Un jeune collègue – encore actif – à qui je dois la découverte de la Guyane m’a envoyé cette contribution. C’est moi qui ai mis en gras des passages, ajouté illustrations, liens et notes.
Comme n'importe quel ménage, le gouvernement est contraint par l'orthodoxie financière : on ne dépense que ce que l'on a et on n'emprunte pas plus que ce que l'on peut rembourser. Tout le monde connaît l'histoire des 3A (abaissés à AA par Standard & Poor's le 8 novembre 2013) qui comme celle des 3 petits cochons1 aurait pu être écrite par Jean de la Fontaine.
Pour situer le niveau de référence de cette leçon, notez que le budget 2014 de l'enseignement s'élève à 46,4 milliards d'euros hors pensions (+1,6 %) et à 64,9 milliards avec les pensions et le programme d'investissements. La charge de la dette s'élèvera à 46,7 milliards (!), en baisse de 0,43 % tandis que le budget de l'outre-mer augmentera de 1,01 %. Le ministère de l'éducation emploie 934 373 équivalent temps plein (etp). 27 000 recrutements dont 22 000 stagiaires (8 804 etp) seront créés. 12 213 300 élèves (prévision rentrée 2013) sont scolarisés dans 64 300 établissements scolaires (3 330 300 dans 7 100 collèges, 2 129 200 dans 4 300 lycées dont 667 500 dans 1 600 LP). Un élève coûte 8 370 € en collège, 11 470 € en lycée technologique et 11 840 € en LP (données 2011 provisoires hors Mayotte). Cela n'est pas une fable, ce sont les chiffres consultables sur education.gouv.fr.
Depuis qu'il est interdit d'interdire, l'Etat et ses satellites, aux relents dogmatiques ou démagogiques, dépensent allègrement plus qu'ils ne gagnent, c'est la logique du toujours plus, la poursuite du graal. 21 911 etp auront été créés depuis le début du quinquennat dans l'Education (4 326 en 2012, 8 781 en 2013). Les riches prêteurs à la trésorerie pléthorique comme les pétroliers aux ressources bienheureuses ou les fonds de pension que NOUS alimentons poussent à la consommation. Il y a deux ans, la France a emprunté à un taux négatif (!) parce que le milliard de travailleurs chinois a besoin d'écouler sa fabrication. Actuellement la France emprunte à près de 2,4 %. Le taux de rémunération des 63 millions de Livrets A est tombé à 1,25 % en août 2013. Il pourrait baisser encore jusqu'à 1% en février 2014. Cetelem, Cofidis, Cofinoga ou Sofinco prêtent à la consommation l'équivalent d'un mois de salaire sur 1 à 2 ans à des taux de 3 à 14%. La finance n'est pas vertueuse, ce n'est qu'un outil dans une économie de marché.
Dans La cigale et la fourmi, Jean de la Fontaine :
"Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant."
Le taux d'endettement des générations futures - nos enfants - est annonciateur de lendemains difficiles. Celui-ci devrait atteindre 95,1% fin 2014, soit 1 950 milliards d'euros ou encore 30 000 € par Français. En dix ans, il est passé de 60% à 93,4 % du PIB en 2013 (source : loi des finances). Nous voici obligés à des choix politiques sensibles. Le gouvernement a dû réévaluer le déficit public à 4,1% du PIB pour 2013, alors que la Commission européenne avait fixé à la France un plafond de 3,9%. Dans le projet de loi des finances examiné le 25 septembre en conseil des ministres, Bercy s'est engagé à le ramener à 3,6% du PIB en 2014 puis à moins de 3% en 2015. 13 123 postes seront supprimés dans les ministères dits non prioritaires en 2014, au profit de la création de près de 11 000 postes dans l'éducation, la justice, et la police. Faut-il donner priorité à l'investissement donc au futur ou à la rue, au citoyen, à l'électeur, au fonctionnement de la machine étatique? Faut-il dépenser moins et où ? Comment faire du contrat citoyen (l'impôt) une arme économique ? La conjoncture sera-t-elle favorable ?
