La "une" d'El Jueves du 23/07 (avec une traduction approximative : cet 'hostias' voulant dire baffes ou quelque chose comme cela)
Coup de mou ou coup dur pour Podemos ? Alors que début Juillet, il était à égalité pratiquement avec les partis de la caste, il décroche fin juillet. Perdant plus de trois points. Surtout, les primaires pour désigner les candidats aux prochaines élections générales ont montré une nette démobilisation de ses sympathisants. Les causes de cette désaffection n’ont que peu à voir avec les déboires de Syriza. Mais beaucoup avec l’habile proposition d’IU de large union populaire des forces alternatives. Le refus d’Iglesias le fait apparaître comme diviseur. Et IU se refait un peu la cerise, alors qu’il était en voie de marginalisation.
Metroscopia : baromètre électoral 26 juillet 2015
En à peine 3 semaines – 2-3 juillet, 20-22 juillet – Metroscopia a réalisé deux sondages aux résultats contrastés. Dans celui, paru le 6/07, PP, PSOE et Podemos, dans l’ordre, sont dans un mouchoir de poche, en-deçà de la marge d’erreur de 3,2 points, dans celui paru le 26/07, les deux partis que Podemos dit de la caste ont pris la tête, Podemos décroche de 3 points et Ciudadanos (C’s) après sa baisse brutale de 6 points en juin, reprend du poil de la bête et se rapproche de Podemos. Symptomatique aussi le redressement d’Izquierda Unida (IU), alors que cette gauche unie traditionnelle semblait partir dans les oubliettes de l’histoire.
Intentions de votes brutes
Même si le PSOE ne devance le PP que d’une courte tête (0,4%), il prend aussi première place dans les intentions directes de vote, passant donc devant le PP et Podemos qui le précédaient en début de mois. Et Podemos perd aussi des plumes dans ces données brutes (NB Pour comprendre pourquoi et comment se fait la cuisine des enquêtes d’opinion voir vers le bas de l’article PODEMOS renversera-t-il l’échiquier politique espagnol ?)
Cote des personnalités politiques
La mesure de l’audience et de la popularité des personnalités politiques, si elle confirme de sondage en sondage, la place de chouchou de Rivera (C’s) le seul avec un solde positif, confirme aussi la désaffection que subit Pablo Iglesias, le leader de Podemos ; seul Rajoy est plus désapprouvé par les sondés, si l’on met de côté Artur Mas, le Président de la Catalogne qui prône son indépendance* et donc, à ce titre, est rejeté par une majorité d’Espagnols. Alberto Garzón (IU) comme Pedro Sánchez (PSOE) ont un moindre solde négatif d’un sondage à l’autre. Mais Sánchez reste toujours à la traîne en ce qui concerne la popularité chez les sympathisants de son propre parti : 66%, contre 80% pour Iglesias à Podemos et même 77% pour Rajoy au sein du PP !
Toutefois, dans l’enquête du début du mois, Pedro Sánchez apparaissait parmi les quatre principaux candidats à la présidence du gouvernement, comme celui qui serait le plus à même de mener une réforme de la constitution acceptable pour une large partie des Espagnols ; à égalité avec Rivera quand à la capacité de dialoguer et de s’allier avec ceux dont il ne partage pas les idées ; et il serait aussi le meilleur président du gouvernement ; il y a juste pour la capacité de réduire les inégalités qu’il est devancé par Iglesias.
Coefficient de répulsion des partis politiques et positionnement sur une échelle gauche/droite
Le PSOE est aussi, après cependant C’s, le parti provoquant le moins de répulsion. Seuls 13% des sondés disent n’envisager de voter PSOE en aucun cas. Ils sont 52% pour le PP et 32% pour Podemos. A noter que 1% de sondés se disant électeurs potentiels du PP ont dû subir la canicule ibérique puisqu’ils disent aussi ne voter PP en aucun cas.
Pour les sondés, le PSOE apparaît bien comme un parti de centre gauche (fort proche d’ailleurs du point moyen où l’enquête situe la population espagnole). Ciudadanos, lui, est placé au centre-droit et aux deux extrêmes on trouve donc Podemos à gauche et le PP à droite.
Ces deux dessins (comme celui qui suit) sont tirés de 18 chistes sobre las puyas entre IU y Podemos
Le premier dessin fustige la bataille d'égos à gauche, le second dénonce la dispersion de la gauche et une misérable qui contemple la dispute leur dit à peu près "Bon, quand vous aurez fini de discuter entre vous vous pourriez vous occuper de nos problèmes."
SYRIZA ou IU ?
Le coup de mou de Podemos, si l’on en croit un éminent spécialiste de la politique ibérique à Médiapart serait dû aux déboires de Syriza. « Les derniers épisodes grecs risquent de ralentir l’ascension que connaît Podemos depuis son succès aux élections européennes l’an dernier et aux municipales de juin. Selon Lamant, "à court terme, l'accord conclu lundi avec Athènes, et l'énième crise politique qui s'ouvre en Grèce, ne vont pas faciliter la dynamique de Podemos d'ici aux élections" » rapporte arrêt sur images. Outre que le succès de Podemos aux municipales relève de la lubie paresseuse de journalistes d’investigations qui n’ont même pas pris la peine de consulter les résultats, les soubresauts de la crise grecque n’expliquent guère l’actuelle baisse d’attractivité de Podemos.
