Avec humour pour Le Canard, avec plus de sérieux et une indignation implicite à Libé ou explicite dans Le Café pédagogique - et ça va jusqu’à la mise en cause nominale de la Principale dans un blog de Mediapart – tout le monde a pris fait et cause pour les héroïques profs d’un collège de Gaillac qui, « amoureux du tableau noir, s’étant rendus compte que l’année précédente les tableaux noirs «mourraient» (sic) dans la déchetterie de la ville », ont voulu en sauver de ce triste sort !
Rendez-vous compte, le département du Tarn, dans le cadre d’une rénovation – panneaux photovoltaïques et isolation entre autres – réalisée par tranches, avait décidé de remplacer les tableaux noirs par des tableaux blancs ! Quel scandâle ! Plus de poussière de craie ni de tableaux mal essuyés, aux charmes nostalgiques, mais de froids tableaux blancs facile à nettoyer.
Nos profs avaient donc écrits au conseil départemental, pour vanter les antiques tableaux si pratiques « que ce soit pour une démonstration mathématique ou une construction de frise chronologique » ! Devant une argumentation aussi puérile on reste pantois. Car, bien sûr, un tableau blanc de même dimension permet tout autant démonstrations, frises ou schémas. Et quant au tableau interactif, aucun tableau noir ne peut rivaliser avec lui.
Par un subtil possessif – « craignant que leurs tableaux noirs ne soient envoyés à la casse », nos six professeurs aidés de cinq parents d’élèves, des parents solidaires d’une action qu’ils considèrent légitime d’un point de vue pédagogique (sic), écologique et financier, le mercredi 28 juin, vont entrer dans l’établissement, croiser la Principale, démonter les tableaux, et donc se faire gauler par les gendarmes. Quoi ! la Principale, dont ils devaient savoir qu’elle n’approuvait pas leur démarche débile, n’a pas fait barrage de son corps pour leur signifier son refus de cette irruption !
Et en plus la vilaine, en tant que chef d’établissement, a osé porter plainte pour intrusion et vol. Elle se le voit vertement reproché par le Café Pédagogique !
Immédiatement, la solidarité s’est déclenchée : syndicale – FSU, SUD – et pétionnaire ! Sauf que « On ne peut pas dire que la solidarité du corps professoral joue à fond dans ce qu'on appelle l'affaire des tableaux noirs du collège Albert-Camus à Gaillac » écrit La Dépêche. Certains de leurs collègues ne veulent peut-être pas être associés à une action stupide menée par une minorité ni surtout à l’image de puérilité du corps professoral qu’elle a donnée !
Le Rectorat ayant renoncé à toute sanction, reste la plainte pour vol déposée par la principale, toujours en cours d'instruction. Ce que dénonce le Café pédagogique qui ose écrire que la Rectrice, elle, s’est aperçu du ridicule de cette affaire et le mal qu'elle fait à l'éducation nationale, comme si le ridicule n’était pas dans l’action même des six profs et le mal fait l’image que ces bornés donnent des enseignants.
Et au bout du compte, quelle que soit l’issue – plainte retirée sur pression hiérarchique, classement sans suite, rappel à la loi... – la seule victime de l’affaire sera la chef d’établissement face à ces personnages qui, après lui avoir pourri la vie de longue date, s’afficheront soit en triomphateurs, soit en martyrs.
18/10/2018 Toujours aussi sans vergogne le SNUIPP parisien remet encore ça contre la semaine de 4 jours et demi et contre la Mairie de Paris !
15/06/2017 Sans vergogne, profitant des dispositions au détricotage du nouveau ministre, le SNUIPP 75 remet ça contre la semaine de 4 jours et demi et contre la Mairie de Paris !
Les enseignants du 1er degré sans doute les plus favorisés de France, ceux de Paris, se lancent dans une grève anti… anti quoi et anti qui d’ailleurs ? Anti la fin d’une décision arbitraire de Xavier Darcos ? Donc anti-Peillon qui veut revenir à une semaine de quatre jours et demi ? Anti Mairie de Paris qui veut mettre en œuvre cette mesure dès la prochaine rentrée ? Peut-on rappeler à ces enseignants qu’ils sont sans doute les plus privilégiés de France, puisque cette Mairie qu’ils attaquent leur offre ses intervenants en EPS et dans les activités artistiques.
