A l’OBS, ils se sont mis à deux pour faite un article hagiographique sur le grand philosophe bas normand, pardon cosmique, Onfray. Marrant de voir notre duo parler du « petit milieu parisien » - on échappe quand même aux bobos – pour déconsidérer ceux qui osent dire que ce prof de philo est un imposteur.
Mais la belle histoire qu’ils rapportent est entachée de demi-vérités, de fausses affirmations et d’allégations controuvées.
Et première imposture, sa démission de l'Éducation Nationale, alors qu'il était prof de philo dans un établissement technique confessionnel, l'Institution Sainte-Ursule !
Comme le rappelle J. Daniel, ni Guilloux, ni Guéhenno, ni Giono tous les trois fils de cordonnier n’en tiraient ni fierté, ni honte, ni complexe. Tandis que, si on en croit Pascal Bruckner, le Michel "C’est quelqu’un qui ne s’est jamais remis de ses parents pauvres. Il a dû se battre pour s’imposer, il a eu faim socialement, et, dans cette faim, je me reconnais. Même aujourd’hui, la blessure sociale ne se referme pas, et là aussi je me reconnais en lui, car je sais que ce sont des choses qui ne cicatrisent jamais."
Pensez donc ! Le malheureux enfant d’un ouvrier agricole et d’une femme de ménage, fait reproche, en quelque sorte, aux vilains, avares d’admiration à son égard, des malheurs qu’il aurait subis dans son enfance, dans une institution religieuse proche des internats franquistes de l’époque dans ses méthodes.
« Il est devenu athée, tôt. » Tellement que, certes, s’il est « devenu professeur de philosophie dans un lycée de Caen », c’est dans un établissement répondant au peu laïque nom de Sainte-Ursule. Parler ensuite de démission de l’éducation nationale relève de la même imposture. Donc, tout athée précoce qu’il fût, il a bien dû gagner sa croûte dans un Lycée technique confessionnel.
On atteint le burlesque avec ses prétendus démêlés avec le petit milieu de l’édition parisienne, "qui ne connaît pas le monde, et qui est obsédé par la conservation du pouvoir". Voilà donc un petit prof de philo de province qui envoie un manuscrit chez Grasset : Jean-Paul Enthoven*, éditeur et ami de Bernard-Henri Lévy, le repère, et l’appelle aussitôt. On conviendra qu’un tel traitement est tout simplement odieux.
Mais comme il ne recule devant aucune insinuation fielleuse, il confie que comme l’argent n’était pas son affaire il s’est contenté longtemps d’une mensualité équivalente à un salaire, laissant le reste de ses droits d’auteur dormir sur le compte de Grasset. Sauf, que cette révélation explique aussi la courageuse démission, non de l’EN mais de l’enseignement privé catho.
Qu’on entende bien : que l’athée avec sa maîtrise de philo, faute d’avoir le CAPES, se rabatte sur le privé confessionnel, soit, il faut bien gagner sa vie ; qu’il profite des revenus tirés de la vente de son (ou déjà ses) bouquin(s) pour lâcher l’enseignement de la philo à des élèves du technique pour qui c’était une matière très secondaire et cela pour se lancer dans un super ‘café philosophique’, très bien. Michel Tozzi n’avait pas attendu 2002 pour fonder le café philosophique de Narbonne (1996) ! Et le mouvement des universités populaires n’a pas attendu Onfray « pour rendre le savoir accessible au plus grand nombre ».
Mais l’intention est louable, même si le contenu est discutable.
Le ON est haïssable
“Lorsque je suis arrivé à Paris, prétend-il, on m’a dit : “Il faut quitter votre femme, votre boulot, mettre vos souvenirs dans une maison, murer les portes et les fenêtres, on va vous faire un autre passé, et vous aurez une carrière.” J’ai refusé de faire allégeance, moi." (Tout en prétendant : “On m’aimait bien, dans ma petite case, je ne poussais pas les murs." Le principe de non contradiction ne fait pas partie de la logique onfrayenne).
