Il y a un an et demi, je m’interrogeais « Rocardien, malgré Rocard ? ». L’entretien qu’il vient d’accorder à Guy Sitbon de Marianne me permet de me retrouver rocardien avec Rocard.
« Approuvez-vous le discours de Grenoble où le président de la République déclare son intention de déchoir de la nationalité française les citoyens d’origine étrangère qui attenteraient à la vie d’un policier ou de tout autre détenteur de l’autorité publique ?
Non, je ne l’approuve pas. Non, résolument et totalement. Je condamne et la substance et le procédé.[…] on veut maintenant introduire une nouvelle catégorie de « citoyens d’origine étrangère ». […] Je sais bien que le président recherche d’abord les effets d’annonce. Cette loi ne verra jamais le jour. Mais ça ne change rien aux intentions. Et les intentions, je vous le dis comme je le pense, les intentions sont scandaleuses. […]Je dis qu’il le paiera et qu’il l’aura mérité. […]Avoir supprimé la police de proximité, c’est dramatique. Et on le paie. La délinquance augmente et augmente. La politique du « tout répression » favorise les tensions, accroît la délinquance. Et pourquoi ? Parce qu’on donne priorité à l’électoral. C’est exécrable, scandaleux.
Mais le pire, c’est que ça ne marche pas. Il n’y a d’amélioration ni sur le plan de la sécurité ni sur celui de l’immigration. On peut faire de grands discours mais, dans la réalité, la marge de manœuvre est faible, aussi bien pour la droite que pour la gauche. […] Quand on va chercher l’électorat du Front national, voilà sur quels scandales on débouche. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy, on n’avait pas vu ça depuis les nazis. Mettre la priorité sur la répression, c’est une politique de guerre civile. »
Extraits http://www.marianne2.fr/Michel-Rocard-Sarkozy-le-paiera-et-il-l-aura-merite_a196027.html
Bêtement j’ai acheté Marianne papier et je tombe d’abord sur une brève intitulée « Si Vaillant n’existait pas… » où l’anonyme rédacteur écrit : « En 2002, lorsqu’il[Daniel Vaillant] était en poste Place Beauveau, l’insécurité n’était pour le PS qu’une invention ». Une telle assertion s’appuie sur quel texte, quelle déclaration ?
Plus loin, un article (signé lui), intitulé « Le blues des intellectuels hier sarkozystes » - faux titre au demeurant puisque trois au moins semblent encore très sarkozystes à commencer par l’ex-chiraquien de l’école de Brive – A. Lacroix, dans l’art des fausses symétries oppose « D’un côté la diabolisation des saillies sarkozystes, à l’aide d’un « prêt à penser » daté qui est celui d’un anti-racisme idéologique auquel répondent… ». Un condensé de clichés à la mode : diabolisation bien sûr, le « prêt-à-penser » (là on est plutôt dans le prêt-à-écrire pour ne rien dire) et surtout cet « anti racisme » idéologique et daté. Que c’est dépassé, ringard l’anti racisme. Et plus loin il est question de nombreux (?) « droit-de-l’hommistes » ralliés à Sarkozy ! Sans oublier les desservants de la pensée qui concluent l’article.
Pour qui a lu quelques propos de Tillinac, l’immortel auteur de Chirac, le gaulois, apprendre qu’il fait entendre un plaidoyer des plus argumentés peut surprendre. Mais on est vite rassurés : « si maintenant on n’est pas raide, dans dix ans, la Légion étrangère devra intervenir », « les minorités ne peuvent être bien accueillies que si la majorité est assuré de sa supériorité symbolique » et ne parlons pas de cette légèrement xénophobe question, qu’un souchiais identitaire ne démentirait pas : « Est-ce qu’il faut être musulman, voire sikh ou boudhiste, pour avoir droit à la parole dans ce pays ? ». Mais non, même les corréziens ont le droit de dire n’importe quoi. La preuve : « Il faut arrêter de culpabiliser les gens qui aiment la choucroute, parce que Hitler aimait la choucroute » ; quel amateur de choucroute a entendu une telle imbécillité ? Rien qui ne change donc des niaiseries auxquelles il nous avait habitués. Lire aussi que le polygraphe Gallo est talentueux pourrait faire un choc. Surtout quand il nous apprend que nous piétinons dans un champ de mines depuis près d’un demi-siècle.
Mais la palme du »prêt-à-écrire » revient à un prétendu politilogue, Taguieff : « gauche bien-pensante », « personnalités convenablement morales », « belles âmes », « stéréotypes pseudo-antifascistes éculés » (au fait qui traitaient certains médias ou journaliste de fascisme ou même de trotsko-fascisme). Encore un plaidoyer des plus argumentés !
