Par la plume de ses saints éditorialistes de la famille Hutin – ô ces prêches dominicaux de sœur Jeanne-Emmanuelle, les lire devrait valoir indulgence plénière – Ouest-France supplante La Croix et par l’audience et par l’absence totale de recul.
Or donc, le dernier édito du papa (07/09/13) se faisait l’écho de l’appel du pape, des prélats états-uniens et moyen-orientaux, de Pax Christi ou Sant Egidio, à abandonner, dans l’affaire syrienne la vaine solution militaire. Il cite néanmoins, Ban ki-Moon qui proclame : « Il est impératif de mettre fin à cette guerre ». Ah bien, Monsieur le Secrétaire Général de l’ONU, mais comment ? serait-on tenté de demander. Et M. Hutin, de clamer lui qu’il faut « obtenir que le gouvernement syrien comme l’armée de libération cessent le feu, fassent une trêve qui permette d’organiser les secours humanitaires ».
Vœux pieux, dans tous les sens de l’expression !
Ni les insurgés ni les forces d’Assad ne sont décidés à quelque trêve que ce soit. Et, même si le régime syrien l’acceptait, mettre en place des « couloirs humanitaires », comme le préconisait François-Régis Hutin dans un édito précédent ne ferait qu’accroître un exode qui déstabilise de plus en plus les états voisins et particulièrement la Jordanie et le Liban.
On peut comprendre l’attitude de l’église catholique et des églises chrétiennes en général. Les chrétiens d’Irak étaient plus en sûreté du temps de Saddam Hussein – Tarek Aziz, longtemps ministre des affaires étrangères était chrétien – qu’après sa chute. Pour ce qui est des coptes en Egypte Moubarak, sur la fin, était moins protecteur, mais sa chute s’est accompagnée d’une persécution accrue. Et les chrétiens de Syrie craignent visiblement la chute d’Assad.
Notons, au passage, qu’après plus d’un millénaire de domination musulmane, le Moyen Orient reste une sorte de conservatoire des églises nées de schisme divers et/ou avec des rites particuliers. Aziz était un catholique chaldéen. On trouve les églises nestorienne, syriaque orthodoxe, maronite, melkite, copte… Allez donc trouver trace de communautés musulmanes (ou juives) dans l’Espagne d’après la Reconquista ! Et les soi-disant djihadistes ou frères musulmans qui mettent le feu aux églises coptes, voire massacrent les chrétiens au Nigeria, trahissent des siècles de tradition musulmane de respect des « gens du livre ».
Mais ces chrétiens d’Orient, quand ils ne se déchirent pas comme au Liban, ont parfois fait preuve de plus que de la complaisance envers des dictateurs sanguinaires. Et les prières dans les églises qui, apparemment, réunissaient moins de monde que les manifs anti mariage homo, ne risquent guère de dissuader Assad de continuer à massacrer.
Tigres de papier ?
Frapper ou ne pas frapper ? Admirons ceux qui tranchent avec autorité. Ainsi d’opposants absolus qui ressortent leur vieux prêt à penser sur l’affreux impérialisme américain et son valet français. J’ai même lu, dans un commentaire, qu’Obama voulait mettre la main sur le pétrole syrien qui doit représenter 0,5% de la production mondiale ; les Etats-unis, grâce au gaz et huiles de schistes, vont d’ailleurs bientôt recouvrer leur indépendance énergétique. De l’autre il y a eu les va-t-en-guerre : souvenons-nous que Sarkozy blâmait son successeur de rester l’arme au pied devant les massacres du boucher de Damas. Il y a aussi les partisans de la realpolitik qui constatent qu’aucune solution, victoire d’un camp ou de l’autre, n’est favorable aux intérêts géo-politiques de l’occident et préconisent cyniquement d’aider les rebelles s’ils sont sur le point d’être vaincus mais de cesser cette aide s’ils prenaient le dessus.
Pas de preuves, disent d’autres. Des journalistes du Monde déjà avaient rapporté ces preuves d’utilisation d’armes chimiques. Une polémique s’en était suivi : est-ce aux journalistes de jouer ce rôle-là ? Obama en août 2012, avait dit que le recours à de telles armes par Assad constituerait le franchissement d'une "ligne rouge" ! Ces preuves avaient été poussées sous le tapis. Le dernier méfait semble trop massif pour être rangé sur l’étagère petit franchissement de ligne rouge. Mais que doivent faire les gendarmes (sachant que les gendarmes, en toute logique, devraient être tous les pays signataires de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques de 1993 - que la Syrie n’a pas signée).
Un sac de noeuds
Si les menaces ne sont que paroles verbales, comme le préconise le RP Hutin, Assad sera du coup assuré d’une totale impunité. Mais des frappes autres que symboliques ne sont pas sans danger. La capacité de nuisances du régime syrien sur notre territoire est sans doute très limitée. En revanche, il peut mettre le Liban à feu et à sang via le Hezbollah. La Jordanie peut être déstabilisée. Pour l’Irak, pire est-il possible ?
En même temps, le syndrome libyen est là pour nous rappeler qu’il ne suffit pas d’aider à abattre – c’est le cas de le dire – un dictateur, pour instaurer un régime plus proche de la démocratie. Un ambassadeur états-unien assassiné, un consul français visé, le moins qu’on puisse dire est qu’en Libye la reconnaissance envers ceux qui ont plus qu’aidé à renverser Khadafi n’étouffe pas certains ex-rebelles. Et les grandes promesses de contrats en tout genre que faisaient miroiter Sarkozy ne sont plus que mirages dans le Fezzan ! La Libye exporte plus de terroristes islamistes que de pétrole, dans une anarchie intérieure totale.
Aucune solution n’est bonne. Mais, celle que préconise Hollande est peut-être la moins mauvaise : des frappes significatives pour notamment priver Assad de la plus grande partie possible de son potentiel aérien. Mais ne pas tenter de faire chuter le régime à la place de ses adversaires.
Nota Bene (rappel) : comme tous les articles de ce genre, celui-ci exprime un point de vue (en essayant de l'étayer par des faits et/ou arguments). Je suis bien sûr prêt à le partager, Commentaires, voire contribution, peuvent le contester.
P.S. Mou Barack et habile Vladimir
Un carton rouge pour de rire, doit ricaner Assad.
Les grands pourfendeurs de l'impérialisme états-unien aurait pu déjà observer que l'Obama était un peu mou du genou ! Certes pour les martiales paroles pas de problème. Mais il était urgent d'attendre... l'avis du congrès. Et la ruse russe apparaît comme une planche de salut. Pour les discussions, les promesses, les atermoiements, les feintes reculades (et les vrais camouflets), on peut faire confiance au régime syrien et à son allié Poutine. Et quand tout cela aura tourné en eau de boudin, il sera difficile de balancer de beaux missiles pour sanctionner l'utilisation des armes chimiques.
D'autant que la libération de deux otages - le reporter italien Domenico Quirico et l'enseignant belge Pierre Piccinin Da Prata, - ne va pas redorer la cause déjà bien écornée des révoltés. Le belge sème en plus le doute sur l'origine de l'attaque aux gaz en assurant que Ce n’est pas le gouvernement de Bachar Al-Assad qui a utilisé le gaz sarin ou autre gaz de combat dans la banlieue de Damas. Le Journaliste italien aura beau fortement nuancer cette affirmation, le mal est fait, que les pro-Assad ne manqueront pas d'exploiter...
Tout cela pue la manip et il faudrait un John Le Carré pour décrypter les jeux souterrains d'un régime capable de fabriquer de faux rebelles avec de vrais bandits.
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