Quand on lit ça – « Vous êtes haï, monsieur Macron » - on hésite sur le qualificatif entre grotesque et ignoble. Ruffin n’est plus. Il hait !* Macron n’est même pas élu qu’il vomit cette haine délirante. Mais il n’est que la caricature extrême d’un discours de ninistes qui expliquent que la politique ultralibérale que mènera Macron ne peut qu’aboutir dans cinq ans à la victoire du FHaine.
“Monsieur Ruffin, je lis dans Le Monde votre « Lettre ouverte à un futur président » (édition du 5 mai), et, à mesure que j’avance dans sa lecture, la haine qui en transpire, rythmée par un refrain on ne peut plus explicite (« Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï »), antienne que, pour ne pas vous-même l’incarner, vous prêtez à ce « peuple » qui parlerait à travers vous, oui, à mesure que j’en mesure la noirceur, cette haine qui vous habite me donne la nausée.
Serait-ce qu’entre vous, monsieur Ruffin, et Marine Le Pen, la différence morale serait infime ? Que vous seriez, comme elle, un vecteur de vulgarité, de haine et de violence ? "
A lire ces délires, on se prendrait à croire que nous sortons de cinq années de plomb, comme on disait au Maroc, du temps d’Hassan II.
Le pauvre Valls est devenu l’objet d’abjection. Le 49.3 est la marque d’un régime dictatorial. La loi dite El Khomri nous ramène au XIXe siècle pour le droit du travail.
Inutile d’arguer que le 49/3 n’est pas cette arme diabolique qu’on prétend qu’elle est, ni que, dans la loi Travail, il y a des avancées notables. Et que la seule organisation syndicale qui ne l’a pas vouée aux gémonies ne s’en tire pas si mal au point de vue représentativité. Nos BOGÔs, détenteurs autoproclamés de la vraie gôche, savent mieux que ces salariés aliénés qui ont amenés la CFDT à la 1ère place du privé, quel est leur bien !
Et si le FN monte, c’est de la faute à qui et à quoi ? à Valls et Hollande et à leur politique ultralibérale bien sûr qui jette les classes populaires dans les bras de Marine. Outre qu’on se demande pourquoi ça ne les jette pas plus vers les insoumis de Mélenchon et leur dégagisme poujadiste, on notera que cette mécanique fatale – libéralisme donne extrème-droite xénophobe – joue beaucoup moins dans des pays à la politique libérale plus affichée.
Certes l’UKIP a fait une percée, mais timide et fragile, au Royaume-Uni, et sur une base anti-européenne ; certes Pegida et l’AfD en Allemagne ont un peu prospéré mais sur une base xénophobe et surtout musulmanophobe ; l’Espagne à l’austérité économique bien plus marquée a vu naître un mouvement d’extrême-gauche puissant, Podemos, mais pas d’extrême-droite… Et ni l’UKIP, ni l’AfD, ni aucun de leurs cousins européens ne remettent en cause une économie libérale bien plus ancrée que chez nous. Le moteur de leur croissance relative est l’anti-Europe et la xénophobie. Et, pour le FN aussi, l’attraction qu’il exerce repose d’abord et avant tout sur ce prurit nationaliste et sur la haine de l’autre, de l’étranger (voire du gauchiasse, des merdiacrates, etc.).
Le lien de causalité mécaniste avec une prétendue politique hyper libérale relève du fantasme idéologique.
Anne-Sophie Jacques - chroniqueuse d'Arrêt sur images - semble ici atteinte d'une variante du syndrome de La Tourette. Il est vrai qu'elle ne fait que reprendre servilement le propos de Ruffin !
Et quant à prétendre que Macron va se lancer dans cette politique hyper libérale, c’est un mensonge.
Certes, sous prétexte de déverrouiller une économie bloquée, il propose un catalogue de mesures touchant au code du travail, à la défiscalisation des heures sup, etc. ; il semble vouloir réduire le rôle des syndicats ; au pire, une politique à la Schröder. Mais on est loin du libéralisme débridé et agressif des années Thatcher et Reagan.
C’est aussi faire comme si le possible futur président n’aurait pas à composer avec un parlement pas obligatoirement tout-à-fait acquis à sa cause et un mouvement syndical qui ne va pas se laisser dépouiller d’un rôle de partenaire social au niveau national.
Autrement dit, les péremptoires prophètes à cinq ans, qui préfèreraient le FHaine aujourd’hui, fabriquent une fausse causalité – quand ce n’est pas, comme les imposteurs Todd et Onfray notamment, une équivalence extrême-droite=centrisme libéral – feignent d’oublier que les motivations des citoyens ne sont pas déclenchées mécaniquement, qu’on ne peut faire de prophéties alors que personne, pour le moment, ne peut prévoir à un peu plus d’un mois le résultat de législatives et que ce qui peut se passer dans un quinquennat est très largement aléatoire.
* Formule empruntée à Nicolas Domenach (qui, lui, visait Onfray).
PS1 Nos ninistes ‘insoumis’ – qui feraient quand même bien de se méfier pour les législatives car, à piétiner la discipline républicaine, ils risquent d’être aussi victimes du ninisme – ne maudissent guère les idées mortifères de la dame Le Pen ! Non ils se disent harcelés par les donneurs de leçons qui jouent les directeurs de conscience. C’est-à-dire ceux qui osent essayer de convaincre les électeurs – eux comme les autres - que Le Pen et Macron, ce n’est pas vraiment la même chose. Essayer, comme Ruffin (suivi d’ailleurs par un Eric Brunet, journaliste de droite extrême) de nous faire croire que Macron, ce Bayrou rajeuni, ce centriste, est une menace quasi totalitaire qui ne mérite que haine est une infamie qui, en revanche, ne les fait pas frémir, les gazelles effarouchées par notre harcèlement.
PS2 "Un président de la République qui a démontré, lorsqu'il participait au gouvernement « socialiste », sa capacité à s'attaquer à tous les conquis sociaux pour lesquels nos parents et grand-parents s'étaient battus" : à peine élu, le nouveau président est voué aux gémonies par un blogueur insoumis ! Eh oui ! rendez-vous compte, les 'conquis' sociaux de nos parents et grands parents ont été attaqués par l'ex-ministre de l'économie. Autrement dit et en résumant : les conquêtes de 36, celles de la Libération, puis de 1981 enfin de 2000 ont été attaquées ! Exemple caricatural mais qui illustre bien la spirale délirante et haineuse à la Ruffin qui aspirent nos BOGÔs dans leur constante surenchère verbale.
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