20 années après, la « révolution bolivarienne » est un colossal échec
Un PIB divisé par deux ! un revenu moyen par habitant qui a fait un terrible saut en arrière, puisqu’il est revenu au niveau de 1953. Cette récession est une des plus douloureuses quand on la met en perspective : jusqu’en 1988, seuls les Bahamas avaient un revenu moyen par habitant supérieur à celui du Venezuela ; mais maintenant 90 % de la population d’Amérique latine et des Caraïbes vivent dans des pays au revenu moyen supérieur à celui des Vénézuéliens. Tandis que l’Amérique latine construisait ses classes moyennes, le Venezuela la détruisait. La montée de la pauvreté est accablante : 91 % de la population vit sous le seuil de pauvreté dont 65 % semblent dans une extrême pauvreté.
Cet effondrement économique n’est pas la conséquence d’une quelconque catastrophe naturelle, ni d’une quelconque confrontation guerrière, ni du paiement d’une quelconque indemnité de guerre. Non, la destruction économique du Venezuela est le résultat de politiques économiques intenables et rétrogrades que le pays a appliqué depuis 20 ans. La situation s’est d’abord détériorée graduellement avant de s’effondrer d’un coup.
Entre 1999 et 2009, le Venezuela, grâce à son pétrole et à un endettement international, a connu une croissance à 3,1 %, mieux que la moyenne de la région. Cette prospérité a masqué les conséquences néfastes sur l’implication, l’efficience et la productivité d’une économie soumise à de multiples règlementations, avec des prix fixés administrativement et la violation des droits de propriété. De plus les cours élevés du pétrole ont masqué la déprofessionnalisation et les manques d’investissements de Petróleos de Venezuela SA (PDVSA, compagnie pétrolière d’état), également chargée de financer et gérer les mesures sociales du gouvernement. Et il n’y eut aucune tentative crédible de réformer des finances publiques dont les recettes étaient de seulement 17 % du PIB, mais les dépenses de 35 %.
Les trous dans la caisse de PDVSA
2 milliards de dollars de la compagnie pétrolière d’état du Venezuela PDVSA (soit plus 1,7 milliards d’euros) ont été détournés entre 2007 et 2012 vers une banque d’Andorre. S’y ajoute la découverte de 124 millions de dollars (108 en euros) de commissions clandestines entre 2009 et 2013, placés sur des comptes ouverts, avec la complicité d’une Banque portugaise (Banco Espirito Santo, ça ne s’invente pas), en Suisse et à Dubai. Tout cela au bénéfice de membres de l’état-major de PDVSA ou des proches de Chávez. Parmi eux, sans doute, par l'intermédiaire d'un homme de paille, Ramirez, un ex ministre de l’énergie qui avait donc la haute main sur Petroleos de Venezuela SA, de 2004 à 2013, avant de devenir l’envoyé du Venezuela aux Nations Unies jusqu’à l’année dernière. Mais aussi deux ex vice-ministres ainsi qu’un ancien responsable d’une entreprise d’électricité publique à Caracas.
Mais à partir de 2012, la chute de la production pétrolière et la fin du supercycle de hausse des cours, révélèrent d’un coup toutes les fragilités économiques accumulées.
Entre 2013 et 2017, les recettes des exportations ont chuté de 58 %, en même temps que les marchés financiers – y compris la Russie et la Chine qui avaient généreusement prêté avec le pétrole pour garantie – ont fermé le robinet des prêts. Faute de devises, les importations ont, elles aussi, chuté de 78 %, et sans elles, la production interne s’effondre. Avec une dette extérieure équivalente à six fois la valeur de ses exportations, le Venezuela est en défaut de paiement.
En 2017, le déficit public a atteint 30 % du PIB.La création monétaire – la fameuse planche à billets – pour combler cet énorme déséquilibre des finances a eu pour conséquence, comme c’était prévisible, d’accélérer le taux d’inflation qui depuis septembre 2017 est entré dans une spirale d’hyperinflation. Aucun de ces problèmes ne vient de loin, la banqueroute, le défaut de paiement, l’hyperinflation sont le produit de l’effondrement économique. La question est maintenant de quoi faire !
Juan Guaidó, en recevant une reconnaissance internationale large, a redonné l’initiative à une opposition qui semblait hors jeu sous les coups du pouvoir, avec ses leaders emprisonnés ou en exil. Il a su aussi mobiliser la rue y compris les quartiers les plus populaires, jusqu’alors fiefs du chavisme. Il fait preuve aussi d’habileté en promettant une transition pacifique vers des élections présidentielles libres et transparentes – amnistie pour les militaires, promesse de faciliter l’exil de Maduro et celle aussi d’une aide humanitaire. Mais rien ne permet d’affirmer que la situation actuelle est le commencement de la fin de l’autocratisme au Venezuela.
De toutes les erreurs possibles, la plus néfaste serait que l’appui international se transforme en ingérence directe. L’Amérique latine est marquée par les interventions étatsuniennes le plus souvent négatives. Il ne faut pas non plus ignorer que la révolution bolivarienne a encore des partisans – par conviction, par peur ou par intérêt – qui pourraient, sinon défendre à tout prix le régime, du moins freiner les plans démocratiques d’un éventuel gouvernement de transition.
Le Venezuela pourra-t-il refaire le chemin inverse de celui qui a conduit à l’actuelle catastrophe ? Rétablir la démocratie, l’économie de marché, ne suffiront pas quand l’appareil productif, à commencer par celui du pétrole, semble obsolète et quand les besoins purement humanitaires (alimentation, soins) sont immenses.
Comment faire face au désastre économique, quand l’urgence est justement d’éviter d’aggraver la misère et qu’il faudrait immédiatement un plan d’aide humanitaire à la mesure de la gravité de la situation sociale du pays ? Pour juguler l’inflation, il faudrait arrêter de faire tourner la planche à billets qui finance les déficits publics. Ce qui suppose des mesures internationales pour accepter une réduction de la dette externe et un moratoire sur les remboursements. Car ne serait-ce que la remise en route de la production pétrolière au niveau d’il y a 20 ans ne se fera pas par magie. Accord difficile à trouver, cependant, puisque les créanciers les plus indulgents pour Maduro, la Chine et la Russie, risquent d’être les plus intransigeants en cas de transition démocratique.
Après l’URSS, après Cuba, le Venezuela a subi les maux d’un prétendu « socialisme réel » qui, de fait, a gommé largement les inégalités en réduisant à la misère les 9/10e de la population. Le chavisme, après l’euphorie trompeuse de la flambée des cours du pétrole, a réussi à faire d’une terre d’immigration, un pays qui perd près du dixième de sa population dans l’émigration. A la dérive économiquement, elle n’est pas à l’abri d’une dictature purement militaire : l’essentiel des entreprises qui survivent est entre les mains de l’armée. L’espoir d’une transition démocratique est donc ténu.
D'après
El momento de la razón
La cúpula de PDVSA cobró 124 millones en comisiones en Dubái
Pour compléter :
Mélenchon, l’incorrigible Imprecator sévit encore (Mélenchon et Chavez)
Venezuela
Les Vénézuéliens tenaillés par la faim
Venezuela : Maduro vers la guerre civile ?
Venezuela : les trucages minables des pro-Maduro
Venezuela : Le Media TV cède aux injonctions d'une officine madurienne
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