Dès qu’il est question d’enseignement, toutes les âneries sont autorisées. Ainsi a-t-on pu entendre, le procureur de service* (Bruno Denez ?) asséner au Ministre Peillon, invité du Grand journal (21/01/13), quelques stupidités. Il faudra ajouter un car pour la 9e demi-journée, ignorant que, sauf rares exceptions, les enfants du primaire ne sont pas astreints aux transports scolaires ; et d’ajouter que cette réforme allait accroître les inégalités car, alors que les élèves des villes les plus riches pourront bénéficier de gymnases, théâtres, bibliothèques et piscine, à la campagne ils se contenteront du « Ballon prisonnier » ! En quoi, le passage de 4 jours à 4 jours et demi joue sur cette situation, lui seul le sait… peut-être.
La ville de Paris, déjà très impliquée dans les écoles avec ses intervenants spécialisés en EPS et activités artistiques, qui allègent significativement (3h hebdo) la charge de travail des enseignants parisiens, ville qui soutient à fond cette réforme ne pouvait pas faire autrement que de la mettre en œuvre dès la rentrée. D’autant que, dans le réseau des villes éducatrices, elle a participé à l’appel de Bobigny.
Bref rappel, de 1992 à 2008, la semaine de travail sur 4 jours et demi des élèves de primaire était de 26 h. C’est Xavier Darcos qui arbitrairement a décrété que le semaine ne serait plus que de 4 jours avec 24 h de classe à la rentrée 2008, mais, en principe, les heures libérées** pour les enseignants devaient servir à des actions vers les élèves en difficultés. Luc Chatel, pas convaincu par cette contre-réforme qui fait de l’écolier français celui qui a la journée la plus chargée, mais l’année la plus courte, avait provoqué une conférence sur les rythmes scolaires, présidée par Christian Forestier.
Un procès d’intention
Qu’il y ait des difficultés dans la mise en œuvre du décret est indéniable. Mais pour les communes : elles devront faire face à un temps de pause méridienne accrue (90 mn, minimum), une 5e journée de cantine, et surtout la prise en charge d’activités périscolaires en fin de journée. S’y ajoute, dans les zones de désertification démographique où, faute d’élèves en nombre suffisant pour maintenir une école communale, on est obligé de les regrouper dans un bourg-centre, la question du transport.
Les syndicats estiment que la ville de Paris ne sera pas prête à mettre en œuvre un service périscolaire de qualité. Procès d’intention évident, car à Paris, comme dans la plupart des communes décidées à appuyer cette réforme, tout n’est évidemment pas réglé au 22 janvier.
Pour les enseignants, ce serait un retour au statu quo ante Darcos. Un point peut poser problème, la 9e demi-journée aura lieu le plus souvent les mercredi matin et non le samedi.(En collège, par deux fois j'ai dû affronter des oppositions féroces pour avoir voulu - et finalement réussi - faire passer les cours du samedi au mercredi matin ; une fois adoptée, la mesure n'a provoqué aucun bilan négatif de la part des ex-opposants farouches).
Dans les grandes déclarations qui justifient cette grève, aucun syndicat n’ose dire qu’il défend les 4 jours Darcos. Si l’on en croit Le Café Pédagogique " On ne veut pas passer à côté d'une réelle transformation de l'école", affirmait Jérôme Lambert, secrétaire général du Snuipp parisien. "La vraie priorité ce sont les méthodes pédagogiques, les contenus d'enseignement". Le Snuipp estime que le projet ministériel "dégrade les conditions d'apprentissage des élèves et les conditions de travail des enseignants" et qu'il "porte en germe la territorialisation du service public d'éducation". "Ce projet est une attaque frontale contre leurs statuts", estime Sud.
