« la roube li a souslevée
le vit li a el con bouté
Et li vilains abeuwetoit
a l’huis et vit tout en appert :
le cul sa femme descouvert
et le prestre si par desseure. »
Cet extrait d’un fabliau du XIIIe siècle qui donc, en termes des plus crus, nous conte la copulation d’un prêtre, démontre que la moquerie sur les curés et moines paillards ou les nonnes friponnes plonge loin ses racines ! Alan Pedroso s’inscrit dans cette longue tradition et qui n’est pas que française. Mais qui, aux Etats-Unis, se double d’une concurrence entre églises sur le supermarché de la foi.
Il serait anachronique de parler d’anticléricalisme à propos des fabliaux, de Villon, de Rabelais, de Boccace, etc. Des chansons paillardes qui moquent le curé de Camaret, le prêtre au boxon, les moines de St-Bernardin ou d’ailleurs. Des nombreuses illustrations de nonnes lubriques, sadiques aussi, de moines saoulards et paillards, de prélats dévergondés. Bref le vieux fond gaulois – au sens de gauloiseries bien sûr, pas au sens que lui donnent les débiles « de souche » - de railleries qui se gaussent de l’hypocrisie de tous ces religieux qui ne pratiquent pas les vertus qu’ils prêchent.
Cependant la littérature libertine, comme Le Rideau levé, HIC-et-HEC, Thérèse philosophe ou encore Dom Bougre, va au-delà de la simple satire des mœurs quelque peu dissolus du jésuite Jean-Baptiste Girard ou de l’abbé Duval des Fontaines, pédophile notoire.
Comme le notait Sade, à propos de Thérèse philosophe, ces ouvrages mêlent la luxure à l’impiété.
Ces illustrations et libelles plus ou moins sous le manteau ne sont pas une exclusivité française.
Ainsi peut-on voir un peintre de la cour autrichienne comme Martin Van Meytens ne pas hésiter à nous peindre le délicieux verso d’une nonne sur son agenouilloir !
La très catholique Espagne a eu ses moments de glorieuses satires, avec Los Borbones en pelota où le confesseur et une bonne sœur participent joyeusement aux partouzes de la reine. Mais des petits livrets illustrés plus populaires connurent aussi une diffusion plus ou moins légale.
Le même genre de littérature populaire eut cours aux Etats-Unis, ciblant l’église catholique avec ses nonnes et ses prélats. Mais là, plutôt que de satires religieuses, il s’agit de concurrence religieuse : cette dénonciation des infamies des papistes vise à attirer les croyants vers d’autres chapelles, non à leur faire fuir toute religion.
La photo a évidemment exploité cette veine moqueuse. Les figurants de ces clichés ne sont pas toujours très convaincus de leur rôle ni très convaincant.
Des planches de cartes postales – qui ne devaient sans doute pas trop servir à cet usage – sont éditées sous le manteau en France, bien sûr, mais aussi en Espagne et ailleurs.
« Je hais le bon goût. Tout créateur doit le proscrire comme la pire chose »
Helmut Newton.
C’est sous ce patronage que se place Alan Pedroso, photographe dont on sait peu de choses sinon qu’il opère à Miami.
Comme il n’est pas avare de formules, il nous assène que « Le but de l’art n’est pas de représenter l’aspect extérieur des choses, mais leur signification profonde ». Il ajoute « Nous ne voyons pas les choses comme elles sont, nous voyons les choses comme nous sommes ».
Dans sa production qu’on pourrait appeler profane, on trouve des nus féminins plus ou moins classiques, avec parfois une touche newtonienne. Mais il donne aussi dans les jeux sado-masos – fesses rougies, ficelage – voire dans le franchement gore, comme on dit.
Il prétend être inspiré par les films des années 80 ou 90, mais ses œuvres font plus penser à des romans-photos hards qu’à des chefs d’œuvre du 7e art. Et dans l'art de suggérer un scénario, il est cent coudées en dessous de Marc Lagrange.
Il met en scène des pièces, que l’on n'ose dire de patronage, mais jouées avec un amateurisme naïf et souriant. Les fausses écolières, sévèrement châtiées par des nonnes perverses, ont largement passé l’âge d’aller en jupette à l’école des sœurs. Ces victimes ne montrent pas un effroi très convainquant quand, sadiquement, elles sont fessées ou suspendues menottées.
L’aumônier de ce pensionnat n’est pas en reste, quand il s’agit de faire rougir les fessiers, mais il conclut le châtiment par une sainte gâterie.
Comme il se doit les curés en goguette, portés sur la bouteille, s’adonnent à des activités peu catholiques, comme le strip-poker avec des nonnes. Et ils n’hésitent pas à se livrer à des turpitudes que la morale réprouve avec nos pensionnaires montées en graine ou pire encore avec les bonnes sœurs elles-mêmes.
On est loin* de la transgression d’un Montoya, certes. Alan Pedroso ne marquera sans doute pas la photographie par la puissance de son art. Ses scénettes sont cependant, dans le jeu approximatif mais joyeux de ses figurants, des plus plaisantes.
De mon point de vue … et si vous ne le partagez pas …
En ANNEXE
La présentation du "Couvent de la bête sacrée" sur Arte et la bande-annonce du film
Genre : bijou blasphématoire.
D'abord la mise en garde de rigueur : ce film japonais est un fleuron d'un sous-genre, le « nuns sexploitation movie », ou film érotique qui s'attache à faire subir le pire et le « meilleur » à des nonnes. Et, dans ce couvent très spécial, on ne recule devant aucun outrage : objets de culte détournés, viols de couventines, tortures en tout genre (avec un goût prononcé pour la flagellation) et saphisme, évidemment. Si la divine Hayumi prend le voile et débarque dans cet enfer, c'est pour dévoiler les causes du décès de sa mère, nonne au même endroit, dix-huit ans auparavant.
Cet objet de cinéma est fascinant, avec son scénario pas permis et ses plans à l'esthétique stupéfiante. Le réalisateur décadre les visages pervers ou suppliciés et joue des trois couleurs dominantes, blanc et noir de l'habit des soeurs, et rouge sang. La scène où l'héroïne est fouettée avec des bouquets de roses est d'une beauté renversante. Ultime surprise : dans ce Couvent sommeille une vraie réflexion sur l'existence de Dieu (où était-il durant Nagasaki ?). Un film troublant à bien des égards. — Guillemette Odicino
Présentation
Bande annonce
Le film
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