Voilà un peintre italien, Roberto Ferri, apparemment papadolâtre, si l’on en croit le portrait du titulaire actuel du poste et bigot avec son chemin de croix qui a de quoi ravir toutes les grenouilles de bénitier d’Italie et d’ailleurs, qu’on pourrait prendre, si le pape n’était contemporain, comme un artiste des siècles passés.
Et bien non, ces toiles méticuleusement peintes à l’huile, sont l’œuvre d’un quarantenaire, né en 1978 à Tarente, dans les Pouilles et qui, après des études au lycée artistique Lisippo de la ville, a commencé à étudier la peinture en autodidacte, si l’on en croit sa biographie sur son propre site. Arrivé à Rome en 1999, il est entré à l’école des Beaux-Arts de Rome où il a étudié la scénographie pendant 4 ans, avec Gaetano Castelli et Francesco Zito.
Il s’est intéressé à la peinture du Cinquecento à la fin de l’Ottocento (du XVIe siècle à la fin du XIXe siècle). Et il se place sous le patronage du Caravage d’abord et de la peinture académique de David, Ingres, Girodet, Géricault, Gleyre et Bouguereau (Bouguereau champion de l’art pompier et qui refusait les œuvres impressionnistes dans les expositions officielles).
Le Caravage, David, Ingres, Girodet, Géricault, Gleyre et Bouguereau.
Dans sa veine religieuse, on peut noter ce Saint François-de-Paul très orthodoxe.
On reste dans l’imagerie religieuse avec deux Saint Sébastien, aux blessures très insolites.
Sa Sainte Rosalie a l'extase lascive.
Mais le Saint Jean-Baptiste, apparemment tout aussi orthodoxe avec sa croix prémonitoire et son agneau, a déjà sa tête décapitée bizarrement posée à côté de lui.
Et bien sûr Salomé ne tarde pas à apparaître brandissant cette tête.
"Le chant de la Vierge" est un cantique funèbre sans doute.
Le Christ du chemin de croix perd son voile pudique.
Et le martyr anonyme git, nu.
Sa pieta n'a vraiment plus rien d'orthodoxe, à faire frémir les punaises de sacristie.
Et son art sacré devient franchement baroque avec des compositions complexes et des collages.
Les anges, déchus ou pas, prennent une grande place dans son oeuvre. A commencer par Lucifer.
"Fixant l’abîme, Lucifer déchu semble jeter un regard humilié, perplexe, ou arrogant. Ce personnage au corps sensuel, peint dans un style romantique, exerce sur les contemplateurs-rices un certain charme suranné. Roberto Ferri assume pleinement son inspiration baroque et romantique au moment même où le mode d’expression figuratif paraît désuet."
Ferri, maître du baroque contemporain
Et comme on le voit, Roberto Ferri a tranché la question du sexe des anges : ils en ont bien un ! Anges qui semblent parfois - sont-elle si jointes qu'elles se confondent ? - n'avoir qu'une aile.
Et on trouve même une succube aux ailes de chauve-souris.
KITSCH ?
"Peintre associé au mouvement kitsch qui encourage, entre autres, un retour à l’art figuratif, ses compositions obscures et érotiques sont beaucoup plus marquées que dans la tradition classique dont il s’inspire. Malgré sa manière traditionnelle de peindre, son œuvre est provocatrice et très moderne dans sa fascination pour le gore et la sexualité." nous dit le magazine Raise
Eros et Thanatos, thème inépuisable, où il peut convoquer la Déesse Ishtar...
Des nus féminins de facture classique deviennent des femmes plantes, des chimères diverses forment une faune inquiétante, et on passe parfois du kitsch au gore.
Avec le serpent présent dans de nombreux tableaux, il puise à nouveau dans la veine d'inspiration chrétienne, le serpent tentateur, le mal.
Cette "Eclipse", sous l'apparent réalisme de cette peinture figurative, comporte des anomalies anatomiques flagrantes : la musculature des deux hommes est plus qu'insolite, l'homme de dos semble même avoir un serpent sous cutané faisant relief, surtout la jambe droite de la femme est dans une position invraisemblable.
Cette scatologique "naissance du mal" évoque deux oeuvres de Montoya : Esfuerzo et Productos de mi tierra.
Délivre-nous du mal
Pour terminer sur une note plus profane, ce baiser en Hommage à Rodin.
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