Le jeu qui consiste à dire que les questions de fond ne sont pas celle-là est classique. Qu’il faille aborder méthodes et contenus ne dispense pas de mettre fin à une semaine scolaire aberrante. Affirmer que cela dégrade les conditions d’apprentissage veut dire que la semaine de 4 jours est plus propice aux élèves que celle de 4 jours et demi avec journée allégée. Quant à la territorialisation, le SNUIPP parisien s’en accommode bien et SUD Paris ne juge pas les statuts mis en cause par l’apport des enseignants de la ville de Paris. Il se peut même que ce soit le fond de l’affaire : la crainte que la municipalité redéploie ses moyens et utilise ses enseignants pour le périscolaire obligeant les profs des écoles de Paris à prendre directement en charge EPS et activités artistiques, ce que font tous leurs collègues sur le reste du… territoire !
SUD et SNUIIPP ont-ils le courage de dire clairement qu’ils considèrent le décret Darcos comme un droit acquis ? C’est leur droit. Mais qu’ils ne fassent pas de procès d’intention à la ville de Paris et qu’ils ne mettent pas en avant l’intérêt des élèves pour masquer une grève corporatiste.
* Dans une savante leçon de calcul, il a affirmé que les 4 j ½ allait coûter 150 € par élève et qu’il y a 6 500 000 élèves, donc un coût total de 600 millions d’€ soit une légère erreur de 375 millions d’euros !
**Le service des personnels enseignants du premier degré s'organise en vingt-quatre heures hebdomadaires d'enseignement à tous les élèves et trois heures hebdomadaires en moyenne annuelle, soit cent-huit heures annuelles pour l'aide personnalisée individuelle et/ou en petits groupes, plus des tâches diverses.
Le Nouvel Obs découvre "Les coûteux privilèges des profs parisiens" : 765 professeurs de la Ville de Paris (PVP), un corps d'agents municipaux unique en France, interviennent dans les écoles élémentaires pour enseigner le sport, les arts plastiques et la musique aux enfants, à raison de 3h30 de cours par semaine. Le coût : 39 millions d'euros en 2011
Les directeurs d'écoles élémentaires parisiennes sont "déchargés" d'officier devant les élèves dès lors que leur établissement compte au moins 5 classes contre 15 ailleurs.
L'expresso du 1er novembre épinglant un avis parlementaire qui porte essentiellement sur les personnels de direction a incité l'ex-PdD que je fus à lire ce texte.
L'avis de Frédéric Reiss[1] sur l'enseignement scolaire, dans le cadre du projet de loi de finances, est un document apparemment solide. La commission dont il est issu a multiplié les auditions (syndicats y compris lycéens, parents d'élèves, un IGEN, un directeur de l'administration centrale, plus deux déplacements à Lille et Rennes). Les références documentaires sont peu nombreuses, mais de qualité. Cependant l'effet chef d'établissement sur la réussite des élèves repose sur la conviction du rapporteur et non sur des travaux scientifiques précis[2]. Rapporteur qui mettra sur le même plan des propos qu'il a pu échanger avec un directeur d'école et l'audition en commission d'un IGEN. Surtout, il tombe dans un défaut qu'il pointe pourtant, à propos de l'évaluations des personnels de direction du secondaire, celui de ne prendre le pilotage des établissements que sous l'angle individuel du seul chef d'établissement.
Le charisme prêté, à juste titre, à certains chefs d'établissement est une curieuse alchimie. Il y faut une personnalité empathique (sens de l'écoute, du dialogue ...), mais si on en reste là, au mieux, ce chef fera régner, comme on dit, une bonne ambiance. Il faut y ajouter des convictions, une ligne directrice, qui feront que les inévitables compromis ne compromettront pas l'atteinte des objectifs fixés. Et, pour avoir eu la chance de travailler, comme adjoint, avec deux personnalités charismatiques, je peux témoigner que le contexte joue un rôle non négligeable. L'une s'est retrouvée à la tête d'un collège où le PC-SNES dominait chez les enseignants (et où il avait maintenu à flot cet établissement d'une banlieue ouvrière avec le chef d'établissement précédent qui s'était bunkérisé dans son bureau), l'autre dans un nouveau collège avec des enseignants jeunes et/ou volontaires. L'impulsion qu'a pu donner d'entrée le second contrastait avec la lente reconquête du pilotage qu'a dû mener avec intelligence et ténacité la première. Mais, ce charisme finit par s'user. Si l'une a su changer d'horizon, l'autre s'est sans doute essoufflé en restant à la tête du même établissement.
