Et alors ? a réagi François Fillon quand fut révélé le cadeau de deux costards pour 13 000 € ! Cadeau fait pas un avocat qui n’a jamais plaidé mais beaucoup trafiqué dans ce qu’on appelle la Françafrique (et sans doute porté quelques valises de bels et bons biftons aux caisses du RPR). L’aveu implicite qu’il vit dans un monde à part.
Comprend-il même qu’on puisse lui faire quelque reproche que ce soit ?
Contrairement aux Balkany qui étalaient cyniquement leur cabanon aux Antilles - villa Pamplemousse, île de Saint-Martin – leur gourbi à Marrakech - «Dar Gyucy» - et leur masure normande - moulin de Cossy, quatre hectares avec piscine, hammam, court de tennis etc. – Fillon n’affichait qu’un modeste manoir paumé dans sa Sarthe natale. Et s’il se faisait offrir costards et montres, son côté pique-assiette, contrairement à Sarkozy, était des plus secrets.
Et comme le remarque ironiquement un journal suisse « On pourrait comprendre la rage de François Fillon de se voir reprocher moins de 1 million sur plus de vingt ans quand Nicolas Sarkozy et ses proches sont encore incapables de se souvenir de ce qu’ils ont fait des 22 millions dépensés par Bygmalion lors des quatre mois de la campagne présidentielle de 2012. »
Mais à cela s’ajoute la juteuse affaire de son cabinet de conseil, astucieusement ouvert juste avant de se faire réélire député, non plus en Sarthe mais à Paris, et dont on a appris qu’il lui avait permis d’empocher une somme rondelette pour avoir joué les entremetteurs entre un hommes d’affaires libanais et Poutine. Et alors ?* va-t-il rétorquer !
L’anecdote la plus cocasse reste le remboursement par sa fille des frais de son mariage, grâce à l’argent qu’il lui avait fait gagner en l’embauchant fictivement comme assistante parlementaire. Fille encore mise à contribution pour permettre à papa de payer ses impôts !
Il y a vraiment du Thénardier chez le cul-bénit de Solesmes.
Et sa réaction traduit bien ce que Die Welt décrit comme une perte chronique du sens des réalités. S’il reconnaît pour la forme des « erreurs », il envoie bouler les journalistes qui insistent dessus ! car pour lui ces petits arrangements avec la morale du commun se règlent, au pire, dans le secret du confessionnal.
Non, le scandale, c’est que ce soit mis au grand jour ! Il feint de croire à un cabinet noir élyséen. Mais le tartuffe sait bien que le coup initial est venu de son propre camp. Dati, furieuse d’être écartée au profit de NKM, avait déjà soulevé le lièvre de ses « frais », de ses « collaborateurs » (et celui de son micro-parti qui semble-t-il a empoché le pactole des primaires de droite). Et une fois sur la bonne piste, Le Canard n’a pas eu besoin d’une officine secrète hollandaise pour lancer le Penelope Gate !
Faute de mieux – mais surtout parce que Sarkozy a fait barrage à Juppé en plan B – son camp feint de le soutenir. Ses soutiens « disent rester loyaux non pas à l’homme, mais à son programme et à ses idées. La radicalité de ses solutions – la formule est de lui ! – serait plus importante que sa personnalité ambiguë, ses demi-vérités sur son train de vie faussement austère et ses parjures. » (Xavier Alonso). Mais, si, par malaventure, le parvenu sarthois accédait à la présidence, il n’aurait pas l’autorité nécessaire pour appliquer la purge qu’il veut infliger à la France !
* Ce "et alors ?" ne manque pas d'évoquer chez les vieux lecteurs du Canard Enchaîné, RORO de Bab-el-Oued, Le Petit Poête, grand espert en pataouète ! Et alors ? et oilà ! échange rituel où le ton de la réponse est au diapason de celui de la question (à noter donc qu'en pataouète, le V tombe) : un Et alors ? agressif appelle un et oilà viril, plus pacifique il reçoit un et oilà tranquille...
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