Nos pseudo-intellectuels renvoient à la « réalité » : et oui, + 16 % de violences envers les personnes de 2003 à 2009, ce qui démontre toute l’efficacité des rodomontades sarkozyennes.
Et, en bouquet final la « Kahnerie » - l’ex-directeur a encore colonnes ouvertes – où il s’en prend aux « hiérarques socialistes » qui « ont remis sur la platine leurs vieux disques rayés. Avec les mêmes expressions insupportables, la même logomachie éculée ; « dérive sécuritaire », « dérapage populiste », relents nauséabonds », « stigmatisation des populations ». Avec une mauvaise foi certaine, il écrit « Poser la question des campement sauvages roms, c’est stigmatiser les gens du voyage. Evoquer le lien entre la ghettoïsation ethnique et certaines formes de délinquance, c’est stigmatiser les populations étrangères. » Tout cela pour lui est un « déni de réalité «.
Rappelons d’abord que l’imprécateur a écrit quelques paragraphes plus haut « le gaillard n’y a pas été avec la queue de la louche. Ce dont, en effet, personne n’aurait ne fût ce qu’ »osé » avoir l’idée depuis le Premier ministre collabo Pierre Laval, lui a soudain traversé l’esprit ». Comparer Sarko à laval est plus bénin que de dénoncer un « dérapage populiste » ! D’autant que plus loin, il a ajouté que la « saillie grenobloise » « prend, en effet, une teinte intrinséquement pétainiste ».
Rappelons, ensuite qu’il s’en prend, selon la méthode finkielkraut, à d’anonymes « hiérarques* » et que les « expressions insupportables » qu’il leur prête (qui a dit quoi M. Kahn ?) sont parfaitement justifiées ne lui en déplaise. Quant aux exemples qu’il donne, ils trahissent encore sa mauvaise foi délibérée. « Roms » et « gens du voyage », s’ils ont, pour une part au moins, de lointaines origines communes, sont les uns sédentaires, les autres, comme leur nom l’indique, au moins semi-nomades ; les premiers sont d’origine roumaine, les seconds français depuis des générations. La grave affaire de Saint-Aignan ne concerne pas les « roms ». Détruire les bidonvilles illégaux dans lesquels s’entassent les roms n’a aucun rapport ni avec Saint-Aignan, ni avec Grenoble. S’agissant des « gens du voyage » stigmatisés, quoique dise JFK, 80 % des communes concernées sont dans la totale illégalité en ne leur offrant pas des aires d’accueil. Illégalités à éradiquer ici, illégalités parfaitement supportables là. Quant au lien entre « ethnique » et « délinquance », un minimum d’explicitation s’imposerait.
Ajoutons au passage que Mme Boutin, qu’on ne soupçonnera pas d’être une « hiérarque socialiste », dénonce la stigmatisation et l’amalgame.
Ceci dit, la thèse de Kahn est juste. Sarko n’a aucune colonne vertébrale idéologique. S’il fallait se faire élire par les papous, il se mettrait un os dans le nez ! Un « voyou** », sans « foi ni loi », avec qui le pire est toujours sûr. Ce qui ne disqualifie aucunement, au contraire les accusations de « dérives populistes » !
* Dans ce qu'ils appellent le "discours de Grenoble", […] ils ont vu un "candidat Sarkozy en campagne", plutôt qu’un président"digne de sa fonction". Un candidat "à droite toute" qui "clive les Français et meurtrit le sentiment républicain", selon la formule du député socialiste Pierre Moscovici. Un candidat qui se cantonne aux "énervements de matamore pour masquer l’échec de la politique de sécurité, à défaut de passer au Kärcher les conflits politico-financiers d’usage à l’UMP", gronde la députée PS Aurélie Filippetti. Pour Ségolène Royal, une République "qui pourrit par le sommet".
"En liant nationalité et délinquance, il fait ce que personne n’a jamais osé faire dans l’arc républicain, s’alarme Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du PS chargé de la sécurité. Jusqu’à présent, ce discours était l’apanage de l’extrême droite." Pierre Moscovici va plus loin: "Qu’est-ce que ça veut dire, Français de souche et Français d’origine étrangère? Faudra-t-il bientôt porter un signe distinctif pour le savoir? Cette mesure scandaleuse rappelle celles en vigueur sous l’Occupation." Comme on le voir les « hiérarques socialistes » ne sont pas loin de la comparaison kahnienne avec Laval !
** A noter que l’interviewer de Rocard lui est choqué par ce « voyou ». Car insulter le président, c’est l’insulter. Confusion totale donc entre la fonction présidentielle et celui « qui fait président » et qui prend cela comme un job.
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