Et plutôt que de charisme, on est en droit de demander aux personnels de direction du professionnalisme.
Qui dira qu'un emploi du temps peut handicaper ou favoriser la réussite des élèves ? La tentation est grande, pour acheter la paix interne, de favoriser les vœux des enseignants, selon le principe cynique que les élèves passent et les profs restent. Et c'est tout un art, qui repose certes sur des acquits techniques mais aussi sur une vision pédagogique, que de mettre en place des emplois du temps équilibrés pour les élèves, tout en prenant en compte, au mieux, les demandes des enseignants qui, comme tout salarié, sont en droit d'espérer des conditions de travail optimales.
Ne parlons pas d'actes tout autant, sinon plus, pédagogiques comme la répartition de services, préalable à la fabrication de l'emploi du temps, ou la constitution des divisions. Classes « Camif » ou classes également hétérogènes : choix capital, avec, en parallèle celui de la constitution des équipes d'enseignants. Et ne croyons pas que ces choix obéissent à une logique manichéenne. La création de classes de 6e avec deux langues vivantes peut viser à sauver l'Allemand LV1 (mais son effet pervers peut être de faire une « classe de niveau »). Faut-il tendre à regrouper les enseignants les plus dynamiques pour favoriser le travail d'équipe quitte à confier les autres classes à des enseignants plus routiniers ?
Surtout, « l'établissement scolaire est un jeu collectif »[3]. Cet avis souligne l'importance et la montée en puissance du conseil pédagogique. Il peut en effet permettre un véritable « maillage de l'établissement » avec des « missions négociées »[4].
Autrement dit le mythe du chef d'établissement omnipotent (ou déficient) a vécu. Diriger un établissement scolaire n'est plus (s'il l'a jamais été) un exercice solitaire. L'équipe de direction restreinte (chef, adjoint, gestionnaire, CPE, chef de travaux) ou élargie (responsables de niveaux ou de projets, par exemple, avec parfois les professeurs principaux et coordinateurs de disciplines) forment l'exécutif d'une EPLE où le mille feuilles des diverses instances devrait ne laisser place, outre bien sûr le conseil pédagogique, qu'au Conseil d'administration avec des commissions qui en émaneraient (un peu sur le modèle des conseils municipaux) mais non réservées aux seuls élus du C.A. : une commission budget animée par le gestionnaire pourrait impliquer des parents d'élèves, hygiène et sécurité ne serait plus comme trop souvent l'objet d'une commission purement formelle, la dotation globale ne serait plus que le casse-tête du chef et de son adjoint, etc. Autrement dit, on passerait de structures formelles à des structures fonctionnelles qui contribueraient à donner à l'autonomie de l'EPLE une substance. A qui peut-on faire croire qu'un micro-collège de 200 élèves ou moins doit compter (au CVL près qui mérite un sort à part) le même nombre d'instances qu'une cité scolaire de 2000 élèves ou plus ?
Grand sujet qui fâche, le pilotage par les objectifs ! Le raisonnement de la commission n'est pas faux : la rançon d'une véritable autonomie des EPLE est bien une évaluation sur les performances. Que cette évaluation ne porte que sur les acquis des élèves peut être contesté, mais l'évaluation même reste incontournable. Et l'exigence que les indicateurs ne soient pas que quantitatifs est irréfutable, même si il est surprenant de lire que seule l'académie de Toulouse s'intéresserait à la différence entre les taux attendus et observés de réussite scolaire (notions introduites dans les IPES[5]). Mais l'exemple pris des contrats d'objectifs est celui même d'une excellente idée... sur le papier.
En effet, le chef d'établissement reçoit une lettre de mission sur trois ans, ce contrat est sur cinq ans. Ledit chef peut changer d'adjoint dans les trois ans et quitter l'EPLE avant cinq ans. L'optique très individualiste de l'avis devient un peu surréaliste : comment ajuster lettre de mission et contrat d'objectifs ? comment imputer à un chef d'établissement arrivant en cours de route des objectifs non atteints ? Poser ces questions (et sans doute beaucoup d'autres) ne permet pas, pour autant, d'évacuer la question de l'évaluation des performances.