La somme des réponses individuelles n'est pas égale à la réponse collective. Plein d'optimisme béat, nos élus, angéliques ou naïfs, font le pari d'un avenir meilleur reposant sur des hypothèses (théories à partir desquelles on construit un raisonnement) : le chômage va baisser, la croissance va venir (pour 2013, le candidat à la présidence de la République l'évaluait à 2,5 %, elle devrait s'établir à 0,2 %), les nantis accepteront des sacrifices (les footballeurs ne font pas grève mais une journée blanche) ... Or la politique n'est pas un jeu. Comme au casino, lorsque le temps des mises est terminé et que le croupier dit rien ne va plus, il est peut-être temps d'arrêter de jouer. En décidant de réduire les déficits publics par des hausses successives d'impôts plutôt que par la réduction des dépenses excessives, nos élus ont creusé le gouffre dans lequel nous sommes. Le taux de dépenses publiques devrait baisser de 57,1 % du PIB en 2013 à 56,7 % en 2014 (- 0.4 %) mais la hausse des dépenses de santé sera limitée à +2,4 % en 2014.
Réduire l'assistanat2 en période de crise, inimaginable. Simplifier le mille feuilles administratifs, suicidaire. Supprimer les avantages acquis en des temps meilleurs, inconcevable. Il reste les perfides radars prétextes de réduction de la vitesse pour sauver des vies humaines ou les hausses régulières du prix du tabac au motif de santé publique, l'augmentation indolore de la TVA (la baisse de 2012 à 19,6 % aura fait long feu au 1er janvier 2014 en remontant à 20 %, cinquième modification en deux ans) ou la baisse du quotient familial de 2 000 € à 1 500 € quitte à ranimer les jacqueries fiscales. Sur un air de déjà entendu, chaque caste y va de son couplet. Les pigeons s'insurgent sur la fiscalisation des plus-values de cession. Les bretons abattent les portiques à écotaxe. Même taxer les salaires à plus d'un million d'euros soulève le pauvre peuple de France.
Une théorie économique symbolisée par la courbe de Laffer (économiste libéral américain des années 70) montre que lorsque les impôts augmentent trop, leur rendement diminue : en 2013, la collecte de la TVA a baissé de 2,3 %, celle de l'impôt sur les société de 5,8 % et celle sur les carburants et l'énergie de 6,1 %. C'est plus de 60 milliards d'euros de recettes qui pourraient manquer dans les caisses de l'Etat à la fin de l'année.
Jean de la Fontaine dans L'Ane portant des reliques :
" D'un Magistrat ignorant
C'est la robe qu'on salue."
Ce 10 novembre 2013 sur France 5 dans l'émission C Politique, le ministre de l'économie, Pierre Moscovici, a appelé toute la majorité "à faire bloc autour du président de la République", estimant que "faire entendre telle ou telle petite musique individuelle ça n'avance à rien". Il a par ailleurs déclaré qu'en 2014 "nous allons quasiment stabiliser les prélèvements obligatoires puisqu'ils n'augmenteront que de 0,15 point. A partir de 2015 ... l'effort budgétaire ... sera à 100% sur des économies". En d'autres termes, il n'est pas encore prévu de baisse mais toujours une légère hausse des impôts. Ce n'est qu'en 2016, après le renouvellement des contrats deux ans du décret de 1996 signés en 2013 qu'un espoir nouveau pourrait naître. Le ministre délégué chargé du budget, Bernard Cazeneuve, l'avait déjà confirmé en déclarant lors de la préparation du budget "je veux être le ministre des économies, pas le ministre des impôts".
Le bon peuple de France élevé à crédit qui a encore de beaux jours devant lui n'en a probablement pas fini avec ses révoltes bourgeoises et ses grèves à répétition qui amusent nos élus toujours nombreux à postuler pour l'emploi (les seuls qui ne sont pas supprimés) et les nouveaux riches qui viennent nous visiter (plus d'un million de touristes chinois près d'un million de touristes russes en 2012).
