Une fois encore, on nous ressort « les réflexions du laboratoire d’idées Terra Nova » qui, pour J.-L. Amselle (L’Obs 27/11/2014) a poursuivi un mouvement de « découpage au sein du corps social d’entités identitaires de genre et de race [entailles verticales] au détriment des identités horizontales de classe ». Le propos est un peu abscons, mais reprend une caricature lancée par de jeunes copéistes, Badat, Bedin, Fanfant, Didier tous secrétaires nationaux de l’UMP*.
Caricature reprise, mais du coup à l’extrême gauche par un professeur de sciences-Po qui, tout comme les jeunes copéistes, fait dire au rapport ce qu’il ne dit pas et dénote un total mépris pour les précarisés, ce lumpenprolétariat, en référence à l’anarchisme du XIXe siècle qui met ses espoirs dans les sans-métier, les sans-travail, trimardeurs, filous, prostituées, déclassés : révolutionnaires de demain.
On voit agir, à peine plus subtilement, la mécanique du mensonge à la Sarkozy qui de citations tronquées, en interprétations douteuses aboutit à clamer que le PS abandonne la classe ouvrière.
Libé a bien démonté l’hoax à la Sarko. Il part d’une phrase de Daniel Vaillant, en février 2002 : « Il n’y a pas de sentiment d’insécurité sans insécurité réelle, même s’il peut y avoir un sentiment d’insécurité qui dépasse l’insécurité réelle. » Cela devient pour Sarko en campagne en 2012 : « Comme en 1997 ? Comme quand Monsieur Jospin disait qu’il n’y avait pas d’insécurité mais seulement "un sentiment d’insécurité" ? » Le double mensonge est déjà éhonté puisque ce n’était pas Jospin et la phrase est tronquée pour lui faire dire l’inverse de ce qu’elle disait. Et ça devient en 2014 : Jospin avait dit à une dame qui avait peur dans le métro : Madame, vous n’avez pas peur, vous avez l’impression d’avoir peur. Là du coup, le bobard devient un petit chef-d’œuvre puisque voilà Jospin, comme Zazi, dans le métro, et qui s’adresse à une dame en lui tenant des propos incongrus.
Pour Terra Nova, c’est à peine plus subtil. D’abord, ça devient donc la position du Parti Socialiste, alors que Terra Nova est certes proche mais indépendant du PS (l’extrême-gauche lui reproche d’ailleurs son financement indépendant). Amselle, moins caricaturalement, dit que ça a inspiré la campagne de François Hollande. Sauf preuve du contraire, Olivier Ferrand n’a pas été membre de l’équipe de campagne de Hollande. Mais, de fait rechercher des pistes pour avoir une majorité a dû effleurer l’esprit du candidat socialiste.
Certes, s’agissant de recherche d’une majorité électorale en 2012, le rapport parle quartiers populaires (avec notamment la France de la diversité), qui votent à 80% à gauche en 2007, jeunes (70%) et femmes. Ce rapport, horriblement hérétique, considère qu’il n’y a plus de vote unifié de classe et va même jusqu’à dire que la grille de lecture pertinente n’est plus les classes sociales mais la division "outsiders"-"insiders". C’est-à-dire d’un côté les milieux populaires déclassés, victimes du précariat, du chômage, de l’exclusion, et souvent discriminés ; de l’autre les milieux populaires intégrés, qui ont un emploi stable, en CDI, mais qui, travaillés par la crise, ont peur du déclassement et sont tentés par le repli identitaire.
Mais, même s’il met l’accent sur ces outsiders, ce rapport, dont l’objet est de proposer des pistes pour bâtir une majorité, ne propose évidemment pas d’abandonner ces classes populaires intégrées, un temps, séduites par le discours de Nicolas Sarkozy, valorisant "la France qui se lève tôt" contre les "assistés" (discours toujours en vogue du côté de Sarko !). Et, bien sûr, il faut aussi maintenir voire augmenter son attractivité sur une partie des classes moyennes (les « diplômés »), car, répétons-le le rapport avait pour objet de proposer des pistes pour avoir la majorité 12 mois plus tard. Ce n'était donc pas une étude sociologique théorique sur les entités identitaires.
On peut certes, avec M. Amselle, considérer que la seule grille d’analyse qui compte est celle en classes sociales, même si, comme le rappelait le rapport, ce dont convenait d’ailleurs le prof de Sciences Po, « la classe ouvrière [n’est] plus ce qu’elle n’a jamais été (une classe unifiée consciente d’elle-même porteuse de progrès) ».
Il n’en restera pas moins que les ouvriers sont de moins en moins nombreux : plus du tiers des actifs en 1981, moins du quart aujourd'hui ; et que deux ouvriers sur cinq travaillent dans le secteur tertiaire, isolés, non syndiqués. Et la grille de lecture proposée par Terra Nova s’est révélée assez pertinente en ce qui concerne la victoire des présidentielles et le reste dans les défaites des municipales ou des européennes où les outsiders ont boudé les urnes.
Et les préconisations d’Olivier Ferrand - au plan socioéconomique, la justice sociale et la solidarité, un Etat social fort et redistributif ; au plan culturel, une société ouverte et tolérante – sont, hélas, plus que jamais d’actualité.
* Une vraie armée mexicaine aux fonctions des plus folkloriques, le ponpon allant sans conteste au jeune G. Didier, futur complice de Peltier : Samia Badat, secrétaire nationale de l'UMP chargée des nouveaux engagements solidaires ; Camille Bedin, secrétaire nationale de l’UMP en charge de l’égalité des chances ; Pierre-Yves Bournazel, secrétaire national de l'UMP en charge des grandes métropoles ; Geoffroy Didier, secrétaire national de l’UMP en charge de la protection des riverains et de la lutte contre les nuisances aéroportuaires ; Coumba Dioukhane, secrétaire nationale en charge de la recherche ; Nathalie Fanfant, secrétaire nationale de l'UMP à la lutte contre les discriminations ; Charles Givadinovitch, secrétaire national de l'UMP à la lutte contre la précarité et la pauvreté ; Benjamin Haddad, secrétaire national de l'UMP à la vie étudiante et l’entrée dans la vie active
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