Le directeur d'école, pour le moment, ne ressort pas des personnels de direction. Il est le « Primus inter pares ». Dans une comparaison sportive, il serait le capitaine de l'équipe qui mouille son maillot comme les autres sur le terrain. Sauf que, on l'accable en sus de tâches diverses qui relèvent plus d'un secrétariat que d'une « direction ». Sauf que, aussi, le « coach » comme disent les footeux, l'IEN, a X équipes à manager. Parler, en l'occurrence, de surencadrement est paradoxal (en moyenne, 1 IEN pour 230 professeur des écoles et pour une quarantaine d'écoles).
La création d'EPEP, que préconise le rapporteur, est excellente... sur le papier. Sur le modèle des EPLE, obligatoire dès quinze divisions, possible dès treize, elle s'inscrit dans une logique cartésienne classique. Mais postule, a priori, l'inefficacité des petites structures de 1 à 3 classes (20 000, maternelles comprises). Surtout, elle s'inscrit encore dans la logique individualiste d'un directeur thaumaturge. Reprenant un « constat » de la commission Pochard, l'avis déplore le manque d'esprit collectif dans le primaire, les démarches collectives y « restent... insuffisantes pour permettre la prise en charge différenciée des élèves ». Mais l'enseignement du primaire n'est pas balkanisé en disciplines (qui donnent naissance à des associations dites de spécialistes, au rôle souvent rétrograde), nécessitant des instances fédératives. Outre qu'il n'est pas si sûr que le conseil des maîtres fonctionne aussi mal que le dit le rapporteur, en s'appuyant sur un témoignage de directeur d'école, ne faudrait-il pas essayer d'inciter à un fonctionnement plus collectif. A quelque chose, malheur est bon : la baisse des horaires du primaire doit permettre un travail collectif réel. Plutôt que de plaquer une structure du secondaire sur le primaire, chercher des solutions plus souples, ne serait-ce que pour les adapter au contexte géographique et démographique (un réseau d'écoles rurales est plus facile à faire vivre dans des régions de plaines ou plateaux que dans des zones montagneuses, par exemple). Et, sans aller jusqu'à l'école du socle commun (du CP à la 3e), pourquoi ne pas encourager des convergences écoles-collèges ?
Un IGEN (cité d'ailleurs dans le rapport) racontait autrefois cette anecdote : visitant deux établissements lyonnais, il avait assisté à la récréation à peu près au même épisode, une bagarre violente entre deux élèves, dans un cas les enseignants faisaient semblant de ne rien voir et filaient vers la salle des profs, dans le second, ils intervenaient aussitôt ne pensant pas déroger ce faisant.
Suffirait-il d'un chef charismatique pour faire sortir les premiers de leur conception très étroite de leur métier (c'est pas mon boulot, mais celui des surveillants) ? Croire comme le fait le rapporteur que des « chefs », aussi bien sélectionnés et formés fussent-ils, peuvent seuls insuffler le sens du travail collectif semble un peu illusoire. Sans pouvoir le démontrer, je ne suis pas persuadé que dans le primaire l'instauration d'un directeur à temps plein soit vraiment bénéfique. Au contraire je suis tenté de penser qu'il serait même préférable, quand une possibilité de décharge complète existe, de la répartir sur deux têtes pour que le directeur garde l'autorité du praticien auprès de ces collègues. Mais j'avance sur un terrain que je connais mal, l'ex-instit que je fus n'ayant fait qu'un très court et lointain passage en primaire.
Pour autant, je ne pousse pas le masochisme jusqu'à nier qu'un chef d'établissement ou mieux qu'une équipe de direction[6] puisse jouer un rôle non négligeable dans « la qualité de la vie scolaire » de l'établissement et donc instaurer un climat propice à l'action pédagogique. Si ce chef ou cette équipe anime avec professionnalisme les conseils de classe, avec des outils permettant de sortir de « l'absolutisme » de moyennes en les relativisant, par exemple, il se peut que les diagnostics s'améliorent. Et il arrive même que le hasard des nominations forme un attelage chef-adjoint capable de transformer en profondeur un établissement en révélant les potentialités latentes et en déclenchant une dynamique. Mais cela ne peut se faire sur le seul plan émotionnel : il y faut une force de conviction, une stratégie et du temps.