La langue française continuera de décliner mais pas nécessairement à cause de son origine latine qui a fait du travail (tripalium / instrument de torture, tripaliare / contraindre) une contre-valeur. Dans le dictionnaire de l'internaute.com, les divers sens des mots sont illustrés avec des expressions ... traduites en Anglais. L'école a abandonné l'orthographe, les programmes scolaires ont réduit la culture aux coefficients3 et aux enseignements facultatifs qui apportent des points pour la mention.
Il n'y a jamais que 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification4. Qu'est-ce par rapport à 12 000 000 d'élèves ? À peine 1,25 %, le taux du livret A ! D'accord, sur la durée de la scolarité (de 6 à 16 ans), cela représente 10 fois plus... à peine plus que le taux moyen d'imposition du décile supérieur des contribuables français. Pour ceux qui se demandent combien ils vont payer d'impôt sur la sur-rémunération, sachez que le taux marginal de 30 % s'applique sur les revenus nets du foyer fiscal situés entre 26 000 et 70 000 € (arrondi) et 41 % entre 70 000 et 150 000 €. Le salarié domien5 appartient rarement aux 50 % des Français ayant un revenu brut mensuel individuel inférieur à 2 000 €, plus souvent aux 90 % inférieur à 5 200 €. Ceux qui perçoivent plus appartiennent à la classe dite aisée (entre 5 200 et 14 400 €). 90 % de la population paie actuellement moins de 10 %, et 99,5 % moins de 25 % de ses revenus.
Avec 3 000 € brut par mois, vous faites partie des 18 % des Français les plus riches (9,1 millions sur 50,4 millions), avec 4 000 € vous appartenez aux 9 % (4,5 millions), avec 5 000 € vous n'êtes plus que 6% (3 millions) et avec 6 000 €, 4 % (2 millions). A chacun d'apprécier où il se situe dans la classe des privilégiés disposant de la garantie de l'emploi. Par contre, inutile de calculer avec ces informations la ponction fiscale en 2015. Les taux d'imposition seront votés par le parlement en novembre 2014 (19 novembre 2013 pour cette session) et l'imposition sur le revenu est modulée par la forme du foyer fiscal.
Celui qui ne gère pas ses revenus, notamment ses économies, n'a pas le droit de hurler aux loups. Faire confiance à son banquier est-il plus sérieux que faire confiance à son gouvernement ?
Heureusement qu'il nous reste pour encore un milliard d'années nos terroirs et notre périmètre maritime qui fait de la France le seul pays présent dans tous les océans. Nos élites cooptées n'ont-elles pas montré qu'elles pouvaient faire des choix heureux ? Le plus beau mot de la langue française, le mot amour vient de la langue d'oc. Si l'académie avait préféré son équivalent en langue d'oil, nous utiliserions ... rut. Ce qu'ont fait nos académiciens, pourquoi nos élites politiques ne le feraient elles pas ?
Pour en terminer avec Jean de la Fontaine dans Le statuaire et le statue de Jupiter :
" Chacun tourne en réalités,
Autant qu'il peut, ses propres songes :
L'homme est de glace aux vérités ;
Il est de feu pour les mensonges."
Alors, quelle leçon retenir de tout ça ?
Le roi est mort, vive le roi.
Denis D.
1 Ces 3 petits cochons, avant de tomber entre les pattes de Walt Disney, appartenaient à un conte populaire et non à notre fabuliste.
2 « Assistanat »faut-il entendre les « assistés » chers à M. Wauquiez grand leader de la « droite sociale » ? c’est-à-dire les sybarites qui se gobergent de leur RSA (740€ pour un couple sans enfant) ?
3 Le bac des années d’avant l’horrible 68 fonctionnait déjà aux coefficients.
4 Ce chiffre n’a aucun fondement : au sens strict ils étaient 40 000 en 2008, c’est-à-dire sortis du système scolaire ou de l’apprentissage sans avoir dépassé une 1ère année de CAP ou de BEP ; si l’on prend les sorties sans diplôme du second degré, ils sont 140 000.
5 Habitant un Département d’Outre-mer (DOM)
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