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12 avril 2018 4 12 /04 /avril /2018 18:04
Macron et la laïcité : un lien abîmé !

Quitte à passer pour un horrible contempteur d’un « texte rare par son élévation et son interpellation », comme dit Nicolas Domenach, sans doute inspiré par une spiritualité qui m’échappe, j’ai trouvé que cette longue intervention d’un Président de la République devant un parterre de prélats était, pour rester dans l’euphémisme, des plus mal venues.

« Le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, il nous incombe de le réparer.... », ce touitte a donc fait réagir les inquisiteurs – admirons au passage ce retournement qui fait du laïque, un peu interloqué, un chasseur d’hérétiques. Et quoi, ont protesté les maîtres de l’exégèse de la pensée macronienne, cette phrase ne reflète pas tout le texte. Sauf que cet extrait était publié par le compte touitteur …‏ @EmmanuelMacron, donc choisi par lui ou celui qu’il a chargé de tenir ce compte. Et même si la phrase réelle est un peu plus longue, son résumé ne la trahit pas.

Or elle n’a, à proprement parler, aucun sens puisque, comme son nom l’indique, la loi de séparation des églises et de l’état, en 1905, a coupé ce lien. 

Macron et la laïcité : un lien abîmé !

Bizarrement c'est Clemenceau qui manie la hache alors que c'est Briand qui fut le maître d'oeuvre de la Loi de 1905

Mais on aurait mal saisi la complexité de la pensée macronienne : par lien il faut entendre dialogue. Outre que le dialogue ne signifie pas accord, il est difficile de vouloir faire croire que, dans le débat sur le mariage pour tous, les prélats aient fait preuve du sens de la nuance et certaines de leurs ouailles, et même de leurs pasteurs, ont montré, à l’encontre de la Ministre chargée de porter cette loi, une haine fort peu charitable et teintée de racisme. Et dans cette phrase, mise en exergue répétons-le par son auteur, on entend comme un écho du prétendu « anticléricalisme d’état » à la Sarkozy. Macron partage d’ailleurs avec ce prédécesseur une vision historique un peu surprenante quand il incite les catholiques à ne pas renoncer à la République [qu’ils ont] si fortement contribué à forger. Il faut attendre 1892 pour que Léon XIII appelle les catholiques à accepter la République, avec un succès relatif. Et il n’est pas non plus loin de chanter les racines chrétiennes de la France quand il sacrifie au « récit national » et qu’il loue la part catholique de la France.

Macron et la laïcité : un lien abîmé !

Plus cocasse encore est le paragraphe où il dit que tous les jours les mêmes associations catholiques et les prêtres accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles(sic), des familles recourant à l'avortement, à la fécondation in vitro, à la PMA , des familles confrontées à l'état végétatif d'un des leurs… en ajoutant L’Eglise accompagne inlassablement ces situations délicates et tente de concilier ces principes et le réel. Qu’il y ait des citoyens qui croient au ciel, et d’autres qui n’y croient pas, pour œuvrer dans des associations caritatives est indéniable. Mais l’église, elle, et les plus sectaires de ses membres lancent l’anathème jusque sur la capote ! Les divorcés sont toujours exclu des sacrements. L’IVG est bien sûr condamnée (il n’est que de voir ce qui se passe quand l’église catholique est encore hégémonique, comme en Pologne, et où elle l’a longtemps été comme en Espagne). Quant aux familles confrontées à l’état végétatif de l’un des leurs, le propos est d’une cruelle ironie quand le drame du pauvre Vincent Lambert, maintenu artificiellement en vie, connaît un nouveau rebondissement.

Les allusions les plus dangereuses concernent justement la bioéthique.

S’adressant à G. Pontier, président de la conférence des évêques de France, il lui dit : « Vous considérez que notre devoir est de protéger la vie, en particulier lorsque cette vie est sans défense. Entre la vie de l’enfant à naître, celle de l’être parvenu au seuil de la mort, ou celle du réfugié qui a tout perdu, vous voyez ce trait commun du dénuement, de la nudité et de la vulnérabilité absolue. » Ce sera pour lui l’occasion d’un long dégagement, assez jésuitique, sur l’accueil des réfugiés. Mais, dans le propos du prélat, il ne relève pas la condamnation de l’IVG ni celle de l’euthanasie. Et comme il ajoutera plus loin « il faut trouver la limite car la société est ouverte à tous les possibles, mais la manipulation et la fabrication du vivant ne peuvent s'étendre à l'infini sans remettre en cause l'idée même de l'homme et de la vie », on peut craindre que les manipulations génétiques, ayant pour but d’éviter une maladie ou corriger une anomalie génétique, bien qu’approuvées par 75 et 71% des catholiques pratiquants (sondage publié par La Croix) passent à la trappe.  