Alors effet chef d'établissement ?
Comme dans chaque profession, il existe des personnels de direction extraordinaires (au sens propre), en 18 ans de carrière de PdD, j'en ai croisé quelques uns, mais ils ne sont pas légion. En revanche, par fonction, les membres de l'équipe de direction sont les seuls qui peuvent avoir une vision globale de l'établissement. S'ils n'ont pas à partager ce qui ressort de leur responsabilité tout aussi globale et en même temps si parcellisée (et c'est en cela qu'ils sont hommes orchestres faisant face avec le gestionnaire, le CPE, l'AS, etc. - seuls parfois aussi, souvent - aux multiples aléas de la vie de l'EPLE), ils doivent s'efforcerde faire sortir la tête du guidon à chacun et à tous : le prof de sa discipline, le gestionnaire des problèmes d'intendance, etc.
Ce pourrait être cela "l'effet chef d'établissement".
[2] De manière empirique, on peut cependant le constater, au moins négativement : si le redressement d'une situation dégradée dans un collège, demandant du temps et de la persévérance, sera difficilement crédité au chef d'établissement, dans le cas inverse la paternité lui en sera facilement attribuée.
[3]« L'établissement scolaire : un jeu collectif » J-Y Langanay et C. Rebaud Hachette éducation
[4]« Diriger un établissement scolaire L'exigence du possible » J. Fouque Hachette éducation
[6] Charisme ou pas, on n'est pas loin de l'héroïsme dans certains collèges (derniers bastions du service public dans le secteur) où personnels de direction et gestionnaire sont les seuls à habiter le quartier dans leurs logements de fonction ! Collèges qui, vaille que vaille, poursuivent leur mission grâce notamment à ces chefs et adjoints capables de cristalliser la solidarité de tous.
Le 2 février je reçois un courriel, transférant une lettre d’un Principal d’un collège ZEP « Ambition réussite » dont voici des extraits.
Vous vous souvenez tous de la promesse de notre président de la République pour ne pas laisser les "orphelins de 16 heures" à la rue ?
Vous vous souvenez des annonces de M. Darcos, Ministre de l'Education nationale, à propos de la mise en place de l'accompagnement éducatif, ce dispositif devant accueillir tous les collègiens de 16 heures à 18 heures ?
La circulaire a paru au journal officiel le 13 juillet 2007. Je l'ai découverte en détails au moment même où je prenais mes fonctions au Collège X fin août, comme tous mes autres collègues Principaux de Collèges en Education prioritaire (près de 1500 Collèges dans toute la France).
Je me suis mis en quatre pour mettre en place ce dispositif, car je suis un fonctionnaire responsable. J'ai mis mes opinions de citoyen dans ma poche, et j'ai tout fait pour que ce dispositif soit un succès.
Je rappelle à tous que cet accompagnement éducatif devait concerner les élèves volontaires, encadrés par des enseignants volontaires.
Sur 365 élèves, j'ai réussi à en convaincre 225: 61,5 % de l'effectif total. La moyenne dans le Rhône tourne autour de 28 %.
Sur 47 enseignants, j'en ai convaincu 29. Je suis allé solliciter la MJC du quartier pour mettre en place un atelier de danse urbaine. J'ai sollicité le Centre social pour mettre conjointement en place l'aide aux devoirs, 3 fois par semaine. 100 % des élèves de 6ème étaient inscrits à cette dernière action. J'ai sollicité une compagnie artistique pour mettre en place un atelier d'écriture. Les professeurs ont ensuite proposé un atelier de sciences physiques, un club journal des collégiens, une activité escalade, trois groupes de soutien en mathématiques, deux groupes de soutien en français. J'étais en pourparlers avec un club d'échecs et un autre de rugby pour enrichir l'offre.
