Le cadavre de l’opposant à Poutine était encore tiède que déjà les idiots utiles, soutiens du régime poutinien, crachaient dessus. Et sur ses amis. La provocation bien sûr. Ou la piste islamiste. Ou même le crime passionnel ou mafieux. Et pour mieux molarder, on rappelle son passé Eltsinien !
A peine Anna Politkovskaïa assassinée que les kremlinophiles expliquaient déjà que Poutine était le moins intéressé par l’exécution de la journaliste, le jour même de son anniversaire ; son meurtre, par son retentissement, causait plus de préjudice au pouvoir qu’elle critiquait que tous ses articles qui n’avaient que peu de retentissement ! Pour Boris Nemtsov, d’entrée le Kremlin, prétend que son meurtre relève dela provocation. Car Poutine n’avait, comme pour la journaliste, aucun intérêt à ce qu’il soit abattu. Le niveau de popularité du tchékiste est sans commune mesure avec celui de l’opposant qui atteint au mieux celui d’un citoyen lambda. Quasi du copié/collé d’un assassinat à l’autre.
Un crime commis par les opposants eux-mêmes dans le but de « provoquer une réaction à la Française: des manifs monstres pour s'opposer au pouvoir, pour dire "Je suis Nemtsov" » commentera un certain Huynh Tran. Que l’hypothèse soit odieuse ne dérange pas les poutinolâtres, mais les plus sensés sentent qu’elle est trop fragile. Donc on va multiplier les pistes.
Piste islamiste bien sûr, car Nemtsov aurait soutenu Charlie-Hebdo et la voiture des tueurs était immatriculée en Ingouchie.
Plus fort, la piste affairiste voire mafieuse. Nemtsov a présidé de 2004 à 2006 la Neftyanoi Bank qui fut accusée de blanchiment et dû fermer ses portes en avril 2006. En fait, était visé son propriétaire Igor Linshits, connu pour soutenir Mikhail Kasyanov, un ancien premier ministre de Poutine, devenu son opposant. Linshits prudemment s’exila et finalement, quelques années plus tard, toutes les charges contre la banque furent abandonnées ! C’est dire le sérieux de l’hypothèse.
Encore plus fort, la piste passionnelle à la Closer : la demoiselle qui accompagnait le dissident, mannequin ukrainienne, aurait avorté en Suisse après une rupture qui se serait mal passée ; de quoi laisser entendre qu’un ex-amant jaloux…
Quelques kremlinophiles plus sensés font état de la piste des ultra-nationalistes, chauffés à blanc contre ceux que la propagande poutinienne désigne comme la cinquième colonne, abattant donc Nemtsov qui combattait la politique ukrainienne du tchékiste et promettait de prouver que, contrairement à ses allégations, des soldats russes étaient bien impliqués dans le Donbass.
Sauf que Jacques Sapir, dont on ne connaissait pas les dons de criminologue, décortique le meurtre pour en démontrer le caractère "minutieusement planifié". Nemtsov se promenait avec une amie sur le Grand Pont de pierre, juste à côté du Kremlin, quand "vers 23h15, une voiture s'est approchée d'eux, quelqu'un a tiré des coups de feu, dont quatre l'ont touché dans le dos, causant sa mort", d’après la porte-parole du ministère russe de l'Intérieur.
Sapir brode longuement sur le fait que, techniquement, tirer d’une voiture sur un piéton, surtout sans toucher sa voisine, est très professionnel. Sauf qu’il ressort des images d’une lointaine caméra de vidéo-surveillance – malheureusement occultées au moment même de l’assassinat par le passage d’une déneigeuse ! – que le tueur, à pied, remonte dans une voiture qui l’attend.
Mais dans ses longues considérations, il note que, comme la voiture ne pouvait pister le couple, dont une partie du parcours était piétonnier, cela impliquait très probablement un ou plusieurs complices suivant Nemtsov et indiquant par téléphone mobile à l’automobile leur situation. Il oublie cependant un détail : que, comme Navalny qui ne peut faire deux pas sans être arrêté, Nemtsov, ne pouvait manquer d’être pris en filature. Donc soit les policiers filocheurs sont restés passifs, soit même ils étaient les complices envisagés par Sapir.
En toute hypothèse, qu’on puisse assassiner un opposant, en plein cœur de Moscou, à portée d’arbalète du Kremlin, ne plaide pas pour la fiabilité des mesures de sécurité anti-terroristes dans la capitale russe.
Un affreux libéral Eltsinien
Non contents de lancer des pistes variées, nos poutinolâtres nous expliquent tout le mal qu’il faut penser de « ce vieux jeune homme de 55 ans dont les boucles brunes étaient devenues grises », comme le décrit avec la plus grande élégance, l’ex-correspondante du Figaro à Moscou.
Comme Sapir, elle rappelle qu’il fut promu par Eltsine, dont la politique aboutit à un krach économique en 1998 ! Et elle nous présente, sans vergogne aucune, Vladimir Poutine comme le sauveur, appelé à la rescousse d'un pays en faillite. Sauf que, ce miraculeux recours fut tout autant que Boris Nemtsov, Egor Gaïdar, Irina Khakamada, Grigori Iavlinski ou encore Serguei Kirilienko, etc. partie prenante de la récréation pseudo démocratique de la Russie Eltsinienne. Et que Poutine, obscur lieutenant-colonel du KGB, puis homme de l’ombre derrière Anatoli Sobtchak, maire de Saint-Petersbourg, ne doit qu’à Eltsine d’être nommé à la tête du FSB qui succède au KGB. Et c’est toujours Eltsine qui en fait son successeur. Et les règles du jeu économique, même si ce n’est plus le gigantesque «bardak» (bordel) que décrit la dame du Figaro, restent bien opaques et totalement arbitraires. Et les oligarques emprisonnés ou assassinés ne le sont que pour des motifs politiques. Ceux qui sont bien en cour continuent à se gaver, comme devant.
On ne saura sans doute jamais qui a commandité le meurtre de Boris Nemstov. S’il s’agit d’un contrat, peut-être, comme pour le meurtre d’Anna Politkovskaïa, des hommes de main seront-ils arrêtés. S’il a été exécuté par des membres d’une officine secrète, le mystère entier demeurera.
“Aujourd’hui, on peut distinguer les libéraux et les patriotes à leur utilisation du verbe ‘tirer’. Les premiers disent ‘Tirons-nous’ tandis que les seconds disent ‘Tirons-leur dessus’. […] Il faut de toute urgence en finir avec les notions de ‘national-traître’ et de ‘cinquième colonne’ dans le lexique politique et médiatique, sinon il pourrait y avoir de nouvelles victimes.” (Konstantin Kalatchev, cité dans Courrier International)
NB Le dessin un peu francisé est tiré de Courrier International 05/03/2015
Dans la série "J'irai cracher sur sa tombe", Mélenchon ne laisse pas sa part aux chiens F-Haineux, avec son art tout particulier de l'attaque ad hominem, il traite Nemtsov de "voyou politique de la période la plus sombre du toujours titubant Boris Eltsine", feignant d'oublier que le tchékiste Poutine fut l'héritier choisi par l'éthylique !
Libération 7 mars 2015
Faut-il ajouter que Mélenchon récite la propagande russe (dont 'NationPresse', pro-FN, se fait aussi l'écho) ? car les 600 soldats de la 173e brigade aéroportée prétendument déployés en Ukraine l'ont été en Pologne et dans les Pays Baltes !
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