Quand il assène que « pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles [il se fait] une plus haute idée des catholiques », on doit lui rappeler ce que disait Mauriac de De Gaulle « ce grand chef temporel ne touche jamais au spirituel […] il ne paraît pas croire que le spirituel en tant que tel relève de la politique ».  

Les thuriféraires, voire, un peu gênés aux entournures, des laïques très attachés à la Loi de 1905, se hâtent de mettre en avant le rappel fait aux principes même de cette loi. « Mon rôle est de m'assurer qu'il ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C'est cela la laïcité ni plus ni moins, une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d'évoquer. »

Mais comme l'a aussi rappelé très opportunément Jean-Paul Delahaye (actuel président du CNAL) en citant Jules Ferry : « Lorsque l'on veut chercher à assurer la paix entre deux puissances rivales, l'Etat et l'Eglise, la constitution laïque de la société et le pouvoir ecclésiastique,  lorsque l'on veut que ces deux puissances morales vivent en paix, la première condition, c'est de leur prescrire de bonnes frontières. Ce n'est pas dans la confusion des attributions, dans le mélange des idées qui ne peuvent conduire qu'à la discorde ». *

Et bien qu’il ait aussi dit que la voix de l’église ne peut être injonctive, son intervention ne peut que conforter l’église catholique dans la tentation perpétuelle du cléricalisme, cette volonté obstinée des papes et du clergé à subordonner la société civile à la société religieuse, à vouloir étendre à la société politique les règles et méthodes de cette Église, à utiliser des armes spirituelles à des fins temporelles, à se servir du pouvoir politique pour imposer sa vision morale, individuelle ou collective (d'après Marc Ferro).

Voir aussi :

* Lien avec l'Eglise: le Président a semé ses «cailloux» en «petit Poucet» malin

Macron, laïcité: danger!

Le lien entre le président et la laïcité s’est abîmé : il lui incombe de le réparer (se-UNSA)

La République et la laïcité, un lien à réaffirmer

 

Et si vous voulez vous marrer écoutez celui que l'odieux Didier Porte surnomme Son Altesse Sénilissime, Gérard Collomb : "il y a du poète chez Emmanuel Macron lorsqu'il décrit la société" !

 

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14 juillet 2013 7 14 /07 /juillet /2013 21:47
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Lettre ouverte à Mme Hutin

 

Dans votre dernier édito vous osez écrire « vote à la sauvette » à propos d’une proposition de loi des radicaux de gauche, votée en décembre 2012 par le Sénat, et dont l’examen par l’Assemblée nationale en mars dernier a été, si j’en crois Le Figaro, torpillé par le groupe UMP.

 

Contrairement à ce que vous affirmez, la procédure prévue par l’article 46 de la loi du 7 juillet 2011 a été respectée… de manière anticipée.

En effet, la loi de 2004, qui interdisait toute recherche scientifique sur les « embryons » conçus par FIV… sauf dérogations, devait être révisée au bout de cinq ans.

Donc en 2009, des Etats généraux de la bioétique se sont conclus à Marseille. Le comité national d’éthique a rendu un rapport en 2010. Et toutes les instances prévues ultérieurement ont donné leur avis.

Avis, comme le rappelle D. Oriac dans son propre rapport sur la proposition de loi, majoritairement favorables à l’autorisation. Ce dont n’a pas tenu compte la majorité de l’époque puisque la loi de 2011 n’apporte aucun changement (interdiction avec dérogations).

 

Avis du comité national d’éthique qui aurait mérité que vous les consultiez.

 

Le rapport de 2010 rappelle qu’il s’agit uniquement de fécondation in vitro (FIV). Que cette FIV transgresse la sacro-sainte « loi naturelle » en dissociant procréation et sexualité.