L'Inspection académique et le Rectorat nous ont transmis courant octobre 2007 une enveloppe d'heures pour les professeurs et les intervenants extérieurs (pour ces derniers, ces heures devaient être transformées en vacations, payées 15 € de l'heure).
Je disposais de 1476 heures. C'est à partir de cette enveloppe que je n'avais pas demandé que j'ai construit mon offre. J'ai informé les parents d'élèves, et le 12 novembre, les actions se sont mises en place. L'aide aux devoirs avait commencé dès le 20 septembre. Les élèves étaient pour la plupart d'entre eux très heureux.
Début décembre, j'ai mis en paiement auprès du Rectorat les heures effectuées en septembre, octobre et novembre: 398 heures.
Cet après-midi, mardi 29 janvier 2008, réunion officielle à l'Inspection académique. L'inspecteur d'Académie préside la réunion, flanqué de ses deux adjoints et de deux chefs de service. Configuration inhabituelle. Curiosité puis inquiétude.
L'Inspecteur d'Académie ne le dit pas explicitement, car nous sommes tous soumis au même devoir de réserve. "Le dispositif n'est pas supprimé, mais on a réduit la voilure". On a seulement supprimé les heures pour le faire fonctionner. Au lieu des 1476 heures, je n'en ai plus que 397 pour terminer l'année scolaire. Cela vient directement du Ministère. C'est identique dans toutes les Académies, l'Inspecteur d'Académie nous l'a confirmé, comme s'il voulait nous consoler. Tous mes collègues sont dans la même stupeur (40 Principaux de Collège abasourdis).
J'ai dépensé 1 heure de plus que ce à quoi j'ai droit. Et les heures effectuées en décembre et en janvier ne sont pour l'instant pas honorées (j'ai compté 221 heures pour ces 2 mois). Je n'en ai plus les moyens. C'est noble le bénévolat, mais, là, on atteint des limites...
Concrètement, dès lundi prochain, 4 février 2008, toutes les actions décrites ci-dessus s'arrêteront, faute de moyens. Je ne vous fais pas de dessin.
L’Expresso du Café pédagogique du 12/02/08 titreCrédits d'accompagnement éducatif : à qui profite le hoax ? et poursuit :
« Si vous êtes abonné à une liste de discussion d'enseignants vous l'avez sans doute croisé. Il s'agit d'un message censé venir d'un principal d'un collège du Rhône expliquant qu'il n'avait plus de quoi payer les heures d'accompagnement éducatif. Au Café nous avons refusé de le publier : l'origine du message était pour le moins incertaine puisque dans aucune version l'expéditeur était l'auteur.
Le Monde a enquêté. Selon Luc Cédelle, à l'origine il y a bien une lettre authentique d'un chef d'établissement, remaniée et publiée sans l'accord de l'intéressé victime d'un cafouillage administratif réparé depuis. Le ministre confirme : il a bien les crédits pour payer les heures d'accompagnement éducatif de cette année.
Or la lecture dudit article qui commence par « L’information est fausse » montre que cette affirmation première est à nuancer fortement.
Le courriel de départ est AUTHENTIQUE.
La situation qu'il décrivait, à l'époque, était réelle.
Et - ô miracle - il a permis de s'apercevoir que l'IA - quel étourdi quand même - avait oublié de se renseigner auprès du rectorat pour savoir exactement quelle était l'enveloppe.
Mais tout est bien qui finit bien : le rectorat a confirmé que tout serait financé.
Parler de "hoax" (canular) pour ce courriel est un peu exagéré.
Décortiquons un peu plus : au départ (29/01/08), il s’agit bien d’un courriel authentique : "il a bien été écrit par un collègue chef d'établissement, mais dans un contexte purement privé et il circule sans son accord", confirme la représentante locale du SNPDEN. Passons sur la circulation (sans son accord, mais avec son désaccord ?).
