Il est des plus plaisants de lire sous la plume de L. Joffrin*, l’homme qui dirige le Nel Obs, hebdo que les UMPistes (et mélenchonnistes) désignent comme la pravda des bobos germanopratins, de la gauche caviar et de la pensée unique social-bolchevik (ou social-traître), pourfendre la bien-pensance de gauche. Il est des plus inquiétants de voir sous la plume du penseur de service, J.C. Guillebaud**, se superposer insécurité et immigration.
Oser affirmer que la loi sur le voile intégral ne règle rien, serait donc appartenir à « une certaine bien-pensance de gauche ». Peut-on rappeler cependant que c’est une loi typiquement sarkozyenne, c’est-à-dire de circonstances ? Du côté de Nantes, une femme niqabée – mais de souche, comme on dit chez les gaulois, une convertie – se fait verbaliser en voiture, parce que sa tenue rendrait sa conduite dangereuse. Elle conteste. On découvre que son compagnon, folklorique barbu, serait polygame et frauderait les allocs. Selon le principe ubuesque « un fait divers, une loi », il fallut de toute urgence légiférer.
Alleluia, si j’ose dire, la loi allait libérer les pauvres femmes d’un « statut d’infériorité franchement moyenâgeux ». Sauf que, pour la Nantaise comme pour la Trappiste, il semble bien que cela relève de l’aliénation volontaire. Et que pour les autres, celles qui se voient imposer cet accoutrement qui n’a rien de coranique, cela se traduit par l’assignation à résidence.
Une loi qui ne change rien à rien
Loi quasi inapplicable, au demeurant. Sur France Inter, il y a quelques jours, un officier de police expliquait que toute intervention était délicate. Une sociologue ajoutait que pour qu’une telle intervention soit comprise – que l’application de la loi ne soit pas ressentie comme de pur arbitraire – il faudrait que les représentants de la loi ne se comportent pas eux-mêmes comme au-dessus des lois.
Certes, en l’occurrence, il ne s’agit pas de contrôle d’identité au faciès. En fait, ce n’est pas un contrôle, mais un relevé d’identité qui doit entraîner une amende. Et qui, si l’action était efficace, devrait aboutir à ce que la fautive dévoile son visage, non seulement pendant le relevé d’identité, mais après. Or, il n’en est rien. Et on peut apprendre, incidemment, qu’un homme d’affaires, tout en réprouvant comme il se doit ce niqab, prend en charge ces amendes de 150 €. Des centaines de relevés d’identité, avec avertissements ou amendes, pour combien de niqabs définitivement abandonnés ?
Oser avancer qu’une démarche de conviction serait, peut-être, plus efficace, que, s’il y a contrainte, ce n’est pas la victime qui doit être sanctionnée, me ferait ranger immédiatement dans le fameuse bienpensance bisounours ! Est-il possible cependant de s’interroger sur l’utilité d’une loi qui ne change rien à rien ? Et qui ne satisfera jamais les fondamentalistes d’une pseudo-laïcité qui en sont à réclamer l’interdiction d’un prétendu « voile islamique », c’est-à-dire un foulard, un fichu, dans tous les lieux publics.
Méthode CIC et bonnes questions
Dans la foulée, M. Guillebaud reprend à son compte une phrase de L. Fabius en 1984 « Le Pen pose les bonnes questions, mais apporte les mauvaises réponses.». Comme à son habitude, il emploie ce qu’on pourrait appeler la méthode CIC : vous savez, cette pub pour cette banque, qui nous présente un représentant d’une anonyme banque concurrente dont la totale incompétence jette son potentiel client dans les bras de l’agence CIC ! La méthode Guillebaud est la même. D’un côté, d’anonymes défenseurs de la monnaie unique (l’euro) qui campent sur une manière de ligne Maginot, de l’autre des économistes insoupçonnables, J. Sapir et F. Lordon. Si, comme le client de la banque vous ne quittez pas ces attardés de la défense de l’euro, pour les insoupçonnables partisans d’une sortie concertée de l’euro, vous manquez totalement de clairvoyance !
Comme Joffrin, deux pages avant, il a recourt aux anathèmes habituels de la droite dure contre le politiquement correct progressiste, l’humanisme progressif : il ne manque que l’angélisme et le droit-de-l’hommisme ! Et pour illustrer les « vraies questions » il superpose insécurité et immigration. La réponse est OUI, dira Marine Le Pen, mais quelle est la vraie question, M. Guillebaud ? Que veut dire cette formule : l’immigration mal régulée pose durablement problème ? Ce durablement implique qu’il s’agit d’une immigration passée : mal régulée ou pas, on n’y peut plus rien. Et s’il suffisait d’une réponse énergique pour mettre fin à la quasi-sécession de périmètres de la République, depuis le temps (2005) qu’un ministre de l’intérieur a promis de passer les banlieues au karcher pour les débarrasser de la racaille, le problème devrait être résolu.
Le yakafokoncétousimpl, arme absolue des démagogues de tout bord ne peut être contré. Car il n’y a pas de solutions miracles.
A juste titre, Ayrault et Valls, à Trappes, ont fait preuve de fermeté. Cela n’empêchera pas que Copé le cynique les accuse mensongèrement de laxisme. Et cette indispensable fermeté ne règle absolument rien sur le fond. Ainsi, les coups de pieds dans la fourmilière des petits trafics qui pourrissent la vie quotidienne de certains quartiers sont indispensables, mais s’y limiter ne reviendra qu’à déplacer le problème. Si Valls, se contente de faire du Hortefeux – autrement dit du Sarkozy, coups de menton et opérations poudres aux yeux – si, par exemple, il ne remet pas au pas des policiers qui se croient, au sens propre, hors la loi, s’il ne revient pas au travail de fond entamé par Daniel Vaillant, et brutalement démantelé par Sarkozy, avec la police de proximité, l’échec est assuré. Sept ans de sarkozysme sécuritaire l’ont démontré.
* Voile Intégral : c’est la loi qui libère Nel Obs 25/07/13
** Il faut s’approcher du feu Nel Obs 25/07/13
Une lettre au courrier des lecteurs, portant sur le seul édito de Joffrin, est publié dans "Paroles de lecteurs" du Nel Obs
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