Mais quel est donc ce « ON » aux exigences totalement invraisemblables, pour ne pas dire stupides ? Le même on qui l’invite à écrire pour "la Règle du jeu", la revue de Bernard-Henri Lévy, ou pour "Globe", le magazine de Pierre Bergé ?
Et là, on, c’est le cas de le dire, on est au cœur de la méthode onfrayenne ! Tout provincial anti-parisianiste qu’il prétend être, ce grand réprouvé des médias, qui avait antenne ouverte cet été sur France-Culture (mais qui refuse d’aller sur France-Inter), qui fait la une de L’OBS – pas parisianiste pour un sou – deux fois quasi de suite, qui se vante de faire 30% d’audiences chez Ruquier et sa clique, à laquelle prétend-il aussi il a refusé d’appartenir, qui est interviewé par le Figaro et a droit, pour répondre à Libé, à une tribune du Monde, nous joue le grand air victimaire !
Ainsi a-t-il commis un livre anti-Freud de la plus belle encre. Même ses deux thuriféraires de L’OBS estiment que c’est un livre largement critiquable, où les interrogations légitimes se mélangent à des raccourcis tout simplement faux, mais pour ajouter qu’il a subi un déferlement de violence peu commun. On ne touche pas sans risque aux idoles des intellectuels parisiens (sic).
Onfray attaque Freud et les tenants de la psychanalyse ont contre-attaqué : rien que de prévisible et pas de quoi parler d’un déferlement !
Trio caricatural : Onfray face à Zemmour arbitrés par FOG (Frantz-Olivier Giesberg)
Même chose, très récemment quand Libé, sous la plume de Joffrin, relève les énormités qu’il a commises dans un entretien avec Le Figaro.
Passons sur l’insinuation de trucage d’une photo - à l’ère numérique, une photo peut être une manipulation à la portée du premier venu - calomnieuse pour la journaliste qui l’a prise. Passons sur la forme impersonnelle – variante du ON – où de mystérieux inconnus (médias ? intellectuels parisiens ?...) qualifieraient l’histoire, la géographie et la démographie de réactionnaires !
Mais son peuple old school oublié au profit de micropeuples de substitution : les marges célébrées par la Pensée d’après 68 – les Palestiniens et les schizophrènes de Deleuze, les homosexuels et les hermaphrodites, les fous et les prisonniers de Foucault, les métis d’Hocquenghem et les étrangers de Schérer, les sans-papiers de Badiou, cette accusation de ceux qui défendent les droits de minorités ou d’opprimés de mépris du peuple est tout simplement abjecte.
Et cache la vraie motivation : le refus de l’immigré (sauf s’il remonte aux mythiques vikings). Eh bien ! sans vergogne aucune, Onfray clame que "Libération" lâche "les chiens contre moi", "c’est de l’acharnement". Et, tel Finkielkraut critiquant un film qu’il n’a pas vu, il se vante de n’avoir pas lu l’article mais affirme qu’on l’a mal compris !
“Il suffit de regarder ses livres - qu’il est fort difficile de qualifier de «sérieux», ou «de qualité» sans en rire - pour comprendre deux ou trois questions fondamentales. Puisque «Michel» ne se sent pas reconnu par le monde universitaire ni par celui de la «haute culture» en tant que philosophe, il s’obstine depuis plusieurs années à attaquer systématiquement de grands auteurs, afin de montrer qu’ils ne méritent pas la gloire dont ils jouissent. Qu’ils doivent celle-ci à leurs impostures, à leurs mensonges, à leurs falsifications. Ou à leurs privilèges de classe. Ou parce que ceux qui les ont adorés étaient eux-mêmes des tordus, des snobs, des salopards finis. Son identification délirante à Camus philosophe et sa haine farouche envers Sartre (…) constituent d’excellents exemples. Et que dire de ses interminables diatribes contre Freud, Sade et même Kant ? Ces génies dont la seule existence révulse Onfray qui sait d’avance que, même en rêve, jamais cette qualité ne lui sera attribuée ?