 

Il rappelle aussi qu’il y a maintenant plus de vingt-cinq ans a été prise la décision de destruction des pré-embryons FIV surnuméraires.

Sans entrer dans des détails techniques, des pré-embryons sont obtenus par la fécondation in vitro ; si les spermatozoïdes sont obtenus sans grande difficulté technique, il n’en est pas de même des ovocytes : leur prélèvement est techniquement délicat ; les pré-embryons obtenus ne sont implantables qu’au bout d’un certain délai : vu le risque d’échecs lors de cette implantation et la difficulté de prélever des ovocytes, ils sont donc produits en surnombre, d’autres sont aussi mis en attente d’un projet parental différé ; donc projets de maternité réussis ou abandonnés, beaucoup de ces pré-embryons (ou si l’on préfère, embryons bloqués au stade pré-implantatoire) sont devenus surnuméraires, c’est-à-dire en trop.

 

Cet avis resitue clairement cette « personne humaine potentielle » que serait l’embryon FIV en affirmant que cela n’a de sens que par  « l’existence et la persistance de ce lien humain » qui est « inscrit dans le désir et le projet d’avoir un enfant du couple qui demande sa création. » Autrement dit, le pré-embryon FIV n’est pas consubstantiellement personne humaine potentielle. Ce qu’affirment clairement les États Généraux de la Bioéthique : «Nous citoyens considérons qu’il faudrait donner un statut protecteur à l’embryon, dans le cadre d’un projet parental, au nom du principe de non instrumentalisation de l’enfant à naître. L’embryon ne devrait avoir un statut de personne en devenir qu’à partir du moment où il s’inscrirait dans un projet parental. C’est ce projet qui confère un statut à l’embryon, et ainsi le définit. L’absence de projet parental annule ce statut donné à l’embryon.»

 

Ce n’est que bien après la décision de détruire les embryons surnuméraires «que les cellules souches humaines d’origine embryonnaire ont été identifiées, ont pu être isolées, et sont soudainement devenues d’un intérêt scientifique majeur pour toute une série de domaines de la recherche biomédicale, ce qui a conduit à envisager de considérer les embryons humains comme une source potentielle de cellules souches pour la recherche biomédicale et la médecine ». « Et c’est au début de notre développement embryonnaire que nos cellules souches possèdent leur plus grand potentiel de fécondité, et leur plus grand potentiel de diversification, donnant progressivement naissance aux plus de deux cent familles de cellules différentes qui composeront notre corps. »

 

« Il y a au moins deux grandes questions d’ordre scientifique concernant les cellules souches :

La première concerne la nature des mécanismes moléculaires qui sous-tendent leur capacité à donner naissance à d’autres cellules souches identiques, c’est-à-dire leur capacité de renouvellement.

Une seconde question concerne la nature des mécanismes moléculaires qui sous-tendent leur plasticité, leur répertoire, c’est-à-dire la diversité des familles de cellules auxquelles elles peuvent donner naissance. »

 

La loi adoptée est d’ailleurs des plus timides puisqu‘elle propose de substituer à une interdiction de principe, assortie de dérogations, une autorisation de principe assortie de limitations.

 

Laissons la conclusion au Comité national d’éthique : «Les exigences éthiques ne peuvent pas toujours être formulées en termes "d'absolus" de caractère dogmatique.»

 

PS1 Faut-il dire que cet édito s'inscrit dans le droit fil des attaques des  bigot-e-s ?

 

PS2 Si l'on en croit Le Figaro : "Au sein même de l'UMP, l'opposition à la recherche sur l'embryon ne fait pas l'unanimité. Elle n'est d'ailleurs que relativement récente. Début 2002, Roger-Gérard Schwartzenberg, alors ministre de Lionel Jospin, avait obtenu l'adhésion d'une grande partie du RPR: plusieurs ténors de droite comme François Fillon, Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy ou encore Christian Jacob avaient voté en première lecture en faveur d'une autorisation encadrée. Mais l'alternance consécutive à la réélection de Jacques Chirac avait empêché l'adoption définitive du texte."

 

 

D. Oriac, rapporteuse de la loi (cliquer pour agrandir)

D. Oriac, rapporteuse de la loi (cliquer pour agrandir)

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