La Portugal, qui avait subi les mesures les plus dures pendant la crise, semble maintenant avoir trouvé un chemin pour conjuguer la croissance et une récupération progressive du bien-être social.
Le premier ministre portugais, António Costa, a pu se féliciter, devant le parlement européen, de ce que son pays a atteint, pour la première fois depuis son adhésion à l’euro, la fameuse convergence, avec une croissance au-dessus de la moyenne de l’UE et cela en mettant en place une politique économique opposée à l’austérité et centrée sur plus de croissance, plus d’emplois et de meilleure qualité et plus d’égalité.
Tourner la page de l’austérité, tel était le slogan électoral du socialiste Costa. Au soir des élections, le PS portugais restait devancé par la coalition de droite et, a priori, ne pouvait guère compter sur le Parti Communiste Portugais (PCP) et le « bloc de gauche » qui avaient plus fait campagne contre lui que contre la droite. Contre toute attente, PCP et bloc allaient se ranger derrière le PS pour former une majorité progressive, baptisée péjorativement la geringonça (ce qui pourrait se traduire par construction improvisée et peu solide).
Cependant, en deux ans, le salaire minimum est passé de 505 à 580 € et concerne 1/5e des salariés (le salaire moyen est de 925 € contre 2389 € en France). Loin de détruire l’emploi, comme le prévoyait la droite : le chômage a continué de baisser à 8,9% soit trois points et demi de moins depuis que le PSP est au pouvoir. Les fonctionnaires ont vu leurs salaires augmenter avec des congés supplémentaires. Quatre jours fériés de plus ont été instaurés. Les retraites ont été augmentées. La TVA a baissé sur les produits de base.
Inutile de dire que le FMI et la commission européenne surveillaient la politique économique de la gauche lusitanienne comme l’huile sur le feu. Or le Portugal connaît une croissance de 2,7%, la meilleure du siècle tout en jugulant son déficit en dessous de 3%. Et le conseil des finances publiques le prévoit à 1,1% cette année (et l’équilibre en 2020).
La croissance repose sur une hausse des exportations qui indiquent une meilleure compétitivité liée à une croissance de 9% des investissements. Si le secteur touristique a connu la plus forte croissance des pays européens, le secteur agricole, mais aussi automobile ou les services technologiques et même des secteurs traditionnels comme le textile connaissent aussi de fortes croissances.
La locomotive du tourisme
Jamais, jusqu’alors, le Portugal n’avait reçu 20 millions de touristes en un an. En 2017, ce pays de 10,2 millions d’habitants a dépassé ce chiffre. L’explosion touristique démarrée en 2013 devrait se poursuivre. Le gouvernement cherche à développer la qualité aussi bien que la massification.
Cette croissance à deux chiffres va amener à développer des infrastructures de qualité, telles que les aéroports, l’hôtellerie, la restauration…
Ce ne sont pas seulement Lisbonne et Porto plus les plages de l’Algarve qui attirent les touristes, mais les îles des Açores qui développent un tourisme vert, l’ Alentejo, la Costa Vicentina et son parc naturel, sans oublier Fátima, le Lourdes local et ses pélerinages. Et loin de se concentrer sur juillet-août, contrairement à l’Espagne, le tourisme se répartit sur l’année.
Et c’est un tourisme qui pèse dans le PIB (8% contre 11% en Espagne) et dans la création d’emplois.
Tout n’est pas rose, bien sûr. La dette qui atteignait 132% du PIB est encore de 126 % en 2017 et devrait être de 114% en 2022 ! Sauf récession, bien sûr. Et tout ralentissement de la croissance oblige à serrer les freins. Ainsi il a déjà été décidé de n’accorder aucune augmentation aux fonctionnaires en 2019. Pour maintenir leur fragile coalition, les socialistes proposent à leurs alliés de s’attaquer à la plaie du travail précaire. De trois ans les contrats de travail temporaire (nos CDD) devront passer à deux au maximum. Et un bonus fiscal sera accordé aux entreprises qui réduiront le recours aux contrats temporaires.
Le PSP, parti de gouvernement, héritier de Mário Soares, prône l’économie de marché* qui nécessite des entrepreneurs, l’initiative individuelle et veut attirer des entreprises étrangères, loin des rêves d’une certaine gauche qui veut la lune plus 10 % !
Mais les entreprises portugaises se heurtent au manque de crédits bancaires. Mário Centeno, le ministre des finances – devenu président de l’Eurogroupe – s’est efforcé d’assainir et consolider le secteur bancaire, pour qu’il joue son rôle en particulier pour les petites entreprises. Si les banques restent timides dans les prêts aux entreprises en revanche, les prêts immobiliers ont plus que triplé dans les cinq dernières années. Le bond de l’immobilier est largement dû aux achats d’étrangers et d’expatriés.
L’opposition dénonce l’absence de réformes structurelles. Ce que récuse le gouvernement qui met en avant des réformes centrées sur l’éducation – avec une meilleure connexion universités-entreprises – dans l’emploi – en privilégiant les accords d’entreprises au détriment des accords de branches – et surtout dans une vaste opération baptisée Simplex, visant à l’élimination de la bureaucratie administrative et la disparition de milliers de lois, normes et décrets obsolètes et/ou contradictoires. Un guichet unique doit permettre de résoudre les problèmes des entreprises qu’ils soient réglementaires ou fiscaux.
La geringonça – cette union inespérée d’un PSP, parti de gouvernement qui n’avait fait qu’un résultat électoral médiocre, d’un PCP très sectaire et d’un Bloco de Esquerda, conglomérat de groupuscules gauchistes, communistes et bloquistes soutenant sans participer – tout branlant qu’il soit tient depuis deux ans. A cette alliance branlante s’ajoutent des succès économiques fragiles car risquant d’être balayés par une récession. Mais c’est aussi le cas d’autres pays, dont la France. Et le parti socialiste portugais sait mener à bien, sans tambour ni trompette, une politique sociale-démocrate** adaptée à la situation lusitanienne.
* Cette conviction que l’économie de marché est le pire des systèmes économiques à l’exception de tous les autres – ce qu’a largement démontré l’échec passé de l’URSS et présent de Cuba sans parler du Venezuela et le glissement de la Chine vers ce système – est caricaturé par notre extrême-gauche par le vocable péjoratif de social-libéral. Extrême-gauche bien incapable au-delà de beaux slogans de dire quel système alternatif pourrait être mis en place.
** Étiquette à utiliser avec prudence puisque confisquée au Portugal par un autre parti que le PSP en fait de droite.
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