[…] S’il se sert des thèses chères à l’extrême droite, affirmées ou sous-entendues, ce n’est pas pour faire un clin d’œil à Marine, mais pour sa propre gloire politique. Parce qu’il sait que ces idées sont très populaires et qu’il a de fortes chances d’être entendu. Croit-il vraiment que la photo d’Aylan a été une manipulation ? Que le gouvernement s’intéresse davantage aux réfugiés qu’au peuple «old school», dont les filles et mères de famille sont contraintes de se prostituer pour manger des ravioles ou aller au cinéma ? Pas plus qu’à la sortie de l’euro ou la perte de souveraineté de la douce France.”
Marcela Iacub (Chronique Libération 08/10/2016 Extraits)
Mal compris sans doute quand il commente la proposition de Jacques Sapir, l’anti-€uro obessionnel, d’une alliance "à terme" avec Marine Le Pen : "L’idée est bonne de fédérer les souverainistes des deux bords."
Michel Onfray n’est pas plus philosophe que je ne suis marchand de Nutella. Il est, nuance, prof de philo, avec les qualités afférentes à ce corps de métier : verbe fluvial, rhétorique aux poings, art du panorama. Sur France Culture cet été, on pouvait avoir à 11 heures Michel Onfray vous parle et à 17 heures Michel Onfray vous a conquis. Entre-temps, il était question de Michel Onfray dans les débats. Il y a des gens capables de truster les antennes, les plateaux télé et finalement les époques avec un sens Nutella du monopole. Le contemporain semble fait pour eux. L’ennui, c’est qu’Onfray a fondé toute sa contre-histoire de la philosophie (entreprise louable) sur l’idée inverse : que les vrais auteurs sont des imposteurs, que les grands sont en fait nains, et vice versa. L’exclusion des subalternes par les philosophes «officiels» l’obsède. Marx, Freud, Sartre, tout ça n’était que de la mauvaise came ; on vous a trompés, les vrais penseurs s’appellent Mikel Dufrenne et Robert Misrahi, Michel Clouscard et Noël Mouloud. Préparez vos gommes, les enfants, on va refaire toutes les éditions avec les vrais noms. Redresseur de torts, c’est une situation qui rapporte, apparemment.
(…)
Onfray est un mélange de populisme et de ressentiment aux antipodes de l’hédonisme dont il se réclame. Bon rhéteur, sa voix persuasive, son masque impersonnel et sa ruse plébéienne (son université à la portée des exclus) cachent mal une pratique outrancière du résumé de pensée. Dès qu’on l’écoute, éclate l’aspect purement idéologique de son approche. Voyant tout par une petite lorgnette morale, il juge l’auteur par l’homme public ou privé, selon une méthode aujourd’hui florissante : le biographisme…
Un néo-poujadiste
Je laisse à plus experts le soin de juger la qualité de l’œuvre Onfrayante. Inutile aussi de relever les âneries qu’il profère sur l’enseignement de l’histoire, elles sont du niveau de celles qu’il a sorties sur une prétendue théorie du genre enseignée à nos enfants ! Sauf que la rigueur intellectuelle qui l’amenait à cette assertion ne plaide guère sur la solidité de ses travaux à prétention philosophique.
Il s’est défendu dans une tribune du Monde, à grands renforts d’assez infantils mon ceci, mon cela, ma autre chose (athéisme, euthanasie, clonage, etc.) au lieu de répondre, argument contre argument, aux critiques précises de Joffrin.
Mais finalement il montre qu’il puise les fondements de sa haute pensée politique chez celui qui fut, à tort d’ailleurs, surnommé le papetier de Saint-Céré, Pierre Poujade : « Marine Le Pen n’est pas plus ma tasse de thé que Hollande ou Mélenchon, Sarkozy ou Bayrou. Qu’ils s’en aillent tous comme dirait l’autre. »
Ce qu’il dit être de l’athéisme social (!) n’est rien d’autre que du néo-poujadisme trivial !
* Jean-Paul Enthoven fut un des nombreux amants de Carla Bruni avant que celle-ci le quitte pour son propre fils Raphaël –quatre consonnes et trois voyelles -avec qui elle eut un fils en 2001, qu’on retrouva sur les épaules du futur mari à Disneyland !
Notre philosophe de comptoir, après la UNE de L'OBS fait celle d'une revue d'Alain de Benoist : la pause décrit bien le personnage !
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