Baisse qui se traduit non seulement dans le baromètre électoral de Metroscopia, mais aussi, surtout, dans la démobilisation de ses sympathisants. A peine 60 000 d’entre eux ont participé aux primaires désignant les candidats aux élections générales. Moitié moins que pour la désignation d’Iglesias à la tête de Podemos. Primaires dont la règle du jeu – liste de candidatures à l’échelle nationale – a été contestée par cinq régions : Madrid, Aragon, Baléares, Asturies et Pays Basque. Règle du jeu assez révélatrice du véritable centralisme démocratique mis en place par l’état-major du parti.
Outre ces fissures internes, c’est surtout au jeu subtil d’IU que les experts en sciences politiques à la tête de Podemos se sont laissé piéger. IU, le bon apôtre, relayé par une nébuleuse, Ahora en Común, inspirée des coalitions de gauche dite alternative qui l’ont emporté aux municipales comme Ahora Madrid, Barcelona en Comú, Zaragoza en Común ou Compromís à Valence, a proposé de présenter des candidatures communes de large union. Iglesias, pour avoir frayé dans les eaux d’IU, n’a pas été dupe. Pas question de servir de bouée de sauvetage et surtout, par cette alliance, de justifier l’étiquette d’extrême-gauche, collée par le PP, alors que Podemos prône un dépassement du vieux clivage droite/gauche, synonyme de l’alternance des partis de la caste (PP/PSOE). Il a donc décidé que Podemos partirait sous ses couleurs et non dans une coalition informelle. Mais Ahora en Común qui se réclame aussi du Movimiento 15-M (ce que nous avons appelé Mouvement des indignés) clame haut et fort sa volonté farouche d’aboutir à un rassemblement d’unité populaire (unidad popular).
Là-dessus, 150 idiots utiles, pardon, je veux dire 150 personnalités du monde des arts, de la culture et du spectacle, Pedro Almodóvar en tête lancent un vibrant appel "Mover ficha por la unidad popular" – en gros Bougeons les pions pour l’unité populaire mais en traduction plus libre Bougeons-nous le fion pour l’unité populaire – qui place le pauvre Iglesias dans la position inconfortable du Schtroumpf grognon (pitufo gruñón). Anti-unitaire pour défendre son enseigne !
Rien n’est joué. D’autant que la date des élections n’est pas encore fixée et que Rajoy, plutôt que de les anticiper, peut être tenté de jouer la montre en tablant sur une amélioration amplifiée de la reprise de l’emploi. D’ici là les présumés spécialistes des sciences politiques à la tête de Podemos auront peut-être su se dépêtrer du piège unitaire tendu par IU. Mais si Sánchez et le PSOE ne commettent pas trop d’erreurs, le jour d’après les élections mettra Podemos au pied du mur. Front populaire ou pas ?
* Artur Mas veut faire de l'indépendance l'enjeu des élections régionales catalanes qui auront lieu en septembre - donc avant les élections générales ; il a réussi à fédérer plusieurs partis indépendantistes. Le résultat de ces élections - surtout si les indépendantistes obtiennent une victoire nette - peut avoir des répercussions difficiles à mesurer, mais une crispation nationaliste espagnole risquerait de profiter plus au PP qu'au PSOE...
En complément :
Le baromètre électoral de juillet 2015 du Centro de Investigaciones Sociológicas (CIS)
Estimation des votes aux élections générales
Le baromètre électoral du CIS diverge sur certains points de celui de Metroscopia*. A commencer par l’ordre des deux premiers et le poids des forces émergentes. Même s’il confirme plus nettement que les partis de la « caste » comme dit Podemos, reprennent du terrain sur les partis émergents.
Le CIS a constamment placé le PP en tête des intentions de votes. Et loin de constater un tassement pour le PP il marque un net progrès (mais par rapport à avril, puisque son baromètre est trimestriel). Et surtout le PP, d’après le CIS, creuse l’écart avec le PSOE.
Les nouveaux partis ont des scores nettement moins flatteurs que sur Metroscopia. : Podemos est à 15,7% contre 18,1%, Ciudadanos (C’s) 11,1% contre 16%.
Intentions de votes spontanées
Les différences sur les réponses spontanées sont moins fortes, puisque pour CIS comme Metroscopia le PSOE passe en tête avec 17,3% contre 16%, le PP suit à 16% contre 15%, Podemos est même mieux traité avec 12,6% contre 11,1%, en revanche C’s est dévalué 7,7% contre 10,4%, quant à IU il est à 2,9% contre 3,5%.
Les coalitions souhaitées
S’agissant de la suite des élections – a priori aucun parti n’arrivera à la majorité absolue – la coalition PSOE-Podemos est la préférée. La seconde option, le PP seul, ne regroupe que les affidés les plus optimistes.
Le système de mesure du CIS pour les hommes politiques est plus rustique que celui de Metroscopia : ils sont notés de 0 à 10 ! Si l’on excepte deux politiques locaux, le mieux placé est Pedro Sánchez, PSOE, avec … 3,84/10 ! Loin (?) devant Rajoy avec 2,68 ! Mais ni Rivera (C’s) ni Iglesias (Podemos) ne sont pris en compte…
* La comparaison est difficile puisque Metroscopia a réalisé deux enquêtes en juillet, tandis que l’enquête trimestrielle du CIS s’est étalée du 1er au 9 juillet. Leur prochain baromètre risque d’arriver en pleine campagne électorale générale (sondage réalisé en octobre mais publié en novembre !). Cependant El diario pronostique des élections le 20 décembre !
Le sondage s’est fait sur 2.486 entrevues et sa marge d’erreur est de 2%.
Pour compléter :
Espagne. Le trou d’air de Podemos à quatre mois des élections
Courrier international - Paris 06/08/2015
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