinguer « identité sexuelle » et « orientation sexuelle », démonter les stéréotypes sur les « rôles sexuels ». Tout cela s’adressant à des élèves de 1ère. Insupportable pour l’épiscopat qui sur son site officiel se déchaîne : « Les nouveaux programmes de SVT (Sciences et Vie de la Terre) des Premières ES et L font référence à la « théorie du genre ». Une idéologie qui contredit la conviction chrétienne que l'on naît garçon ou fille. Et que Dieu créa l'homme et la femme l'un pour l'autre, pour qu'ils s'aiment et qu'ils transmettent la vie». Tout y est, à commencer par un mensonge – le programme ne fait pas référence à une théorie du genre - qui en amène un autre, le programme ne nie pas le sexe biologique, mais pour déboucher sur une affirmation dogmatique. Le cléricalisme, cette tentation constante d’imposer le dogme religieux à tous, dans toute sa splendeur.
Nos croisés de la manif anti homo ne cachent même pas leur jeu. Ils visent explicitement tout ce qui pourrait faire changer les mentalités sur l’égalité homme femme ou l’homophobie, dénonçant « la mobilisation du syndicat SNUipp en faveur de la lutte contre l'homophobie dès le primaire, ainsi que des amendements [à la loi sur l’éducation] destinés à promouvoir une «éducation à l'égalité de genre» » Au mépris de la liberté constamment reconnue des auteurs de manuels scolaires – dans le respect du programme – ils réclament « le retrait du concept de genre des manuels ».
Et donc, les cagots appellent à constituer des « comités de vigilance », en s’appuyant sur l’APEL (Association des parents d'élèves de l'enseignement "libre", entendez catholique), ce qui ne surprend pas, mais aussi sur la PEEP (Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public). «Cela nous permettra de sensibiliser les parlementaires et de préparer les municipales, car les élus locaux sont partie prenante dans l'achat de manuels scolaires et de livres pour les crèches. On n'oublie pas les crèches, dont beaucoup réfléchissent en ce moment à la “déconstruction des stéréotypes”.»
Tout est dit, sans vergogne. On n’est plus dans l’arrière-pensée politicienne, mais dans l’aveu sans fard d’un lobbyisme voire un entrisme forcené. Et le délire complet avec la mise en surveillance de crèche où, horreur, on pratiquerait des «jeux asexués». Fichtre, Mme de la Rochère voudrait-elle que nos bambins jouent « au papa et à la maman » ?
Une fausse cible, mais une vraie dérive.
La théorie du genre, forgée de toute pièce par la cathosphère n’existe pas. Elle sert donc de prétexte à une dangereuse campagne de vigilance qui ressemble fort à une atteinte à l’exercice serein de l’enseignement. Et qui rappelle, est-ce un hasard ?, la campagne de délation à laquelle SOS éducation avait appelé les parents à l'encontre des instits qui n'utiliseraient pas la "méthode syllabique" d'apprentissage de la lecture. Ici ce seront les éducatrices de crèches ou les instits de maternelles qui seront dénoncées pour « jeux asexués ». Et les enseignants qui lutteront contre l’homophobie.
Jusqu’à quand, ces cagots fondamentalistes, continueront à entretenir ce climat de tension au nom de leurs préjugés ?
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