Les faits qu’il dénonce, au moment où ce courriel est envoyé sont-ils faux ? Que nenni, si on lit bien : « Xavier Darcos, attribue l'incident à un cafouillage local, l'inspecteur d'académie ayant omis de "faire le point avec son recteur sur les enveloppes budgétaires" disponibles. » Donc, cet IA-DSDEN a bien annoncé ce qui était indiqué dans le courriel originel. Or cet IA-DSDEN, à la tête d’un très gros département depuis plus de sept ans n’est pas du genre à sortir sans parapluie quand le temps est couvert. Et ce courriel primitif qui a circulé à l’insu du plein gré de son auteur a eu un effet quasi immédiat : « Le recteur, alerté par les réactions, a adressé le 1er février une note aux chefs d'établissement concernés ».
Evolution, il y a eu (il fallait bizarrement « faire le point » sur des enveloppes en principe annuelles). Avant le 29/01, ou après vu les réactions ? mais l’IA n’a jamais pu dire ce qu’il a dit si des restrictions n’avaient pas été annoncées.
L’information était vraie quand elle a été émise. Elle a eu du succès !
Ce que confirme l’Expresso du café pédagogique de ce jour (15/02/08) sous le titreAccompagnement éducatif : Darcos s'engage.
Le ministre s'est-il avancé en affirmant au Monde qu'il s'agissait d'un "cafouillage local" ? Des témoignages venant d'autres établissements sont arrivés au Café évoquant des faits similaires (arrêt des heures d'accompagnement éducatif faute de crédits). Interrogé lors de la conférence de presse sur le plan banlieue, Xavier Darcos a promis qu'il réglerait tous les problèmes. "Si les principaux sont en difficultés qu'ils m'appellent directement. Je ferai le nécessaire" a promis le ministre.
Donc, Darcos confirme que son ministère en disant que « L’information est fausse » a quelque peu tordu la vérité, que l’on a fait porté le chapeau d’un prétendu cafouillage à un IA-DSDEN expérimenté et extrêmement méticuleux (l’ayant eu comme IA en Vendée, et bien que nos rapports professionnels n’aient pas été toujours franchement cordiaux, je peux témoigner que ce bourreau de travail n’était pas du genre à inventer une restriction de crédits).
L’explication la plus vraisemblable est que les services financiers ministériels (sans l’aval du cabinet ?) en mal d’économies, ont dû prévoir ici ou là ce que du temps de Balladur on appelait une régulation budgétaire, en fait un gel des crédits prévus sur telle ou telle ligne. Mais, patatras, on s’est rendu compte, grâce notamment à ce courriel qui courrait partout, que ça allait avoir un effet désastreux, surtout juste au moment où on allait annoncer des mesures du plan banlieues.
Le plus drôle reste quand même cette invite très sarkozyenne du sieur Darcos aux principaux en difficultés de l’appeler directement !
Allo Xavier bobo, on me sucre mes heures !
Démagogie et jésuitisme vont de pair dans notre adocratie.
PS Qui n’a rien à voir : le moteur à émotions est relancé à plein régime avec cette annonce de parrainagepar les CM2d’un enfant juif déporté ! L’ado attardé qui nous sert de président jette cela, comme il balance la fin de la pub dans les télés publiques, sans aucune réflexion (le mot doit lui être inconnu, il semble n’obéir qu’à des impulsions) et encore moins concertation.
Le deblog-notes, même si les articles "politiques" dominent, essaie de ne pas
s'y limiter, avec aussi le reflet de lectures (rubrique MLF tenue le plus
souvent par MFL), des découvertes d'artistes ou dessinateurs le plus souvent
érotiques, des contributions aux tonalités diverses,etc. Pour les articles que je
rédige, ils donnent un point de vue : les commentaires sont les
bienvenus, mais je me donne bien sûr le droit d'y répondre.
Overblog - hébergeur du deblog-notes - a réussi l'exploit de lancer une
nouvelle formule qui fait perdre des fonctions essentielles de la version
précédente. Ainsi des liens vers des sites extérieurs disparaissent (désolé
pour Koppera,
cabinet de curiosités, ..). Les
albums se sont transformés en diaporamas, avec des cadrages coupeurs de têtes.
La gestion des abonnés et des commentaires est aussi transparente que le
patrimoine de Copé. Et toutes les fonctions de suivi du deblog-notes -
statistiques notamment - sont appauvries.